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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 2 octobre 2002, n° 2001-02417

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Violette Heureka (SARL)

Défendeur :

Alfex (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Baufume

Avocats :

Me Bureau-Merlet, SCP Samet-Guilbert, Mes Guilbert.

T. com. Paris, 3e ch., du 13 sept. 2000

13 septembre 2000

Par courrier du 10 décembre 1998 la société Alfex, fabricant helvétique de montres, a signifié à la société Violette Heureka (la société Heureka) avec laquelle elle était en relations d'affaires depuis le 1er janvier 1996, sa décision de "terminer [leur] collaboration pour le marché français".

Estimant que la société Alfex avait abusivement rompu le contrat les liant, la société Heureka l'a assignée devant le Tribunal de commerce de Paris qui par jugement du 13 septembre 2002 a :

- débouté les deux parties de leurs demandes,

- condamné la société Violette Heureka à payer à la société Alfex la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Appelante la société Violette Heureka fait valoir qu'elle avait été désignée par la société Alfex comme "distributeur sélectif agréé exclusif" pour l'ensemble du territoire français pour une durée indéterminée mais avec "une période de sûreté tacite" de cinq ans compte tenu des investissements réalisés pour créer la marque Alfex sur le marché français" et qu'elle n'a commis aucun manquement grave justifiant une résiliation sans préavis.

Elle demande en conséquence à la cour de :

- condamner la société Alfex à lui payer avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1998 la somme de cinq millions de F. tous préjudices confondus correspondant aux sommes de :

- 1 258 839 F au titre des frais qu'elle a engagés pour la promotion de la marque,

- 1 500 000 F pour la perte de marge supportée dans la perspective d'une vie de contrat d'au moins cinq ans après amortissement de l'investissement réalisé,

- 2 500 000 F pour la perte d'image supportée par la brusque rupture intervenue, chiffrée en temps nécessaire à la relance des activités,

- ordonner subsidiairement une mesure d'expertise ainsi que le versement d'une provision de 800 000 F,

- condamner la société Alfex à lui payer la somme de 60 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Alfex oppose qu'il n'existait aucun contrat de distribution sélective entre les parties et que la rupture des relations commerciales a été précédée de 14 mois d'avertissements explicites délivrés pour non-paiement de diverses factures. Elle prie donc la cour de :

- débouter la société appelante de ses demandes,

- faire droit à sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 1 500 euros pour le préjudice né du harcèlement judiciaire qu'elle a subi et du non-paiement de ses factures pendant 44 mois,

- lui allouer la somme de 9 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que dans son courrier du 10 juin 1996 la société Alfex confirme à la société Violette Heureka sa qualité de "distributeur exclusif pour [sa] marque Alfex en France depuis le 1er janvier 1996" ;

Que de plus dans la liste officielle de ses "centres" la société Alfex indique pour la France la seule société Heureka ;

Que le 2 décembre 1998 la société Alfex informe la société Heureka de son intention de chercher "un autre distributeur pour la France" ;

Qu'il ressort donc des propres écrits de la société Alfex que cette société était liée à la société Heureka par un contrat de distribution exclusive ;

Considérant que la société Heureka ne justifie ni d'un accord tacite sur une durée de cinq ans du contrat ni d'un usage en ce sens ;

Que les parties avaient donc conclu un contrat à durée indéterminée ;

Considérant que si la société Alfex s'est toujours montrée particulièrement satisfaite des résultats obtenus par sa cocontractante pour l'implantation de sa marque en France, elle l'a alertée dès le 22 octobre 1997 sur un retard de paiement puis à compter du 5 janvier 1998 jusqu'à la lettre de rupture du 10 décembre 1998 elle lui a adressé huit courriers faisant état de factures impayées, de chèques post-datés, de nombreuses promesses de règlement non tenues et de sa perte de confiance consécutive à cette situation ;

Que dans ses courriers des 12 mai 1998 et 10 novembre 1998 la société Alfex a clairement exprimé sa volonté de mettre fin à toute collaboration y compris à effet immédiat (lettre du 12 mai 1998) si la société Heureka ne lui payait pas un certain nombre de factures,puis a suspendu la livraison des montres dans cette attente ainsi que toute négociation sur la modification des délais de paiement contractuellement fixés à 30 jours que la société Heureka entendait faire porter à 60 jours comme habituellement pratiqués en France ;

Que le 2 décembre 1998 elle a indiqué à sa partenaire qu'elle pensait "qu'il serait mieux de terminer leur relation",a annulé les commandes et l'a mise en demeure de régler avant le 30 janvier 1999 les impayés lesquels concernaient des factures émises entre le 27 mai 1998 et le 15 septembre 1998 pour un montant total de 21 545,52 F somme dont le règlement sera ordonné par ordonnance de référé du 7 septembre 1999 ;

Que dans ces conditions la lettre de rupture du 10 décembre 1998 n'a fait que tirer la conséquence depuis plus de 6 mois annoncée de la persistance de la société Heureka à ne pas remédier à ses fréquents impayés et la résiliation ne présente en conséquence pas un caractère brutal et abusif,ce d'autant que la société Alfex qui avait dû interrompre la livraison de ses montres et était liée par un contrat de distribution exclusive était privée du fait des graves manquements de la société Heureka de toute vente sur le marché français ;

Considérant que faisant une exacte appréciation des données du litige les premiers juges ont par des motifs que la cour adopte débouté la société Alfex de sa demande de dommages et intérêts ;

Qu'enfin il n'est pas inéquitable de laisser cette société supporter ses frais irrépétibles de première instance et d'appel;

Que la société Heureka qui succombe sera déboutée de sa demande formée à ce titre

Par ces motifs : - LA COUR, confirme le jugement déféré sauf du chef de la condamnation de la société Violette Heureka au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, déboute les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Violette Heureka aux dépens d'appel ; Admet l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.