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Décisions

CA Orléans, ch. soc., 15 mars 2001, n° 00-00782

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mery

Défendeur :

Etablissements Sergent Laboratoires Prolac (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président de chambre :

M. Chollet

Conseillers :

M. Lebrun, Melle Desous

Avocats :

Mes Ousaci, Me Gallet.

Cons. prud'h. Blois, du 17 déc. 1999

17 décembre 1999

Monsieur Daniel Mery a saisi le Conseil de Prud'hommes de Blois des demandes suivantes à l'encontre de la SA Etablissements Sergent Laboratoires Prolac :

- 336 897,43 F de commissions de 1994 à 1998 ;

- 14 472 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société a sollicité reconventionnellement 12 000 F sur le fondement du même texte.

Un jugement du 17 décembre 1999, à la lecture duquel il est renvoyé pour l'exposé des faits et des moyens initiaux des parties, a rejeté les demandes de Monsieur Mery, et la demande reconventionnelle.

Cette décision a été notifiée à Monsieur Mery le 4 mars 2000. Il en a interjeté appel le 13 mars 2000.

Il demande que la société soit condamnée à lui payer 460 058,23 F en principal et 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il expose qu'embauché comme VRP exclusif selon un contrat écrit du 26 janvier 1973, il a vu son taux de commissions, qui était à l'origine de 3 %, passer progressivement à 8,25 %, avant que le nouveau dirigeant ne le diminue à 6,25 % en janvier 1990, puis à 1,60 % en février 1991 (l'assiette étant le chiffre d'affaires vendu en France), s'agissant de modifications substantielles de son contrat qu'il n'a pas acceptées et qui ont abouti à une baisse de ses revenus.

Il explique que le taux des commissions ne pouvait varier que pour les nouveaux produits non visés au contrat, ce qui n'était pas le cas des produits sur lesquels il fonde sa demande, la société ne pouvant donc invoquer la variabilité de ce taux.

Il conteste l'application de l'article 6 du contrat, prévoyant un arrêté de compte trimestriel, au double motif qu'il n'a jamais reçu de tels arrêtés et qu'il est contraire à l'article L. 143-4 du Code du travail.

Il précise que ses revenus de 1998 sont ainsi inférieurs à ceux de 1984, sans que cette baisse soit compensée par l'augmentation de ses frais de déplacements, basés sur le barème fiscal, ou sur une augmentation de son fixe, qui n'a été que de 1 000 F par mois en janvier 1992.

En appliquant le taux de 8,25 % au chiffre d'affaires réalisé, il en résulte le rappel réclamé.

La société demande la confirmation du jugement et la condamnation de Monsieur Mery à lui payer 12 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle expose que Monsieur Mery a accepté verbalement les évolutions qu'il critique aujourd'hui, qu'elle n'a pas cru bon de formaliser par écrit en raison des relations de confiance existantes.

Elle soutient qu'elle n'a fait qu'appliquer le contrat, l'autorisant notamment à prévoir des taux différents pour les produits non visés par celui-ci, et prévoyant que, même pour ceux-ci, le taux pouvait être diminué en cas de ristournes.

Elle précise qu'elle a adressé à Monsieur Mery, chaque mois, les arrêtés de compte prévus par l'article 6 du contrat, et que celui-ci, ne les ayant pas contestés à l'époque, ne peut plus le faire aujourd'hui, ajoutant qu'une telle clause est licite, conformément à l'article 1269 du Code civil.

Subsidiairement, elle estime que la baisse de la rémunération invoquée par Monsieur Mery incombe à celui-ci, en raison de ses méthodes de prospection critiquables, et ajoute que l'appelant ne peut se prévaloir des modifications non écrites qui lui sont favorables pour refuser celles qui lui sont défavorables, devant, soit les appliquer toutes, soit en revenir au contrat initial en termes de taux et de secteurs. Elle soutient qu'en ce cas rien n'est dû à son adversaire.

Sur ce, LA COUR,

Attendu que le jugement a été notifié à Monsieur Mery le 4 mars 2000 ; que son appel, interjeté le 13 mars 2000, est recevable;

Que Monsieur Mery a été engagé comme VRP exclusif, à compter du 1er février 1973, par un contrat du 26 janvier 1973 prévoyant, en son article 6, que:

- les comptes de commissions seront arrêtés au dernier jour de chaque trimestre civil:

- le relevé trimestriel des commissions sera remis à Monsieur Mery dans le courant du mois suivant l'arrêté des comptes;

- le défaut d'observation, sur ledit relevé, de Monsieur Mery dans le mois de la réception sera considéré comme un accord de sa part valant arrêté de compte;

Que selon l'appelant, cette clause doit être annulée car elle méconnaît tant l'article L. 143-3 alinéa 3 que l'article L.143-4 du Code du travail;

Que cependant si, aux termes du premier de ces textes, lors de la paie, il ne peut être exigé aucune signature autre que celle établissant que la somme reçue correspond bien à celle figurant sur le bulletin, et si, selon le deuxième, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie n'emporte pas renonciation au paiement des sommes qui n'y figurent pas, et ne peut valoir compte arrêté et réglé au sens de l'article 2274 du Code civil, ces règles ne concernent que les bulletins de paie;

Que, si l'acceptation d'un bulletin ne peut valoir compte arrêté et réglé, l'établissement de tels comptes, en cours d'exécution du contrat, n'est prohibée par aucune disposition du Code du travail ;que les parties peuvent ainsi convenir, spécialement lorsque la rémunération résulte d'éléments variables, ce qui est le cas de commissions, nécessitant une vérification de la part du salarié, du principe d'arrêtés de comptes périodiques afin de matérialiser leur accord définitif sur les éléments de calcul et sur le montant de ces commissions;

Que telle a été la volonté de la société et de Monsieur Mery, aux termes de la clause susvisée;

Que celle-ci ne saurait donc être déclarée nulle;

Qu'il résulte par ailleurs de l'attestation conforme à l'article 202 du nouveau Code de procédure civile de Madame Colette Martinaud comptable, que Monsieur Mery s'est vu remettre, comme les autres représentants, un relevé mensuel (et non pas trimestriel) de commissions;

Que la société produit, à titre d'exemples, quelques uns de ces états détaillant le numéro des factures, leur montant total, le taux de commission selon les types de produits et leur montant;

Que ces états ontdonc bien été adressés à l'appelant ;

Que celui-ci n'ayant formulé aucune réclamation dans le mois, il y a comptes arrêtés successifs mettant obstacle à ses demandes, tout au moins jusqu'au 2 décembre 1998, date à laquelle il a saisi le Conseil de Prud'hommes ;

Que, sur le fond, le contrat prévoyait:

- un taux de commission de 3 % ;

- la représentation de peintures, décapants, encollants et additifs sous des marques limitativement énumérées, la société se réservant de confier à Monsieur Mery d'autres produits, mais d'en fixer alors le taux de commission;

- une clientèle limitée aux détaillants du Loiret, du Loir-et-Cher et de l'Eure-et-Loire

Que, par la suite, ces éléments ont subi diverses modifications, résultant de lettres jusqu'en 1984 (dont aucune signée par Monsieur Mery), et non formalisées par la suite en raison des bonnes relations entre les parties;

Qu'à partir du 18 janvier 1984, le taux de commission est ainsi passé à 8,25 % (y compris les congés payés);

Qu'en 1990, il a été réduit à 6,25 % ;

Qu'à compter de janvier 1991, il a été réduit à 1,60 %, mais que ce taux était appliqué à l'ensemble du chiffre d'affaires peinture de la société, et non plus aux seules commandes de Monsieur Mery;

Que ces modifications des commissions se sont accompagnées d'une augmentation des indemnités kilométriques (passées de 0,96 F en 1989 à 1,35 F en 1990) et du salaire fixe à compter de septembre 1991 (une prime de 1000 F étant versée, et intégrée au fixe en janvier 1992);

Que Monsieur Mery soutient à bon droit qu'il n'a pas accepté les modifications intervenues en 1990 et 1991;

Qu'en effet, l'absence de contestation de sa part, fut-ce pendant de nombreuses années, ne saurait valoir acceptation tacite;

Qu'en revanche, ces modifications forment un tout qui ne saurait être divisé;

Qu'ainsi, Monsieur Mery ne saurait contester la diminution du taux des commissions, et la nouvelle diminution avec augmentation de l'assiette mais revendiquer l'augmentation des frais et du fixe qui en était la contre-partie ;

Qu'en outre, si ces modifications doivent être écartées du fait que leur caractère contractuel n'est pas établi, il doit en être de même de toutes les modifications antérieures, et notamment de l'augmentation du taux des commissions de 8,25 % ;

Qu'il convient donc de s'en tenir aux stipulations du contrat et aux seules modifications concrétisées par un accord exprès des deux parties, c'est-à-dire :

- contrat d'origine : taux de commission 3 %, clientèle : détaillants, départements Loiret, Loir-et-Cher et Eure-et-Loire ;

- lettre du 9 avril 1974, valant avenant, puisque signée par Monsieur Mery après qu'il y ait porté la mention "d'accord, et j'espère que cela s'avérera intéressant" : autorisation de prospecter les hôpitaux, cliniques, colonies de vacances, cantines et maisons de retraite :

- lettre du 30 juin 1981 valant aussi avenant puisque signée par Monsieur Mery le 10/07/81 : autorisation de prospecter les industries alimentaires du Loir-et-Cher;

Que tant la lettre du 16 novembre 1978 remettant à Monsieur Mery la liste des laiteries et industries diverses de plusieurs autres départements, que celle du 18 janvier 1984 augmentant le taux de commission de 6 % à 7,5 % (sans les congés payés) ne peuvent être retenues, l'appelant n'ayant pas donné son accord et ne pouvant sans contradiction soutenir qu'il a accepté tacitement une modification tout en niant une telle acceptation tacite pour les modifications intervenues en 1990 et en 1991 ;

Qu'il résulte de l'application des seuls éléments contractuels décrits ci-dessus, et notamment du taux de 3 % que, depuis 94, Monsieur Mery a toujours perçu des commissions d'un montant supérieur;

Qu'il ressort des décomptes de la société que, même en appliquant le taux de 8,25 % aux seules commandes résultants des accords contractuels tels que décrits ci-dessus, il a également été rempli de ses droits, les commissions perçues étant d'un montant supérieur;

Qu'il convient donc de rejeter sa demande et de confirmer le jugement;

Qu'il n'est pas inéquitable que la société supporte ses frais irrépétibles ;

Que Monsieur Mery supportera les dépens d'appel;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, déclare l'appel recevable, confirme le jugement du 17 décembre 1999. Déboute la SA Etablissements Sergent Laboratoires Prolac de sa demande en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Daniel Mery aux dépens.