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Décisions

CA Bourges, ch. civ., 24 juillet 2001, n° 01-00923

BOURGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chaussures Labelle (SA)

Défendeur :

Association Boischaut Commerce, Syndicat des Commerçants et Chefs d'Entreprises Commerciales du Cher

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Puechmaille

Conseillers :

MM. Gouilhers, Gendre

Avoués :

Mes Tracol, Rahon

Avocats :

Mes Laraize, Lacroix

TGI Perpignan, du 12 févr. 2001

12 février 2001

LA COUR,

Vu l'ordonnance de référé dont appel rendue entre les parties le 1er juin 2001 par le Président du Tribunal de grande instance de Bourges qui a principalement interdit à la société Chaussures Labelle de procéder à l'opération de vente projetée par elle dans les locaux situés à St Amand Montrond 72, avenue du Général de Gaulle, du 1er juin 2001 au 4 juin 2001 et dit que pour chaque journée d'ouverture le vendredi 1er juin 2001 après-midi étant considéré comme une journée entière, la société Chaussures Labelle encourra une astreinte provisoire de 50 000 F soit 7 622,45 euros;

Vu l'assignation à jour fixe délivrée le 14 juin 2001 à la requête de la société Chaussures Labelle;

Vu les dernières conclusions en date du 14 juin 2001 de la société Chaussures Labelle, appelante, tendant à voir constater l'existence d'une contestation sérieuse, et à infirmer en conséquence l'ordonnance de référé entreprise, les intimés se voyant condamner en outre solidairement à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions en date du 20 juin 2001 de l'Association Boischaut Commerce et du Syndicat des Commerçants et Chefs d'Entreprises Commerciales du Cher, intimés, tendant à la confirmation de la décision, sauf à porter l'astreinte à la somme de 100 000 F par journée d'ouverture prohibée, l'appelante étant par ailleurs condamnée à leur verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Attendu qu'en raison de leur connexité, il convient tout d'abord de joindre les deux instances, appel et procédure à jour fixe, respectivement inscrites au répertoire général de cette cour sous les numéros 01-00922 et 01-00923, afin qu'il y soit statué par un seul et même arrêt;

Attendu sur le fond, qu'il est constant que la société Chaussures Labelle a fait paraître dans les journaux "La Montagne-Centre France" (Allier et Nièvre) et "Le Berry Républicain" (Cher), des annonces publicitaires faisant état pour la période allant du 1er au 5 juin 2001, d'une "grande vente au déballage" à l'usine des chaussures Labelle de Saint Amand-Montrond (Cher) avec des rabais variant de 30 % à 50 %;

Que les intimés soutiennent que cette opération commerciale, effectuée sous le couvert d'une autorisation préfectorale, constitue en réalité une campagne de soldes déguisés ainsi qu'un acte de concurrence déloyale à l'égard des commerçants dont ils ont pour mission de défendre les intérêts;

Qu'en droit sont considérés comme soldes, selon l'article 28 alinéa 1 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 (article L. 310-3 du Code du commerce) "les ventes accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant, par une réduction de prix, à l'écoulement accéléré de marchandises en stock";

Que s'il est exact que la publicité réalisée par l'appelante ne fait pas mention de "destockage" ou de "coup de balai", le caractère de vente massive résulte cependant suffisamment des termes mêmes de cette publicité ("grande vente au déballage"), de ceux encore de la lettre adressée le 22 mai 2001 au Sénateur-Maire de St Amand-Montrond par le Sous-Préfet de cette ville, faisant état de la volonté des dirigeants de la société Chaussures Labelle d'"épuiser des stocks qui constituent une charge financière lourde", et enfin de la période choisie pour effectuer cette vente (week-end de Pentecôte) habituellement favorable pour écouler les stocks d'invendus;

Que les remises annoncées de l'ordre de 30 à 50 % correspondent par ailleurs à ce qui est généralement pratiqué en matière de soldes périodiques;

Que les deux conditions cumulatives exigées par les dispositions légales précitées pour qu'une vente soit considérée comme une opération de soldes sont donc réunies en l'espèce;

Qu'après avoir rappelé les pouvoirs qu'il tenait de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile de prévenir un dommage imminent et de faire cesser un trouble manifestement illicite, le Premier Juge a pu par suite justement énoncer qu'il était indifférent que l'opération litigieuse ait été autorisée par l'autorité préfectorale, dès lors que celle-ci présentait en réalité toutes les caractéristiques de soldes, lesquels sont interdits dans le département concerné en dehors de la période estivale débutant officiellement le 26 juin pour se terminer le 6 août 200l;

Que dans la mesure où elle aboutit à désorganiser le marché local au détriment des autres commerçants à une période de l'année où de surcroît leurs magasins sont fermés (week-end de Pentecôte), cette opération constitue également à leur encontre un acte manifeste de concurrence déloyale;

Qu'en raison du caractère à la fois dommageable et illicite de l'opération de vente projetée par la société "Chaussures Labelle", les intimés qui ont reçu mission d'assurer sur un plan collectif la protection des intérêts de ces commerçants étaient donc fondés à invoquer les dispositions de l'article précité du nouveau Code de procédure civile pour en solliciter l'interdiction pure et simple;

Que la décision entreprise qui a fait droit à leur demande doit être confirmée;

Que l'astreinte prononcée ayant été justement fixée à la somme de 50 000 F par journée d'ouverture prohibée, la confirmation s'impose également de ce chef;

Qu'il sera fait enfin une application équitable des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur des intimés dont l'indemnité à ce titre sera fixée à 12 000 F;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi; Prononce la jonction des instances inscrites au Répertoire Général sous les numéros 01-00922 et 01-00923; Au fond; Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise; Déboute les parties du surplus de leurs prétentions; Condamne la société Chaussures Labelle à payer aux intimés ensemble la somme de 12 000 F soit 1 829,39 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne la même aux dépens d'appel; Accorde à Maître Rahon, avoué, le droit prévu à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile; Ainsi fait jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus.