CA Versailles, 12e ch. sect. 2, 6 mai 2003, n° 01-04222
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bonyf AG (Sté), IMS International (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Laporte
Conseillers :
MM. Fedou, Coupin
Avoués :
SCP Keime & Guttin, SCP Jullien Lecharny Rol
Avocats :
Mes Sentex, Cathala.
Faits et procédure:
Au début de l'année 1998, les sociétés Bonyf AG et IMS International dont le siège est à Vaduz (Liechtenstein) qui fabriquent des produits destinés aux prothèses dentaires sont entrées en relation avec la SA Bagros et Associés en vue de la réalisation d'une campagne publicitaire à la télévision et dans la presse en France.
La société Bonyf ayant refusé de conclure un contrat publicitaire comportant une mission générale pour une durée d'une année prenant effet le 1er janvier 1998 proposé par la société Bagros et Associés, la société IMS International a seulement signé, le 20 mars 1998, une attestation lui conférant mandat d'effectuer en son nom l'achat d'espaces publicitaires pour y faire paraître des annonces.
La société Bagros et Associés a effectué les annonces publicitaires et été réglée de ses honoraires.
Interrogés par la société Bagros et Associés, le 20 janvier 1999, sur leurs directives concernant l'année 1999, les sociétés Bonyf et IMS l'ont informée qu'elles n'entendaient pas renouveler pour l'année 1999 une campagne similaire.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 11 février 1999, la société Bagros et Associés se prévalant des règles et usages dans la publicité a réclamé aux sociétés Bonyf et IMS une indemnité de 107 512,81 F (16 390,22 euros) correspondant à six mois de préavis et à 50 % des honoraires facturés en 1998.
Les sociétés Bonyf et IMS n'ayant pas accepté de régler cette indemnité, la société Bagros et Associés les a assignées aux mêmes fins devant le Tribunal de commerce de Nanterre.
La société Bagros et Associés a été déclarée, le 2 décembre 1999, en redressement judiciaire puis le 30 mars 2000 en liquidation judiciaire, Maître Ouizille, désigné comme mandataire liquidateur à cette procédure collective est intervenu à l'instance pour la reprendre.
Par jugement rendu le 22 septembre 2000, cette juridiction a condamné in solidum les sociétés Bonyf et IMS International à verser à Maître Ouizille, ès qualités, la somme de 176 126,04 F (26 850,24 euros) HT à titre d'indemnité de préavis, majorée des intérêts au taux légal à compter du 11 février 1999, ordonné l'exécution provisoire, alloué une indemnité de 10 000 F (1 524,49 euros) en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à Maître Ouizille et condamné sous la même solidarité les défenderesses aux dépens.
Appelantes de cette décision, les sociétés Bonyf et IMS soutiennent que la société Bagros ne s'est jamais conformée aux obligations prescrites par l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 imposant un contrat écrit.
Elles font valoir que le contrat type élaboré par un comité d'experts auprès du secrétariat d'Etat au commerce publié le 19 septembre 1961 n'est pas opposable à des sociétés de droit étranger auxquelles il n'a pas été communiqué et qui n'y ont ni expressément, ni tacitement consenti.
Elles estiment qu'elles avaient toute liberté pour ne pas renouveler en 1999, les achats d'espaces réalisés dans le courant de l'année 1998 et qu'elles n'ont commis aucune faute contractuelle.
Elles considèrent qu'une indemnité équivalente à six mois de rémunération est, en tout état de cause, aberrante en soulignant que le contrat proposé par la société Bagros prévoyait seulement un préavis de trois mois en cas de non-renouvellement.
Elles contestent, en toute hypothèse, le montant revendiqué par l'intimée.
Elles sollicitent, en conséquence, l'entier débouté de Maître Ouizille, ès qualités, subsidiairement la limitation de l'indemnité à trois mois de rémunération et encore plus subsidiairement à la somme de 107 512,81 F (16 390,22 euros) sans assujettissement à la TVA ainsi qu'une indemnité de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Maître Ouizille, en la même qualité, indique que les relations entre les parties sont définies par le compte-rendu d'une réunion tenue le 17 février 1998 et que la convention a été exécutée.
Il se prévaut du contrat type du 19 septembre 1961 réglant les rapports entre annonceurs et agences de publicité, stipulant un préavis de six mois applicable selon lui automatiquement à défaut de convention contraire.
Il se réfère à l'article 4 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 pour observer que la loi française régit le contrat, laquelle comprend l'article 1135 du Code civil qui oblige à respecter les usages en rapport avec la nature de l'obligation.
Il oppose que le préavis de trois mois recherché par les appelantes ne repose sur aucun fondement et que le montant de 107 512,81 F (16 390,22 euros) ne constitue que les seuls honoraires versés par la société Bonyf qui ont été, en réalité, selon lui, de 110 612,16 F (16 862,72 euros) en affirmant que ceux globaux perçus se sont élevés à 352 252,08 F (53 700,48 euros).
Il conclut donc à la confirmation intégrale du jugement déféré sauf à y ajouter la capitalisation des intérêts et une indemnité de 3 811,23 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Motifs de la décision:
Considérant qu'il s'infère des éléments des débats que les société Bonyf et IMS International ont confié à la société Bagros et Associés la réalisation d'une campagne publicitaire en 1998 en France notamment si les différentes chaînes de télévision sans qu'aucun contrat écrit n'ait été conclu entre elles, mais sur le fondement d'une attestation de mandat signé le 20 mai 1998 par la société IMS International pour effectuer l'achat d'espaces publicitaires en son nom;
Considérant que c'est dans ce cadre que se sont poursuivies les relations commerciales en 1998 étant observé que l'ensemble des commandes d'achat d'espaces auprès des chaînes de télévision était à chaque fois contresigné pour accord par la société IMS;
Considérant qu'il n'est pas discuté que la campagne publicitaire ait été exécutée sans incident et que la société Bagros et Associés ait été intégralement honorée de ses prestations;
Considérant qu'aucune des parties ne conteste l'application en la cause de la loi française sans que Maître Ouizille ne puisse utilement se référer à cet égard à la Convention de Rome du 19 juin 1980 en affirmant à tort que le Liechtenstein où les sociétés appelantes ont leur siège social, ferait partie de l'Union économique européenne;
Considérant que les sociétés Bonyf et IMS ne sont pas fondées à invoquer le non-respect par la société Bagros et Associés des dispositions de l'article 20 de la loi du 29 janvier 1993 imposant l'exigence d'un contrat écrit de mandat entre l'annonceur et le publicitaire, fixant les conditions de la rémunération du mandataire et ses diverses prestations dans la mesure où ce texte n'a pas vocation à recevoir application en l'espèce puisque celle-ci est subordonnée à deux conditions cumulatives tenant à la réalisation du message pour un annonceur français et à sa réception principalement sur le territoire français qui ne sont pas réunies;
Considérant que pour poursuivre le règlement d'une indemnité de rupture, la société Bagros et Associés se prévaut du contrat-type publié le 19 septembre 1961 énonçant les usages entre les annonceurs et les agents de publicité au nombre desquels la prévision d'un préavis de six mois pour mettre fin à un contrat conclu entre eux à durée indéterminée et ne concernant pas l'exécution d'un ouvrage particulier, sauf motif grave et légitime;
Considérant toutefois que pour prétendre à l'application de ces stipulations du contrat-type, il incombe à la société Bagros et Associés de démontrer que les sociétés Bonyf et IMS étaient informées des usages évoqués, applicables aux professionnels de la publicité ainsi qu'à leurs partenaires habituels et qu'elles y avaient adhéré;
Or, considérant qu'en l'occurrence, la société intimée ne rapporte nullement une telle preuve alors même que les deux annonceurs sont de nationalité étrangèreet font partie d'un pays n'appartenant pas à l'Union Economique européenne dont la langue officielle est l'allemand;
Qu'elles n'ont travaillé avec la société Bagros et Associés qu'une seule année et refusé de signer le contrat proposé par l'agent français, lequel, au demeurant, ne prévoyait pas le préavis d'usage de six mois mais seulement de trois mois et qu'il n'est pas davantage démontré que les parties s'y soient d'une quelconque manière référés
Considérant ainsi qu'à défaut de preuve d'une adhésion aux usages du contrat type ceux-ci sont inopposables aux sociétés Bonyf et IMS;
Considérant dans ces conditions, que la société Bagros et Associés doit être déboutée de sa demande en infirmant entièrement la décision attaquée;
Considérant que l'équité commande d'accorder aux sociétés appelantes une indemnité de 2 800 euros en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que la société Bagros et Associés qui succombe en toutes ses prétentions, supportera les dépens des deux instances.
Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, déboute la SA Bagros et Associés de toutes ses demandes, la condamne à verser aux sociétés Bonyf AG et IMS International une indemnité de 2 800 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne aux dépens des deux instances et Autorise la SCP Keime-Guttin, avoués, à recouvrer ceux d'appel conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.