CJCE, 5e ch., 24 mars 1993, n° C-313/90
COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques
Défendeur :
Commission des Communautés européennes, République française, Allied Signal Inc. (Sté), Allied Signal Fibers Europe (Sa)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Rodríguez Iglesias
Avocat général :
M. Lenz
Juges :
MM. Zuleeg, Joliet, Moitinho de Almeida, Edward
Avocats :
Mes Waelbroeck, Vandencasteele, Ferry, Piquemal.
LA COUR (cinquième chambre),
1. Par requête déposée au greffe de la Cour le 12 octobre 1990, le Comité international de la rayonne et des fibres synthétiques (ci-après "CIRFS"), association de droit français, AKZO NV (ci-après "AKZO"), société de droit néerlandais, Hoechst Aktiengesellschaft (ci-après "Hoechst"), société de droit allemand, Imperial Chemical Industries plc (ci-après "ICI"), société de droit anglais, et SNIA Fibre SpA (ci-après "SNIA Fibre"), société de droit italien, ont, en vertu de l'article 173, deuxième alinéa, du traité CEE, demandé l'annulation d'une décision de la Commission du 1er août 1990, et, pour autant que de besoin, d'une lettre de Sir Leon Brittan, vice-président de la Commission, du 4 octobre 1990. Dans la décision litigieuse, la Commission a estimé qu'il n'existait aucune obligation de notification préalable de l'aide accordée à la société Allied Signal par le Gouvernement français en vue de la création d'une unité de fibres polyester à haute ténacité dans la région de Longwy et que le contenu et l'intensité de cette aide étaient satisfaisants. Dans la lettre en cause, Sir Leon Brittan a confirmé cette analyse.
Cadre réglementaire et antécédents du litige
2. Par sa décision 85-18-CEE, du 10 octobre 1984, concernant la délimitation des zones pouvant bénéficier du régime de la prime d'aménagement du territoire en France (JO 1985, L 11, p. 28), la Commission a autorisé, comme compatible avec le Marché commun, l'octroi de primes d'aménagement du territoire dans certaines zones de la France métropolitaine, dont la région de Longwy en Meurthe-et-Moselle. Toutefois, selon son article 7, cette décision ne préjuge pas le respect des règles spécifiques existantes ou futures applicables dans certains secteurs.
3. Le 19 juillet 1977, la Commission avait adressé aux États membres une lettre intitulée "Aides au secteur des fibres synthétiques". Dans cette lettre, il était indiqué notamment que "l'industrie des fibres synthétiques se caractérise dans la CEE par des capacités de production qui excèdent largement ses débouchés", que "la Commission... estime que les États membres devraient s'abstenir désormais et pour une période de deux ans... de prendre de nouvelles décisions d'octroi d'aides qui auraient pour effet de conduire à une augmentation des capacités de production existantes... En ce qui concerne les aides régionales, l'abstention devrait valoir même dans les cas où... les aides régionales sont accordées automatiquement et ne sont pas soumises à notification préalable". La lettre précisait également que la Commission devrait être saisie au préalable de toutes les aides que les États membres se proposeraient d'accorder, qu'elles aient ou non pour effet une augmentation des capacités. Il est constant que les États membres ont marqué leur accord pour la "discipline" envisagée dans cette lettre.
4. Après avoir reçu les réponses des États membres, la Commission leur a adressé, en 1978, un mémorandum apportant un certain nombre de précisions sur l'interprétation à donner à ladite discipline, notamment quant à son champ d'application, lequel "s'étendait aux fibres acryliques, polyester et polyamide destinées tant à l'usage textile qu'à l'usage industriel". Il est constant que cette définition du champ d'application de la discipline n'a pas été contestée à cette époque par les États membres destinataires.
5. La discipline ainsi instituée a été prorogée tous les deux ans et son champ d'application a été, le cas échéant, étendu, la version en vigueur au moment de l'introduction du recours étant celle énoncée dans une communication du 8 juillet 1989 (JO C 173, p. 5). Cette communication, intitulée "Aides à l'industrie communautaire des fibres synthétiques", prévoyait notamment que la Commission "émettra un avis a priori défavorable au sujet des aides proposées par les États membres... qui auraient pour effet d'accroître la capacité de production nette des sociétés du secteur des fibres synthétiques (fibres et fils en acrylique, en polyester, en polypropylène et en polyamide et texturation de ces fils, quels que soient la nature ou le type de produit ou d'utilisation finale)".
6. Il ressort du dossier qu'en 1989 le CIRFS a appris qu'Allied Signal Inc., société de droit américain, et Allied Signal Fibers Europe SA, société de droit français filiale de la précédente (ci-après "Allied Signal"), avaient pris des contacts avec les gouvernements espagnol, autrichien et français afin d'examiner la possibilité d'obtenir une subvention pour la création d'une unité de fils polyester à application industrielle. Le CIRFS a fait part de cette information à la Commission et lui a demandé d'intervenir auprès des gouvernements concernés. Il a également pris contact directement avec ces gouvernements et avec les représentants d'Allied Signal, les informant qu'à son avis toute aide dans ce secteur serait incompatible avec la discipline en vigueur.
7. Les négociations entre Allied Signal, d'une part, et les gouvernements espagnol et autrichien, d'autre part, n'ont pas abouti, et aucune aide n'a donc été octroyée par ces gouvernements.
8. Le 20 juin 1990, le CIRFS a demandé à la Commission d'intervenir auprès des autorités françaises pour que ces dernières n'accordent pas de subvention à Allied Signal. Le 29 juin 1990, AKZO, ayant appris que le Gouvernement français avait décidé d'octroyer à Allied Signal une prime d'aménagement du territoire en vue de la réalisation, dans la région de Longwy, d'une usine de fibres polyester destinée à un usage industriel, à savoir la fourniture des fabricants européens de pneumatiques, a écrit à Sir Leon Brittan, vice-président de la Commission chargé des affaires de concurrence, pour lui faire part de son inquiétude quant à l'octroi de cette aide et lui demander ses commentaires éventuels.
9. Le 1er août 1990, la Commission a adressé au CIRFS une lettre dans laquelle elle indiquait que l'aide en question consistait en une application du schéma régional de prime d'aménagement du territoire, que la décision d'octroi avait été annoncée à l'entreprise "avant le dernier élargissement de la discipline en matière de fibres synthétiques" et que, partant, il n'existait aucune obligation de notification préalable.
10. Par lettre du 4 octobre 1990 adressée à AKZO, Sir Leon Brittan a confirmé la position ainsi adoptée, relevant notamment que, s'il était vrai que la discipline instituée en la matière était rédigée en termes assez généraux, la Commission l'avait, avant juillet 1989, interprétée de façon plus étroite, comme ne s'appliquant qu'aux fibres destinées à l'usage textile.
11. Les parties requérantes ont alors introduit le présent recours.
12. Par ordonnances du 20 mars 1991, la Cour a admis la République française, Allied Signal et Allied Signal Fibers Europe à intervenir à l'appui des conclusions de la Commission.
13. Par lettre du 7 janvier 1993, la société AKZO a informé la Cour qu'elle renonçait, conformément à l'article 78 du règlement de procédure, à l'action qu'elle avait intentée. Par ordonnance du 18 février 1993, le président de la cinquième chambre a radié l'affaire C-313-90 du registre de la Cour pour autant que celle-ci vise le recours introduit par AKZO.
14. Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.
L'objet du recours
15. Il convient, à titre liminaire, de déterminer l'objet du recours.
16. Dans leurs conclusions, les parties requérantes demandent l'annulation de la décision de la Commission du 1er août 1990 et de la lettre de Sir Leon Brittan du 4 octobre 1990. Elles soutiennent que, contrairement à l'analyse faite par la Commission, l'aide litigieuse entre dans le champ d'application de la discipline et qu'elle devait donc faire, conformément à celle-ci, l'objet d'une notification préalable au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité.
17. Il ressort de cette dernière disposition que l'obligation de notification préalable a pour but de permettre à la Commission de décider s'il y a lieu ou non d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, de ce même traité. Dans ces conditions, la décision de la Commission selon laquelle l'aide litigieuse n'était pas soumise à cette obligation équivaut à un refus d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, au motif qu'il s'agissait d'une aide existante, pour laquelle une autorisation préalable avait déjà été accordée par la décision 85-18, précitée.
18. Il résulte de ces précisions que le recours doit être interprété comme visant l'annulation du refus de la Commission d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, tel qu'il a été exprimé dans les deux communications susmentionnées.
Sur la recevabilité
19. Les parties intervenantes ont soulevé une exception d'irrecevabilité, alléguant essentiellement que les requérantes n'ont pas qualité pour agir au titre de l'article 173, deuxième alinéa, du traité. Les requérantes contestent la qualité des intervenantes pour se prévaloir de cette exception.
20. A cet égard, il convient de rappeler que, dans ses conclusions, la Commission s'est limitée à demander que le recours soit rejeté sur le fond et n'a jamais contesté la qualité pour agir des requérantes. Tout au contraire, elle a soutenu que refuser aux concurrents d'une entreprise, ayant bénéficié d'une aide, la qualité pour attaquer une décision de la Commission par laquelle celle-ci refuse d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité créerait une grave lacune dans le système de protection juridique prévu par l'article 164 de ce même traité.
21. En ce qui concerne la qualité des parties intervenantes pour soulever l'exception d'irrecevabilité, il y a lieu de relever que, selon l'article 37, troisième alinéa, du statut (CEE) de la Cour, les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties. En outre, selon l'article 93, paragraphe 4, du règlement de procédure, l'intervenant accepte le litige dans l'Etat où il se trouve lors de son intervention.
22. Il s'ensuit que les parties intervenantes n'avaient pas qualité pour soulever l'exception d'irrecevabilité, et la Cour n'est donc pas tenue d'examiner les moyens invoqués par celles-ci.
23. Toutefois, s'agissant d'une fin de non-recevoir d'ordre public, il convient d'examiner d'office la recevabilité du recours, en vertu de l'article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure (voir, notamment, arrêt du 11 juillet 1990, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305-86 et C-160-87, Rec. p. I-2945).
24. A cet effet, il convient, en premier lieu, de rappeler qu'un acte ne peut être attaqué au titre de l'article 173 du traité que s'il produit des effets juridiques (voir arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, dit "AETR", 22-70, Rec. p. 263).
25. A cet égard, il y a lieu de relever, tout d'abord, que, en estimant que l'aide n'était pas soumise à la procédure de notification préalable prévue par l'article 93, paragraphe 3, du traité, la Commission a considéré, d'une part, que l'aide en question n'entrait pas dans le champ d'application de la discipline et, d'autre part, qu'en tant que prime d'aménagement du territoire couverte par la décision 85-18, précitée, elle constituait une aide existante.
26. Il y a lieu de relever, ensuite, que la décision attaquée ne constitue pas une simple mesure préparatoire contre l'éventuelle illégalité de laquelle la possibilité d'introduire un recours contre la décision qui met fin à la procédure assurerait une protection suffisante. En effet, la décision refusant d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité a un caractère définitif, et il est donc impossible de la qualifier de simple mesure préparatoire.
27. Il y a donc lieu de conclure que la décision litigieuse comporte des effets juridiques définitifs et, partant, est attaquable au titre de l'article 173 du traité.
28. Il convient, en second lieu, compte tenu du fait que c'est la République française, et non les requérantes, qui est la destinataire de cette décision, d'examiner si ces dernières sont directement et individuellement concernées, au sens de l'article 173, deuxième alinéa, du traité.
29. Il est constant que le CIRFS, association qui réunit les principaux producteurs internationaux de fibres synthétiques, a poursuivi, dans l'intérêt de ces derniers, un nombre d'actions concernant la politique de restructuration de ce secteur. Il a, notamment, été l'interlocuteur de la Commission au sujet de l'instauration de la discipline, ainsi que de la prorogation et de l'adaptation de celle-ci. En outre, pendant la procédure précédant le présent litige, le CIRFS a poursuivi activement des négociations avec la Commission, notamment en lui soumettant des observations écrites et en se maintenant en contact étroit avec les services compétents.
30. La position du CIRFS en sa qualité de négociateur de la discipline est donc affectée par la décision attaquée. Il en résulte que le recours est recevable pour ce qui concerne le CIRFS (voir arrêt du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67-85, 68-85 et 70-85, Rec. p. 219).
31. S'agissant d'un seul et même recours, il n'y a pas lieu d'examiner la qualité pour agir des autres requérantes.
Sur le fond
32. En vue de démontrer que le recours est dépourvu de tout fondement, le Gouvernement français et Allied Signal font valoir qu'une entreprise tierce n'est pas en droit de contester l'interprétation que la Commission et les États membres ont retenue des termes de la discipline. Les parties intervenantes ont, en effet, rappelé que les principaux destinataires d'une discipline en matière d'aides sont les États membres et que, selon la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310-85, Rec. p. 901), une telle discipline comprend de simples règles indicatives qui ne font que définir la pratique qu'entend suivre la Commission après confirmation par les États membres de leur accord sur les termes et sur la portée de ses communications.
33. Cet argument ne saurait être retenu.
34. En effet, en premier lieu, la présente affaire doit être distinguée de celle qui a donné lieu à l'arrêt Deufil/Commission, précité. Cette dernière portait essentiellement sur la question de savoir si la discipline alors en cause pouvait comporter une dérogation aux règles du traité, alors que la question qui se pose dans la présente affaire est de savoir si une discipline peut avoir un effet contraignant. Le raisonnement suivi dans l'arrêt Deufil/Commission n'est donc pas transposable dans la présente affaire.
35. En second lieu, il convient de constater qu'en l'occurrence les règles énoncées dans la discipline et acceptées par les États membres eux-mêmes ont pour effet, notamment, de retirer à certaines aides, relevant de son champ d'application, l'autorisation précédemment accordée et, partant, de les qualifier d'aides nouvelles et de les soumettre à l'obligation de notification préalable.
36. Il s'ensuit que le fait que la discipline soit le résultat d'un accord entre les États membres et la Commission ne saurait modifier ni la signification objective de ses termes ni son effet contraignant.
37. Il convient dès lors d'examiner les moyens invoqués par les requérantes.
38. Par leur premier moyen, les requérantes font valoir que la discipline s'appliquait aux fibres à usage industriel au moment où le Gouvernement français affirme avoir pris sa décision, à savoir en juin 1989. Elles estiment que la discipline a été appliquée dès 1977 au secteur des fibres synthétiques destinées tant à l'usage industriel que textile. A cet égard, elles se fondent, notamment, sur le texte de la discipline du 19 juillet 1977, qui ne fait aucune distinction fondée sur la destination des fibres, et sur le mémorandum de 1978, dans lequel la Commission a précisé que le champ d'application de la discipline s'étendait aux fibres acryliques, polyester et polyamide destinées tant à l'usage textile qu'à l'usage industriel.
39. Dans son mémoire en défense et lors de l'audience, la Commission a fait valoir que la discipline avait été conçue pour éviter des augmentations de production dans des secteurs dans lesquels il existait déjà une surproduction et une surcapacité de production. Or, seul le secteur des fibres synthétiques à usage textile aurait été surcapacitaire. Toutefois, la Commission a également reconnu que, dans un premier temps, elle avait précisé que le champ d'application de la discipline s'étendait aux fibres acryliques, polyester et polyamide destinées tant à l'usage textile qu'à l'usage industriel. En outre, à l'audience, la Commission a admis, à la lumière du texte du mémorandum de 1978, susmentionné, que la discipline couvrait, à cette époque, tous les types de fibres.
40. Il y a donc lieu de conclure qu'en 1977, au moment où la discipline est entrée en vigueur, son champ d'application couvrait tous les types de fibres synthétiques, y compris celles destinées à l'usage industriel.
41. Il reste à examiner si le champ d'application de la discipline a été modifié par la suite, de sorte que les fibres à usage industriel en étaient exclues à l'époque des faits de la présente affaire.
42. A cet égard, la Commission a fait valoir que la discipline a été modifiée par une décision de juin 1988, par laquelle elle a autorisé l'octroi d'une aide à un producteur allemand de fibres synthétiques, à savoir la société Faserwerk Bottrop, en vue de la création d'une nouvelle unité de production de fibres discontinues de titre très fin et de titre non tissé en polypropylène et en polyéthylène, cette décision ayant été basée sur la constatation que cette unité de production ne pouvait pas approvisionner le secteur traditionnel du textile et de l'habillement, qui, de l'avis de la Commission, était le seul secteur visé par la discipline. Selon la Commission, cette décision a constitué une modification implicite de la discipline, dont elle a dû tenir compte par la suite afin de respecter le principe d'égalité de traitement. En outre, la Commission estime que le CIRFS a pris acte de cette modification implicite, notamment en demandant, dans l'optique du renouvellement de la discipline en 1989, une extension de la discipline aux fils à haute ténacité, à savoir à application industrielle.
43. Cette argumentation doit être écartée.
44. A cet égard, il convient de constater qu'un acte de portée générale ne peut pas être modifié implicitement par une décision individuelle.
45. Il y a lieu de relever également que ni le principe d'égalité de traitement ni celui de la protection de la confiance légitime ne peuvent être invoqués pour justifier la répétition d'une interprétation incorrecte d'un acte.
46. Enfin, la réaction du CIRFS, demandant que le champ d'application de la discipline soit étendu aux fils à haute ténacité, ne saurait avoir une incidence sur l'interprétation objective qu'il convient de donner à cet acte.
47. Il y a donc lieu de conclure que le champ d'application de la discipline n'a pas été modifié par la décision Bottrop ou par la réaction qu'a pu manifester le CIRFS à la suite de celle-ci.
48. Le Gouvernement français a également fait valoir que le champ d'application de la discipline avait été modifié entre la date de son adoption et la date de l'octroi de l'aide litigieuse. Il relève en effet que, dans sa lettre du 7 juillet 1987 portant sur le renouvellement de la discipline pour 1987 à 1989, la Commission a fait remarquer que "la demande communautaire de fibres et de fils synthétiques à usage textile est appelée dans le meilleur des cas à stagner dans un avenir proche...". Il en conclut que, jusqu'au moment de l'entrée en vigueur des règles définies dans la lettre du 6 juin 1989, qui indiscutablement englobent les fibres à application industrielle, il était fondé à estimer que l'aide litigieuse échappait à la discipline.
49. Cet argument doit être écarté.
50. En effet, compte tenu du fait que la discipline avait été appliquée dès 1977 au secteur des fibres synthétiques tant à usage textile qu'à usage industriel, on ne saurait admettre que le champ d'application de celle-ci puisse être limité par une considération, émise dans une lettre, sur la situation économique du secteur.
51. Il y a donc lieu de conclure que la discipline est applicable et a toujours été appliquée au secteur des fibres synthétiques destinées à l'usage industriel. Il s'ensuit que l'aide litigieuse était soumise à l'obligation de notification préalable, et ce sans qu'il y ait lieu de déterminer la date exacte de l'octroi de l'aide en question.
52. A la lumière de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d'annuler la décision par laquelle la Commission a refusé d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'encontre de l'aide octroyée par la République française à Allied Signal, en vue de la réalisation, dans la région de Longwy, d'une usine de fibres polyester, communiquée au CIRFS par lettre de la Commission du 1er août 1990.
Sur les dépens
53. Selon l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens, à l'exception de ceux relatifs à la procédure en référé, qui sont à la charge des parties requérantes.
54. Conformément à l'article 69, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, la République française, d'une part, et Allied Signal et Allied Fibers Europe, d'autre part, supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
Déclare et arrête:
1°) La décision par laquelle la Commission a refusé d'ouvrir la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité CEE à l'encontre d'une aide accordée par la République française à la société Allied Signal, communiquée au CIRFS par lettre du 1er août 1990, est annulée.
2°) La Commission est condamnée aux dépens, à l'exception de ceux relatifs à la procédure en référé, qui sont à la charge des parties requérantes. Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.