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Décisions

Cass. crim., 26 juin 2001, n° 00-83.466

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP de Chaisemartin, Courjon, SCP Piwnica, Molinié.

T. corr. Vannes du 2 juill. 1992

2 juillet 1992

Rejet du pourvoi formé par société C, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 14 avril 2000, qui, pour vente au déballage sans autorisation, l'a condamnée à 80 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR: - Vu les mémoires produits, en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 31 du décret du 29 décembre 1986, 591 et 593 du Code de procédure pénale:

"en ce que l'arrêt a rejeté l'exception de nullité de la procédure engagée contre la société C sur la base d'un procès-verbal d'infraction de la Direction départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes;

"aux motifs que la régularité du procès-verbal dressé à l'encontre de Pierre X par la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et de l'Isère n'est pas contestée; qu'il a été dressé à l'encontre de Pierre X seul; que l'action publique est mise en mouvement par le Ministère public, aux termes de l'article 1er du Code de procédure pénale; qu'au vu du procès-verbal ci-dessus mentionné, et en application du texte ci-dessus rappelé, le Ministère public a estimé devoir poursuivre, outre Pierre X, la SAS C; que la SAS C ne peut en conséquence arguer d'une irrégularité du procès-verbal, n'ayant pas été visée lors de cette enquête; que la SAS C a été citée le 19 mai 1997 en la personne d'André Y, au siège social d'Echirolles, la citation ayant été remise à une personne habilitée, selon sa propre déclaration à l'huissier, et la lettre prévue à l'article 555 du Code de procédure pénale ayant été adressée le 20 mai 1997; qu'André Y "ès-qualités de représentant de la SAS C", a dans la procédure de première instance, donné pouvoir le 18 juin 1997 à un conseil pour "le représenter, ainsi que la société C"; que, de surcroît, la cour relève que l'appel de la décision du tribunal correctionnel a été fait par "la SA C représentée par son directeur régional en exercice, André Y"; que le dossier démontre qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits de la défense de la SAS C, dûment représentée dans la procédure; qu'elle a pu, en temps utile, prendre connaissance du procès-verbal, régulièrement notifié et signé par Pierre X, organiser sa représentation et sa défense devant le tribunal correctionnel et devant la cour; que, par ces motifs, et pour les motifs relevés par les premiers juges, la cour rejette la demande de nullité de la procédure;

"alors que le défaut de remise au contrevenant d'un exemplaire du procès-verbal, imposée par l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, constitue par lui-même une atteinte aux droits de la défense entachant de nullité la procédure qui a suivi; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que la société C a été poursuivie par voie de citation directe par le Ministère public sur la base d'un procès-verbal d'infraction dressé par les agents de la Direction départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes qu'elle n'avait pas signé et dont elle n'avait pas reçu un exemplaire lors de l'enquête au cours de laquelle celle-ci n'avait pu être, par conséquent, entendue, ce dont il résultait nécessairement une atteinte aux droits de la défense; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'après avoir constaté la vente, non autorisée, de marchandises sur le parking d'un hypermarché C, les agents de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont établi un procès-verbal d'infraction qui a ensuite été signé et dont le double a été remis à Pierre X, directeur du magasin;

Attendu que le Ministère public a poursuivi la société C, en même temps que Pierre X, pour vente au déballage sans autorisation, sur le fondement des articles 27 et 31 de la loi du 5 juillet 1996, devenus les articles L. 310-2 et L. 310-5 du Code de commerce;

Attendu que la société a soulevé une exception de nullité de la procédure tirée de ce qu'elle n'avait pas signé le procès-verbal dont un exemplaire ne lui avait pas été remis par les agents de contrôle, en méconnaissance de l'article 46 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 450-2 du Code de commerce, et de l'article 31 du décret du 29 décembre 1986, applicables en vertu de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1989;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité, les juges d'appel énoncent, par motifs adoptés du jugement, que les formalités prétendument omises ont en réalité été accomplies à l'égard de la société C, prise en la personne du directeur salarié du magasin, habilité à représenter la personne morale auprès de tous services et administrations publics et privés en vertu d'une délégation de pouvoirs;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision; que le moyen ne saurait être admis;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-4, 121-1, 121-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la SA C coupable du délit de vente au déballage non autorisée en raison des agissements reprochés à un directeur de magasin titulaire d'une subdélégation de pouvoir;

"aux motifs que la vente au déballage non autorisée a été commise par Pierre X, titulaire d'une délégation d'André Y, ayant lui-même une procuration de Jean-Pierre Z, directeur général, Sud-Est de la société C; que, par suite, cette infraction a été commise pour le compte de la société C, dans le cadre des pouvoirs qu'elle a délégués; que son représentant l'a engagée, d'autant plus qu'elle a tiré un profit économique et commercial de l'opération; qu'en effet, celle-ci concourt à l'image nationale de C; que, par suite, la SAS C est engagée par la fourniture de ses moyens, de sa marque et de ses produits; que, d'autre part, l'infraction a été commise au vu et au su de la société mandante, Pierre X ayant dès le départ, invoqué une pratique habituelle; que l'exécution par le mandant n'enlève pas au mandataire le pouvoir de contrôle sur la légalité des opérations effectuées par son mandataire; que la SAS C est coupable du non-respect des textes réglementant la vente au déballage; que la décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu à sa charge le délit de vente au déballage non autorisée, en application de l'article 31-II de la loi 96-603 du 5 juillet 1996;

"alors qu'il résulte de l'article 121-2 du Code pénal que la responsabilité d'une personne morale ne peut être recherchée que du fait des agissements réalisés pour son compte par ses organes ou représentants; qu'en déclarant constituée à l'égard de la personne morale, l'infraction commise par le directeur d'un hypermarché C, titulaire d'une subdélégation de pouvoir consentie par Pierre Y, directeur régional de la SA C ayant lui-même reçu délégation de pouvoir du directeur général de la société anonyme, la cour d'appel, qui a étendu les dispositions de l'article 121-2 du Code pénal à une situation qui ne rentrait pas dans ses prévisions, a violé le texte susvisé";

Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 et 121-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale:

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société C cumulativement coupable avec le directeur de l'hypermarché en cause du délit de vente au déballage non autorisée;

"aux motifs que la vente au déballage non autorisée a été commise par Pierre X, titulaire d'une délégation d'André Y, ayant lui-même une procuration de Jean-Pierre Z, directeur général Sud-Est de la société C; que, par suite, cette infraction a été commise pour le compte de la société C dans le cadre des pouvoirs qu'elle a délégués; que son représentant l'a engagée, d'autant plus qu'elle a tiré un profit économique et commercial de l'opération; qu'en effet celle-ci concourt à l'image nationale de C; que par suite la SAS C est engagée par la fourniture de ses moyens, de sa marque, et de ses produits; que, d'autre part, l'infraction a été commise au vu et au su de la société mandante, Pierre X avant, dès le départ, invoqué une pratique habituelle; que l'exécution par le mandant n'enlève pas au mandataire le pouvoir de contrôle sur la légalité des opérations effectuées par son mandataire; que la SAS C est coupable du non-respect des textes réglementant la vente au déballage; que la décision sera confirmée en ce qu'elle a retenu à sa charge le délit de vente au déballage non autorisée, en application de l'article 31-II de la loi 96-603 du 5 juillet 1996;

"alors, d'une part, que, comme la société C le soutenait dans ses conclusions, la responsabilité pénale de la personne morale suppose que soit établie à son encontre une abstention délibérée ou la réalisation d'actes, certes imputable à ses organes ou représentants, mais distincte de celle qui pourrait être reprochée aux personnes physiques ayant par ailleurs participé à la réalisation de l'infraction; que, faute d'avoir caractérisé une telle abstention ou un tel acte distinct des agissements reprochés au salarié considéré comme son représentant, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des dispositions des textes susvisés;

"alors, d'autre part, qu'en se bornant à affirmer que les agissements de son préposé, objet de la poursuite, avaient été commis "au vu et au su de la société mandante" sans rechercher si un organe ou représentant de cette société (par hypothèse distinct de celui auquel étaient imputés les faits litigieux) avait eu personnellement connaissance du caractère délictueux des faits poursuivis, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés";

Les moyens étant réunis; - Attendu que, pour déclarer la société C coupable du délit de vente au déballage sans autorisation, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés du jugement, que l'infraction a été commise, pour le compte de la personne morale, par le directeur salarié du magasin, titulaire, quant à l'application de la législation commerciale et économique, d'une délégation de pouvoirs consentie par le directeur régional, lui-même délégataire d'un directeur général de la société;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a justifié sa décision au regard de l'article 121-2 du Code pénal; qu'en effet, ont la qualité de représentants, au sens de ce texte, les personnes pourvues de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires, ayant reçu une délégation de pouvoirs de la part des organes de la personne morale ou une subdélégation des pouvoirs d'une personne ainsi déléguée;que, par ailleurs, dans les cas prévus par la loi, la faute pénale de l'organe ou du représentant suffit, lorsqu'elle est commise pour le compte de la personne morale, à engager la responsabilité pénale de celle-ci, sans que doive être établie une faute distincte à la charge de la personne morale;d'où il suit que les moyens doivent être écartés;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.