Livv
Décisions

Cass. com., 29 octobre 2003, n° 01-10.653

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Triquet, Pénin (ès qual.), Le Cric (SA)

Défendeur :

Automobiles Citroën (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

Mme Champalaune

Avocat général :

M. Feuillard

Avocats :

SCP Vier, Barthélémy, SCP Delaporte, Briard, Trichet.

T. com. Cambrai, du 14 mai 1996

14 mai 1996

LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 23 mars 2000) que le 8 décembre 1986, M. Triquet, en sa qualité de Président du conseil d'administration de la société Le Cric dont il était le principal actionnaire, a acquis un fonds de commerce de vente et réparation d'automobiles; que le 1er janvier 1987, la société Le Cric est devenue concessionnaire Citroën, et que le 1er février 1989, le tribunal de commerce a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société Le Cric; qu'en 1993, M. Triquet a assigné la société Citroën et M. Penin, liquidateur de la société Le Cric, aux fins qu'il soit jugé que la société Citroën était la seule responsable de la mise en liquidation de la société Le Cric; qu'une expertise était sollicitée ainsi que l'allocation d'une provision

Attendu que M. Triquet fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes en responsabilité et en paiement dirigées contre la société Automobiles Citroën, alors, selon le moyen : 1°) qu'il résulte de l'article 1134 du Code civil que le contrat de concession doit être conclu de bonne foi; que manque à son obligation de loyauté le concédant qui bouleverse unilatéralement l'équilibre contractuel en modifiant un élément essentiel du contrat sur lequel s'était porté le consentement des parties; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'objectif de 939 voitures à vendre a été fixé par le seul concédant; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. Triquet dans ses conclusions d'appel, si la société Citroën n'avait pas manqué à son obligation de loyauté en fixant abusivement ledit objectif à l'insu du concessionnaire, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil; 2°) qu'il résulte de l'article 1382 du Code civil que commet un abus de droit constitutif d'une faute quasi-délictuelle, le cocontractant qui impose délibérément à l'autre partie une situation dont il sait qu'elle lui sera préjudiciable; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Triquet justifie par sa lettre du 16 janvier 1987 à la direction régionale de Citroën son désaccord sur l'objectif de 939 voitures à vendre en 1987 et que cet objectif a été fixé par le concédant; qu'en considérant que cet objectif est étranger à la structure de l'entreprise au motif que le plan prévisionnel établi par M. Triquet prévoyait l'emploi de 49 personnes et l'embauche de trois autres, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par M. Triquet dans ses conclusions d'appel, si le maintien de cet effectif de salariés n'était pas la conséquence de l'augmentation de l'objectif imposé par le concédant, l'objectif initial de 650 voitures sur la base duquel les accords passés avec Citroën avaient été fondés ne nécessitant que l' emploi de 30 salariés, et si ce n 'était pas précisément en se fondant sur cet objectif imposé de 939 véhicules que la société Citroën avait obligé M. Triquet à maintenir un effectif de 50 salariés bien qu'il fût manifestement excessif compte tenu du potentiel de l'entreprise, et avait ainsi entraîné par sa faute le déséquilibre de l'entreprise en la vouant d'emblée à l'échec, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil; 3°) que méconnaissant à cet égard les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux moyens déterminants soulevés par M. Triquet dans ses conclusions d'appel du 7 janvier 2000 pris en premier lieu de ce que "les objectifs de vente doivent être négociés et discutés entre les parties sans pouvoir résulter de la seule volonté du concédant" et de "ce que le devoir de coopération se retrouve d'ailleurs dans le règlement communautaire européen 1474-95 relatif à la distribution automobile qui impose que la fixation des objectifs annuels de vente soient d'un commun accord entre les parties, ou à défaut, par un tiers expert" et pris en deuxième lieu de ce que "M. Triquet s'est vu imposer la reprise d'une concession dans des termes totalement différents de ce qui était prévu par lui et identifié auprès de la Direction commerciale Citroën ", de ce qu"'il s'agissait en fait pour Citroën de monter une opération de partage de la concession de Cambrai sur une durée courte mais suffisante pour permettre à un certain M. Henaut (qui occupait le poste de Président du Groupement d'intérêt économique du comité de publicité de la société Citroën et était en même temps concessionnaire à Cambrai) d'être tenu à l'écart d'un risque de faillite de son entreprise", de ce que "c'est précisément la raison pour laquelle il fut délibérément caché par Citroën à M. Triquet la volonté de fixer à plus de 900 l'objectif de vente de la concession de Cambrai, le contrat de concession signé en date du 1er janvier 1987 ne comportant aucune indication du nombre de véhicules neufs dont l'objectif devait être imposé à la société Le Cric constituée pour la circonstance à l'initiative de M. Triquet" et de ce que ce dernier n'en prendra connaissance que par la publication professionnelle du journal interne "En avant Citroën ", une telle manœuvre étant radicalement contraire au droit" ; 4°) que méconnaissant encore les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel a négligé de répondre au moyen péremptoire des conclusions d'appel de M. Triquet en date du 7 janvier 2000 tiré de ce que "la circonstance qu'en 1987, M. Triquet ait cependant réalisé des ventes représentant 99 % de cet objectif n'est pas du tout de nature à prouver le bien fondé de cet objectif" et de ce que "en effet, cette performance réalisée en 1987 n'est que strictement conjoncturelle et résulte du fait que depuis quelques années la concession de Cambrai était dirigée par une équipe totalement incompétente et qu'il existait en conséquence un gisement inexploité de clientèle d'automobiles Citroën, lequel a été entièrement satisfait lors de la première année d'exploitation dans des conditions normales, c'est à dire en 1987";

Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu, par motifs adoptés, qu'aucun quota de vente n'était prévu au contrat, le grief de la première branche manque par le fait qui lui sert de base;

Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant constaté que le plan prévisionnel établi en 1986, avant la signature du contrat de concession, par le concessionnaire, précisait que l'entreprise emploierait quarante-neuf personnes et se proposait d'en embaucher trois autres, ce dont elle a déduit que l'objectif de vente contesté était étranger à la structure de l'entreprise décidée par le concessionnaire, et dés lors que celui-ci ne pouvait soutenir sans contradiction que ce personnel était excessif au regard d'un objectif de vente initial dont il faisait valoir qu'il était inférieur à celui ultérieurement fixé par le concédant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision,sans avoir à effectuer la recherche, invoquée à la deuxième branche du moyen, que ses constatations rendaient inopérante;

Attendu, en troisième lieu, qu'ayant ainsi écarté le moyen tiré de la faute commise par la société Citroën dans la fixation d'un objectif de vente disproportionné avec le "potentiel" de l'entreprise, la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes invoquées à la troisième et à la quatrième branche du moyen; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;

Par ces motifs: rejette le pourvoi.