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Décisions

Cass. crim., 28 septembre 1999, n° 98-84.150

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Avocat général :

Me Lucas

Conseillers :

Mme Mazars, M. Roman

Avocats :

SCP Célice, Blancpain, Soltner, Me Cossa.

TGI Paris, 31e ch., du 24 oct. 1997

24 octobre 1997

LA COUR - Statuant sur le pourvoi formé par B Hakim, la société L, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 24 juin 1998, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, a condamné le premier à 20 000 francs d'amende, a déclaré la seconde civilement responsable et a prononcé sur les réparations civiles; - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-25, L. 355-28, L. 355-31 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale et insuffisance de motifs;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hakim B coupable de publicité illicite en faveur du tabac, condamné ce dernier à payer une amende de 20 000 francs, déclaré la société L civilement responsable de Hakim B et condamné celui-ci à payer au comité national contre le tabagisme une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts;

"aux motifs qu'il n'est pas soutenu par le prévenu et le civilement responsable que la marque X n'a aucun lien avec la marque de cigarettes Y; que l'article L. 355-26 du Code de la santé publique interdit toute publicité qui a pour finalité de promouvoir un produit du tabac; que la marque X a pour objet d'évoquer par association d'idées la marque de cigarettes; que cette association d'idées peut résulter soit du nom, du logo ou de tout autre élément propre à évoquer la marque, sans que ces éléments soient tous réunis; que comme l'a retenu le tribunal, la marque de cigarettes Y est suffisamment connue pour que son seul nom rappelle des cigarettes et incite à leur consommation; qu'en diffusant ces publicités, le prévenu a nécessairement participé à la promotion illicite d'un produit du tabac; que l'infraction est donc caractérisée dans son élément matériel;

"alors que s'agissant de l'utilisation de la marque spécifique X dans le cadre d'une opération concernant exclusivement la promotion de voyages préparés par le Tour Opérator multipromotions et diffusés par la société demanderesse L, prive sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen, l'arrêt attaqué qui se borne à affirmer que l'utilisation de la marque susvisée aurait eu pour objet de rappeler la marque distincte de cigarettes Y, sans s'expliquer aucunement, comme elle y était invitée, sur la notoriété acquise de longue date dans le domaine du tourisme par le voyagiste X et dont l'utilisation dans la clientèle ainsi visée était significative et exclusive d'un rappel ou d'une incitation en faveur du tabac; "qu'il en est d'autant plus ainsi que l'intitulé de la marque "X", dont la licéité, en elle-même, n'était pas contestée, caractérise son activité exclusive d'agence de voyages et ne reproduit aucun des signes distinctifs de la marque de cigarettes, ni dans le graphisme ni dans les couleurs utilisées;

"alors, enfin et subsidiairement, que tout prévenu est présumé innocent jusqu'à ce que la preuve contraire soit rapportée; que méconnaît ce principe et prive sa décision de base légale la cour qui se borne à affirmer que le guide de l'office du tourisme d'Avoriaz comportant la publicité litigieuse était distribué dans les locaux de la société L, sans nullement indiquer les éléments sur lesquels elle tirait sa conviction, l'acte incriminé étant au demeurant formellement contesté par le demandeur (conclusions, page 7, alinéa 11)";

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 355-25, L. 355-26, L. 355-31 du Code de la santé publique, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale et défaut de réponse à conclusions;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Hakim B coupable de publicité illicite en faveur du tabac, condamné ce dernier à payer une amende de 20 000 francs, déclaré la société L civilement responsable de Hakim B et condamné celui-ci à payer au comité national contre le tabagisme une somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts:

"aux motifs qu'il n'est pas soutenu par le prévenu et le civilement responsable que la marque X n'a aucun lien avec la marque de cigarettes Y; que l'article L. 355-26 du Code de la santé publique interdit toute publicité qui a pour finalité de promouvoir un produit du tabac; que la marque X a pour objet d'évoquer par association d'idées la marque de cigarettes; que cette association d'idées peut résulter soit du nom, du logo ou de tout autre élément propre à évoquer la marque, sans que ces éléments soient tous réunis; que comme l'a retenu le tribunal, la marque de cigarettes Y est suffisamment connue pour que son seul nom rappelle des cigarettes et incite à leur consommation; qu'en diffusant ces publicités, le prévenu a nécessairement participé à la promotion illicite d'un produit du tabac; que l'infraction est donc caractérisée dans son élément matériel, en ce qui concerne la publication Jeunes à Paris, la page de couverture pliée en deux, porte en première partie une photographie d'un jeune homme vêtu d'un blouson jaune sur lequel est inscrit dans le dos le nom X et les indications "cadeau, spécial glisse, tournez vite la page", sur la seconde partie repliée se trouve une publicité pour un voyage à la montagne, avec la précision qu'un coupe-vent était offert à chaque participant et indiquant que les informations et les réservations sur ce voyage pourraient être trouvées auprès de L; que l'infraction de publicité illicite pour cette photographie peut donc bien être reprochée à Hakim B, gérant de la société W, quel que soit le rôle joué par la société multipromotions dans l'élaboration de cette publicité; que le guide distribué par l'office de tourisme d'Avoriaz et qui comporte une page de publicité X était distribué dans les locaux de la société L et que là encore, l'infraction en question est imputable à Hakim B; que le jugement entrepris doit donc être confirmé tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée, laquelle est équitable (arrêt, pages 9 et 10);

"alors que le délit de publicité illicite en faveur du tabac est une infraction intentionnelle; que, faute d'avoir constaté que Hakim B, dirigeant d'une société qui commercialise exclusivement des voyages et qui n'était ni l'auteur ni le concepteur de la publicité faite pour un autre voyagiste, avait connaissance de son caractère illicite, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs caractérisé; "qu'il en est d'autant plus ainsi, que dans ses conclusions le demandeur faisait valoir que la marque X faisait l'objet depuis de nombreuses années de campagnes publicitaires importantes, que tous les professionnels du voyage connaissent, de sorte que Hakim B, qui n'était ni juriste ni publicitaire, n'avait pas conscience de ce que les campagnes connues et diffusées par la société multipromotions pouvaient être en infraction avec la législation réglementant la publicité indirecte du tabac; qu'en s'abstenant de répondre à cette argumentation circonstanciée et déterminante, la cour a entaché de plus fort sa décision d'un défaut de motifs caractérisé";

Les moyens étant réunis; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, dans les documents distribués pour la saison 1996/1997 par la société L, agence de voyages organisant des séjours de ski pour les étudiants, figurait une page entière de publicité en faveur de la société X, ainsi que, sur chacun des documents, l'offre, pour chaque participant à l'un de ses séjours, d'un blouson, la promesse de cadeau étant illustrée d'une photographie représentant un jeune homme, sur un surf, vêtu du blouson au dos duquel était inscrit en gros caractères: X; que le comité national contre le tabagisme a fait citer Hakim B, gérant de la société L, ainsi que cette société, en qualité de civilement responsable, pour publicité illicite en faveur du tabac;

Attendu que, pour caractériser l'infraction au regard des dispositions de l'article L. 355-26 du Code de la santé publique, les juges d'appel, après avoir relevé qu'il n'était pas soutenu que la société X n'avait aucun lien avec la société qui fabrique, importe ou commercialise les cigarettes Y, énoncent que l'utilisation de X évoque, par son seul nom, la marque Y; que, pour l'imputer au gérant de la société L, la juridiction d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que la société qu'il dirige a contribué à la diffusion de la publicité illicite par la mise à disposition, dans ses locaux, des documents supportant la publicité et par la distribution des blousons;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnels, le délit de publicité indirecte en faveur du tabac dont elle a déclaré le prévenu coupable; qu'en effet, est considérée comme publicité indirecte en faveur du tabac, ou des produits du tabac, toute publicité en faveur d'une activité autre que le tabac lorsque, par l'utilisation d'une marque, elle rappelle le tabac ou un produit du tabac; que dès lors, les moyens ne sauraient être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.