CCE, 26 juin 2002, n° M.2650
COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Décision
Haniel/Cementbouw/JV [CVK]
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 57, paragraphe 2, point a), vu le règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1310-97 (2), et notamment son article 8, paragraphe 2, vu la décision de la Commission du 30 novembre 2001 d'ouvrir la procédure dans la présente affaire, après consultation du Comité consultatif en matière de concentrations entre entreprises (3), après avoir pris connaissance du rapport final du conseiller auditeur dans la présente affaire (4), Considérant ce qui suit:
(1) Le 24 janvier 2002, les entreprises Franz Haniel & Cie GmbH (Haniel) et Cementbouw Handel & Industrie BV (Cementbouw) ont notifié à la Commission, conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil (règlement sur les concentrations), une opération de concentration. D'après cette notification, Haniel et Cementbouw ont acquis, en 1999, le contrôle en commun, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, de l'entrepriseCoöperatieve Verkoop- en Produktievereniging van Kalkzandsteenproducenten (CVK, Pays-Bas) et de ses entreprises membres par contrat et achat des parts de RAG AG (RAG, Allemagne).
(2) Après examen de cette notification, la Commission a constaté dans un premier temps que l'opération de concentration envisagée relevait du règlement sur les concentrations et soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et l'accord EEE. La Commission a donc décidé d'engager la procédure conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations. Après un examen approfondi de l'affaire, la Commission est à présent parvenue à la conclusion que le projet de concentration notifié a en effet entraîné la création d'une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective est entravée d'une manière significative dans une partie substantielle du Marché commun. Toutefois, les engagements pris par les parties permettent de supprimer les problèmes de concurrence soulevés par l'opération de concentration.
I. Les parties et l'opération
A. Les parties
(3) Haniel est une holding allemande diversifiée. Dans le secteur des matériaux de construction, Haniel produit et distribue des matériaux de construction de murs, tels que des briques silico-calcaires, du béton cellulaire et du béton prêt à l'emploi. Elle exerce l'essentiel de ses activités en Allemagne. Avant la présente opération de concentration, Haniel était active aux Pays-Bas par l'intermédiaire de sa participation dans plusieurs usines de production de briques silico-calcaires, qui sont membres de CVK. Haniel a en outre racheté, en 2002, les entreprises allemandes Fels-Werke GmbH (Fels) et YtongHolding AG (Ytong), toutes deux présentes aux Pays-Bas dans le secteur des matériaux de construction à travers des filiales. Haniel a toutefois promis, par un engagement présenté à la Commission, de céder, sous certaines conditions, les activités néerlandaises d'Ytong (5).
(4) Cementbouw est active aux Pays-Bas dans le commerce de matériaux de construction, les marchés de la construction, la logistique, le négoce de matières premières, le béton prêt à l'emploi et le secteur des matériaux de construction. Cementbouw est contrôlée par CVC Capital Partners Group Ltd (CVC), une société de portefeuille dont le siège se trouve aux Îles Anglonormandes.
(5) CVK commercialise des produits silico-calcaires aux Pays-Bas et exploite la production de briques silicocalcaires dans ses entreprises membres. Sont membres de CVK tous les producteurs néerlandais de briques silico-calcaires, à savoir, les entreprises suivantes (les données en pourcentage se rapportent à leur part respective du capital de CVK) :
- Kalkzandsteenfabriek De Hazelaar BV (De Hazelaar) [...] (*) %
- Kalkzandsteenindustrie Loevestein BV (Loevestein) [...]* %
- Steenfabriek Boudewijn BV (Boudewijn) [...]* %
- Kalkzandsteenfabriek Hoogdonk BV (Hoogdonk) [...]* %
- Kalkzandsteenfabriek Rijsbergen BV (Rijsbergen) [...]* %
- Kalkzandsteenfabriek Harderwijk BV (Harderwijk) [...]* %
- Kalkzandsteenfabriek Roelfsema BV (Roelfsema) [...]* %
- Kalkzandsteenfabriek Bergumermeer BV (Bergumermeer) [...]* %
- Anker Kalkzandsteenfabriek BV (Anker) [...]* %
- Vogelenzang Fabriek van Bouwmaterialen BV (Vogelenzang) [...]* %
- Van Herwaarden Hillegom BV (Van Herwaarden) [...]* %
(6) Les parts des entreprises De Hazelaar, Loevestein, Boudewijn, Hoogdonk et Rijsbergen appartiennent à Haniel. Celles des sociétés Harderwijk, Roelfsema et Bergumermeer sont la propriété de Cementbouw. Haniel et Cementbouw détiennent chacune [...]* % d'Anker, de Vogelenzang et de Van Herwaarden.
B. Historique et réalisation de l'opération du 9 août 1999
(7) CVK existe depuis 1947 et était initialement chargée de la vente de la production de ses membres, les producteurs néerlandais de briques silico-calcaires. En 1989, CVK a été transformée en coopérative afin d'améliorer la coopération entre ses membres.
(8) Les usines de production de briques silico-calcaires, indépendantes à l'origine, ont été rachetées au fil du temps par divers groupes d'entreprises. Avant la réalisation de la présente opération, cinq des onze entreprises membres de CVK étaient des filiales de Haniel (De Hazelaar, Loevestein, Boudewijn, Hoogdonk et Rijsbergen). Trois briqueteries (Harderwijk, Roelfsema et Bergumermeer) étaient des filiales de Cementbouw, qui faisait auparavant partie du groupe néerlandais NBM Amstelland BV (NBM Amstelland) (6). Deux usines (Anker et Vogelenzang) étaient des filiales de RAG. Haniel détenait [...]* %, Cementbouw/NBM Amstelland [...]* % et RAG [...]* % de l'entreprise Van Herwaarden.
(9) En 1998, l'autorité néerlandaise de concurrence (Nederlandse Mededingingsautoriteit, NMA), a reçu une notification relative à un projet de concentration par lequel CVK envisageait de prendre le contrôle de ses membres, la totalité des producteurs de briques silico-calcaires aux Pays-Bas. Le contrôle devait être transféré dans le cadre de la conclusion d'un contrat de mise en commun (Poolingovereenkomst). Cette notification est intervenue après une procédure en matière d'ententes contre CVK introduite dans un premier temps par le parquet en application du droit néerlandais de la concurrence applicable jusqu'à fin 1997, [...]. La NMA a autorisé l'opération de concentration notifiée par décision du 20 octobre 1998 (7). La NMA est parvenue à la conclusion que le contrat de mise en commun ainsi que les modifications correspondantes apportées aux statuts de CVK garantissaient que les liens économiques et organisationnels existant entre les entreprises membres et leurs propriétaires seraient rompus et que CVK prendrait le contrôle de ses membres. L'exercice d'un contrôle de ces entreprises membres par leurs propriétaires (Haniel, Cementbouw/NBM Amstelland, et RAG) serait ainsi également exclu. Selon la NMA, l'opération de concentration notifiée ne devait pas entraîner la création ou le renforcement d'une position dominante sur le marché néerlandais. [...]*
(10) Avant que cette opération ne soit réalisée, RAG avait pris la décision de se défaire de ses participations détenues dans les sociétés membres de CVK et de les céder à Haniel et Cementbouw. En procédant à l'acquisition de ces parts, Haniel et Cementbouw, prendraient chacune indirectement le contrôle de 50 % de CVK, par l'intermédiaire de leurs participations dans des entreprises membres de CVK. Après la conclusion des protocoles d'accord, le 5 mars 1999, les parties ont fait part à la NMA de leurs intentions. La NMA leur a indiqué que la cession envisagée ne constituerait pas une opération de concentration en vertu du droit néerlandais si elle était effectuée après la conclusion du contrat de mise en commun.
(11) CVK et ses entreprises membres ont passé le contrat de mise en commun le 9 août 1999. Les statuts de CVK ont également été modifiés ce jour-là, pour tenir compte des dispositions du contrat de mise en commun (Statutenwijziging). Ce même jour, le contrat par lequel RAG cédait ses parts à Haniel et à Cementbouw, était signé et exécuté. Le 9 août 1999 également, Haniel et Cementbouw ont conclu un "contrat de coopération" qui précise, entre autres, la manière dont les deux entreprises envisagent d'user de leur influence sur CVK. [Exemples de dispositions diverses contenues dans le contrat de coopération]*.
Kalkzandsteen.
II. L'opération de concentration
(12) Conformément à l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, une opération de concentration est réalisée lorsqu'une ou plusieurs entreprises acquièrent directement ou indirectement, que ce soit par prise de participations au capital ou achat d'éléments d'actifs, contrat ou tout autre moyen, le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises.
(13) En l'espèce, Haniel et Cementbouw ont, au moyen des contrats passés le 9 août 1999 (contrat de mise en commun, modification des statuts, contrat de coopération), en lien avec l'acquisition des participations détenues par RAG dans les entreprises Anker, Vogelenzang et Van Herwaarden, conclue et réalisée ce même jour, pris le contrôle de CVK qui, de même, acquérait le contrôle de ses onze sociétés membres.
(14) Il y a contrôle en commun lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, c'est-à-dire peuvent bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise, et doivent donc nécessairement s'entendre sur la politique commerciale de l'entreprise commune. La forme la plus évidente de contrôle en commun est celle où il n'y a que deux entreprises fondatrices qui se partagent à parité les droits de vote dans l'entreprise commune (8).
(15) En faisant l'acquisition des parts de RAG, Haniel et Cementbouw ont acquis le contrôle commun de CVK. Leurs respectives participations indirectes de 50 % dans CVK donnent à Haniel et à Cementbouw la possibilité d'exercer des droits de veto lors de l'assemblée des membres (ledenvergadering) de CVK. Ces droits de veto sont nés du retrait de RAG, dont la présence au sein de l'assemblée des membres aurait permis des changements de majorité et, partant, aurait exclu l'éventualité d'une prise de contrôle de l'assemblée des membres par les actionnaires.
(16) L'assemblée des membres de CVK décide de la composition des organes de décision de CVK, à savoir, du conseil d'administration (Raad van Bestuur) et du conseil de surveillance (Raad van Commissarissen). Les statuts et le contrat de mise en commun lui imposent des restrictions au niveau de ce choix, dans la mesure où aucun membre du conseil d'administration ne peut simultanément exercer des fonctions au sein des sociétés des actionnaires des membres de CVK et une minorité seulement des membres du conseil de surveillance y sont autorisés.
(17) Le pouvoir de décider de la composition des organes de décision des entreprises est une décision stratégique essentielle. Au sens du règlement sur les concentrations, un droit de veto sur une telle décision confère par conséquent à son titulaire le contrôle d'une entreprise, de CVK en l'espèce. En effet, lorsqu'ils prennent leurs propres décisions, les membres de ces organes de décision prennent en compte les points de vue des titulaires des droits de veto.
(18) L'acquisition du contrôle, par CVK, de ses membres, dans le cadre de la conclusion du contrat de mise en commun et des modifications apportées aux statuts de CVK, est aussi comprise dans cette opération de concentration et fait donc l'objet de la présente procédure. Le contrat de mise en commun prévoit que CVK dirige les entreprises membres, que CVK est désignée comme administrateur (directeur) institutionnel de chacune des entreprises membres - l'autre actionnaire nomme un autre directeur - et a le pouvoir de donner des instructions à ces entreprises. Les profits et les pertes des entreprises membres seront répartis entre les actionnaires en fonction des participations indirectes de ces derniers dans CVK, indépendamment des pertes et profits réalisés par les entreprises prises isolément. Les différentes entreprises membres sont donc regroupées au sein d'une unité économique contrôlée par CVK qui, de ce fait, agit comme une entreprise de plein exercice pour tous les fabricants de briques silico-calcaires du marché. La totalité des décisions stratégiques concernant CVK et ses entreprises membres sont prises au niveau central par le conseil d'administration de CVK.
(19) L'acquisition du contrôle de CVK par Haniel et Cementbouwse traduit également par le contrat de coopération conclu par ces entreprises dans le cadre du contrat de mise en commun. Haniel et Cementbouw y précisent certains aspects de leur coopération au sein de CVK (considérant 11). Avant l'opération déjà, Haniel et Cementbouw avaient débattu en détail de certaines décisions stratégiques prises par la direction de CVK après la mise en œuvre de l'opération en cause en l'espèce, en particulier de la fermeture de trois des onze usines de production de briques silico-calcaires; les parties se sont donc manifestement fondées sur ces décisions pour conclure le contrat de mise en commun (9). D'une manière générale, les documents rédigés à l'intention de la direction du groupe Haniel aux fins de décision interne concernant la présente opération font apparaître que, du point de vue de Haniel en tout cas, la conclusion du contrat de mise en commun donnera aux parties la possibilité de contrôler en commun CVK (10).
(20) En acquérant CVK, Haniel et Cementbouw ont pris aussi indirectement le contrôle de ses entreprises membres. Ces diverses opérations se sont déroulées de manière étroitement liée, dans le temps et du point de vue économique. Tant les actes juridiques qui ont conduit à la prise de contrôle de CVK par Haniel et Cementbouwque ceux, également, qui ont abouti à la prise de contrôle des onze briqueteries par CVK, ont été établis le même jour, le 9 août 1999, et ont été consignés par le notaire dans un seul et même document. Les parties ont aussi voulu lier ces deux prises de contrôle de manière que l'une n'ait pas lieu sans l'autre. La conclusion des accords présentés à la NMA a été reportée jusqu'à la clôture des négociations sur la cession des parts de RAG. Cette décision a été prise pour tenir compte du souhait exprimé entre temps par RAG de se retirer de CVK, cette dernière n'étant en effet plus disposée à participer à la nouvelle structure envisagée pour l'entreprise CVK. En termes économiques également, ces deux prises de contrôle doivent donc être considérées comme une seule et même opération. Même en partant du principe qu'il s'agit de deux opérations distinctes, séparées par un"instant logique", celles-ci sont tellement interdépendantes qu'il faudrait les considérer comme une seule et même opération de concentration.
(21) Haniel également a défendu cette position dans ses observations sur la communication des griefs et lors de l'audition. À l'inverse, Cementbouw a soutenu que si le retrait de RAG devait être qualifié d'acquisition du contrôle commun de CVK par Haniel et Cementbouw- ce que Cementbouw conteste la compétence de la Commission ne pourrait, en tout état de cause, s'étendre qu'à cette prise de contrôle. Elle considère que l'acquisition du contrôle, par CVK, de ses entreprises membres, constitue, en revanche, une opération de concentration juridiquement distincte. Selon elle, le fait que le contrat de mise en commun et le transfert des parts de RAG àHaniel et Cementbouw aient été conclus le même jour ne saurait aboutir à la conclusion qu'il s'agit d'une seule et même procédure juridique ou économique. Ce sont juste plutôt des problèmes pratiques qui n'ont pas été davantage détaillés qui ont empêché la conclusion du contrat de mise en commun immédiatement après la décision d'autorisation de la NMA du 20 octobre 1998. La décision arrêtée par la NMA le 20 octobre 1998, qui fait autorité, a toutefois légalisé la prise de contrôle de CVK sur ses entreprises membres, de sorte que l'examen de la Commission dans la présente affaire ne saurait, en aucun cas, s'étendre à cette opération.
(22) La Commission ne saurait souscrire à la thèse de Cementbouw. L'ensemble des contrats passés le 9 août1999 constitue une seule et même opération économique, car ils ont eu pour effet de transformer une organisation commerciale commune constituée de onze entreprises de production de briques silico-calcaires jusqu'ici autonomes juridiquement, appartenant au total à trois différentes sociétés fondatrices, en une entreprise de plein exercice contrôlée en commun par Haniel et Cementbouw. Haniel a confirmé à plusieurs reprises que pour les parties à l'opération du 9 août 1999, Haniel, Cementbouw et RAG, tous ces contrats étaient interdépendants et constituaient un tout du point de vue économique. Interrogée à ce sujet, Cementbouw n'a pas non plus donné d'explication concluante sur la raison pour laquelle la mise en œuvre de la décision autorisée par la NMA a été reportée de plus de neuf mois et n'est devenue effective qu'avec le retrait de RAG. La Commission part donc du principe que RAG n'aurait pas été disposée à participer à l'exécution du contrat de mise en commun en tant qu'actionnaire indirect de CVK.
(23) Certes, d'un point de vue formel, RAG a encore sous critau contrat de mise en commun avant que la cession de ses parts à Haniel et à Cementbouw ne soit réalisée. Toutefois, il ressort de la constatation authentique sous forme notariée du contrat de mise en commun et de la modification des statuts, effectuées juste avant la constatation par écrit de la cession des parts de RAG au cours de la même réunion, par le même notaire, qui a rédigé à ce sujet un seul et même protocole, que l'on peut, tout au plus en apparence et d'un point de vue formel, considérer que la nouvelle structure de CVK autorisée par la NMA a été mise en œuvre avec la participation de RAG. Cette manière purement formelle de considérer la situation ne peut être déterminante pour apprécier, conformément au règlement sur les concentrations, la question de savoir si une ou plusieurs opérations d'acquisition économiques constituent une opération de concentration soumise au contrôle communautaire. De même, la disposition de l'article 5, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement sur les concentrations, qui n'est pas directement applicable en l'espèce, montre qu'une approche économique s'impose. Il convient en conséquence de partir du principe que les contrats souscrits le 9 août 1999 constituent une seule et même opération de concentration par laquelle CVK a acquis le contrôle de ses entreprises membres pendant que Haniel et Cementbouw prenaient en même temps le contrôle de CVK.
(24) Il ressort des considérations précédentes que l'opération autorisée le 20 octobre 1998 par la NMA n'est pas la même opération de concentration que celle réalisée par les parties le 9 août 1999. La NMA a donné le feu vert à une opération de concentration qui aurait uniquement entraîné l'acquisition du contrôle, par CVK, de ses entreprises membres, sans que, de leur côté, les actionnaires ne prennent le contrôle de CVK. Lorsque la NMA a arrêté sa décision, trois actionnaires (Haniel, Cementbouw et RAG) détenaient les actions des entreprises membres de CVK, ce qui aurait permis des changements de majorité lors de l'assemblée des sociétaires et, partant, aurait exclu tout contrôle sur CVK. Même si l'acquisition des onze usines de production de briques silico-calcaires par CVK était considérée comme une prise de contrôle autonome, cette opération de concentration n'aurait pas été, en tout état de cause, de dimension communautaire. L'opération sur laquelle a statué la NMA n'était donc pas une opération de concentration devant être notifiée à la Commission conformément au règlement sur les concentrations.
(25) La NMA n'a été informée par les parties de l'intention de RAG de céder sa participation dans les usines de production de briques silico-calcaires à Haniel et Cementbouw dans les conditions exposées qu'une fois que celle-ci avait arrêté sa décision. Dans une lettre informelle, la NMA a confirmé aux parties qu'elle ne considérerait pas la cession des parts de RAG comme une opération de concentration au regard du droit néerlandais de la concurrence si le contrat de mise en commun et les modifications des statuts étaient mis en ouvre avant le transfert des parts. Dans ce contexte, le point essentiel pour la NMA était que les actionnaires, en transférant le contrôle de leurs entreprises à CVK, perdent le contrôle direct sur celles-ci, mais n'acquièrent pas non plus le contrôle indirect sur CVK, en raison des restrictions prévues par le statut concernant la composition des organes de CVK. Elle applique ainsi, en matière de contrôle, un critère qui n'est pas pertinent, sous cette forme, au regard du règlement sur les concentrations Au moment de cet échange de correspondance, l'accord de coopération entre Haniel et Cementbouw n'avait pas été présenté à la NMA.
(26) Haniel a contesté ce point de vue, arguant qu'endroit néerlandais sur le contrôle des concentrations, le législateur avait consciemment formulé la notion de contrôle en tenant compte du règlement sur les concentrations. L'entreprise est d'avis que, d'après la pratique de la Commission également, le fait que les mêmes personnes soient présentes au sein des organes de direction des entreprises concernées, peuvent entraîner l'acquisition d'un contrôle.
(27) Il convient à ce propos de remarquer que l'intention du législateur de parvenir à une interprétation de la notion de contrôle la plus conforme possible au droit communautaire, n'est pas juridiquement contraignante et ne doit pas nécessairement aboutir à une interprétation identique. La Commission ne peut influencer l'interprétation que donne l'autorité néerlandaise de la notion de contrôle. On ne saurait toutefois a fortiori supposer que la Commission doit, lorsqu'elle interprète la notion de contrôle contenu dans le règlement sur les concentrations, souscrire à l'interprétation de la même notion, faite par les autorités nationales en droit interne dans le cadre d'une décision antérieure. Dans le cas présent, la NMA a estimé que le fait que des membres des organes de direction d'une entreprise commune ne puissent occuper en même temps des fonctions dans les entreprises fondatrices de ladite entreprise commune, revêtait une importance déterminante pour conclure que l'entreprise commune n'est pas contrôlée par ses entreprises fondatrices. Pour les raisons déjà exposées, la Commissionne peut suivre cette analyse pour appliquer l'article3, paragraphe 3, du règlement sur les concentrations. Même si, d'après la pratique décisionnelle de la Commission, la présence des mêmes personnes au sein des organes de direction peut, selon la manière dont l'affaire se présente, être un élément, parmi d'autres, pouvant être invoqué pour établir l'existence du contrôle, on ne saurait en tirer la conclusion inverse selon laquelle l'existence d'un contrôle serait exclue si tel n'est pas le cas, bien que cette existence soit avérée si les autres critères applicables sont pris en compte.
(28) Étant donné que l'opération examinée par la Commission dans le cadre de la présente procédure se distingue de celle qui a été notifiée en 1998 à la NMA et autorisée par voie de décision le 20 octobre 1998, une décision de la Commission dans la présente affaire ne porte pas atteinte à la validité de la décision de l'autorité nationale. Les deux autorités ont chacune agi dans le cadre de leurs compétences respectives. Le projet notifié par les parties de l'époque à la NMA n'était pas de dimension communautaire car, en application des critères définis par le règlement sur les concentrations, les trois sociétés, indirectement entreprises fondatrices de CVK à ce moment-là (Haniel, Cementbouw et RAG) ne contrôlaient pas conjointement CVK en raison des changements de majorité possibles et n'étaient donc pas elles-mêmes parties à l'opération de concentration. L'opération réalisée le 9 août 1999, en revanche, a établi, après le retrait de RAG, conformément au règlement sur le contrôle des concentrations, le contrôle commun des entreprises fondatrices restantes, Haniel et Cementbouw, sur CVK et, dans le même temps, sur ces sociétés membres. Cette opération est en conséquence de dimension communautaire. L'examen de cette affaire du point de vue du contrôle des opérations de concentration relevait donc de la compétence de la Commission.
(29) Les parties et CVK contestent la compétence de la Commission au motif que, par la présente procédure, l'exécutif européen a passé outre la décision de la NMA, qui a force de droit acquis, et intervient ainsi dans des positions juridiques acquises de CVK et de ses actionnaires. La NMA aurait confirmé à CVK dans les courriers échangés avant la conclusion de l'ensemble des actes juridiques formant le contrat, le 9 août 1999, que le retrait de RAG de CVK ne constituait pas une opération de concentration devant à nouveau être notifiée au titre du contrôle des concentrations, dans la mesure où la structure juridique de la société CVK sur laquelle se fonde la décision d'autorisation du 20 octobre 1998 a été mise en œuvre avant cette date.
(30) Cette objection n'est pas convaincante. Comme il a déjà été indiqué, les parties concernées par la procédure de contrôle des concentrations menée par la NMA n'ont pas mis en ouvre le projet de concentration notifié à la NMA, mais ont procédé, dans le cadre des accords contractuels du 9 août 1999, à une autre opération de concentration qui n'a pas été autorisée sous cette forme par la NMA. La confirmation de la NMA, dans un échange de lettres informel, qu'une nouvelle notification n'est pas nécessaire, ne soustrait pas cette opération de concentration à l'application du règlement sur les concentrations, de même qu'elle ne crée pas pour les parties et CVK une confiance légitime qui mériterait d'être protégée et dans laquelle la présente décision de la Commission s'immiscerait illégalement. On peut tout d'abord se demander si les parties et CVK ont satisfait aux exigences énoncées par la NMA dans l'échange de lettre susmentionné. Comme cela a été exposé au considérant 23, tout au plus peut-on considérer, en apparence et d'un point de vue formel, que la nouvelle structure de CVK autorisée par la NMA au moyen de sa décision du 20 octobre 1998 a été créée avant la cession des parts de RAG à Haniel et Cementbouw. Toutefois, une confirmation écrite informelle d'une autorité nationale ne saurait, quoi qu'il en soit, modifier la répartition des compétences prévue par le règlement sur les concentrations. Étant donné, en outre, que l'autorité nationale n'est pas compétente en matière d'interprétation du règlement sur les concentrations, cette confirmation ne saurait pas non plus donner aux entreprises concernées une confiance légitime les amenant à considérer qu'elles ne sont pas soumises, en l'espèce, à l'obligation de notification en application du règlement sur les concentrations. La NMA n'a au demeurant donné aucune indication sur ce contenu, car il n'est question, dans l'échange de correspondance en cause, que d'une éventuelle obligation de notification en vertu du droit néerlandais (11).
(31) Le fait que la Commission se livre, dans la présente procédure, à une autre appréciation de la question du contrôle que celle retenue par la NMA dans sa décision porte tout aussi peu atteinte à l'autorité de la décision de la NMA. On ne saurait toujours éviter que différentes autorités aboutissent, dans le cadre de leurs compétences respectives, à des appréciations juridiques ou factuelles différentes, notamment lorsque ces autorités exercent leurs fonctions sur des bases juridiques différentes (règlement sur les concentrations ou droit national de la concurrence). Il n'est pas porté atteinte à la situation juridique des entreprises concernées par les décisions respectives, car la décision de chaque autorité n'a force obligatoire que pour les faits-différents selon l'autorité en question - sur lesquels elle se base pour se prononcer.
(32) L'autorité de la décision de la NMA du 20 octobre 1998ne saurait par conséquent exclure que la Commission exerce cette compétence. L'opération réalisée le 9 août 1999 constitue donc une concentration au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations.
III. Dimension communautaire
(33) Les entreprises concernées réalisent un chiffre d'affaires total sur le plan mondial supérieur à 5 milliards d'euros (12) (Haniel: 18, 7 milliards d'euros, CVC: 18, 8 milliards d'euros, CVK: 0, 2 milliard d'euros). Haniel et CVC réalisent toutes deux un chiffre d'affaires communautaire supérieur à 250 millions d'euros (Haniel: 17, 5 milliards d'euros, CVC: [...]* milliard (s) d'euros, CVK: [...]* milliard (s) d'euros). Ni Haniel ni CVC ne réalisent plus des deux tiers de leur chiffre d'affaires communautaire à l'intérieur d'un seul et même État membre. Cela n'est le cas que pour CVK (Pays-Bas). L'opération de concentration notifiée est donc de dimension communautaire.
IV. PROCÉDURE
(34) Après examen de cette notification, la Commission a constaté que l'opération de concentration notifiée relevait du champ d'application du règlement sur les concentrations et soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et l'accord EEE. Elle a donc décidé, le 25 février 2002, d'engager la procédure conformément à l'article 6, paragraphe 1, point c), du règlement sur les concentrations.
(35) Le 25 avril 2002, la Commission a adressé une communication des griefs à Haniel, Cementbouw et CVK, à propos de laquelle Haniel, le 11 mai 2002, Cementbouw et CVK, le 13 mai 2002, ont transmis par écrit des observations distinctes. À la demande des parties et de CVK, une audition a eu lieu à Bruxelles le 16 mai 2002 à Bruxelles, à laquelle ont également participé, outre les parties et CVK, une entreprise tierce, l'entreprise de matériaux de construction Raab Karcher Bouwstoffen (Raab Karcher).
V. Compatibilité avec le Marché commun
A. Les marchés de produits en cause
(36) L'opération de concentration concerne la production et la vente de matériaux de construction de murs. CVK produit et vend des briques et des éléments silico-calcaires. Cementbouw fabrique et commercialise du béton prêt à l'emploi et des éléments préfabriqués en béton et opère en outre dans le négoce de matériaux de construction. Hormis sa participation dans CVK, Haniel n'exerçait jusqu'à récemment aucune activité aux Pays-Bas. Elle est toutefois présente dans ce pays pour les produits en béton cellulaire et en plâtre depuis qu'elle a racheté Fels. En revanche, en raison de l'engagement pris de céder les activités néerlandaises d'Ytong, l'acquisition de cette entreprise n'entraîne pas dans le secteur des matériaux de construction un rachat d'activités qui importe pour apprécier la présente opération de concentration. Outre la brique silico-calcaire, les produits en béton, le béton cellulaire et les produits en plâtre, les briques et, dans une moindre mesure, la tôle d'acier et les panneaux de bois, sont utilisés pour la construction de murs.
1. Produits
(37) La brique silico-calcaire est une brique de construction qui est fabriquée avec de la chaux, du sable et de l'eau, avant d'être moulée et durcie à la vapeur. Les briques silico-calcaires sont destinées exclusivement à la construction de murs. Elles sont généralement crépies, lissées avec un enduit mince ou revêtues d'un parement. Lorsque la construction en briques silico-calcaires est visible, il s'agit en règle générale de briques de parement, qui ne sont produites que dans de petites dimensions (13). Ces briques constituent un marché distinct qui ne sera pas examiné de manière plus précise dans la présente décision, car les parties ne produisent que peu de briques de ce type. Outre les briques, des éléments silico-calcaires de plus grandes dimensions sont également utilisés (aux Pays-Bas, leurs dimensions maximales sont habituellement: 900 × 625 × 300 mm).
(38) Le béton cellulaire est un matériau de construction composé de sable, de chaux et de ciment. Au cours de son processus de fabrication, l'ajout de poudre d'aluminium et d'eau provoque une réaction qui lui confère une fine texture cellulaire. Les produits en béton cellulaire (briques, blocs et éléments) sont principalement utilisés pour la construction de bâtiments. En ce qui concerne les murs, ils (en particulier les briques et les éléments en béton cellulaire à haute densité) peuvent non seulement servir à la construction des murs porteurs, mais aussi à celle des murs non porteurs.
(39) Le plâtre est un matériau de construction léger qui n'est utilisé que pour les murs non porteurs, car sa force portante est très faible. Il se présente sous forme de carreaux et de plaques.
(40) Le béton est un autre matériau de construction de murs très utilisé. Les murs en béton peuvent être construits à partir de béton coulé sur place ou d'éléments préfabriqués en béton. Ce matériau se présente aussi sous une troisième forme: les blocs de béton de petites dimensions. Le béton est utilisé presque exclusivement pour la construction de murs porteurs.
(41) Le béton coulé sur place peut être soit coulé dans des coffrages spécialement montés sur place, selon la méthode traditionnelle, soit utilisé dans des "coffrages tunnel" préfabriqués, qui permettent de couler en une seule opération les murs et les plafonds, selon la méthode de construction en tunnel (en néerlandais : tunnelgietbouw).
(42) Les éléments préfabriqués en béton sont produits dans des usines selon des spécifications précises, avant d'être transportés sur le chantier et utilisés dans le bâtiment auquel ils sont destinés. Il s'agit essentiellement de murs entiers. Ces éléments sont nettement plus gros que les briques ou les éléments silico-calcaires, qui sont principalement utilisés pour la maçonnerie, et leur utilisation exige un équipement lourd.
(43) Les briques sont fabriquées à partir d'un mélange d'argile et d'eau et sont cuites à une température supérieure à 1 000 °C. Il s'agit du matériau de maçonnerie traditionnel. Toutefois, la taille des différentes briques est limitée, car des déformations, telles que la rétraction et les déformations en arc, se produisent à la cuisson. C'est pourquoi un jointoiement est en général également nécessaire lors de la pose pour corriger ces déformations.
(44) Les plaques de tôle d'acier sont principalement utilisées dans le secteur de la construction non résidentielle et, dans une moindre mesure, dans celui de la construction résidentielle. Elles servent, par exemple, dans les constructions porteuses en béton ou en acier. Dans ces cas, le mur se compose habituellement de deux plaques de tôle d'acier entre lesquelles est placé un isolant (plaques sandwich métalliques).
(45) Les panneaux de bois sont utilisés dans les secteurs de la construction non résidentielle et de la construction résidentielle, le plus souvent sous forme d'éléments préfabriqués destinés à recouvrir les surfaces extérieures des bâtiments qui ne comportent pas de murs extérieurs porteurs. Aux Pays-Bas, le bois n'est que très rarement utilisé pour des murs porteurs.
2. Les définitions du marché de produits considérées
(46) Pour déterminer un marché de produits, la Commission doit apprécier toute une série de définitions différentes. Il convient de tenir compte du fait que l'utilisation et, partant, l'interchangeabilité des différents matériaux de construction de murs dépendent d'une manière non négligeable des habitudes et des traditions nationales en matière de construction ainsi que des conditions et règles du secteur du bâtiment, et peuvent donc varier très fortement d'un État membre de l'EEE à l'autre.La Commission a limité son examen, dans la présente affaire, à la situation aux Pays-Bas, car l'opération de concentration ne produit des effets que dans cet État membre.
a) Définition du marché avancée par les parties (matériaux de construction de murs)
(47) Vu les conditions de concurrence existantes, en particulier l'absence de toute différenciation au niveau des prix en ce qui concerne l'utilisation et la distribution par l'intermédiaire de grossistes, les parties considèrent qu'il existe un marché unique des matériaux de construction de murs. Tous les produits qui sont utilisés pour la construction de murs relèvent de ce marché: les briques, les blocs de béton, les briques silico-calcaires, les blocs de béton cellulaire, les éléments préfabriqués en béton, les éléments silico-calcaires, les éléments en béton cellulaire, le mortier pour maçonnerie, le béton coulé surplace, la tôle d'acier, les plaques et les carreaux de plâtre et les panneaux de bois. En ce qui concerne la conception d'un bâtiment, les parties avancent que l'on peut généralement choisir entre plusieurs techniques de construction de murs.
(48) Les parties expliquent que l'architecte ou le concepteur du projet définit généralement les spécifications à respecter en ce qui concerne la force portante, la résistance au vieillissement, le coût d'entretien, l'isolation thermique, la protection contre les incendies et l'isolation phonique du bâtiment. Parfois, l'architecte ajoute aux spécifications du bâtiment un choix de matériaux de construction. Les parties prétendent que ces spécifications permettent souvent, toutefois, d'opter pour d'autres solutions. L'entrepreneur est libre de choisir les matériaux de construction, pour autant qu'il respecte le cahier des charges. Dans sa proposition, l'entrepreneur peut spécifier un matériau ou en proposer plusieurs.
(49) Les parties admettent néanmoins que les différents matériaux de construction de murs ne sont pas parfaitement interchangeables pour toutes les applications. Vu les différences considérables qui existent entre les spécifications des matériaux utilisés pour les murs porteurs et celles des matériaux utilisés pour les murs non porteurs, les parties considèrent que l'on peut raisonnablement établir une distinction entre le marché des matériaux de construction pour murs porteurs et celui des matériaux de construction pour murs non porteurs.
b) Pratique antérieure de la Commission (maçonnerie/maçonnerie porteuse)
(50) Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Preussag contre Hebel (14), la Commission a pris en considération deux marchés de produits distincts, sans cependant en retenir un. Elle a considéré, d'une part, la possibilité d'un marché regroupant tous les matériaux de construction de murs, y compris les briques, les briques silico calcaires, les blocs de béton cellulaire et les blocs de béton ponce, avec lesquels les murs peuvent être construits "pierre par pierre" (maçonnerie). Il était ressorti de l'enquête menée que ces produits étaient interchangeables au stade de la conception du projet de construction. Dans le cadre de ce marché, la Commission a admis qu'une autre distinction, entre murs porteurs et murs non porteurs, était possible (maçonnerie porteuse). Les éléments préfabriqués en béton et le béton coulé surplace n'ont pas été pris en compte dans ces considérations.
c) La pratique du Bundeskartellamt allemand (maçonnerie)
(51) Dans sa pratique constante, le Bundeskartellamt allemand définit le marché de produits dans le secteur des matériaux de construction, comme la Commission l'avait fait initialement dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Preussag contre Hebel. Il suppose, dans sa pratique décisionnelle, l'existence d'un marché des matériaux de remplissage et d'élévation, dont relèvent les produits en béton cellulaire, les produits silico-calcaires, les briques de construction et les blocs de béton ponce et de béton (maçonnerie). Le Bundeskartellamt n'établit pas de distinction entre murs porteurs et murs non porteurs. Il considère que les matériaux utilisés pour construire ces deux types de murs sont essentiellement les mêmes en Allemagne.
d) Pratique de la NMA (matériaux de construction de murs porteurs)
(52) La NMA, l'autorité de concurrence néerlandaise) établit en revanche une distinction entre murs porteurs et murs non porteurs parce qu'elle considère que les matériaux utilisés pour ces deux types de murs sont très différents aux Pays-Bas (15). La brique silico-calcaire, qui sert pour ces deux types de murs, est en concurrence avec des matériaux différents selon qu'elle est utilisée pour l'une ou l'autre application. Dans sa définition du marché des matériaux de construction pour murs porteurs, la NMA a inclus l'ensemble des matériaux de construction qui sont utilisés pour ce type de murs, à savoir non seulement les matériaux ("pierre par pierre") cités au considérant 51, mais aussi les éléments préfabriqués en béton et le béton coulé sur place. Toutefois, il convient d'observer que la NMA a ouvert, dans une décision postérieure, la possibilité d'établir une distinction entre le béton coulé sur place et les autres matériaux de construction de murs (16).
3. Appréciation
(53) Sur la base des informations dont elle dispose et, en particulier, de l'étude du marché qu'elle a réalisée dans la présente affaire, la Commission conclut - comme elle l'a déjà fait dans ses décisions du 21 février 2002 dans l'affaire COMP/M. 2495 - Haniel contre Fels et du9 avril 2002 dans l'affaire COMP/M. 2568 - Haniel contre Ytong - à l'instar de la NMA, qu'il existe deux marchés de produits distincts aux Pays-Bas: celui des matériaux de construction pour murs porteurs et celui des matériaux de construction pour murs non porteurs.Une subdivision de ces marchés entre matériaux de maçonnerie et autres matériaux (en particulier les produits en béton) n'est cependant pas utile. Le premier de ces marchés comprend tous les matériaux qui sont utilisés pour construire des murs porteurs, tels que la brique, la brique silico-calcaire, le béton cellulaire, les blocs de béton, les éléments préfabriqués en béton et, éventuellement, le béton coulé sur place. Toutefois, il ressort des conclusions de l'étude du marché que le béton coulé sur place, en particulier celui qui est utilisé selon la méthode de construction en tunnel, ne ferait pas partie de ce marché. Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette question, car elle n'a pas d'incidence sur l'appréciation de l'opération de concentration. Le second de ces marchés englobe, quant à lui, tous les matériaux qui sont utilisés pour construire des murs non porteurs, tels que la brique silico-calcaire, le béton cellulaire, les carreaux et les plaques de plâtre, les plaques de tôle d'acier et le bois.
(54) Tous les matériaux de construction que les parties ont inclus dans sa proposition de définition du marché conviennent à la construction de murs et sont effectivement utilisés à cette fin. L'étude du marché réalisée par la Commission aux Pays-Bas a toutefois montré que ces matériaux ne sont pas tous en concurrence les uns avec les autres.
a) Propriétés des différents matériaux de construction de murs
(55) Les matériaux de construction de murs précités possèdent des propriétés différentes, qui sont prises en compte lors du choix d'un matériau pour un projet de construction donné.
(56) La brique silico-calcaire est en tant que telle un matériau bon marché qui certes n'existe pas dans les dimensions des éléments préfabriqués en béton, mais dont les dimensions - qui peuvent atteindre 900 × 625 × 300 mm -dépassent celles des briques de construction traditionnelles. En outre, elle possède comme le béton cellulaire - une surface lisse qu'il n'est pas nécessaire d'égaliser par jointoiement. Les éléments peuvent être collés. De plus, les produits silico-calcaires sont sciés à l'usine selon les plans afin que les éléments formant le pignon ou les ouvertures de fenêtre soient prés fabriqués. Ces aspects permettent de réduire le temps nécessaire à la construction et les coûts de main-d'œuvre par rapport, par exemple, aux briques. Parallèlement, ce matériau n'exige pas de gros investissements, tels que des grues lourdes, comme c'est le cas pour les éléments préfabriqués en béton ou les coffrages utilisés pour le béton coulé sur place. Aux Pays-Bas, la brique silico-calcaire est, en raison de ses excellentes propriétés porteuses, utilisée pour la construction de murs porteurs et, dans une moindre mesure, pour celle des murs non porteurs. Environ [60-80]* % des briques silico-calcaires utilisées dans ce pays sont destinés à des murs porteurs. Pour la construction de murs non porteurs, la brique silico-calcaire présente l'inconvénient d'être relativement lourde (environ deux fois plus lourde que le béton cellulaire). Toutefois, elle possède de bonnes propriétés en matière d'isolation phonique et convient surtout aux hauts murs non porteurs, qui sont souvent nécessaires dans le secteur de la construction non résidentielle. Aux Pays-Bas, la brique silico-calcaire est le matériau de construction traditionnel et le plus utilisé.
(57) Les éléments préfabriqués en béton n'impliquent pas de frais de maçonnerie, car ils ont déjà les dimensions du mur à construire. Le béton est un produit qui peut être fabriqué avec des matières premières relativement simples. Toutefois, des machines de grande taille, telles que les grues, doivent être utilisées pour mettre en place ces éléments, ce qui entraîne certains coûts d'investissement. Ils sont donc en premier lieu destinés aux projets un peu plus grands. Ils sont surtout utilisés dans le secteur de la construction non résidentielle (néerlandais:utiliteitsbouw ou, en abrégé, u-bouw) et, dans une moindre mesure, dans celui de la construction résidentielle (néerlandais:woningbouw ou, en abrégé, w-bouw). Leur utilisation pour des projets de taille moyenne à partir de 10 unités peut toutefois se traduire par des économies d'échelle, étant donné que le mur est fabriqué à l'usine et que sa mise en place sur le chantier nécessite relativement peu de personnel et de temps. Plus le projet est important, plus les coûts du mur préfabriqué sont bas.
(58) Le béton coulé sur place exige les coûts d'investissement les plus importants de sa mise en œuvre sur le chantier, et cela vaut en particulier pour le béton coulé sur place suivant la méthode de construction en tunnel. Dans ce type de construction, la fabrication et l'utilisation du coffrage réutilisable nécessaire au moulage sont si coûteuses qu'elles ne deviennent rentables qu'à partir de 30 à 50 unités résidentielles (d'après d'autres informations, à partir de 15 unités environ) pour autant que ces dernières aient la même forme et les mêmes dimensions (17). Ce type de construction présente donc relativement peu de souplesse en ce qui concerne ces deux aspects. Or, aux Pays-Bas, par souci d'éviter l'uniformité, on aspire à plus de souplesse également dans les grands projets. Par conséquent, la méthode de construction en tunnel ne convient pas pour les projets plus petits ni pour ceux qui ne prévoient pas de formes rectangulaires ni la réutilisation des coffrages. Le béton coulé sur place est en outre utilisé également pour la construction d'immeubles, lorsque leur force portante est assurée par une ossature en béton, remplie ensuite avec des matériaux de construction de murs non porteurs.
(59) Le béton cellulaire est en tant que tel un matériau onéreux. Il est produit à partir de matières premières de haute qualité et chères, moyennant des coûts énergétiques élevés. Les gros éléments doivent être coulés autour d'une armature en acier (béton armé), ce qui renchérit encore leur prix, car la fabrication de ces armatures est très coûteuse. Contrairement au ferraillage du béton, ces armatures doivent être protégées contre la corrosion au moyen d'un enduit. Les propriétés du béton cellulaire en matière de construction sont un peu moins bonnes que celles de la brique silico-calcaire, mais il est possible de construire des murs porteurs jusqu'à deux étages avec ce matériau. Il se distingue pourtant par d'excellentes propriétés en matière d'isolation thermique. En Allemagne, environ 80 % des produits en béton cellulaire utilisés pour la construction de murs sont destinés à des murs porteurs, contre 20 % seulement pour les murs non porteurs. Or, aux Pays-Bas, ce rapport est inversé:environ 80 % à 85 % de ces produits sont destinés à des murs non porteurs.
(60) Le plâtre est un matériau léger. Il est donc parfaitement indiqué pour les murs non porteurs. Les exigences en matière de force portante des sols sont faibles, et les murs en plâtre permettent de gagner de la place. Comme sa force portante est insuffisante, le plâtre est exclusivement réservé aux murs non porteurs.
(61) Les briques sont, comparativement, des matériaux de construction de petites dimensions. En raison de leur surface irrégulière, elles sont généralement jointoyées. Elles peuvent à l'évidence être également collées en utilisant d'autres techniques. En comparaison, leur pose exige beaucoup de temps et se caractérise par des coûts de main-d'œuvre élevés. C'est pourquoi elles sont inadaptées à la construction industrielle.
b) La différence entre matériaux de construction pour murs porteurs et matériaux de construction pour murs non porteurs
(62) L'étude du marché a montré que le choix du matériau de construction pour un projet donné est non seulement influencé par le donneur d'ouvrage et l'architecte, mais aussi par l'entrepreneur. L'influence de chacune de ces trois catégories de personnes sur le choix du matériau est fonction du projet.
(63) La précision des préférences du donneur d'ouvrage en ce qui concerne, par exemple, l'esthétique et les coûts de construction joue un rôle de la même manière que les directives de l'architecte. Les critères pris en compte lors du choix des différents matériaux sont la qualité, les propriétés en matière de construction, la souplesse d'utilisation, l'aspect, le prix et les coûts de mise en œuvre. À cet égard, les spécifications du projet doivent être prises en considération de la même manière que la destination du bâtiment, la force portante nécessaire, la résistance au vieillissement, la protection contre les incendies et l'isolation phonique, les autres possibilités techniques, le calendrier, etc , ainsi que le coût total du projet. S'il a le choix entre plusieurs matériaux, l'entrepreneur tiendra compte du coût et du temps nécessaire à la construction. Son choix sera par ailleurs influencé par l'expérience qu'il aura acquise avec certains matériaux et par les investissements et équipements (par exemple, des grues) qui seront mis à sa disposition. S'agissant des facteurs de coût, il convient de tenir compte du fait que les coûts de matériaux ne représentent toujours qu'une partie des coûts totaux liés à la construction d'un mur.
(64) Dans le cadre de son étude du marché, la Commission adonc interrogé tous ces décideurs sur la manière dont ils choisissent les matériaux de construction. De même, elle a demandé des renseignements aux producteurs des différents matériaux. Aux Pays-Bas, il est ressorti de cette enquête que le choix des matériaux de construction reposait sur une distinction essentielle entre les matériaux pour murs porteurs et ceux pour murs non porteurs.
(65) Cette distinction entre murs porteurs et murs non porteurs correspond, comme cet adjectif l'indique, à la fonction portante de chaque matériau de construction. Les murs porteurs assurent la stabilité d'un bâtiment. Il s'agit souvent de murs extérieurs. Toutefois, des murs intérieurs peuvent également avoir une fonction portante. Il faut distinguer de ces murs porteurs, les murs qui n'ont pas de fonction portante dans le bâtiment, mais qui servent simplement de séparations ou à remplir les espaces dans une ossature porteuse (murs extérieurs et intérieurs). Les matériaux de construction pour murs porteurs doivent satisfaire à certaines spécifications en matière de résistance à la pression, de force portante et de rigidité. En revanche, d'autres spécifications parfois mêmes contraires sont requises pour les matériaux de construction de murs non porteurs. Les murs non porteurs plus légers ont donc l'avantage de moins solliciter la force portante des planchers. Les murs non porteurs minces permettent quant à eux de gagner de laplace.
(66) Eu égard aux exigences différentes auxquelles doivent satisfaire les murs porteurs et les murs non porteurs, des matériaux de construction différents sont choisis aux Pays-Bas pour chacune de ces applications. Dans ce pays, c'est en premier lieu la brique silico-calcaire qui est utilisée pour les murs porteurs. [50-60]* % de l'ensemble de ces murs sont construits avec ce matériau. Le béton constitue le deuxième groupe de matériaux de construction. [10-15]* % de l'ensemble des murs porteurs sont construits avec du béton coulé sur place. Au moins deux cinquièmes de ce matériau sont utilisés selon la méthode de construction en tunnel (18). [5-10]* % reviennent aux murs porteurs construits avec des éléments préfabriqués en béton. Le béton cellulaire et la brique, dont les parts respectives sont de [0-2]* % et de [2-5]* %, ne jouent qu'un rôle très secondaire.
(67) En revanche, ce sont les produits en plâtre qui arrivent en tête pour les murs non porteurs. Ils sont utilisés pour construire [40-50]* % de ces murs. Vient ensuite le béton cellulaire [15-20]* %, suivi de la brique silico-calcaire [15-20]* %.
(68) Cette structure de la demande est caractéristique des Pays-Bas et diffère fondamentalement de celle des autres pays, comme par exemple l'Allemagne. Dans ce dernier pays, le rapport béton cellulaire pour murs porteurs/béton cellulaire pour murs non porteurs est exactement inverse. Alors que l'Allemagne utilise 80 % de l'ensemble des produits en béton cellulaire dans des murs porteurs, les Pays-Bas en utilisent 85 % à 90 % dans des murs non porteurs. En Allemagne, le béton n'est guère utilisé pour les murs porteurs dans le secteur de la construction résidentielle, c'est pourquoi la brique et les autres éléments de maçonnerie y jouent un plus grand rôle. En Belgique, il semble au contraire que les blocs de béton soient beaucoup plus répandus qu'aux Pays-Bas et constituent, avec les briques, le matériau de construction de murs traditionnel. Le béton coulé sur place selon la méthode en tunnel est, quant à lui, nettement moins répandu en Allemagne et en Belgique qu'aux Pays-Bas.
(69) Ces différences s'expliquent, d'une part, par des traditions en matière de construction et des goûts différents et, d'autre part, par l'"industrialisation" de la méthode de construction aux Pays-Bas.
70) Dans ce pays, l'activité dans le secteur de la construction se caractérise par de grands projets, et ce même dans le secteur de la construction résidentielle. Moins de 20 %de l'ensemble des constructions de logements sont réalisés sur une base individuelle. En Allemagne, ce sont au contraire plus de 90 % des constructions de logements. Aux Pays-Bas, le gouvernement met à la disposition des entrepreneurs du bâtiment de grands terrains sur lesquels ces derniers construisent ensuite jusqu'à plusieurs milliers d'unités résidentielles (par exemple, les VINEX locaties). Dans les projets de cette ampleur, les matériaux de construction qui exigent des investissements plus importants, mais entraînent des coûts de main-d'œuvre plus bas (tels que le béton coulé sur place suivant la méthode en tunnel), deviennent rentables. C'est pourquoi les briques, qui impliquent une quantité de travail importante sur le chantier (en raison de leurs petites dimensions et, en général, du jointoiement nécessaire) et, partant, des coûts de main-d'œuvre plus élevés et des délais plus longs, n'y jouent quasiment pas de rôle.
(71) La brique silico-calcaire est le matériau de construction traditionnel aux Pays-Bas. Elle est en soi relativement bon marché et peut être posée rapidement et à peu de frais, avec une grande souplesse(les gros éléments sont sciés à l'usine selon la forme demandée et le jointoiement n'est pas nécessaire).
(72) Si le béton cellulaire est largement utilisé dans les murs porteurs en Allemagne parce qu'il offre une bonne isolation thermique, cet avantage n'est pas suffisant aux Pays-Bas pour compenser son prix nettement supérieur à celui de la brique silico-calcaire. En Allemagne, on utilise des éléments en béton cellulaire de trente centimètres d'épaisseur pour les murs porteurs. Il suffit ensuite de les enduire et de les peindre pour obtenir un mur fini répondant à de grandes exigences en matière d'isolation thermique. On évite ainsi les frais liés à la pose d'un parement et au renforcement de l'isolation. En revanche, des murs extérieurs enduits et lisses ne sont pas courants aux Pays-Bas. On y préfère les façades qui donnent l'impression d'une construction en briques. Cela se traduit par la pose de parements maçonnés en briques sur les murs porteurs et sur le matériau isolant appliqué entre ces murs. L'avantage en termes de coûts du béton cellulaire découlant du fait qu'il ne nécessite pas d'isolation ni de parement est dès lors annulé, ce qui le renchérit nettement par rapport à la brique silico-calcaire. Le béton cellulaire n'est donc que rarement utilisé aux Pays-Bas pour les murs porteurs dans le secteur de la construction résidentielle.
(73) Étant donné que le béton cellulaire se situe au même niveau de prix que le plâtre, qu'il est relativement léger, mais qu'il offre une meilleure isolation thermique, les produits en béton cellulaire sont utilisés pour les murs non porteurs aux Pays-Bas. La brique silico-calcaire est également utilisée pour ce type de murs. Elle isole bien du bruit, ce qui peut compenser dans certains cas les inconvénients qu'elle présente en tant que matériau lourd. En outre, vu ses propriétés en matière de construction, elle est toute indiquée pour les hauts murs non porteurs, qui sont surtout nécessaires dans le secteur de la construction non résidentielle.
(74) Il n'existe donc aux Pays-Bas qu'une concurrence limitée entre les produits qui sont destinés aux murs porteurs, d'une part, et les produits qui sont destinés aux murs non porteurs, d'autre part. La Commission en conclut qu'il y a lieu de distinguer deux marchés de produits en cause dans ce pays: celui des matériaux pour murs porteurs et celui des matériaux pour murs non porteurs, bien que certains matériaux destinés aux murs porteurs puissent être utilisés dans des murs non porteurs et vice versa. Cela vaut en particulier pour la brique silico-calcaire, qui est le seul matériau de construction pouvant servir, dans une mesure appréciable, tout aussi bien pour les murs porteurs que pour les murs non porteurs. Les producteurs de matériaux pouvant servir à la construction de ces deux types de murs sont largement confrontés à d'autres concurrents sur le marché pour murs porteurs et y sont exposés à d'autres pressions concurrentielles que sur le marché pour murs non porteurs.
(75) Lorsqu'elle fixe le prix de ses produits destinés aux murs porteurs, CVK - en tant qu'unique producteur de briques silico-calcaires des Pays-Bas - n'est pas limité par les prix qui sont exigés sur le marché des matériaux pour murs non porteurs. L'étude du marché réalisée par la Commission montre que CVK connaît souvent l'utilisation concrète qui est faite de ses produits (19). D'une part, CVK connaît dans de nombreux cas la destination de ses produits, car elle est elle-même souvent responsable de la livraison de ses produits sur un chantier donné. En outre, dans le cas de la livraison des éléments qui représentent la moitié de son chiffre d'affaires, elle a accès aux plans des architectes. Haniel a également indiqué que l'épaisseur d'une grande partie des produits silico-calcaires permet de savoir s'ils seront utilisés pour des murs porteurs ou non porteurs. C'est ce qu'a également confirmé Raab Karcher lors de l'audition. La Commission estime par conséquent, malgré les observations présentées par les parties et CVK sur la communication des griefs, ainsi que les explications données sur ce point lors de l'audition, que CVK est en mesure de différencier ses prix en fonction de la situation concurrentielle considérée. À cet égard, elle peut établir une distinction implicite entre les grands projets et les petits projets en accordant des rabais de quantité et en appliquant des prix de transport uniques. CVK a d'ailleurs indiqué qu'elle accordait aux distributeurs de matériaux de construction des rabais liés au projet et à l'entrepreneur.
(76) Si tant est que CVK ne soit pas en mesure de pratiquer des prix différents pour les produits silico-calcaires destinés aux murs porteurs et les produits destinés aux murs non porteurs, CVK doit vraisemblablement aligner sa stratégie en matière de prix, en premier lieu, sur les exigences du marché des matériaux pour murs porteurs, car elle vend [60-80]* % de ses produits sur ce marché. c) La prise en considération du béton coulé sur place dans le marché des matériaux pour la construction des murs porteurs
(77) L'étude du marché soulève la question de savoir si et le cas échéant, dans quelle mesure -le béton coulé surplace relève également du marché des matériaux de construction pour murs porteurs. Cela vaut en particulier pour le béton coulé sur place selon la méthode de construction en tunnel. Comme cela a déjà été indiqué au considérant 58, cette méthode s'accompagne de coûts d'investissement fixes élevés, qui ne deviennent rentables qu'à partir d'un certain ordre de grandeur. Selon les informations, ce seuil de rentabilité se situerait environ à 30-50 unités résidentielles de même forme et de même dimension, voire à une quinzaine, ce qui signifie que cette méthode ne convient ni pour les plus petits projets ni pour les grands projets dans lesquels l'uniformité doit être évitée pour des raisons esthétiques et sociales. Indépendamment du nombre exact d'unités résidentielles à partir duquel la méthode de construction en tunnel est rentable, la conclusion s'impose selon laquelle la brique silico-calcaire n'est pas exposée à la concurrence du béton coulé sur place dans le cas des projets de construction de petite taille (20).
(78) En outre, cette méthode permet de construire non seulement les murs, mais aussi les plafonds en une seule opération. Par conséquent, le choix de la méthode de construction en tunnel repose moins sur des considérations de prix que de méthode. Si un promoteur souhaitait par exemple remplacer dans un projet de construction les produits silico-calcaires par du béton coulé surplace selon la méthode de construction en tunnel, cela affecterait non seulement les matériaux de construction des murs, mais aussi ceux des sols et des plafonds, ce qui signifie que ce changement de méthode modifie l'ensemble du projet de construction. Par conséquent, le béton coulé sur place selon la méthode de construction en tunnel constituerait une possibilité plutôt lointaine pour les promoteurs qui utilisent actuellement des produits silico-calcaires dans leurs projets.
(79) Dans leurs observations présentées sur la communication des griefs et lors de l'audition, les parties et CVK ont confirmé, en détaillant leurs positions, que le marché de produits en cause devait comprendre le béton coulé surplace sous toutes ses formes.
(80) La question de la prise en compte du béton coulé sur place -et notamment du béton coulé sur place selon la méthode de construction en tunnel - dans le marché des matériaux pour murs porteurs peut néanmoins restée ouverte, car elle n'a pas d'incidence sur l'appréciation de l'opération en question. Même en se basant sur la définition, plus large, du marché de produits en cause que les parties considèrent comme appropriée et qui comprend toutes les catégories de béton coulé sur place, la présente opération de concentration a entraîné la création d'une position dominante de CVK aux Pays-Bas.
4. Résumé relatif aux marchés de produits en cause
(81) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission estime qu'il y a lieu, aux fins de l'appréciation du projet de concentration notifié, d'établir une distinction aux Pays-Bas entre le marché des matériaux de construction pour murs porteurs et celui des matériaux de construction pour murs non porteurs. La question de savoir si le béton coulé sur place - et notamment le béton coulé sur place selon la méthode de construction en tunnel - relève ou non du premier de ces marchés peut rester ouverte, car cela n'a pas d'effet sur l'appréciation de l'opération de concentration.
B. Le marché géographique en cause
(82) Les parties considèrent que le marché géographique en cause aux Pays-Bas est national. La Commission estime que, bien que certaines entreprises du secteur des matériaux de construction tendent à exercer des activités au niveau régional, les coûts du transport aux Pays-Bas ne sont pas tels que des matériaux de construction ne puissent être livrés sur la totalité du territoire néerlandais. Les matériaux de construction de murs sont transportés par camion, dans l'immense majorité des cas directement du lieu de production au chantier, précise-t-elle.
(83) L'enquête de la Commission a confirmé l'existence d'un marché national aux Pays-Bas. L'étude du marché a montré que les prix de la plupart des matériaux de construction de murs étaient calculés franco lieu de production pour les livraisons sur la totalité du territoire néerlandais, bien que les frais de transport ne constituent pas un facteur de coût négligeable. En outre, CVK, entant qu'unique producteur de briques silico-calcaires, peut approvisionner n'importe quel chantier aux Pays-Bas directement au départ de la briqueterie la plus proche.
(84) Il est manifeste que des matériaux de construction de murs sont importés de Belgique et d'Allemagne aux Pays-Bas dans les zones frontalières, mais ces importations restent marginales, de sorte qu'elles ne justifient pas que des parties des territoires belge et allemand soient intégrées au marché géographique en cause. L'étude du marché a révélé l'existence d'obstacles à l'entrée sur le marché, dus notamment aux différences dans les législations relatives à la construction et à la sécurité du travail. Ainsi, aux Pays-Bas, les pierres de construction mises en œuvre à la main ne peuvent pas peser plus de 18 kilogrammes, ce qui n'est pas le cas dans d'autres États membres. D'autre part, en Allemagne par exemple, les épaisseurs de mur comparables sont, conformément aux normes de construction, plus importantes et, étant donné la plus grande quantité de matériaux qui doivent être employés, les murs ont par conséquent un coût de revient plus élevé qu'aux Pays-Bas. Toutes les entreprises importantes présentes sur le marché néerlandais des matériaux de construction de murs ont également leur siège aux Pays-Bas. Les producteurs belges et allemands présents aux Pays-Bas exercent également leurs activités par l'intermédiaire de filiales néerlandaises.
(85) La Commission estime par conséquent qu'aux fins de la présente décision, le marché géographique en cause doit être considéré comme national et comprendre la totalité du territoire des Pays-Bas.
C. Appréciation au regard du droit de la concurrence
(86) La Commission est parvenue à la conclusion que la présente opération de concentration - la prise de contrôle de CVK sur ses entreprises membres et de Haniel et Cementbouw sur CVK - a conféré une position dominante à CVK et à ses entreprises fondatrices indirectes qui la contrôlent, Haniel et Cementbouw, sur le marché des matériaux pour la construction de murs porteurs aux Pays-Bas.
(87) Par conséquent, la Commission présentera dans un premier temps la position dominante actuelle des parties avant d'expliquer dans quelle mesure la présente opération de concentration l'a créée.
1. Position dominante des parties
a) Principes
(88) La Cour de justice des Communautés européennes a défini la position dominante comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs. Une telle position n'exclut pas l'existence d'une certaine concurrence mais met la firme qui en bénéficie en mesure sinon de décider, tout au moins d'influencer notablement les conditions dans lesquelles cette concurrences e développera et, en tout cas, de se comporter dans une large mesure sans devoir en tenir compte et sans pour autant que cette attitude lui porte préjudice.
(89) L'existence d'une position dominante peut résulter de plusieurs facteurs qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement déterminants, mais parmi ces facteurs l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative. En outre, le rapport entre les parts de marché détenues par les entreprises parties à la concentration et par leurs concurrents, en particulier ceux qui les suivent immédiatement, constitue un indice important de l'existence d'une position dominante (21).
b) Structure du marché
(90) En 2000, le marché néerlandais global des matériaux de construction de murs représentait [...]* m3 en volume. La valeur du marché était de [...]* euros. Le volume du marché de matériaux pour la construction de murs porteurs était de [...]* m3 et sa valeur de [...]* euros. Si le béton coulé sur place n'est pas considéré comme faisant partie du marché des murs porteurs, le volume de ce dernier se réduit à [...]* m3, et sa valeur à [...]* euros. Si seul le béton coulé sur place utilisé avec la méthode de construction en tunnel en était soustrait, ce marché aurait un volume de [...]* m3 et une valeur de [...]* euros (22).
(91) Dans le tableau suivant figurent les parts de marché (en volume) des parties et de leurs concurrents les plus importants, pour tous les matériaux de construction de murs porteurs, pour ces matériaux à l'exclusion du béton coulé sur place, et pour ces matériaux à l'exclusion du béton coulé sur place en coffrage tunnel (23) : (en %)
<emplacement tableau>
(92) La Commission a constaté que Haniel (CVK) détient une part de marché supérieure à [50-60]* % dans les matériaux de construction de murs porteurs. Le deuxième opérateur est Cementbouw, qui a pris conjointement avec Haniel le contrôle de CVK par la présente opération de concentration, avec à peine [2-5]* % de part de marché. La position de Cementbouw sur le marché repose sur ses activités dans le secteur des éléments préfabriqués en béton et du béton coulé sur place. Haniel n'est présente sur le marché néerlandais, outre par l'intermédiaire de CVK, que par le biais des activités de Fels. La part de marché cumulée des parties s'élève donc presque à [60-70]* %. Le concurrent suivant est le producteur de béton coulé sur place Mebin, qui détient environ [2-5]* % du marché. Les autres concurrents possèdent des parts de marché inférieures à 2 %. La part de marché de CVK est donc plus de [10-15]* fois supérieure à celle de son concurrent le plus important.
(93) Au cas où le béton coulé sur place ne serait pas pris en considération dans la définition du marché des matériaux pour la construction de murs porteurs, la part de marché de la seule CVK s'élèverait à [60-70]* %, car l'entreprise ne fournit pas ce produit. Si l'on prend la part de marché de Cementbouw en considération, la part de marché des parties serait de quelque [60-70]* %. Dans une telle hypothèse, le plus gros concurrent indépendant, Mebin, ne serait pas présent sur le marché de produits en cause. Ne resteraient donc que quelques concurrents nettement plus petits, dont aucun ne possèdent une part de marché supérieure à 2 %, voire qui ne possèdent que des parts de marché nettement inférieures.
(94) Si on exclut de la définition du marché uniquement le béton coulé sur place utilisé dans la méthode de construction en tunnel, la part de marché de CVK s'élève à [50-60]* %. Si l'on prend la part de marché de Cementbouw en considération, la part de marché des parties serait de quelque [60-70]* %.
(95) La position des parties et de leurs concurrents sur le marché décrite ci-dessus n'a pratiquement pas changé au cours des dernières années - également selon les explications données par les parties. c) Rôle des différents matériaux de construction de murs
(96) Aucun concurrent de CVK aux Pays-Bas n'est présent dans le secteur des briques silico-calcaires. CVK est l'unique producteur et fournisseur de ce matériau aux Pays-Bas. Or, les briques silico-calcaires constituent dans ce pays, pour les raisons citées précédemment, le matériau traditionnel pour la construction de murs, et elles demeurent le plus populaire. Il est en outre le seul matériau de construction utilisé massivement à la fois pour les murs porteurs et non porteurs.
(97) Le béton coulé sur place ne peut pas être considéré comme un matériau permettant d'exercer une pression concurrentielle importante sur CVK. D'une part, la part du béton coulé sur place sur le marché des matériaux de construction de murs n'est au total que de [10-15]* % et Cementbouw en occupe environ [0-2]* %. La part du béton coulé sur place semble être restée stable selon les indications données par l'association professionnelle VOBN. Selon certains concurrents, elle a même légèrement diminué. Les personnes interrogées ont expliqué cela par une tendance aux projets plus petits et plus diversifiés. D'autre part, la pression concurrentielle sur le marché ne dépend pas seulement de la position d'un produit sur le marché, mais aussi de la position sur le marché du concurrent qui offre ce produit. Comme la Commission l'a déjà expliqué plus en détail, le marché des matériaux de construction de murs est cependant fragmenté. Le producteur de béton coulé sur place le plus important, Mebin, n'occupe sur l'ensemble du marché des matériaux de construction de murs porteurs qu'une part de marché de [2-5]* %, les autres concurrents représentent moins de 2 %. La part de marché des parties est de [60-70]* % et celle de la seule CVK de [50-60]* %.
(98) Toutefois, les produits offerts par les concurrents ont un effet sur leur position sur le marché. Tel est d'autant plus le cas en l'espèce que le marché en question est un marché de produits différencié sur lequel des produits différents sont à divers degrés en concurrence les uns avec les autres pour les mêmes applications. Le fait qu'un produit déterminé est en concurrence directe avec un autre ou pas dépend des caractéristiques du produit et de la situation spécifique et c'est pour cela qu'on peut, par exemple, se demander dans quelle mesure le béton coulé sur place peut être compris dans le marché en cause - comme il a été expliqué au regard de la définition du marché de produits. Sur ce type de marché, la possibilité d'offrir un produit particulièrement apprécié de certains consommateurs ou pour certaines applications peut déterminer la position d'une entreprise. La position sur le marché de CVK est renforcée au-delà de sa pure part de marché dans la mesure où l'entreprise est le seul producteur de briques silico-calcaires aux Pays-Bas.
d) Obstacles à l'entrée sur le marché
(99) Malgré les observations présentées par les parties et CVK sur la communication des griefs et les explications données lors de l'audition, la Commission estime qu'il existe d'importants obstacles à l'entrée sur le marché. CVK contrôle toutes les usines de production de briques silico-calcaires aux Pays-Bas et, partant, la production du matériau de construction de murs de loin le plus important sur le marché de produits en cause.L'étude du marché réalisée par la Commission a montré que les producteurs d'autres matériaux de construction de murs ne pouvaient s'engager dans la production de produits silico-calcaires qu'après un long délai et au prix de lourds investissements. C'est également le cas pour d'autres matériaux de construction de murs, comme le béton cellulaire. Les processus de production et, partant, les sites de production, sont différents pour chaque matériau de construction de murs.
(100) Haniel a évalué les coûts d'investissement pour une usine de production de briques silico-calcaires à quelque [...]* euros seulement. Le coût de construction d'une nouvelle usine de béton prêt à l'emploi s'élève à [...]* euros selon Haniel. Cementbouw a cependant estimé, quant à elle, que ces coûts d'investissement étaient sensiblement plus élevés. En outre, les concurrents contactés dans le cadre de l'étude du marché estiment, en général, ne pouvoir que très difficilement accroître leurs capacités de production existantes ou même lancer la production d'un autre matériau de construction de murs. Une entreprise interrogée a précisé que la création d'une nouvelle usine de production de briques silico-calcaires nécessite un investissement de [...]* euros, quel autorisation administrative nécessaire est difficile à obtenir et que la simple construction de l'installation dure deux ans.Contrairement à l'opinion exprimée parles parties selon laquelle les obstacles à l'entrée sur le marché décrits seraient insignifiants, la Commission estime, dans ces circonstances, que les possibles entrées sur le marché n'exerçaient pas une pression concurrentielle suffisante pour limiter la marge de manœuvre de CVK sur le marché en cause. Dans les derniers temps, quelques rares entrées sur le marché, entièrement limitées au secteur du béton, ont été constatées.
(101) En ce qui concerne les briques silico-calcaires, d'importantes surcapacités subsistent et rendent une entrée sur le marché moins attrayante et ce même après la fermeture de trois des onze usines de production de brique ssilico-calcaires initiales par CVK.Les sites de production restants de CVK sont en outre également répartis sur le territoire des Pays-Bas, de sorte que CVK peut approvisionner n'importe quel client au départ d'une usine proche. L'étude du marché effectuée par la Commission montre que ce facteur renforce également la position de CVK.
e) Puissance d'achat
(102) Malgré les observations présentées par les parties et CVK sur la communication des griefs, ainsi que les explications données lors de l'audition, la Commission estime que les clients de CVK ne disposent pas d'une puissance d'achat.Aucun client ne représente une partie substantielle du chiffre d'affaires de CVK. Les cinq principaux distributeurs de matériaux de construction représentent bien quelque [60-80]* % des ventes de CVK et l'acheteur le plus important [20-30]* %. Toutefois, même une telle part des ventes totales ne confère pas de puissance d'achat aux acheteurs les plus importants, car il existe suffisamment d'autres distributeurs de matériaux de construction. Certains d'entre eux sont en outre des groupements d'achats (des inkoopcombinaties en néerlandais). Ce qui joue un rôle déterminant c'est que les distributeurs de matériaux de construction dépendent des produits de CVK. La brique silico-calcaire constitue en effet le plus important matériau de construction de murs aux Pays-Bas. Vient ensuite le béton.Il ne constitue cependant pas une alternative pour les distributeurs de matériaux de construction, car ni le béton coulé surplace ni les éléments préfabriqués en béton ne sont distribués, dans une mesure appréciable, par leur intermédiaire. Aucun autre matériau de construction ne peut donc remplacer la brique silico-calcaire pour les distributeurs de matériaux de construction. C'est ce qu'a également confirmé Raab Karcher lors de l'audition. Comme Haniel l'a expliqué, il se peut que les distributeurs de matériaux de construction perdent des projets au profit du béton si les prix qu'ils offrent pour les briques silico-calcaires ne sont pas intéressants. Toutefois, cela signifie simplement que le distributeur, avec son offre de briques silico-calcaires, et donc CVK indirectement, est en concurrence avec les fournisseurs de béton, mais pasque le distributeur est en mesure d'exercer de son côtés a puissance d'achat sur CVK.
(103) De plus, CVK exerce une influence importante en matière de fixation des prix envers les entrepreneurs.Il est vrai que les distributeurs de matériaux de construction supportent les risques financiers de la distribution. Ce ne sont cependant pas eux qui choisissent les matériaux de construction, mais les entrepreneurs. Comme la Commission l'a déjà expliqué en détail, CVK est généralement bien informée sur l'identité des utilisateurs et la destination de ses produits. Les livraisons sont effectuées directement par l'usine de production de briques silico-calcaires la plus proche d'un projet de construction donné. Selon les informations communiquées par CVK, des remises qui peuvent être liées à la livraison à certains entrepreneurs ou à certains projets de construction sont accordées aux distributeurs de matériaux de construction. Toutefois, les entrepreneurs sont très dispersés et ne sont pas en mesure de disposer eux-mêmes d'une puissance d'achat. La part dans la demande des grands groupes d'entreprises néerlandais du secteur de la construction tels que Bam Groep, Koninklijke VolkerWessels Stevin, Heijmans, Ballast Nedam et HBG est en soi trop petite pour que ces groupes puissent exercer une puissance d'achat susceptible de compenser la position dominante de CVK du côté de l'offre.
f) Influence de la concurrence sur le marché voisin
(104) La marge de manœuvre de CVK sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs n'est pas davantage limitée par les conditions de concurrence sur le marché voisin des matériaux de construction de murs non porteurs sur lequel la position de CVK est plus faible. La constatation de la Commission, dans la communication des griefs, selon laquelle CVK est en mesure de tenir compte, aux fins de la fixation des prix, du fait que ses produits sont utilisés pour des murs porteurs ou des murs non porteurs et fixe ses prix en fonction, en premier lieu, des conditions de concurrence sur le marché plus important pour CVK des murs porteurs, n'a pas été contestée par les parties et par CVK. À cet égard, la Commission renvoie aux explications données aux considérants 75 et 76.
g) Interdépendance avec Cementbouw
(105) La position dominante de CVK sur le marché néerlandais des matériaux de construction de murs porteurs est, en outre, caractérisée par le lien structurel avec Cementbouw, entreprise fondatrice qui la contrôle.
(106) Avec son offre de béton coulé sur place et d'éléments préfabriqués en béton, Cementbouw exerce des activités sur le marché en cause.Dans le secteur des éléments préfabriqués en béton, Cementbouw occupe surtout une position forte sur le segment des petits éléments utilisés principalement dans le secteur de la construction résidentielle, c'est-à-dire des produits en étroit rapport d'interchangeabilité avec la brique silico-calcaire. Ensemble, CVK et Cementbouw peuvent offrir (selon les définitions du marché) deux ou trois des principaux matériaux de construction de murs porteurs. Par conséquent, CVK/Cementbouw dispose, sur un marché de produits différencié comme le marché en cause, d'une marge de manœuvre bien plus large que les autres fournisseurs de matériaux de construction de murs, car aucun de leurs concurrents n'est en mesure de couvrir comme eux les besoins de ses clients.
(107) En outre, Cementbouw exerce des activités dans le marché voisin de la distribution de matériaux de construction.Dans le secteur de la distribution, Cementbouw détient l'un des plus grands commerces en gros de matériaux de construction aux Pays-Bas et dispose surtout à l'Ouest, au Nord et à l'Est du pays de fortes positions sur le marché (24). Certains distributeurs de matériaux de construction ont déclaré que les distributeurs de matériaux de construction appartenant à Cementbouw sont préférés aux distributeurs indépendants par CVK. Les deux facteurs contribuent à ce que CVK/Cementbouw dispose d'une marge de manœuvre sensiblement élargie par rapport à leurs concurrents.
(108) Cementbouw a fait valoir que le lien structurel entre elle-même et CVK ne pouvait être pris en considération aux fins de l'appréciation au regard du droit de la concurrence, car CVK n'était pas contrôlée par Cementbouw et que par le passé les deux entreprises avaient été des concurrents. Pour les motifs exposés dans la partie IIde la présente décision, la Commission part cependant du principe que Cementbouw contrôle CVK conjointement avec Haniel.Aux fins de l'appréciation des effets de la concentration en cause, on ne peut donc pas estimer que Cementbouw et CVK sont présents sur le marché indépendamment l'une de l'autre comme concurrents.
h) Conclusions
(109) La position sur le marché des parties peut donc être résumée comme suit: avec plus de [50-60]* %, CVK détient de loin la plus grande part de marché. À cela vient s'ajouter la part de marché de quelque [2-5]* % de Cementbouw, de sorte que les parties parviennent à une part de marché cumulée de presque [50-60]* %. Le volume restant du marché est fragmenté et se répartit sur des concurrents dont les parts de marché sont toutes inférieures à 5 %. CVK est, en outre, l'unique fournisseur néerlandais du matériau de construction de murs le plus employé aux Pays-Bas. Le pouvoir de marché dont disposent les parties n'est pas compensé par une puissance d'achat de la demande. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que Cementbouw exerce des activités tant sur le marché en cause lui-même avec d'autres importants matériaux de construction de murs que sur le marché voisin de la distribution de matériaux de construction. La combinaison de tous ces facteurs confère aux parties une position dominante sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas.
2. Création d'une position dominante par la concentration
(110) Sur la base de l'enquête menée, la Commission estime que la position dominante des parties décrite ci-dessus est due à l'opération de concentration de l'ensemble des producteurs de briques silico-calcaires néerlandais dans une entreprise de plein exercice contrôlée conjointement par Haniel et Cementbouw, CVK, du 9 août 1999.
(111) Avant cette opération, les entreprises produisant des briques silico-calcaires regroupées dans CVK étaient juridiquement et économiquement autonomes. Seule la commercialisation de leurs produits était centralisée par la structure de distribution commune CVK. Ni les producteurs de briques silico-calcaires contrôlés par Haniel ni les fournisseurs contrôlés par Cementbouw ou RAG ne parvenaient à détenir seuls, sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs, une part de marché permettant de conclure à l'existence d'une position dominante. Sur la base d'estimations de Haniel, la part de marché de Haniel-Werke et celle de Cementbouw-Werke sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs étaient de quelque [20-30]* % chacune, celle de RAG-Werke d'environ [5-10]* % (25).
(112) Le fait que les producteurs de briques silico-calcaires appartenant à CVK étaient déjà liés dans le cadre d'une structure de distribution commune avant l'opération de concentration ne justifie pas la thèse selon laquelle ces entreprises occupaient déjà conjointement une position dominante par l'intermédiaire de CVK et que l'opération de concentration n'aurait donc pas sensiblement modifié la structure du marché. La transformation d'une structure de distribution commune en une entreprise de plein exercice constitue plutôt une modification structurelle des conditions du marché susceptible d'entraîner la création d'une position dominante. En l'espèce, c'est ce qui s'est produit, car l'opération de concentration lie durablement les onze producteurs néerlandais de briques silico-calcaires sous la direction unique de CVK.
(113) La structure de distribution commune existant avant l'opération n'harmonisait qu'un paramètre - fut-il important du comportement en matière de concurrence des entreprises membres de CVK, à savoir la commercialisation de leurs produits. Dorénavant l'ensemble des étapes de la chaîne de valeur ajoutée (recherche et développement, achat, logistique, production, commercialisation, etc.) sont centralisées par CVK et toutes les décisions stratégies correspondantes, qui jouent un rôle important pour l'attitude et la réussite de l'entreprise en matière de concurrence, sont prises par la direction de CVK.
(114) En outre, la modification structurelle des conditions du marché due à la création d'une entreprise de plein exercice est, de manière générale, plus durable que la création d'une structure de distribution commune. Les membres d'une structure de distribution commune peuvent relativement facilement quitter cette structure et être de nouveau présents sur le marché indépendamment les uns des autres, sans qu'il soit généralement nécessaire de procéder à une restructuration importante, tandis que dans le cas d'une entreprise de plein exercice les différentes fonctions entrepreneuriales des entreprises antérieurement distinctes peuvent être intégrées au point de rendre une scission et un retour à la situation initiale extrêmement difficile, voire impossible (26).
(115) En outre, il convient de tenir compte du fait que les activités de Cementbouw sur le marché en cause et sur le marché voisin de la distribution des matériaux de construction n'est totalement au profit de CVK dans son ensemble que depuis l'opération de concentration.
(116) La constatation que l'opération de concentration a entraîné la création d'une position dominante de CVK sur le marché néerlandais des matériaux de construction de murs porteurs est enfin confirmée par certaines évolutions du marché et de l'attitude de CVK en matière de concurrence depuis l'opération de concentration relevées par la Commission dans le cadre de l'étude du marché.
(117) Alors qu'auparavant le niveau des prix des briques silicocalcaires n'avait que peu augmenté (de [0-5]* % en 1999 puis en 2000), CVK a augmenté ses prix de [5-10]* % en 2001 et de [5-10]*% en 2002. Il ressort des informations dont la Commission dispose qu'au cours de la même période la demande de matériaux de construction de murs a plutôt diminué et que le niveau des prix d'autres produits, notamment les briques, a diminué ou est resté stable. De nombreux clients ont indiqué que CVK octroie ses prix unilatéralement et n'est prête à aucune négociation à cet égard. Raab Karcher a en outre expliqué lors de l'audition qu'avant 1999, malgré l'existence de la structure de distribution commune CVK, des négociations de prix avec des producteurs de briques silico-calcaires individuels étaient encore possibles dans certains cas. Depuis la transformation de CVK en une entreprise de plein exercice, les entreprises membres de CVK refusent tout dialogue individuel avec les clients et renvoient ceux-ci à la centrale CVK à Hilversum.
(118) En raison de surcapacités, CVK a fermé en 2001 et 2002 trois des onze usines de production de briques silico-calcaires (Bergumermeer et Vogelenzang en 2001, Boudewijnen 2002), correspondant à des capacités de production de [...]* bwf (27) au total, soit quelque [15-20]* % des capacités totales de l'ensemble des membres de CVK.
(119) CVK aurait fixé de manière unilatérale les frais et conditions de transport à son avantage. Les clients auraient été incités à acheter également à CVK la colle nécessaire pour la construction de murs en briques silico-calcaires que l'entreprise se procure quant à elle auprès de Cementbouw, CVK refusant d'assurer la garantie pour l'utilisation de colle d'autres producteurs. Des distributeurs de matériaux de construction, mais aussi d'autres acteurs du marché ont déclaré être de plus en plus ignorés ou marginalisés par CVK et devoir accepter une réduction de leur marge commerciale en raison d'augmentations unilatérales des prix.
(120) Selon certaines personnes interrogées, les importations d'Allemagne ont été rendues plus difficiles voire impossibles. D'une part, les acheteurs néerlandais se seraient vus refuser des livraisons par des usines de production de briques silico-calcaires allemandes proches de la frontière détenues par Haniel. D'autre part, les personnes interrogées craignent que CVK ne leur fournisse plus certains éléments silico-calcaires qu'elles ne peuvent pas trouver en Allemagne si elles se procurent des briques et des éléments silico-calcaires dans ce pays. C'est ce qu'a également confirmé Raab Karcher lors de l'audition. En outre, Raab Karcher a déclaré qu'une usine de production de briques silico-calcaires allemande détenue par le groupe Haniel a récemment augmenté ses prix de 55 %. Raab Karcher considère qu'il s'agit là d'une tentative pour réorienter la demande vers CVK.
(121) L'attitude de CVK est qualifiée de monopolistique par un grand nombre d'acteurs du marché. Certaines personnes interrogées ont estimé que la concurrence a diminué. D'autres ont fait état de liens verticaux avec les activités de Cementbouw dans le secteur de la distribution de matériaux de construction.
(122) Il ressort de tous ces éléments qu'en se transformant en entreprise de plein exercice CVK peut se comporter dans une bien plus grande mesure indépendamment de ses concurrents et de ses clients que cela n'était possible antérieurement pour la structure de distribution commune. Si avant l'opération de concentration, la concurrence en matière de prix ne pouvait pour l'essentiel présenter cette caractéristique entre producteurs de briques silico-calcaires et que ces derniers arrêtaient en outre de manière indépendante leur stratégie d'entreprise, CVK est dorénavant en mesure, grâce à sa direction unique pour l'ensemble du secteur de la brique silico-calcaire néerlandais, d'orienter de manière centrale l'ensemble des paramètres de la concurrence (développement et diversification des produits, adaptation des capacités, quantités produites, prix, etc. ) pour maximiser les recettes de l'entreprise unique et exploiter ainsi pleinement les avantages de sa situation exceptionnelle sur le marché par rapport aux concurrents et aux acheteurs.
(123) Les parties et CVK estiment que l'opération de concentration n'a pas eu d'effets sur le marché. CVK aurait existé dès 1947 en tant que structure de distribution et aurait donc un caractère plus durable que de nombreuses entreprises communes de plein exercice. Même avant1999, CVK serait apparue sur le marché comme un fournisseur unique du point de vue de la demande. Les entreprises membres n'auraient disposé d'aucune structure de distribution propre, de sorte que, même avant l'opération de concentration, quitter la structure de CVK n'aurait pas été aisé. L'évolution de l'attitude des parties en matière de concurrence décrite par les acheteurs dans l'étude du marché effectuée par la Commission, qui donne à penser qu'un pouvoir de marché est né, sont en partie contestées par les parties et en partie expliquées par d'autres raisons. Ainsi, les augmentations du prix des briques silico-calcaires seraient dues à un accroissement des coûts et correspondraient à l'évolution générale des prix. L'augmentation de 55 % des prix d'une usine de production de briques silico-calcaires allemande appartenant à Haniel dont Raab Karcher s'est plainte lors de l'audition serait imputable à une usine des nouveaux Länder qui, avant sa reprise par Haniel, écoulait sa production excédentaire à perte aux Pays-Bas.
(124) La Commission continue d'estimer, en tenant compte des observations présentées par les parties et par CVK, que la présente opération de concentration a entraîné une modification structurelle des conditions du marché. Une structure de distribution commune n'est pas comparable, en ce qui concerne ses effets sur la concurrence, avec une entreprise de plein exercice intégrée et sous une direction unique, même si elle existe depuis de nombreuses années et si le départ de certains membres nécessite certaines mesures d'adaptation comme, par exemple, la création de structures de distribution propres.Sinon les opérations de concentration d'entreprises antérieurement indépendantes disposant avant cette opération d'une structure de distribution ne seraient plus couvertes que dans des cas exceptionnels par les critères matériels du contrôle des concentrations (création ou renforcement d'une position dominante). Il ressort également des indications données par Raab Karcher lors de l'audition que même une structure de distribution aussi ancienne et solide que CVK n'était pas en mesure de priver totalement ses membres d'une marge de manœuvre pour mener leur propre politique en matière de concurrence. Même si CVK, par les augmentations de prix pratiquées depuis 1999, a répercuté entièrement ou en partie l'accroissement des coûts sur les acheteurs, cela signifie, compte tenu des surcapacités existantes, de la diminution de la demande et des prix stagnants ou en diminution des autres matériaux de construction de murs, que CVK peut agir en grande partie indépendamment de ses concurrents et des acheteurs. Une entreprise pleinement exposée à la concurrence ne peut généralement pas, dans de telles conditions, répercuter entièrement les augmentations des coûts sur les acheteurs.
(125) De plus, il n'est nullement acquis que, sans l'opération de concentration, CVK existerait encore aujourd'hui sous la forme qui était la sienne jusqu'en 1999. [Commentaire plus détaillé de la déclaration susmentionnée, en tenant compte du fait qu'une procédure en matière d'ententes avait été engagée avant la notification du contrat de mise en commun à la NMA]* Il convient donc d'estimer que l'actuelle position dominante des parties résulte de l'opération de concentration.
C. Conclusion
(126) La Commission parvient donc à la conclusion que l'opération de concentration a entraîné la création d'une position dominante de CVK sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas ayant comme conséquence qu'une concurrence effective sera entravée d'une manière significative dans le Marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.
VI. Engagements pris par Haniel et Cementbouw
(127) Pour mettre fin aux doutes de la Commission concernant le marché des matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas, Haniel et Cementbouw ont présenté dans un premier temps un projet d'engagements qui prévoyait pour l'essentiel que Haniel et Cementbouw résilient le contrat de coopération et que leurs participations dans les entreprises Anker, Vogelenzang et Van Herwaarden acquises en 1999 par RAG soient cédées à un tiers indépendant. Le contrat de mise en commun et la modification des statuts de CVK sont maintenus. L'acquéreur des participations à céder devrait s'engager à participer au contrat de mise en commun et à la structure actuelle de CVK.
(128) Après que les parties ont été informées par les services de la Commission qu'ils jugeaient le projet d'engagements insuffisant pour régler le problème en matière de concurrence constaté par la Commission, Haniel et Cementbouw ont présenté l'engagement suivant dont une version intégrale est jointe en annexe à la présente décision.
(129) Haniel et Cementbouw prennent les engagements suivants:
a) dans un délai de [...]* à compter de l'adoption de la décision de la Commission, résilier le contrat de mise en commun, annuler la modification des statuts de CVK et dissoudre CVK;
b) résilier avec effet immédiat le contrat de coopération;
c) parallèlement à la résiliation du contrat de mise en commun, mettre fin au contrôle conjoint des entreprises Anker et Van Herwaarden [description des modalités selon lesquelles il est mis fin au contrôle en commun des entreprises Anker et Van Herwaarden]*;
d) Haniel et Cementbouw s'engagent, au cas où l'entreprise Vogelenzang, qui n'exerce actuellement pas d'activités commerciales reprendrait sa production, à mettre fin au contrôle commun de cette entreprise selon les modalités prévues pour Anker et Van Herwaarden.
(130) Haniel et Cementbouw s'engagent, de plus, [déclaration concernant l'organisation interne de CVK]*.
(131) L'engagement contient également un arrangement relatif à la nomination d'un mandataire chargé de contrôler le respect de l'engagement par les parties.
VII. Appréciation par rapport aux règles de concurrence de l'opération de concentration notifiée compte tenu de l'engagement pris par Haniel et Cementbouw
(132) La Commission estime que les engagements présentés dans un premier temps par les parties à titre de projet ne suffisent pas à mettre fin aux doutes en matière de concurrence concernant le marché néerlandais des matériaux de construction de murs porteurs. En effet, le projet d'engagement met seulement fin au contrôle commun de CVK par Haniel et Cementbouw sans mettre fin en même temps à la position dominante de CVK créée par l'opération de concentration. Le projet d'engagement est basé sur la thèse réfutée, dans la partie II de la présente décision, selon laquelle le contrôle exercé par la Commission dans la présente procédure ne porterait que sur l'acquisition du contrôle commun de CVK par Haniel et Cementbouw, tandis que la prise de contrôle simultanée de ses entreprises membres par CVK ne relèverait plus de la compétence de la Commission en vertu de la décision de la NMA du 20 octobre 1998.
(133) Les engagements définitifs décrits aux considérants 129à 131 suffisent cependant, selon la Commission, pour mettre fin aux doutes susmentionnés en matière de concurrence de manière adéquate.
(134) Ces engagements ont pour effet de mettre fin aux incidences de l'opération de concentration décrites dans la partie II. La résiliation du contrat de mise en commun et du contrat de coopération mettra fin au contrôle exercé par CVK sur ses entreprises membres. Cela signifie que les entreprises détenues à 100 % par Haniel (DeHazelaar, Loevestein, Hoogdong, Rijsbergen et Boudewijn), ainsi que les entreprises détenues à 100 % par Cementbouw (Harderwijk, Roelfsema et Bergumermeer) relèveront de nouveau du seul contrôle de leurs porteurs de parts respectifs.
(135) Il sera mis fin au contrôle commun rétabli parallèlement sur les trois entreprises communes Anker, Van Herwaardenet Vogelenzang par les mesures suivantes: l'une des parties, c'est-à-dire Haniel ou Cementbouw, devra prendre seule le contrôle de l'une des deux entreprises Anker et Van Herwaarden. [Modalité de l'acquisition du contrôle exclusif d'Anker et de Van Herwaarden par Haniel et/ou Cementbouw]*.
(136) [Analyse de certaines modalités de l'acquisition du contrôle exclusif d'Anker et de Van Herwaarden par Haniel et/ou Cementbouw]*.
(137) L'entreprise Vogelenzang n'exerce actuellement aucune activité commerciale. Les parties ont l'intention de céder l'actif de cette société à un tiers et de partager le produit de la vente en fonction de leur participation. En revanche, si les activités commerciales de Vogelenzang devaient être reprises par les détenteurs de parts actuels Haniel et Cementbouw, l'une des deux parties exercerait seule le contrôle sur cette entreprise selon les mêmes modalités que celles prévues pour Anker et Van Herwaarden.
(138) En outre, les parties se sont engagées à dissoudre CVK. [Description des raisons pour lesquelles les parties ont souscrit cet engagement et des mesures nécessaires à sa mise en application]*.
(139) Cela signifie que, si l'engagement est pleinement respecté, CVK cessera d'exister sous sa forme actuelle d'entreprise commune dont Haniel et Cementbouw exercent en commun le contrôle et qui rassemble l'ensemble du secteur néerlandais de la production de briques silico-calcaires sous une direction unique. L'actuelle CVK sera remplacée par deux fournisseurs de briques silico-calcaires en concurrence l'un avec l'autre aux quels appartiendront les usines de production de briques silico-calcaires dans lesquelles Haniel ou Cementbouw détiennent une participation exclusive ou majoritaire et qui sont intégrées dans les groupes respectifs de Hanielou de Cementbouw.
(140) Eu égard à leur future offre de produits sur le marché concerné des matériaux de construction de murs porteurs, Haniel ou Cementbouw ne devraient pas conserver de position dominante seuls ou conjointement. Cementbouw est une entreprise présente depuis longtemps sur le marché néerlandais avec le béton prêt à l'emploi et les éléments préfabriqués en béton qui est en outre intégrée verticalement dans le commerce de gros. En revanche, Haniel était jusqu'alors présente dans le secteur des matériaux de construction principalement sur le marché allemand et n'est entrée sur le marché néerlandais que dans les années quatre-vingt-dix par l'acquisition de différentes usines de production de briques silico-calcaires de CVK. Avec la récente acquisition du producteur de béton cellulaire Fels, Haniel a élargi son offre de produits sur le marché néerlandais des matériaux de construction de murs par un produit important. Cela signifie que les deux parties ont des intérêts différents sur le marché néerlandais, ce qui exclut un risque decoordination après la disparition de la structure de distribution préexistante à l'opération de concentration- également eu égard à la répartition géographique des usines appartenant à Haniel ou à Cementbouw après la scission. Tel est d'autant plus le cas que, compte tenu de la taille limitée du marché néerlandais, la situation d'une usine n'a pas d'effets significatifs sur le coût des transports.
(141) [Analyse de certaines modalités de l'engagement par rapport aux règles de la concurrence]*.
(142) [Analyse de certaines modalités de l'engagement par rapport aux règles de la concurrence]*.
(143) Le délai de [...]* accordé aux parties pour remplir l'engagement souscrit semble nécessaire à titre exceptionnel eu égard aux circonstances particulières de l'espèce. En vue de dissoudre l'entreprise de plein exercice existante, intégrée de manière centralisée, CVK, et de la remplacer par deux entreprises produisant des briques silico-calcaires indépendantes l'une de l'autre, les parties doivent pouvoir prendre toutes les mesures organisationnelles nécessaires et satisfaire aux exigences des dispositions juridiques en matière d'organisation des entreprises et du droit du travail, visées au considérant 138, qui leur sont liées. [Commentaires plus précis sur la déclaration susmentionnée]. La présente affaire se distingue de l'engagement habituel de céder une entreprise préexistante qui peut exercer ses activités de manière indépendante, en ce que l'opération de concentration examinée par la Commission a eu lieu depuis presque trois ans et a entraîné la création d'une nouvelle entreprise intégrée dont la dissolution constitue l'objet de l'engagement des parties (28).
(144) La Commission est donc parvenue à la conclusion que l'opération de concentration notifiée, compte tenu de l'engagement pris par Haniel et Cementbouw, n'entraînera pas de création de position dominante des parties sur le marché des matériaux de construction de murs porteurs aux Pays-Bas.
VIII. Conditions et charges
(145) Conformément à l'article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, première phrase, du règlement sur les concentrations, la Commission peut assortir sa décision de conditions et charges destinées à assurer que les entreprises concernées respectent les engagements qu'elles ont pris à son égard en vue de modifier le projet de concentration et le rendre compatible avec le Marché commun.
(146) Les mesures par lesquelles le marché est modifié structurellement doivent faire l'objet d'engagements, les mesures d'application nécessaires constituent, en revanche, des charges pour les parties. Si un engagement n'est pas rempli, la décision par laquelle la Commission a déclaré l'opération de concentration compatible avec le Marché commun est caduque. Au cas où les parties contreviennent à une charge dont la décision est assortie, la Commission peut révoquer la décision de compatibilité sur la base de l'article 8, paragraphe 5, point b), du règlement sur les concentrations. En outre, des amendes et des astreintes peuvent être infligées aux parties au titre de l'article 14, paragraphe 2, point a) et de l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement sur les concentrations (29).
(147) En raison de cette distinction fondamentale, la Commission soumet sa décision à la condition que les engagements de Haniel et de Cementbouw ayant pour objet la dissolution de CVK sous sa forme actuelle et la création de deux fournisseurs indépendants de briques silico-calcaires soient pleinement remplis (30). Ces engagements visent à compenser la création de la position dominante des parties sur le marché néerlandais des matériaux de construction de murs porteurs qui a été constatée et, par conséquent, à maintenir la concurrence sur ce marché. Les autres éléments des engagements, notamment les éléments relatifs au mandataire à nommer par Haniel et Cementbouw, constituent des charges, car elles ne visent qu'à assurer la mise en œuvre des conditions susmentionnées.
IX. Destinataires de la présente décision
(148) La présente décision - comme la communication des griefs -s'adresse non seulement aux parties notifiantes, mais aussi à l'entreprise commune contrôlée conjointement par les parties, CVK. Eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, il semble approprié, à titre exceptionnel, d'inclure CVK parmi les destinataires de la décision. CVK est bien déjà indirectement destinataire de la présente décision par l'intermédiaire de ses entreprises fondatrices. Toutefois, en l'occurrence, CVK n'est pas seulement une société cible. CVK est plutôt l'instrument par lequel l'opération de concentration a été effectuée et le concours direct de CVK est nécessaire pour remplir les engagements de Haniel et de Cementbouw. CVK est partie au contrat de mise en commun et les mesures mentionnées comprennent une modification des statuts de CVK.
X. Conclusion
(149) Pour ces raisons, l'opération envisagée ne devrait ni créer, ni renforcer une position dominante ayant comme conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, si Haniel et Cementbouw respectent pleinement les engagements souscrits. L'opération de concentration doit donc être déclarée compatible avec le Marché commun et l'accord EEE si les engagements mentionnés en annexe sont pleinement respectés, conformément à l'article 2, paragraphe 2, et à l'article 8, paragraphe 2, du règlement sur les concentrations, ainsi qu'à l'article 57 de l'accord EEE.
A arrêté la présente décision:
Article premier
La concentration notifiée par laquelle Franz Haniel & Cie GmbH et Cementbouw Handel & Industrie BV ont pris conjointement le contrôle, au sens de l'article 3, paragraphe 1, point b), du règlement sur les concentrations, de la Coöperatieve Verkoop- en Produktievereniging van Kalkzandsteen producenten et de ses membres est compatible avec le Marché commun et l'accord EEE.
Article 2
L'article 1er est applicable pour autant que Franz Haniel &Cie GmbH et Cementbouw Handel & Industrie BV respectent pleinement les engagements des points 27, 28, 32 à 35 et 40 de l'annexe.
Article 3
La présente décision est applicable pour autant que FranzHaniel & Cie GmbH et Cementbouw Handel & Industrie BV respectent pleinement les autres engagements en annexe.
Article 4
Sont destinataires de la présente décision:
Franz Haniel & Cie GmbH Franz-Haniel-Platz D-47119 Duisburg
Cementbouw Handel & Industrie BVB ennebroekerdijk 244 2142 le Cruquius Pays-Bas
Coöperatieve Verkoop- en Produktievereniging van
Kalkzandsteenproducenten Utrechtseweg 381213 TV HilversumPays-Bas.
Annexe
Le texte original intégral en langue allemande des conditions et des charges visées aux articles 2 et 3 figure sur le site Internet de la Commission à l'adresse suivante:http://europa. eu. int/comm/competition/mergers/cases/decisions/m2650-de. pdf
Notes :
(*) Certaines parties du présent document ont été omises afin d'éviter la divulgation de données confidentielles; elles sont indiquées entre crochets et suivies d'un astérisque.
(1) JO L 395 du 30. 12. 1989, p. 1; version rectifiée: JO L. 257 du 21. 9. 1990, p. 13.
(2) JO L. 180 du 9. 7. 1997, p. 1.
(3) JO C 261 du 30. 10. 2003.
(4) JO C 261 du 30. 10. 2003.
(5) Voir les décisions de la Commission du 21 février 2002 dans l'affaire COMP/M. 2495 - Haniel/Fels et du 9 avril 2002 dans l'affaire COMP/M. 2568- Haniel/Ytong.
(6) Au début de 2001, NBM Amstelland a vendu Cementbouw à CVC.
(7) Affaire 124-CVK
(8) Communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO C 66 du 2.3.1998, p. 5, considérants 19 et 20).
(9) Plusieurs documents internes de Haniel mentionnent que la fermeture envisagée des usines de Bergumermeer, Boudewijn et Vogelenzang constitue la base de l'opération concernant CVK [description plus précise des documents précités]*.
(10) [Référence à des documents internes de Haniel]*.
(11) Voir lettre du mandataire de CVK à la NMA, en date du 13 avril1999, et lettre de la NMA au mandataire, en date du 28 avril 1999.
(12) Le chiffre d'affaires a été calculé conformément à l'article 5, paragraphe 1, du règlement sur les concentrations et à la communication de la Commission sur le calcul du chiffre d'affaires (JO C 66 du 2.3.1998, p. 25). Les chiffres d'affaires réalisés avant le 1er janvier 1999 ont été calculés sur la base des taux de change moyens de l'écu et convertis en euros à raison d'un euro pour un écu.
(13) Dimensions maximales: 240 × 175 × 113 mm.
(14) Affaire COMP/M. 1866 - Preussag contre Hebel, décision du 29 mars 2000; voir toutefois actuellement les décisions de la Commission du 21 février 2002 dans l'affaire COMP/M. 2495 - Haniel contre Fels et du 9 avril 2002 dans l'affaire COMP/M. 2568- Haniel contre Ytong.
(15) NMA, décision du 20 octobre 1998 dans l'affaire 124-CVK -Kalkzandsteen
(16) NMA, décision du 29 février 2000 dans l'affaire 2427/NCD -Fernhout.
(17) Comme le souligne l'association sectorielle VOBN, l'utilisation de la technique de construction en tunnel peut devenir intéressante à partir de 15 unités résidentielles; cela dépend cependant des conditions locales et, en particulier, de la conception des logements et de la mesure dans laquelle ils se distinguent les uns des autres. Lorsqu'ils sont interrogés, les acteurs du marché considèrent généralement que la méthode de construction en tunnel ne devient rentable qu'à partir de 30 à 50 unités résidentielles.
(18) D'après les informations fournies par les parties, la part du béton coulé sur place suivant la méthode de construction en tunnel s'élèverait à [30-40] %; selon l'étude du marché, cette part pourrait même être supérieure.
(19) En particulier pour les éléments qui sont taillés à une fin précise ou pour des livraisons spécifiques; voir considérant 56.
(20) Dans ce contexte, il convient également de noter que CVK connaît, dans de nombreux cas, la destination de ses produits (voir considérant 75).
(21) Arrêt de la Cour de justice du 13 février 1979 dans l'affaire 85-76, Hoffmann-La Roche contre Commission, Rec. 1979, p. 461, point 39 des motifs; voir également l'arrêt du Tribunal de première instance du 25 mars 1999 dans l'affaire T-102-96, Gencor contre Commission, Rec. 1999, p. II-753, points 201 et202 des motifs.
(22) Dans l'hypothèse où [20-40]* % du béton coulé sur place utilisé aux Pays-Bas serait utilisé selon la méthode de construction en tunnel; voir note 18.
(23) Les calculs se fondent sur des estimations des parties relatives aux parts des différents matériaux dans la consommation de matériaux de construction de murs en général, ainsi que leur ventilation en construction de murs porteurs et non porteurs. En ce qui concerne les matériaux de construction pour murs porteurs et non porteurs (par exemple, les briques silico-calcaires, le béton cellulaire), seule la partie de ces matériaux utilisée, selon les estimations, pour les murs porteurs a été prise en considération. Sur la base de son étude du marché, la Commission estime que ces estimations sont justes pour l'essentiel; en tout état de cause, on ne dispose pas de données statistiques précises.
(24) Voir par exemple le rapport de gestion 2000 de NBM Amstelland (qui était alors l'entreprise fondatrice du groupe de Cementbouw).
(25) Selon la présentation destinée au conseil de surveillance de FranzHaniel & Cie GmbH, du 12 mars 1999, la part de Haniel-Werkeet de Cementbouw-Werke dans les ventes de briques silico-calcaires aux Pays-Bas avant la concentration était de [40-50]* %chacune et celle de RAG-Werke de [15-20]* %. Sur la base d'une part de marché de CVK sur le marché en cause de [50-60]* %, Haniel et Cementbouw détiendraient donc chacune une part de marché de [20-30]* % et RAG une part de marché de [5-10]* %.
(26) En l'espèce, après la conclusion du contrat de mise en commun, il a par exemple été décidé de fermer trois des onze producteurs de briques silico-calcaires existants (Bergumermeer, Boudewijn et Vogelenzang), de sorte qu'en cas de dissolution de CVK trois des onze entreprises membres ne disposeraient plus d'aucune activité commerciale qui leur soit propre.
(27) Abréviation de basiswaalformaat, l'unité de dimension usuelle aux Pays-Bas pour les matériaux de construction de murs.
(28) Voir la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447-98 de la Commission (JO C 68 du 2.3.2001, p. 3, considérant 14).
(29) Voir la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil et au règlement (CE) n° 447-98 de la Commission (JO C 68 du 2.3.2001, p. 3, considérant 12).
(30) Points 27, 28, 32 à 35 et 40 de l'annexe.