Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 12 mars 1993, n° 6519-92

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Ministère public, Comité National contre le Tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lenormand

Conseillers :

Mmes Magnet, Barbarin

Avocats :

Mes Jaffre, Bihl.

TGI Paris, 13e ch., du 14 mai 1992

14 mai 1992

Rappel de la procédure

Le Jugement

Tel qu'il sera rappelé en tête des motifs du présent arrêt,

Etant toutefois précisé que les faits ont été commis le courant avril, mai, juin 1991

A condamné le prévenu aux dépens (dont le montant n'a pas été précisé au jugement).

Appels

Appel de cette décision a été régulièrement interjeté par ;

1°) Bertrand de G, prévenu

La Société S es qualités civilement responsable, le 20 mai 1992

2°) Le Procureur de la République près le Tribunal de Paris, le même jour.

Décision ;

Rendue, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Par jugement en date du 14 mai 1992, le Tribunal de Paris (13ème chambre) a, sur citations directes délivrées à la requête du Comité National Contre le Tabagisme (CNCT), déclaré Bertrand de G coupable du délit de publicité illicite en faveur du tabac commis courant avril, mai, juin 1991 par violation des dispositions de l'article 8 de la loi du 9 juillet 1976 modifiées par la loi du 10 janvier 1991, l'a condamné à la peine de 200 000 F d'amende, a dit que la société S sera solidairement tenue de la totalité de l'amende prononcée à l'encontre de son dirigeant G, a déclaré la constitution de partie civile du CNCT régulière en la forme, recevable et fondée en son principe, a condamné Bertrand de G à lui payer à titre de réparation la somme de 50 000 F et celle de 1500 F et a déclaré la société S civilement responsable de son préposé.

Appel de cette décision a été régulièrement interjeté par Bertrand de G, tant en son nom personnel que représentant légal de la S, lequel a fait porter son recours sur les dispositions aussi bien pénales que civiles du jugement attaqué, ainsi que par le Ministère public.

Les premiers juges ayant exactement rappelé les termes de la citation et les faits de la cause, la Cour s'en rapporte, sur ces points, aux énonciations du jugement attaqué.

Régulièrement représentés par leur Conseil, Bertrand de G et la S demandent à la Cour, par voie de conclusions conjointes, de :

- " dire et juger que les annonces litigieuses ne sont pas contraires aux dispositions des articles 2 et 8 de la loi du 9 juillet 1976 modifiée par la loi du 10 janvier 1991 "

- " en conséquence, réformer le jugement dont appel "

- " relaxer M. Bertrand de G des fins de la poursuite "

- " mettre la S hors de cause "

- " subsidiairement, atténuer les condamnations prononcées en première instance à l'encontre de M de G "

- " dire et juger que la S sera solidairement tenue en totalité de l'amende et des frais mis à la charge de son dirigeant "

- " qu'il en sera de même pour les dommages-intérêts alloués au Comité Nationale contre le Tabagisme ".

Quant au CNCT, représenté par son Conseil, il demande à la Cour, par voie de conclusions, de :

- " dire et juger mal fondé l'appel de M de G et la S "

- " Confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 14 mai 1992 "

- " condamner M de G et la S à (lui) payer la somme de 3 000 F au titre de l'article 475.1 du Code de procédure pénale devant la Cour et en tous les dépens ".

Sur l'action publique :

Considérant que les premiers juges ayant fait une exacte description des publicités pleine page en cause parues dans le numéro 106 d'avril 1991 du magazine Actua Ciné, dans le numéro 2318, semaine du 29 mai au 4 juin 1991, du magazine l'Officiel des Spectacles (2ème de couverture) et dans le numéro 95 de juin 1991 du magazine l'Écho des Savanes (page 15), la Cour s'y rapporte ;

Considérant que Bertrand de G et la S font valoir, dans leurs écritures, que les publicités litigieuses se bornent à reproduite le paquet de cigarettes Lucky Strike, que la mention " Here Comes The Hard Pack " (" voici le paquet rigide ") figurant dans celle parue dans Actua Ciné se rapporte au confort de l'emballage et la mention " Light is Light " (" léger c'est léger ") figurant dans celles parues dans l'Officiel des Spectacles et l'Écho des Savanes se rapporte à la composition du produit et qu'elles ne peuvent être prohibées, n'ayant aucun caractère incitatif ou suggestif ;

Considérant que ces moyens ne sauraient en aucun cas prospérer ; qu'en effet, s'il est vrai qu'y figure la représentation photographique autorisée d'un paquet de cigarettes de la marque Lucky Strike et des cigarettes que l'ouverture de celui-ci permet d'apercevoir, y sont ajoutés, dans l'une, les mots " Hers Comes The Hard Pack " et, dans les deux autres, les mots " Light is Light ", destinés à appeler l'attention du lecteur, dans un but incitatif évident, dans un cas sur l'avantage que l'on peut retirer de la rigidité du paquet, dans l'autre, sur la particulière légèreté du produit, alors qu'aux termes de l'article 8 de la loi n° 76.616 du 9 Juillet 1976 relative à la lutte contre le tabagisme, article applicable au cas d'espèce avant son abrogation, à compter du 1er janvier 1993, par l'article 9.IV de la loi n° 91.32 du 10 janvier 1991, " dans le cas où elle est autorisée, la propagande ou la publicité en faveur du tabac ou des produits du tabac ne peut comporter d'autre mention que la dénomination du produit, sa composition, le nom et l'adresse du fabricant et, le cas échéant, du distributeur "; que de telles légendes ne rentrent manifestement pas dans les mentions autorisées que la loi énumère limitativement;

Que les premiers juges ont donc à juste titre estimé illicites les trois publicités qu'avait fait paraître, sans que cela soit contesté, Bertrand de G, président du Conseil d'Administration de la société anonyme dite S, distribuant en France les cigarettes de la marque Lucky Strike, et déclaré celui-ci coupable de l'infraction prévue et réprimée par les articles 8 et 12 de la loi précitée du 9 juillet 1976 modifiée par la loi également précitée du 10 janvier 1991;

Que dès lors, il convient de confirmer le jugement attaqué sur la déclaration de culpabilité de Bertrand de G; que, toutefois, compte tenu de l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation de la Cour, il y a lieu de lui faire une application moins sévères de la loi pénale, en le faisant bénéficier des circonstances atténuantes ;

Qu'il échet, par ailleurs, de confirmer ledit jugement en ce qu'il a déclaré la société anonyme S solidairement responsable en totalité du paiement de l'amende mise à la charge de son dirigeant ;

Sur l'action civile :

Considérant que le tribunal a fait une exacte appréciation du préjudice résultant directement pour le Comité nationale Contre le Tabagisme, partie civile, des agissements répréhensibles de Bertrand de G ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement attaqué sur ce point ainsi que sur le montant de la somme allouée au titre de l'article 475.1 du Code de procédure pénale ;

Que la demande d'une somme supplémentaire de 3 000 F formulée par le CNCT au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel est justifiée tant en son principe qu'en son montant ; qu'il convient d'y faire droit ;

Considérant qu'il échet de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré la S civilement responsable de Bertrand de G ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'égard de la S et du CNCT, contradictoirement en application de l'article 411 du Code de procédure pénale à l'égard de Bertrand de G. Reçoit les appels de Bertrand de G, de la S et du Ministère public, Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré Bertrand de G coupable de publicité illicite en faveur du tabac et la société S solidairement responsable en totalité du paiement de l'amende mise à la charge de celui-ci. L'émendant sur la peine, condamne Bertrand de G à vingt mille (20 000) F d'amende. Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné Bertrand G à payer au Comité Nationale contre le Tabagisme (CNCT), partie civile, la somme de cinquante mille (50 000) F à titre de dommages-intérêts et celle de mille cinq cents (1500 F) au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Y ajoutant, condamne Bertrand de G à payer au CNCT la somme de trois mille (3 000) F au titre des frais non taxés exposés par celui en cause d'appel. Confirme également le jugement attaqué en ce qu'il a déclaré la S civilement responsable de Bertrand de G. Condamne Bertrand de G aux dépens de première instance, Le tout par application des articles 8 et 12 de la loi n° 76-616 du 9 juillet 1976 modifiée par la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991, 463 du Code pénal, 473, 512, du Code de procédure pénale.