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Décisions

Cass. com., 24 septembre 2003, n° 01-15.150

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Sodipan (Sté)

Défendeur :

Lemoine (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

T. com. Flers, du 17 déc. 1999

17 décembre 1999

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 14 juin 2001), que la société Sodipan a assigné la société Lemoine en paiement du solde de factures de marchandises et d'une certaine somme au titre d'une clause pénale ; que la société Lemoine a formé une demande reconventionnelle de paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de pratiques discriminatoires de la société Sodipan ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Lemoine reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté sa demande reconventionnelle, alors, selon le moyen : 1°) qu'aux termes de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 441-3 du nouveau Code de commerce, tout achat de produits doit faire l'objet d'une facture, laquelle doit mentionner notamment le prix unitaire hors taxe des produits vendus ainsi que la date à laquelle le règlement doit intervenir et préciser les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant des conditions générales de vente ; qu'ayant constaté que ce n'est qu'à compter du mois de juin 1998 que la société Sodipan a établi des factures conformes aux exigences de ce texte, tandis qu'il n'était pas contesté que les relations contractuelles entre elle et la société Lemoine avaient débuté en 1995, la cour d'appel ne pouvait considérer que cette dernière n'est pas fondée à reprocher à son fournisseur la méconnaissance des dispositions légales susvisés, destinées à assurer la transparence et la sécurité des relations commerciales, sans méconnaître les conséquences légales de ses propres constatations au regard tant de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 441-3 du nouveau Code de commerce, que de l'article 1147 du Code civil, qu'elle a ainsi violés ; 2°) que la société Lemoine faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la société Sodipan ne pouvait déroger à l'obligation d'établir un barème posée par l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 devenu l'article L. 441-6 du nouveau Code de commerce, faute de répondre aux conditions dérogatoires définies par la Direction de la concurrence ; que, dès lors, ayant constaté que la société Sodipan reconnaissait n'avoir édité aucun barème, la cour d'appel ne pouvait débouter la société Lemoine de sa demande reconventionnelle, sans rechercher si celle-ci n'avait pas subi nécessairement un préjudice économique en relation de causalité avec l'opacité tarifaire pratiquée par son fournisseur et résultant de l'absence de barème, en contravention aux dispositions légales ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, elle a privé sa décision de base légale au regard tant de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 441-6 du nouveau Code de commerce, que de l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a pas constaté que ce n'est qu'à compter du mois de juin 1998 que la société Sodipan a établi des factures conformes aux exigences de l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 441-3 du Code de commerce ;

Attendu, d'autre part, que, par motifs adoptés, l'arrêt énonce qu'en vertu de l'article 33 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 tout producteur, prestataire de service, grossiste ou importateur est tenu de communiquer à tout acheteur de produit ou demandeur de prestations de service pour une activité professionnelle qui en fait la demande son barème de prix et ses conditions de vente et relève que la société Lemoine ne l'a pas fait; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer la recherche inopérante exposée à la seconde branche; d'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches : - Vu les articles 1134 et 1583 du Code civil ;

Attendu que pour condamner la société Lemoine à payer à la société Sodipan la somme de 709 372,40 francs en principal à titre de solde de factures, l'arrêt se borne à retenir que la société Lemoine a eu connaissance du nouveau tarif appliqué par la société Sodipan lorsqu'elle a reçu les premières factures litigieuses émises les 7 et 8 décembre 1998 et qu'elle a accepté ce nouveau tarif pour les commandes passées postérieurement au 7 décembre 1998 ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les factures litigieuses ne concernaient que des commandes passées postérieurement au 7 décembre 1998, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le même moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que pour condamner la société Lemoine à payer à la société Sodipan la somme de 580 925,05 francs au titre de la clause pénale, l'arrêt retient que la société Lemoine n'a pas respecté l'article 6 des conditions générales de vente, à supposer qu'elle ait accepté de s'y conformer, prévoyant que toute facture impayée à l'échéance, donnera lieu à versement d'une indemnité de 15 % ;

Attendu qu'en se prononçant par de tels motifs qui sont hypothétiques, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Lemoine à payer à la société Sodipan les sommes de 709 372,40 francs et de 580 925,05 francs en principal, l'arrêt rendu le 14 juin 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rouen.