CA Versailles, 9e ch., 6 février 2002, n° 01-01758
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
DGCCRF
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Ract-Madoux
Avocat général :
M. Renaut
Conseillers :
Mlle Delafollie, M. Boilevin
Avocat :
Me Parleani.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LE JUGEMENT :
Par jugement contradictoire en date du 27 juin 2001, le Tribunal correctionnel de Pontoise a :
déclaré Hervé B non coupable et l'a relaxé des fins de la poursuite pour les fait qualifiés de :
Tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise, le 6 octobre 1998, à Saint-Prix, infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
LES APPELS :
Appel principal a été interjeté par :
M. le Procureur de la République, le 5 juillet 2001,
DÉCISION
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant:
Le 6 mai 1998, des contrôleurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont prélevé, au magasin X de Saint-Prix des échantillons de produits dénommés "cannelloni à la viande Y" précisant sur l'étiquetage "viande de boeuf 12 %". Les analyses ont révélé la présence de viande séparée mécaniquement c'est-à-dire comprenant des fragments d'os et des protéines végétales texturées;
Ce produit avait été importé d'Italie par la société Z, dont le responsable "produit frais", titulaire d'une délégation de pouvoirs, était M. B;
Entendu par les services de gendarmerie, ce dernier a précisé que, s'agissant d'un produit provenant d'un pays membre de l'Union européenne, il s'était senti autorisé à faire confiance au fabricant;
M. B a été poursuivi pour avoir à Saint-Prix, le 6 octobre 1998, trompé les consommateurs contractants sur les qualités substantielles de la composition de cannellonis surgelés dans lesquels la présence de viande séparée mécaniquement et de protéines végétales texturées n'était pas déclarée dans la liste des ingrédients, faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation;
Par jugement contradictoire du Tribunal correctionnel de Pontoise en date du 27 juin 2001, M. B a été relaxé des fins de la poursuite, pour défaut d'élément intentionnel, au motif que ce dernier avait fourni une attestation établie par un laboratoire italien, agréé par le ministère de la Santé italien dont il résultait que le contenu et l'indication de la composition du produit figurant sur l'étiquette étaient conformes à la législation italienne;
Le Ministère public a interjeté appel de cette décision, le 5 juillet 2001;
Devant la cour d'appel, le prévenu fait valoir que la vente des produits VSM ou protéines végétales texturées n'est nullement interdite; que pour un produit importé d'Italie, il n'appartenait pas à la société Z, responsable de la première mise sur le marché français, de faire analyser la composition du produit ce qui aurait permis de déceler la présence des produits litigieux et de constater que l'étiquetage du fournisseur italien n'était pas conforme à la réglementation française;
Il résulte en effet selon la défense, de la jurisprudence de la Cour de Justice européenne (2 mai 1989) que la vérification par analyse des informations fournies aux consommateurs, n'a pas à être effectuée sur un produit importé, par l'importateur; "une telle obligation imposerait à l'importateur un fardeau considérablement plus lourd qu'à un fabricant national", serait de nature à entraver la circulation intracommunautaire, eu donnant la préférence à l'achat de produit nationaux et constituerait une restriction quantitative ou une mesure d'effet équivalent prohibée par l'ancien article 30 du traité de la CEE; pour vérifier les informations sur la composition d'un produit, l'importateur doit donc pouvoir s'en remettre à un certificat d'un laboratoire agréé par l'Etat de provenance;
Tel avait été le cas en l'espèce pour M. B puisqu'il produisait l'attestation établie par le laboratoire Projetto Alimenti;
A titre subsidiaire, le prévenu fait valoir que la présence de VSM et de protéines végétales texturées, ne constitue pas une qualité substantielle du produit dont la connaissance détermine le choix de l'acquéreur et que dès lors, l'omission de cette indication n'est pas de nature à tromper le client; il relève que la mention qui aurait dû apparaître : "viande séparée mécaniquement" et "protéines végétales texturées" n'est pas suffisamment explicite pour renseigner le consommateur et déterminer son choix;
La représentante de la DCCRF ainsi que le Ministère public répondent qu'il n'est pas établi que le certificat du laboratoire Projetto Alimenti produit par le prévenu le 10 mai 2000, précisant qu'"en ce qui concerne le conditionnement du produit cannellonis Y de 800 gr surgelés... l'étiquetage est conforme à la législation italienne en vigueur", soit applicable aux produits incriminés mis en vente en avril 1998;
Ils considèrent que l'infraction est constituée, dès lors que le consommateur n'a bénéficié que d'une information incomplète;
Motifs de la cour:
Contrairement à ce que soutient la défense, il n'est pas reproché à M. B qui a procédé à la première mise sur le marché national des cannellonis litigieux de ne pas avoir procédé à leur analyse pour vérifier que leur composition était conforme à l'étiquetage et aux prescriptions en vigueur sur le marché national [ce qui serait en effet contraire au principe de proportionnalité par rapport à l'objectif poursuivi et qui imposerait à l'importateur un fardeau considérablement plus lourd qu'à un fabricant national, selon la jurisprudence de la CJCE], mais de ne pas avoir satisfait à son obligation de vérification, dont il pouvait s'acquitter notamment en produisant un certificat concernant la composition du produit, délivré par les autorités de l'Etat membre producteur ou par un laboratoire reconnu à cet effet par ces autorités;
En l'espèce, ce n'est qu'en mai 2000, que le prévenu a produit un certificat d'un laboratoire agréé italien, lequel, de manière générale, se borne à attester que le "produit cannellonis Y de 800 gr" a un étiquetage "conforme à la législation italienne en vigueur", sans la moindre référence au numéro de lot analysé, ni à la date à laquelle le produit a été conditionné et examiné, alors qu'il appartenait au prévenu, en sa qualité de responsable de la première mise sur le marché français, de se munir d'une telle attestation ou certificat, au moment de la mise à la disposition du produit auprès du consommateur c'est à dire en avril 1998 et de le présenter à la DGCCRF, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale;
Le prévenu ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe de ce que le produit était conforme à la législation italienne lors de sa mise en vente et de ce qu'il a légitimement pu se fier à celle-ci;
En outre, s'il est vrai que la présence de viande séparée mécaniquement et de protéines végétales texturées n'est pas interdite à la vente, il demeure qu'en application des articles R. 112-7 et R. 112-9 du Code de la consommation, la présence de ces ingrédients aurait dû être mentionnée sur l'étiquette des cannellonis,pour que le consommateur en soit informé;
En mettant en vente des produits, sous la dénomination "cannellonis à la viande" avec la précision "viande de boeuf 12 %" alors que cette viande, mécaniquement séparée, comportait des fragments d'os, ce qui constituait une information déterminante pour l'acheteur (particulièrement en période d'épidémie de "vache folle") et sans la mention de la présence de protéines végétales texturées, le prévenu a trompé le consommateur sur la nature et la composition de la marchandise qu'il lui vendait;
En sa qualité de responsable de la première mise sur le marché français (qu'il ne conteste pas), il doit être reconnu coupable des faits de la prévention et il convient de prononcer à son encontre une peine d'amende;
Par ces motifs: LA COUR, après en avoir délibéré, statuant publiquement, et contradictoirement; En la forme: Reçoit les appels; Au fond: Infirme le jugement entrepris; Déclare M. B coupable du délit de tromperie sur les qualités substantielles de cannellonis surgelés, faits prévus et réprimés par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation; En conséquence, le condamne à une amende de 3 000 euros.