CA Lyon, 3e ch. civ., 6 février 2003, n° 01-05990
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Technoclass (SA)
Défendeur :
Mappei Organisationsmittel GmbH (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Moussa
Conseillers :
MM. Simon, Kerraudren
Avoués :
SCP Aguiraud-Nouvellet, Me Rahon
Avocats :
Me Borne, SCP Dolphi-Missika-Minchella-Sicsic
Faits, procédure et prétentions des parties :
Suivant contrat de "représentation" en date du 1er juillet 1981, la société Mappei-Organisationmittel GmbH, société de droit allemand a confié à Monsieur Georges Marut la distribution exclusive, en France et dans les pays africains francophones, de l'ensemble des produits de la gamme Mappei (matériels et accessoires de rangement et de classement de bureaux) jusqu'au 31 décembre 1985, le contrat étant renouvelable suivant tacite reconduction par périodes de trois années, sauf dénonciation douze mois avant l'échéance d'une période renouvelée. Monsieur Georges Marut qui a créé ultérieurement la SA Mappei France, a mis en place, à son tour, un réseau de distribution exclusive en France constitué de huit franchisés et de quatre agents commerciaux. La société Mappei-Organisationmittel GmbH, alors que le contrat de distribution venait a expiration le 31 décembre 1999, l'a résilié, le 3 décembre 1998, à effet immédiat, au motif que la SA Mappei France se livrait à des actes de concurrence interdits par le contrat de "représentation". Le réseau des franchisés constitué par la SA Mappei France a, alors courant décembre 1998, résilié les contrats de franchise faute pour leur franchiseur de pouvoir les approvisionner en produits de la gamme Mappei. La SA Mappei France est devenue, après la résiliation du contrat de "représentation", la SA Technoclass.
Par jugement rendu le 20 septembre 2001, le Tribunal de Commerce de LYON a dit que la résiliation du contrat de "représentation" par la société Mappei-Organisationmittel GmbH était fondée, que la résiliation des contrats de franchise était imputable à la SA Mappei France, "à ses torts et griefs", a débouté la SA Mappei France de sa demande en condamnation de la société Mappei-Organisationmittel GmbH à lui payer des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de "représentation", a condamné la SA Mappei France à payer à la société Mappei-Organisationmittel GmbH la somme de 232 519 F au titre d'un solde de factures correspondant aux dernières livraisons et a débouté les franchisés de leur demande en dommages et intérêts formée contre la SA Mappei France pour non respect des contrats, de franchise.
La SA Mappei France a régulièrement formé appel limité de cette décision, dans les formes et délai légaux, à l'encontre de la seule la société Mappei-Organisationmittel GmbH.
Vu l'article 455 alinéa premier du nouveau code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la SA Mappei France dans ses conclusions récapitulatives en date du 17 octobre 2002 tendant à faire juger que même si la rupture du contrat de "représentation" était fondée (ce qui, selon elle, n'est la cas), la société Mappei-Organisationmittel GmbH ne pouvait capter, sans bourse délier, la clientèle et le savoir-faire de son ancien partenaire, que la société Mappei-Organisationmittel GmbH a tiré profit de la rupture du contrat de "représentation" pour évincer complètement son partenaire commercial du réseau qu'il avait constitué, réalisant une véritable spoliation, que le comportement de la société Mappei-Organisationmittel GmbH a été délibéré pour arriver à ses fins, que le préjudice résultant de la captation du réseau commercial et du savoir-faire et de la perte de "chiffre d'affaires et de marge" s'établit à 200 000 euros et qu'enfin la résiliation du contrat de "représentation" prononcée par la société Mappei-Organisationmittel GmbH ne repose sur aucun motif avéré ;
Vu les prétentions et les moyens développés par la société Mappei-Organisationmittel GmbH dans ses conclusions récapitulatives en date du 23 septembre 2002 tendant à faire juger que la rupture du contrat de "représentation" repose sur de justes motifs (violation par la SA Mappei France des ses engagements contractuels), qu'elle n'a commis aucune faute antérieurement à la rupture du contrat de "représentation", la SA Mappei France ayant eu, au contraire, la volonté de se défaire à bref délai (une année) , d'un engagement qui lui pesait pour commercialiser des produits qu'elle fabriquait elle-même, que la rupture a été prononcée en réaction aux agissements de la SA Mappei France qui ne peut donc s'en plaindre, qu'elle a subi un préjudice évalué à 75 000 euros, résultant des agissements de la SA Mappei France et dont elle demande réparation et qu'enfin sa créance pour fournitures de produits, admise par les premiers juges, n'est pas contestée par la SA Mappei France
Motifs et décision :
Attendu qu'aux termes de l'article 4 du contrat de "représentation", la SA Mappei France ne pouvait ni fabriquer, ni vendre des produits de marque étrangère qui sont soit, "identiques ou similaires", soit "semblables ou comparables", selon les traductions proposées, à ceux du fabricant et les exceptions devaient être accordées par écrit ;
Attendu qu'il s'avère que la SA Mappei France distribuait et faisait distribuer par son réseau commercial deux produits en violation des stipulations du contrat de "représentation"; que d'une part, la SA Mappei France distribuait depuis le 1er janvier 1998 pour le moins, une nouvelle version d'une chemise de dossier appelée Ergalon à un prix inférieur à celui pratiqué pour le produit équivalent Mappei, produit qu'elle avait créé et sur lequel elle avait fait inscrire un brevet, produit très semblable à celui fabriqué par la société Mappei-Organisationmittel GmbH ; que cette violation manifeste du contrat de "représentation" ne saurait être excusée par le fait qu'un accord était intervenu pour une telle distribution en 1991/1992 pour un client déterminé, cet accord étant circonscrit dans le temps et dans l'étendue ; que d'autre part, si la SA Mappei France a commercialisé des meubles de rangement "Mappotheque" avec l'accord écrit de son mandant, ceux-ci devaient être conçus, comme ils l'étaient au début, de telle manière que leurs utilisateurs commandent des boites de rangement devant y être insérés que la conception des derniers meubles fabriqués dispensaient les utilisateurs d'acheter les boites de rangement (consommables dont la vente échappait à la société Mappei-Organisationmittel GmbH) ; qu'il s'ensuit que la SA Mappei France a violé les obligations qui étaient contenues dans le contrat de "représentation" et que la société Mappei-Organisationmittel GmbH était fondée à résilier le contrat de "représentation" à effet immédiat compte tenu de l'importance des violations réitérées ;
Attendu qu'il convient d'examiner si la société Mappei-Organisationmittel GmbH en résiliant le contrat de "représentation" n'avait en vue que de priver la SA Mappei France du réseau commercial qu'elle avait mis en place et de l'en évincer purement et simplement ; qu'il n'est pas démontré par la SA Mappei France que la société Mappei-Organisationmittel GmbH a agi de manière délibérée et avait la volonté bien arrêtée et pré-existante à la découverte des manquements de la SA Mappei France, d'évincer son distributeur en France, d'accaparer son réseau commercial et de provoquer la rupture du contrat de "représentation" ; que les manquements de la SA Mappei France à son obligation de ne pas distribuer des produits concurrents à ceux de la gamme Mappei sont apparus au plus tard début janvier 1998, et bien antérieurement pour certains ; que la société Mappei-Organisationmittel GmbH les a découverts pour la première fois dans le courant du mois de juin 1998 (par l'envoi d'une lettre du 9 juin 1993 d'un franchisé à la société Mappei-Organisationmittel GmbH), puis progressivement quant à leur ampleur au cours de réunions tenues les 9 juillet et 25 septembre 1998 avec tous les franchisés ; qu'il ne peut être soutenu par la SA Mappei France que la société Mappei-Organisationmittel GmbH a préparé la rupture, dès lors que ces réunions ont été provoquées ensuite de la prise de conscience de la part de la société Mappei-Organisationmittel GmbH des agissements de concurrence déloyale commis et répétés par la SA Mappei France; que l'intention de la SA Mappei France, dénoncée dans la lettre de résiliation du contrat de "représentation", de "totalement remplacer à l'avenir les produits Mappei par ses propres produits" résulte des bulletins de liaison diffusés par la SA Mappei France en direction de son réseau commercial ; que ces bulletins font la promotion des produits de la SA Mappei France ainsi le Mapp'info du 4 novembre 1997 en ce qui concerne la chemise de dossier Ergalon et le meuble Mappotheque (sans boites de rangement modulables) , vantant leurs qualités et leur prix d'un "écart Kolossal" avec ceux de "Wuppertal" ... ; que cette volonté ressort encore d'un compte-rendu de la réunion du réseau de la SA Mappei France, tenue le 25 juin 1998 qui mentionne que la SA Mappei France veut développer et commercialiser ses propres produits et qu'elle a besoin de 6 à 18 mois pour mettre en place son organisation et sa gamme Ergalon; que cette volonté ressort à l'évidence de la lecture de la lettre adressée, le 22 octobre 1998, par Monsieur Georges Marut à Monsieur Guy Renard, agent commercial de la SA Mappei France et de la propre attestation de Monsieur Guy Renard relatant les projets exprimés par Monsieur Georges Marut de substituer ses propres produits à ceux de la gamme Mappei (cf les termes de la lettre du 22 octobre 1998 "la SA Mappei France pourrait même, plutôt essayer de se faire éjecter par Wuppertal (siège social de la société Mappei-Organisationmittel GmbH), ce qui permettrait, peut être de négocier une non-attaque des clients actuels") ; que d'ailleurs dès le lendemain de la résiliation du contrat de "représentation", le 4 décembre 1998, la SA Mappei France proposait au réseau de franchisés de substituer à la société Mappei-Organisationmittel GmbH un autre fournisseur Heimann avec lequel elle était "tombée instantanément d'accord" ;
Attendu qu'en définitive, la SA Mappei France ne fait pas la preuve que la société Mappei-Organisationmittel GmbH a délibérément cherché à évincer la SA Mappei France de son réseau commercial et a provoquer, à cette seule fin, la rupture du contrat de "représentation" qu'à l'inverse la société Mappei-Organisationmittel GmbH, qui questionnait encore en avril 1998 la SA Mappei France sur ses perspectives de développement sur cinq années, démontre qu'en réaction à la découverte, dans le courant du mois de juin 1998, des projets de la SA Mappei France, elle a été amenée à prendre l'initiative de rompre le contrat de "représentation' ; que la SA Mappei France sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts fondée sur les agissements non prouvés de la société Mappei-Organisationmittel GmbH, antérieurs à la résiliation du contrat de "représentation" et tendant à la "captation" du réseau commercial de son distributeur;
Attendu qu'il convient au vu des éléments produits par la société Mappei-Organisationmittel GmbH pour chiffre son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale commis pendant l'exécution du contrat de "représentation", de le fixer à la somme de 9 000 euros soit 59 036,13 F ; que les seuls éléments fournis (informations données par la SA Mappei France sur les ventes de produits Ergalon et Mappotheque à partir desquels des extrapolations hasardeuses sont faites) sont minces et conduisent à une telle fixation ;
Attendu que le jugement mérite également confirmation en ce qu'il a condamné la SA Mappei France à payer à la société Mappei-Organisationmittel GmbH une somme correspondant aux dernières fournitures de produits de la gamme Mappei ; que la SA Mappei France ne conteste devoir la somme qui lui est réclamée a ce titre ;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 1 800 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, reçoit l'appel limité de la SA Mappei France, devenue la SA Technoclass comme régulier en la forme, au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions attaquées. Y ajoutant, condamne la SA Technoclass à porter et payer à la société Mappei-Organisationmittel GmbH la somme de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt et celle de 1 800 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Déboute les parties de leurs plus amples ou contraires conclusions condamne la SA Technoclass aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Alain Rahon, avoué sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.