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Décisions

CA Amiens, 4e ch. com., 18 juin 1999, n° 9800742

AMIENS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Affimet (SA)

Défendeur :

Bony (Sté), Generali France Assurances (Sté), Walczac (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chapuis de Montaunet

Conseillers :

M. Roche, Mme Simon

Avoués :

SCP Telelin-Marquet, de Surirey, SCP Le Roy, SCP Selosse Bouvet, André

Avocats :

Mes Chaigne, Riva, Roux

T. com. Compiègne, du 9 janv. 1998

9 janvier 1998

Vu le jugement du 9 janvier 1998 par lequel le Tribunal de commerce de Compiègne a dit et jugé irrecevable l'action de la société Affimet sur le fondement des dispositions de l'article 1648 du Code civil et l'a condamnée au paiement d'une somme de 10 000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Bony d'une part et de la compagnie Generali France Assurances, d'autre part.

Vu l'appel interjeté par la société Affimet et les conclusions présentées par cette dernière, enregistrées les 26 mars et 5 octobre 1998, et tendant à:

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- constater que les fissures internes affectant les briques fournies par la société des établissements Bony avant utilisation n'ont été révélées que par l'expertise judiciaire menée par M. Cure en 1996,

- constater que les fissures internes évoquées par la société Française de Céramique en 1990 ne concernaient que des briques ayant été utilisées,

- constater que l'étude menée par la société Française de Céramique en 1990 concluait à ce que les fissures étaient la conséquence des désordres survenus dans ses fours à raison de la surchauffe des fours,

- constater au contraire que le rapport d'expertise judiciaire déposé le 18 octobre 1996 retient que les briques livrées par Bony contenaient des fissures internes constituant un vice rédhibitoire et que ces fissures sont la cause unique des désordres survenus dans ses fours,

- constater en conséquence que l'origine des désordres et la connaissance du vice caché n'a été révélée que par le rapport d'expertise,

- constater qu'elle a, à la suite du dépôt du rapport d'expertise, repris sa demande sur le fondement de l'article 1641 du Code civil,

- constater que cette action a été exercée dans le bref délai prévu à l'article 1648 du Code civil,

- constater la résistance abusive de la société Bony, en conséquence,

- déclarer recevable l'action exercée par ses soins,

- la déclarer en outre bien fondée et condamner la société des établissements Bony à l'indemniser de l'ensemble de son préjudice en application de l'article 1645 du Code civil,

- constater que ce préjudice a été valablement chiffré par l'expert à la somme de 2 444 188,33 F,

- en conséquence, condamner la société des établissements Bony à lui payer la somme de 2 444 188,33 F avec intérêts de droit à compter du 3 juillet 1991, date de la première mise en demeure avec capitalisation en application de l'article 1154 du Code civil et ce tant à titre moratoire que compensatoire,

- condamner la compagnie La Concorde à garantir la société des établissements Bony de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre,

- condamner solidairement la société Bony et la compagnie La Concorde à lui payer la somme de 200 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- les condamner sous la même solidarité à lui payer la somme de 250 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Telelin Marquet et de Surirey, avoué, qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Vu, enregistrées les 5 juin et 19 octobre 1998, les conclusions présentées par la société établissements Bony et tendant a:

- confirmer le jugement attaqué,

- débouter la société Affimet de ses demandes formées contre elle,

- à titre subsidiaire, juger que la compagnie Generali lui doit sa garantie,

- condamner la société Affimet ou subsidiairement la compagnie Generali à lui payer la somme de 30 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens de l'instance distraits au profit de la SCP Le Roy, sur son affirmation de droit.

Vu, enregistrées les 8 juin, 16 octobre et 4 décembre 1998, les conclusions présentées par la compagnie Generali France Assurances et tendant à:

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- Vu les dispositions de l'article 1648 du Code de procédure civile, dire et juger prescrite l'action de la société Affimet faute d'avoir été engagée à bref délai,

- à titre infiniment subsidiaire sur les garanties, dire et juger que ses garanties ne sont aucunement acquises, par application des dispositions des paragraphes 4, 5, 5.01, 5.02 page 11 des conclusions générales de la police,

- en conséquence, débouter la société Bony et la société Affimet de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre,

- condamner la société Affimet au paiement de la somme de 20 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Selosse Bouvet et André, avoué aux offres de droit.

Vu, enregistrées le 8 décembre 1998, les conclusions dites "en ultime réplique" présentées par la société Affimet et tendant à:

- lui adjuger l'entier bénéfice de ses précédentes écritures,

- statuer comme précédemment requis,

- débouter la société établissements Bony et la compagnie Generali France de leur exception d'irrecevabilité et de toutes leurs demandes, fins, moyens et conclusions,

- rejeter toutes demandes des intimés en toutes fins qu'elles comportent,

- condamner solidairement la société Bony et la compagnie Generali France en tous les dépens dont distraction est requise au profit de la SCP Telelin Marquet et de Surirey qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Me Walczac, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Affimet, a été assigné à personne habilitée et a indiqué à la cour, par un courrier simple du 9 juillet 1998, ne pas entendre se faire représenter et s'en rapporter à justice.

Sur ce,

Attendu qu'il convient, tout d'abord, de relever que les faits constants de l'instance ont été exposés par les premiers juges en des énonciations que la cour fait siennes;

Attendu, en deuxième lieu, que si, en cause d'appel, la société Affimet soutient, pour contester l'irrecevabilité de sa demande retenue par le jugement déféré comme n'ayant pas été engagée à bref délai ainsi que l'impose l'article 1648 du Code civil, que ladite décision aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par un précédent jugement du 29 octobre 1993, il sera observé que celui-ci a été frappé d'appel par la société Bony et que, par un arrêt du 7 juillet 1995, la présente cour a jugé que "dans son dispositif le jugement qui réserve tous droits et moyens des parties ainsi que les dépens se borne, sans trancher une partie du principal, à rejeter l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la société Bony et, après avoir déclaré son action recevable, condition nécessaire pour que puisse être prescrite une mesure d'instruction, à ordonner une expertise"; que la cour en a conclu, au visa de l'article 272 du nouveau Code de procédure civile, que la décision était insusceptible d'appel; que, dans ces conditions, la société Affimet, qui avait soutenu dans le cadre de l'appel interjeté à l'encontre du jugement du 29 octobre 1993 que cette décision ne tranchait aucune partie du principal et que ledit appel était irrecevable, ne saurait utilement invoquer présentement l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait audit jugement alors, précisément, que, selon l'article 480 du nouveau Code de procédure civile, seul le jugement qui "tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, a, dès son prononcé l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche"; qu'il s'ensuit qu'en considérant dans son jugement du 9 janvier 1998 que l'action en garantie des vices cachés était prescrite le tribunal n'a nullement méconnu une prétendue "autorité" du jugement du 29 octobre 1993;

Attendu, en troisième lieu, que l'appelante prétend également que l'action ne serait pas prescrite puisque le bref délai de l'article 1648 du Code civil n'aurait commencé à courir qu'à compter de la date de dépôt du rapport d'expertise diligenté par M. Cure et déposé le 18 octobre 1996, lequel rapport aurait seul permis que soit établie la réalité du vice affectant les briques réfractaires que lui avait livré la société Bony courant 1987 et 1988; que, toutefois, si le "bref délai" court effectivement à compter de la découverte du vice litigieux, il sera souligné, en l'espèce, que l'assignation délivrée le 13 avril 1992 par la société Affimet à la société Bony était expressément fondée sur l'impropriété des briques à l'usage auquel elles étaient destinées; que l'appelante écrivait ainsi dans son assignation que "les briques réfractaires fournies par la société Bony présentaient avant leur utilisation des fissures intérieures qui rendaient impropre leur utilisation à l'usage des fours réverbère"; que, dès lors, la société Affimet avait sans conteste possible saisi le tribunal à raison de l'impropriété de la chose livrée à sa destination, ce qui constitue un vice caché au sens de l'article 1641 du Code civil; qu'un tel vice constituant l'unique fondement possible de l'action engagée par l'intéressée, celle-ci ne pouvait être exercée qu'à bref délai; qu'au demeurant, la société Affimet invoquait à l'appui de ses prétentions un rapport de la société française de Céramique rédigé en mai 1990, lequel avait relevé, sans ambiguïté et de façon claire, l'existence d'un double phénomène de dégradation thermochimique et thermomécanique; que, de même, il échet de souligner que la société Affimet qui tenait pour acquis le vice caché dont s'agit ainsi que l'impropriété à leur destination des matériaux livrés a directement saisi le Tribunal de commerce de Compiègne au fond et n'a aucunement sollicité la désignation d'un expert judiciaire mais seulement la condamnation de la société Bony au paiement d'une somme de 2 580 000 F en réparation de son préjudice; que l'appelante ne peut donc, sans contradiction, alléguer n'avoir eu connaissance du vice affectant les briques réfractaires qu'au jour du dépôt du rapport d'expertise de M. Cure, lequel n'a fait, en réalité, que confirmer la présence de vices antérieurement connus que, dans ces conditions, l'action engagée par la société Affimet ne saurait être regardée comme ayant été intentée dans le bref délai imparti par l'article 1648 du Code civil; que c'est donc à bon droit que les premiers juges l'ont déclarée irrecevable; qu'il y a lieu, par suite, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de débouter la société appelante de l'ensemble de ses prétentions.

Sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Attendu que la société Affimet, condamnée aux dépens d'appel, versera sur le fondement de l'article susvisé à la société Bony la somme de 10 000 F et à la compagnie Generali France Assurances celle de 5 000 F.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Me Walczac, ès qualités; Reçoit l'appel jugé régulier en la forme; Au fond, le rejetant, confirme le jugement; Déboute la société Affimet de l'ensemble de ses demandes; La condamne aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des SCP Le Roy et Selosse Bouvet et André, Avoués; La condamne également à payer sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile la somme de 10 000 F à la société Bony et celle de 5 000 F à la compagnie Generali France Assurances.