CA Paris, 13e ch. A, 21 mai 2002, n° 01-02566
PARIS
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Avocat général :
M. Madranges
Conseillers :
M. Nivose, Me Geraud Charvet
Avocat :
Me Veil.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE:
LA PREVENTION:
X Yaacov est poursuivi pour avoir à Evry (91), le 4 février 1999 et courant 1999,
- effectué une publicité comportant des allégations de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente d'un bien, en l'espèce un micro-ordinateur de marque X au prix de 1 900 F annoncé alors que le prix réel du micro-ordinateur était supérieur
LE JUGEMENT:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a relaxé X Yaacov des fins de la poursuite pour les faits qualifiés de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis courant 1999 et le 4 février 1999, à Evry, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121- 6 al. 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 121-4, L. 213-1 du Code de la consommation
a laissé les dépens à la charge du Trésor.
LES APPELS:
Appel a été interjeté par:
- M, le Procureur de la République, le 6 avril 2001
DÉCISION:
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur le seul appel formé par le Ministère public à l'encontre du jugement rendu le 3 avril 2001 par le Tribunal de grande instance d'Evry (6e chambre) auquel la cour renvoie pour l'exposé de la prévention, jugement qui a relaxé Yaacov X des fins de la poursuite.
Monsieur l'Avocat général demande à la cour de dire établie l'infraction de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur et d'entrer en voie de condamnation à l'encontre de Yaacov X en prononçant une peine d'amende éventuellement assortie du sursis.
Yaacov X, par voie de conclusions déposées par son avocat, sollicite sa relaxe faisant valoir notamment:
- que la disproportion entre les caractères utilisés dans l'annonce principale et ceux utilisés dans l'astérisque précisant les conditions de souscription d'un abonnement au réseau Internet, n'est pas de nature, à elle seule, à induire en erreur le consommateur,
- que le Ministère public ne rapporte pas la preuve de ce que les affiches litigieuses étaient placées à des endroits où le consommateur passant à grande vitesse ne pouvait lire les conditions pour obtenir un PC à 1 990 F,
- que le consommateur ne pouvait légitimement imaginer que le prix d'un micro-ordinateur était de 1 990 F dans la mesure où, chez le distributeur, il devait fournir notamment des fiches de paie, justificatifs de domicile et remplir un contrat d'abonnement.
RAPPEL DES FAITS
Le 4 janvier 1999, la société anonyme Z qui a pour activité la fabrication et la commercialisation de micro-ordinateurs et dont Monsieur Yaacov X était président du conseil d'administration, a conclu avec la société N spécialisée dans le service d'accès au réseau Internet, un contrat de coopération en vue de la mise en place d'un pack d'abonnement complet à Internet comprenant un micro-ordinateur Y et un kit de connexion à Internet; le 15 janvier 1999 elle a conclu avec les sociétés A, B et C, des contrats de distribution de ces PC Y N.
Une campagne publicitaire de cette opération a été organisée, consistant en la diffusion de 10.750 affiches de 4 mètres sur 3, annonçant à partir du 4 février:
"Y le PC à 1 990 F *"
ou Y met le feu à la micro, votre PC à 1990 F *"
message annoncé en caractères d'une hauteur de 50 cm ou 75 cm, l'astérisque renvoyant à la mention suivante : "sous réserve de souscription d'un abonnement à Internet de 199 F par mois sur 24 mois auprès de N", imprimée en caractères d'une dimension comprise entre 3 et 4 cm, précisant également que le prix du PC sans abonnement était de 4 990 F,
Après enquête, la DGCCRF a établi le 18 mai 1999, un procès-verbal de délit pour infraction à l'article L. 121-1 du Code de la consommation, à l'encontre de Monsieur Yaacov X, en sa qualité d'annonceur.
Dans son procès verbal, la DGCCRF relève en particulier que:
- sur les affiches, les mentions restrictives auxquelles renvoie l'astérisque, relatives à la réserve de l'abonnement et au prix sans abonnement, figurent en caractères de 12 à 25 fois plus petits que la mention principale du prix affiché à 1 990 F, alors que ce sont précisément ces mentions qui sont censées informer le consommateur sur son obligation de souscrire un abonnement de 2 ans et sur le prix réel de l'ordinateur,
- la finalité des panneaux 4 x 3 est d'être vus de loin et que leur emplacement, toujours en bordure de routes à grande circulation qui interdisent tout ralentissement, ne permet pas au consommateur de déchiffrer les mentions en petits caractères,
- pour acquérir ce PC à 1 990 F, le consommateur devra débourser au total la somme de 6 776 F (1 990 + 4 776 pour l'abonnement), avec une contrainte d'abonnement minimum de 2 ans à un coût hors de proportion avec les prix habituels d'un tel service, ce qui, après comparaison avec les prix pratiqués par d'autres fournisseurs d'accès auxquels est ajouté le prix réel de l'ordinateur, aboutit à une différence minime avec l'offre Y-N.
Elle en conclut que la campagne promotionnelle de Y, non seulement ne permet pas aux clients potentiels de se forger une idée précise de ce qui leur est proposé, mais est de nature à altérer leur jugement sur l'intérêt économique à court et moyen terme de cette opération, et que la conception des affiches, tant au niveau du choix de l'accroche publicitaire que de la disparité des caractères, suffit à démontrer la volonté de détourner l'attention du consommateur, de surprendre son consentement et donc de l'induire en erreur.
Dans ses conclusions de première instance, Monsieur X faisait notamment valoir que, nonobstant la taille des caractères utilisés, la mention de la condition de souscription d'un abonnement était suffisamment visible pour que le consommateur moyen ne puisse être induit en erreur, d'autant que pour bénéficier de l'offre ce consommateur devait fournir 3 fiches de paie, un justificatif de domicile, une pièce d'identité, un RIB; il faisait aussi observer qu'il fallait prendre en compte l'environnement dans lequel était diffusée la publicité et que la DGCCRF n'établissait pas que les affiches aient été apposées sur des voies de grande circulation où le consommateur passant à grande vitesse, ne pouvait lire la totalité des inscriptions.
Le tribunal, retenant l'argumentation présentée par Monsieur X, a prononcé une relaxe, jugeant que l'astérisque et les mentions auxquelles elle renvoyait, bien que de caractères inférieurs, restaient parfaitement lisible et que, dès lors qu'il n'était pas prouvé que les affiches étaient placées dans des endroits où le consommateur passant à grande vitesse ne pouvait lire les conditions pour obtenir un PC à 1 990 F, l'infraction n'était pas établie.
Dans son rapport d'appel, le Procureur de la République, reprend les arguments développés par la DGCCRF.
Sur ce
Il est constant que la campagne publicitaire en cause, si elle mentionne l'intégralité des informations relatives au prix et aux conditions de vente de l'ordinateur objet de la publicité, présente dans des caractères de tailles différentes, le message attractif d'une part (un PC à 1 990 F) et le message plus restrictif d'autre part comprenant l'information sur la condition d'abonnement (sous réserve d'un abonnement minimum de 2 ans à Internet au prix de 199 F par mois) ainsi que sur le prix sans abonnement (4 990 F).
Dans les trois affiches de la première campagne, la mention restrictive est de 12 à 25 fois plus petite que la mention attractive, et dans les affiches de la deuxième campagne, de 10 à 15 fois plus petite.
Si cette disproportion, classique en matière de publicité, n'est pas à elle seule de nature à induire en erreur le consommateur, encore faut-il que la partie du message relative au prix que devra débourser effectivement et immédiatement le consommateur pour acquérir un ordinateur Y, soit 6 766 F (1 990 + 4 776 F d'abonnement) et non les 1 990 F annoncés, soit clairement lisible par lui.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, compte tenu du support choisi pour le message publicitaire, à savoir des panneaux de 4 mètres sur 3 dont la finalité, quel que soit l'endroit où ils sont placés et même s'ils ne s'adressent pas exclusivement à des automobilistes roulant rapidement, est d'être vus de loin et globalement, ce qui empêche un examen attentif.
Dans ces conditions de lisibilité insuffisante des mentions figurant en petits caractères sur les affiches, il importe peu que le consommateur soit par la suite informé plus complètement par le fournisseur, l'infraction devant être appréciée au moment de la communication du message publicitaire au public par l'annonceur.
Il ressort de ces éléments que le message publicitaire litigieux, annonçant un ordinateur au prix de 1 990 F, sans que les conditions de vente soumises à un abonnement minimum de 2 ans pour un coût mensuel de 199 F et le prix de l'appareil sans abonnement soient précisés de manière suffisamment lisible sur un panneau d'affichage de grande ampleur, est de nature à induire en erreur le consommateur sur les conditions de vente et le prix qu'il devra effectivement débourser.
L'infraction visée à la prévention est donc constituée en tous ses éléments et la cour entrera en voie de condamnation à l'encontre de l'annonceur Y représenté par Yaacov X président du conseil d'administration, en prononçant une amende de 10 000 euros.
En application de l'article L. 121-4 du Code de la consommation, la cour ordonnera la publication du présent arrêt dans le quotidien Libération.
Par ces motifs, LA COUR Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit le Ministère public en son appel, Infirme le jugement attaqué, Déclare Yaacov X coupable des faits visés à la prévention, Condamne Yaacov X à une amende de 10 000 euros, Ordonne la publication du présent arrêt dans le journal Libération, aux frais du condamné, Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 120 euros dont est redevable le condamné.