CA Grenoble, 1re ch. corr., 7 avril 1999, n° 98-00832
GRENOBLE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Manfredini, Claude
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Robin (faisant fonction)
Avocat général :
M. Legrand
Conseillers :
M. Balmain, Mme Rognard
Avocats :
Mes Benhamou, Peronnard-Perrot, Charignon.
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement par jugement en date du 11 mai 1998, le Tribunal correctionnel de Grenoble statuant:
- sur l'action publique:
a relaxé Thierry M des chefs de:
* tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise (victime Christophe Claude),
* vente de véhicule de plus de quatre ans sans remise à l'acheteur non professionnel du rapport de contrôle de visite technique,
* outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, l'a déclaré coupable d'avoir:
* sur le département de l'Isère courant mai 1994, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le bon état général et la garantie d'un véhicule Ford Sierra Diesel, allégués par voie de publicité parue dans le journal d'hebdomadaire,
Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 al. 1, L.121-4, L. 213-1 du Code de la consommation,
* à Eybens, le 14 juin 1994, trompé Danièle Manfredini sur les qualités substantielles d'un véhicule Ford Sierra Diesel en l'espèce son état général et son aptitude à l'emploi,
Faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation, en répression l'a condamné à la peine de 8 000 F d'amende,
- sur l'action civile:
A débouté Christophe Claude de sa constitution de partie civile,
a condamné Thierry M à payer à Danièle Manfredini, reçue en sa constitution de partie civile la somme de 8 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Il a été formé appel de ce jugement par Thierry M, par le Procureur de la République, par Christophe Claude et par Danièle Manfredini.
Thierry M par conclusions auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions demande sa relaxe pure et simple.
Monsieur l'Avocat général requiert condamnation pour l'ensemble des faits reprochés à une peine d'amende.
Danièle Manfredini, par conclusions auxquelles il est renvoyé, sollicite une somme de 33 367,10 F à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Christophe Claude par conclusions auxquelles il est renvoyé, sollicite la réformation du jugement en ce qui le concerne et la condamnation de Thierry M à lui payer la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts.
Motifs de l'arrêt:
- L'action publique:
Thierry M est gérant de fait du garage X.
Dans le cadre de son activité professionnelle, il a été amené à vendre des véhicules d'occasion et notamment le véhicule Ford Sierra acheté en juin 1994 par Danièle Manfredini et le véhicule Renault 21 acheté en avril 1996 par Christophe Claude.
A - Véhicule Ford Sierra:
Le 24 mai 1994, Thierry M faisait paraître dans le "38", journal hebdomadaire gratuit, l'annonce suivante:
"Ford Sierra Diesel An. 83 - Bon état général - révisée - garantie - prix 17 000 F"
Le 14 juin 1994, Danièle Manfredini achetait ce véhicule pour un montant de 15 000 F et un kilométrage non garanti de 195 000 km.
Ce véhicule ne pouvait, faute de visite technique, être livré immédiatement. Ce n'est que le 24 juin 1994, après visite technique des 23 et 24 juin 1994, que Danièle Manfredini prenait possession du véhicule.
Peu après l'achat, le véhicule a présenté un certain nombre de pannes ou anomalies: pot d'échappement défectueux perdu en cours de route, fuite d'huile moteur, fuite d'eau du radiateur, courroie de distribution du moteur.
Ce véhicule a été ramené pour réparation à Thierry M dans le cadre de la garantie. Rendu à sa propriétaire début septembre, ce véhicule tombait de nouveau en panne (blocage du moteur) quelques jours après.
Thierry M est poursuivi du chef de publicité mensongère et tromperie. Il conteste l'une et l'autre prévention.
a) Publicité mensongère:
Ainsi qu'il l'a été précédemment exposé l'annonce parue dans le 38 décrivait la Ford Sierra comme étant un véhicule en bon état général, révisée... Or l'enquête ainsi que les débats ont établis qu'il n'en était rien.
En effet, en l'état des constatations figurant au contrôle technique, le véhicule ne pouvait en aucun cas être présente comme un véhicule en bon état général.Thierry M qui se présente comme un professionnel de l'automobile, ne pouvait ignorer l'état général mécanique de la voiture. Le certificat de contrôle mentionnait: un jeu anormal de la colonne de direction - un ripage excessif des angles - une fuite moteur - un circuit de carburant en mauvais état - une corrosion de la coque et un mauvais état des flexibles du circuit de freinage.
En faisant passer l'annonce, Thierry M s'est rendu coupable de publicité trompeuse.
C'est certain que la mention "Bon état général" était déterminante pour l'acheteur éventuel.
C'est donc à bon droit que le premier juge l'a retenu dans les liens de la prévention. La déclaration de culpabilité sera confirmée.
b) La tromperie
Si l'on peut admettre qu'un véhicule de plus de 10 ans peut présenter des faiblesses notamment au niveau de la carrosserie, il n'en demeure pas moins que Thierry M a, en l'espèce trompé Madame Manfredini sur l'état réel du véhicule, en lui présentant, dès le départ, le véhicule comme étant en bon état général, alors que celui-ci présentait un certain nombre de défectuosités dont Madame Manfredini ne pouvait pas déceler, et, en prenant le soin de faire passer le véhicule au contrôle technique une fois la vente conclue et un acompte versé, de sorte qu'il lui a été facile de minimiser les défauts relevés par le contrôle technique et de persuader Madame Manfredini à prendre possession du véhicule.
C'est donc à bon droit et par de justes motifs que le premier juge a retenu le prévenu dans les liens de la prévention de tromperie. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a relaxé Thierry M de la contravention de vente de véhicule de plus de 4 ans sans remise à l'acheteur non professionnel du rapport de contrôle de visite technique obligatoire.
B - La Renault 21 turbo:
Thierry M a fait passer dans le "38" une annonce ainsi libellée "Vends R. 21 Turbo Diesel année 1988 - Pack Option Cuir - Climatisation - toit ouvrant électrique - nombreuses factures - prix 32 000 F à débattre ..."
Cette annonce a intéressé Christophe Claude. Celui-ci en a passé commande pour 30 000 F, a versé 5 000 F d'acompte. Il devait normalement prendre livraison de ce véhicule le 11 mars 1996. N'ayant pas été livré en temps et heures, il adressait le 25 mars 1996 un courrier de mise en demeure. Il prenait possession du véhicule le 4 avril 1996, le contrôle technique n'ayant été fait que le 3 avril 1996, ce qui jette un doute sérieux sur les motifs de non-livraison que M. M avait exposé dans le courrier adressé à M. Claude le 19 mars 1996.
Dès le 12 avril 1996, le véhicule tombait en panne.
Le 23 avril 1996, à la suite d'une nouvelle panne il fallait changer le moteur.
De nombreuses anomalies se sont ensuite découvertes.
Thierry M a été cité devant le tribunal du chef de tromperie sur l'état mécanique du véhicule et son aptitude à l'emploi et du chef de défaut de remise avant la conclusion du contrat de vente du certificat de visite technique.
Thierry M conteste les faits.
Si, contrairement à ce que l'a jugé le tribunal, Thierry M doit être retenu dans les liens de la prévention en ce qui concerne le non-respect des dispositions du décret du 19 juillet 1994, la vente ayant été conclue avant le passage à la visite technique, (vente antérieure au 11 mars 1996 - visite technique du 3 avril 1996), c'est par de justes motifs que le premier juge a renvoyé Thierry M du chef de tromperie.
En effet, ainsi que le rappelle le tribunal, la R. 21 était conforme tant à la description faite dans la publicité préalable qu'aux indications portées sur le bon de commande. De surcroît, le contrôle technique passé le 3 avril 1996 ne signalait aucun défaut particulier. La cause de la panne ayant nécessité le changement de moteur n'a pas pu être déterminée avec exactitude.
En conséquence la relaxe de ce chef sera confirmée.
Les outrages:
La plainte de Mme Manfredini a été transmise par le Procureur de la République à la gendarmerie d'Eybens pour enquête le 9 août 1995. Le 1er septembre 1995 à 15 heures, les gendarmes se sont transportés au garage X.
Thierry M s'est énervé, a haussé le ton et a recommandé aux gendarmes de ne plus venir au garage. Il s'en prenait au gendarme Accart chargé de l'enquête, lui disant: " toi tu me cherches, je t'ai déjà dit de ne plus venir dans mon garage "
Thierry M reconnaît l'énervement et les propos mais conteste avoir eu l'intention d'outrager.
Contrairement à l'analyse du tribunal, les termes employés par Thierry M à l'encontre du gendarme Accart caractérisent bel et bien un outrage à agent de la force publique. Les termes employés et notamment le tutoiement indiquent bien la volonté d'outrager les gendarmes en uniforme, dont, il est évident, il ne souhaitait nullement la présence dans son garage pendant les heures d'ouverture de celui-ci. Le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la peine, il convient de prononcer à l'encontre de Thierry M une peine délictuelle de 10 000 F d'amende et une amende contraventionnelle de 1 000 F.
Il - L'action civile:
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Christophe Claude de sa constitution de partie civile.
Sur le préjudice subi par Danièle Manfredini la cour dispose au vu des pièces justificatives produites, des éléments suffisants pour fixer à 13 000 F, toutes causes confondues, le préjudice subi par Danièle Manfredini.
Il est équitable d'allouer à Danièle Manfredini une somme de 4 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Par ces motifs: Recevant tes appels comme réguliers en la forme, Sur l'action publique: Confirme le jugement déféré: - en ce qu'il a relaxé Thierry M des chefs de tromperie au préjudice de Christophe Claude et, - en ce qu'il a déclaré Thierry M coupable de publicité mensongère et de tromperie au préjudice de Madame Manfredini (faits de juin 1994); Réformant: Déclare Thierry M: - coupable d'avoir: à Eybens, courant mars 1996, commis la contravention de vente de véhicule de plus de 4 ans sans remise à l'acheteur non professionnel du rapport de contrôle de visite technique obligatoire; faits prévus et réprimés par les articles 5 bis art. 1 du décret 78-993 du 4 octobre 1978, R. 119-I, R. 120 al. 2 du Code de la route, art. 3, art. 6 de l'arrêté ministériel du 18 juin 1991, L. 214-2 al. 1 du Code de la consommation; à Eybens, le 1er septembre 1995, outragé par paroles de nature à porter atteinte à la dignité ou au respect dû à la fonction du gendarme Accart, personne dépositaire de l'autorité publique, en l'espèce, chargé de l'enquête dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions en proférant les paroles suivantes " toi tu me cherches, je t'ai déjà dit de ne plus venir dans mon garage "; faits prévus et réprimés par les articles 433-5 al. 1 et al. 2, 433-22 du Code pénal; - en répression, le condamne: une amende délictuelle de 10 000 F, une amende contraventionnelle de 1 000 F; Sur l'action civile: - confirme les dispositions civiles du jugement en ce qu'il a débouté Christophe Claude de sa constitution de partie civile; - Réformant pour le surplus, Condamne Thierry M à payer à Danièle Manfredini, reçue en sa constitution de partie civile, la somme de 13 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 4 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Constate que le présent arrêt est assujetti au droit fixe de 800 F résultant de l'article 1018 A du Code général des impôts, et dit que la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 à 751 du Code de procédure pénale, Le tout par application des dispositions des articles susvisés.