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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 30 octobre 2002, n° 2002-952

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Direction Départementale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Varlamoff

Rapporteur :

Mme Doumit El Khoury

Avocat :

Me Parleani.

TGI Draguignan, ch. corr., du 5 avr. 200…

5 avril 2001

RAPPEL DE LA PROCÉDURE:

LA PRÉVENTION:

Jacques C a été cité devant le Tribunal correctionnel de Draguignan par exploit d'huissier délivré le 5 février 2001 sous la prévention d'avoir:

- au Luc (83), entre le 16 et le 23 février 2000, en tant que directeur de X, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en présentant des tomates origine France alors qu'il s'agissait de tomates origine Espagne ou Maroc,

Faits prévus et réprimés par les articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

- au Luc (83), entre le 17 et 27 novembre 1999, effectué une publicité comportant des allégations ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur en proposant des produits indisponibles en l'espèce du foie de canard du Sud-Ouest "Y",

Faits prévus et réprimés parles articles L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

LE JUGEMENT:

Par jugement contradictoire du 5 avril 2001, le Tribunal correctionnel de Draguignan a déclaré Jacques C coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à une amende délictuelle de 80 000 F (soit 12 195,92 euros) et a ordonné la publication par extrait dudit jugement aux frais du condamné, sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser la somme de 3 000 F dans les journaux "La Provence", "Var Matin" et "Nice Matin" conformément à l'article L. 121-4 du Code de la consommation.

LES APPELS:

Le prévenu a régulièrement interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions, par déclaration au greffe du 9 avril 2001.

Le Ministère public a relevé appel incident le 12 avril 2001.

DÉCISION:

EN LA FORME,

Attendu que les appels formés par le prévenu et le Ministère public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux;

Que Jacques C, régulièrement cité à personne, a comparu assisté de son conseil;

Que la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes est régulièrement représentée;

Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard de Jacques C;

AU FOND,

RAPPEL SUCCINCT DES FAITS:

La SA X, centrale d'achats de 33 hypermarchés et supermarchés à l'enseigne "Z" a élaboré et diffusé un dépliant publicitaire "Février à prix Z" destiné à une opération commerciale menée entre le 16 et 26 février 2000 et mentionnant notamment des tomates origine France, catégorie I, calibre 67 +, au prix de 6,95 F TTC le kilogramme, les vérifications effectuées par les inspecteurs de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes permettaient de constater que les tomates offertes à la vente étaient des tomates origine Espagne.

Antérieurement la SA X avait édité et diffusé un dépliant publicitaire "Terroirs et Traditions" destiné à une opération commerciale menée entre le 17 et 27 novembre 1999 et mentionnant, comme produits proposés à la vente, du foie gras de canard du Sud-Ouest Y, boîte de 150 g à 14,75 F soit 98,33 F le kilogramme, les vérifications effectuées par les inspecteurs de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes démontraient que les magasins associés à cette opération n'avaient pas pu fournir ce produit qui n'avait jamais fait l'objet de commande.

Au cours de ses auditions par les inspecteurs de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes et par les militaires de la gendarmerie, Jacques C, sans contester les faits, les a expliqués par la commission d'erreurs purement matérielles exclusives de toute volonté de tromper le consommateur.

MOYENS DES PARTIES:

Aux termes de conclusions déposées devant la cour, Jacques C sollicite la réformation du jugement et sa relaxe et à titre subsidiaire la non-inscription de la condamnation à intervenir au bulletin n° 2 de son casier judiciaire et que ladite condamnation ne soit assortie d'aucune mesure de publicité, en soutenant, s'agissant de la publicité concernant les tomates, que la mention d'origine France correspond à une simple erreur de saisie sur un listing de prix puis de compréhension par l'agence de publicité P, lors de l'impression du catalogue et que rien ne permet de caractériser la faute d'imprudence ou de négligence commise dans la conception ou le diffusion de la publicité en cause, élément moral nécessaire pour constituer l'infraction et, à titre subsidiaire, si l'infraction était établie, que les conséquences sont inexistantes au regard d'un prétendu trouble à l'ordre public, le consommateur étant indifférent à l'origine du produit, une information rectifiée ayant été affichée à l'entrée des magasins dès que l'erreur a été décelée et aucun préjudice n'en ait résulté pour les fournisseurs de tomates françaises et les concurrents, et s'agissant de la publicité concernant le foie gras, que l'élément légal de l'infraction n'est pas constitué, le Décret du 9 août 1993 instituant la distinction entre foie gras et bloc de foie gras ayant été considéré comme illicite par décision de la Cour de justice des Communautés européennes et ne pouvant donc être invoqué à son encontre, mais que, de surcroît, il n'y a pas eu volonté de tromper le consommateur, s'agissant d'une simple erreur commise dans la confection du prospectus et erreur ayant donné lieu à la mise en place d'un erratum, que l'erreur commise est unique dans un catalogue comportant de multiples informations, et que l'erreur n'a été à l'origine, là encore, d'aucun trouble à l'ordre public.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur l'action publique:

Attendu que les premiers juges, après rappel de la prévention et de la procédure jusque là suivie, ont exactement exposé les faits; que sur ces points la cour se réfère aux énonciations du jugement déféré;

1 - Sur la culpabilité,

A - S'agissant de la publicité concernant l'origine des tomates pour la période du 16 au 26 février 2000

Attendu que les premiers juges pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jacques C ont retenu que le contrôle effectué par les fonctionnaires de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes avait démontré la non-conformité de provenance des tomates mises en vente, annoncées d'origine France, mais remplacées par des tomates d'origine Espagne ou Marocet qu'il n'avait pas été contesté par le prévenu que les négociations n'avaient portées que sur l'achat de tomates d'origine Espagne;

Attendu que l'élément moral du délit reproché concernant ces faits résulte d'une part de l'absence de toute vérification de l'exactitude des mentions portées sur la liste adressée à l'agence de publicité avant l'impression du catalogue mais d'autre part de la distribution du catalogue à l'ensemble de la clientèle potentiel de 33 magasins alors que l'erreur commise avait été préalablement constatée,ce que reconnaissait Jacques C lors de son audition le 4 mai 2000 par l'inspecteur de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, l'apposition d'un erratum dans certains points de vente ne pouvant exonérer le prévenu de sa responsabilité, l'impact publicitaire ayant produit son effet tant à l'égard du consommateur que des professionnels concernés par la production et la vente du produit et le trouble à l'ordre public étant caractérisé;

B - S'agissant de la publicité concernant la vente de foie gras

Attendu que les premiers juges pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jacques C ont exactement retenu que le contrôle effectué par les fonctionnaires de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes avait démontré que la SA X n'avait jamais commandé le foie gras, objet de la publicité dans le prospectus intitulé "Terroirs et Traditions" du 17 au 27 novembre 1999, mais seulement des blocs de foie gras;

Que dès lors Jacques C ne peut expliquer la publicité dont s'agit comme constituant une simple erreur matérielle dans l'élaboration du prospectus fait à partir d'une photographie d'un emballage dont le modèle factice ou gratuit avait été préalablement commandé et correspondait à du foie gras et non un bloc de foie gras,prospectus cependant contrôlé et comportant les mentions du poids et du prix convenu du seul produit réellement commandé, l'élément moral constitutif de l'infraction résultant d'une négligence plus qu'active;

Attendu que le moyen tiré de ce que la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré qu'en adoptant le Décret du 9 août 1993, relatif aux préparations à base de foie gras, n'incluant pas de clause de reconnaissance mutuelle pour les produits en provenance d'un Etat membre et répondant aux règles édictées par cet Etat, la République française a manqué à ses obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CE, moyen soulevé pour la première fois en cause d'appel, est inopérant, ledit décret ayant été pris pour la répression des fraudes et notamment en matière alimentaire et l'infraction reprochée à Jacques C n'est pas la falsification du produit vendu au sens des articles L. 214-1 et L. 214-2 du Code de la consommation, mais la publicité trompeuse concernant la vente de produits à prix intéressant mais non disponibles à la vente;

Qu'indépendamment de toute réglementation concernant les préparations à base de foie gras, il est acquis pour tout consommateur moyennement éclairé qu'il existe une distinction entre un foie gras et un bloc de foie gras, distinction dont la page du prospectus litigieux se fait l'écho puisque présentant à la fois des boîtes de foie gras de canard, de bloc de foie gras de canard avec morceaux et de foie gras de canard entier et dès lors l'impact publicitaire de l'offre à prix particulièrement avantageux d'un produit considéré comme de qualité et donc attractif était certain, étant observé que des boîtes de blocs de foie gras, au poids et au prix de la publicité, ont elles été mises en vente;

Attendu que l'erratum, qui aurait été adressé aux différents magasins le 16 novembre 1999 pour affichage, ne saurait là encore exonérer Jacques C de sa responsabilité, la publicité préalable ayant déjà cherché à produire effet auprès du public;

Que c'est donc à bon droit que le tribunal l'a déclaré coupable, en sa qualité de directeur de la SA X, bénéficiaire d'une délégation de pouvoir, de l'ensemble des faits reprochés, constitutifs de publicité mensongère comportant de fausses indications sur l'origine des marchandises ou leur existence à la vente;

Que sa décision sera confirmée;

2 - Sur la peine

Attendu, toutefois, qu'il convient de faire une application plus modérée de la loi pénale en ce qui concerne la peine d'amende prononcée, compte tenu de la nature des faits reprochés et des conditions de leur réalisation et Jacques C n'ayant pas d'antécédents judiciaires;

Qu'en conséquence, la cour condamnera le prévenu à une amende délictuelle de 7 000 euros;

Attendu qu'il convient, faisant application des dispositions de l'article 775-1 du Code de procédure pénale, de faire droit également à sa demande de non-inscription de la condamnation sur le bulletin n° 2 du casier judiciaire

Attendu que le jugement sera confirmé en ce qui concerne la mesure de publication obligatoirement ordonnée par application des dispositions de l'article 121-4 du Code de la consommation;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de Jacques C, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi, En la forme, Reçoit les appels formés par Jacques C, prévenu, et le Ministère public, Au fond, Confirme le jugement déféré sur la culpabilité du prévenu, Réformant sur la peine et statuant à nouveau, Condamne le prévenu à une amende délictuelle de 7 000 euros, Dit que la condamnation prononcée à l'égard de Jacques C sera exclue du bulletin n° 2 de son casier judiciaire, Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions afférentes à la publication de la décision, Le tout conformément aux articles visés au jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.