CA Paris, 5e ch. B, 15 mai 2003, n° 2001-11522
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Promodag (SA)
Défendeur :
Onof
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
MM. Faucher, Remenieras
Avoués :
SCP Varin-Petit, SCP Tazé-Bernard-Belfayol-Broquet
Avocats :
Mes Septier, Saulvoven Ammighe.
La Cour statue sur l'appel interjeté par la société Promodag contre le jugement contradictoire rendu le 5 avril 2001 par le Tribunal de commerce de Paris qui l'a condamnée à payer à Monsieur Frédéric Onof la somme de 150 000 F avec intérêts de droit à compter du 9 décembre 1999, a ordonné l'exécution provisoire, l'a également condamnée à lui verser une indemnité de 10 000 F en application de l'article 700 du NCPC et a mis les dépens à sa charge.
Constatant la rupture par la société Promodag d'un contrat d'agent commercial ayant pour objet la représentation et la vente de logiciels, Monsieur Frédéric Onof l'a fait assigner le 9 décembre 1999 afin d'obtenir le paiement d'une indemnité compensatrice, d'une indemnité de préavis ainsi que d'une indemnité au titre du retour sur échantillonnage.
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 janvier 2003, par lesquelles la société Promodag, appelante, prie la cour, infirmant le jugement entrepris:
- avant dire droit, d'ordonner à Monsieur Onof de produire un document officiel justifiant de son immatriculation au registre spécial des agents commerciaux,
- de constater que Monsieur Onof ne peut prétendre au statut d'agent commercial,
- de constater que la rupture des relations contractuelles est motivée, et non fautive,
- de dire, par voie de conséquence, que Monsieur Onof ne peut prétendre au bénéfice de l'indemnité compensatrice due aux agents commerciaux,
- de débouter Monsieur Onof de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner Monsieur Onof à payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions signifiées le 14 février 2003, aux termes desquelles Monsieur Frédéric Onof, intimé, incidemment appelant demande pour sa part à a cour de:
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 5 avril 2001 en ce qu'il a reconnu le droit à indemnité pour Monsieur Onof,
- l'infirmer en ce qu'il a limité le montant de l'indemnité à la somme de 150 000 F et en ce qu'il a débouté Monsieur Onof de ses demandes au titre du préavis, du retour sur échantillonnage et de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Promodag à payer à Monsieur Onof la somme de 53 357,16 euros avec intérêts de droit à compter de l'introduction de la demande, à titre d'indemnité compensatrice, celle de 2 286,74 euros à titre de préavis et celle de 30 000 euros pour le retour sur échantillonnage, et ce avec intérêts de droit à compter de l'assignation,
- condamner la société Promodag à payer à Monsieur Frédéric Onof une somme de 1 524 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la société Promodag au paiement de la somme de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- condamner la société Promodag en tous les dépens de première instance et d'appel.
Sur la qualité d'agent commercial de Frédéric Onof et sur l'indemnité compensatrice de rupture:
Considérant que les relations nouées entre la société Promodag, entreprise de conseil en micro-informatique, d'une part et Monsieur Frédéric Onof, d'autre part, reposent sur une lettre de Promodag du 13 mai 1998, ainsi libellée:
"Nous vous confirmons que nous sommes disposés à faire appel à vos services en tant que prestataire indépendant à raison d'environ deux jours par semaine et ce jusqu'au 31 décembre 1998. Vos missions consisteront à commercialiser et promouvoir les logiciels que nous développons";
Que la rémunération convenue de cette activité consistait en des commissions correspondant à 30% du chiffre d'affaires réalisé;
Que par lettre du 26 mai 1999 adressée au Président Directeur Général de Promodag, Frédéric Onof a déclaré prendre acte de la décision de la société de "mettre fin unilatéralement" à leurs relations en faisant état, par ailleurs, du préjudice engendré par cette situation;
Qu'enfin dans une lettre du 3 juin 1999, la société Promodag lui répondait, notamment: "Je tiens à vous rappeler que votre mission de travailleur indépendant consistait sans aucune démarche commerciale de votre part à relever à partir du site internet de la société les adresses laissées par ceux qui étaient intéressés par les produits Promodag et à prendre contact avec eux.
En conséquence, il faut constater que vous n'avez rien créé et que vous n'avez fait qu'expliciter le site internet de Promodag.
Pour cette activité vous nous adressiez une facture de commission,
Voilà pour l'activité qualifiée, par vous-même de création.
Par ailleurs, je relève que depuis quelques temps déjà les clients n'étaient plus contactés et vous avez même refusé de prendre contact physiquement avec l'un d'eux.
Votre désintérêt était patent.
Pour être complet, il faudra aussi vous rappeler que le matériel de la société (téléphone, ordinateur, locaux..) a été utilisé par vos soins à des fins personnelles soit à d'autres fins que dans l'intérêt de Promodag à raison notamment de vos autres activités professionnelles."
Considérant que l'appelante conteste la qualité d'agent commercial revendiquée par l'intimé en se prévalant, outre de sa non-immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, de l'absence de démarche commerciale auprès des clients, son rôle se bornant à recevoir leurs appels sur le site internet de l'entreprise et à jouer un rôle administratif lié aux commandes passées sans son intermédiaire;
Que les fiches qu'il communique pour tenter de justifier son activité de négociateur, qui ne correspondent pas à celles qui ont été conservées par la société, ont fait l'objet de manipulations et que de la sorte il n'établit pas avoir exercé une activité de prospection de clientèle permettant de caractériser un mandat d'agent commercial, qu'enfin, la rupture des relations est de toute façon intervenue pour les raisons légitimes énoncées dans la lettre déjà citée,
Mais considérant que, comme l'objecte Frédéric Onof, la mission qui lui a été contractuellement dévolue en tant que prestataire indépendant par son mandant consiste bien en une commercialisation et une promotion de ses produits;
Que Promodag n'évoquera pour la première fois une absence de démarche commerciale et une simple activité subordonnée au site internet de la société que dans le courrier constatant la rupture;
Que s'il est acquis que fonctionnait au sein de l'entreprise un site internet sur lequel étaient diffusées des informations spécifiques concernant les logiciels vendus et dont Frédéric Onof a disposé pour l'exercice de son activité, Promodag ne démontre pas pour autant l'autonomie de ce dispositif, qui l'aurait ainsi complément supplanté;
Qu'au contraire, Frédéric Onof justifie au moyen de diverses pièces et documents communiqués et versés aux débats (fiches clients, télécopies, offres de prix, " e mails"... ) qu'il accomplissait bien des démarches commerciales actives auprès des clients potentiels de Promodag qui, pour sa part, ne démontre pas la "manipulation" de fiches qu'elle dénonce ; qu'il est par ailleurs constant que l'intimé a réussi au moins 45 ventes pour le compte de l'entreprise mandante qui, à leur suite, a émis des factures de commissionnement qui lui ont été réglées;
Qu'il n'est par ailleurs pas contesté que pendant la période considérée les ventes ont connu une importante progression qui ne peut être imputée au seul site internet;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'intimé, qui négociait ainsi des contrats de vente au nom de la société Promodag, a bien exercé une activité d'agent commercial au sens de l'article L. 134-1 du Code de commerce ;qu'il peut dès lors, et nonobstant sa non-immatriculation au registre spécial des agents commerciaux, sans effet à ce sujet, revendiquer, compte tenu de la cessation de ses relations avec l'entreprise mandante, l'indemnité compensatrice prévue par l'article L. 134-12 du même Code en réparation du préjudice subi;
Considérant que pour sa part Promodag qui n'a, au demeurant, pas procédé à ce sujet à une interpellation préalable, ne démontre aucun des griefs retenus à l'encontre de Frédéric Onof, ni en ce qui concerne une présence estimée irrégulière ni en ce qui concerne l'utilisation privée qui est alléguée de son matériel au profit d'autres activités professionnelles;
Qu'en l'absence de démonstration d'une faute grave de son agent commercial, elle est dès lors tenue de réparer son préjudice, exactement évalué par les premiers juges compte tenu du montant de la commission annuelle considérée, à 22 867,35 euros(150 000 F);
Sur le préavis:
Considérant que le contrat d'agence dont bénéficiait Monsieur Onof ayant continué à être exécuté par les deux parties après son terme, fixé au 31 décembre 1998, est réputé transformé en un contrat à durée indéterminée ;que l'intimé est dès lors fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce concernant le respect d'un préavis et réclamer, en l'absence d'une telle formalité, le paiement d'une indemnité de 2 286,74 euros;
Qu'en conséquence, la cour, réformant de ce seul chef le jugement déféré, qui l'avait à tort débouté de cette demande, condamnera la société Promodag à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1990, date de l'assignation;
Sur la commission de retour sur échantillonnage:
Considérant que Frédéric Onof n'établit pas que des opérations commerciales ont été conclues après la cessation de son contrat d'agence, comme l'exigent les dispositions de l'article 134-7 du Code de commerce pour permettre l'attribution, à ce titre, d'une commission;
Sur les dommages-intérêts pour résistance abusive:
Considérant que l'intimé ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui qui a été réparé par l'allocation d'une indemnité compensatrice de rupture;
Considérant qu'il en résulte que le jugement entrepris mérite d'être confirmé sur l'ensemble de ces points ainsi que sur les dispositions relatives à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens;
Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile:
Considérant que Promodag, qui succombe, ne peut qu'être déboutée de sa demande à ce titre;
Qu'en revanche, l'équité commande d'allouer à Frédéric Onof une indemnité de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel;
Par ces motifs: Substitués en tant que de besoin à ceux des premiers juges; Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur Frédéric Onof de sa demande au titre du préavis; Réformant de ce seul chef le jugement et y ajoutant; Condamne la société Promodag à payer à Monsieur Frédéric Onof la somme de 2 286,74 euros à titre de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1999; Condamne la société Promodag à payer à Monsieur Frédéric Onof; Condamne la société Promodag à payer à Frédéric Onof une indemnité de 3 000 (trois mille) euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel; Déboute parties de toutes les autres demandes; Condamne la société Promodag aux dépens d'appel et admet la SCP Tazé-Bernard-Belfayol-Broquet, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.