CA Paris, 13e ch. B, 18 septembre 2002, n° 02-04008
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbarin
Conseillers :
Mmes Fouquet, Geraud Charvet
Avocats :
Mes Oddos, Sexer, Laudet
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
La prévention :
F Thierry est poursuivi pour avoir à Paris, depuis janvier 1998 et jusqu'en juin 1998, effectué pour une activité professionnelle une ou des ventes de produits sans facture conforme, en l'espèce en omettant sur soixante factures de mentionner la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire des marchandises vendues et sur 42 factures de mentionner la date d'échéance et les conditions d'escompte applicables, le cas échéant, pour paiements anticipés.
LE JUGEMENT :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré F Thierry
Coupable de facturation non conforme - vente de produit ou prestation de service pour une activité professionnelle, faits commis depuis janvier 1998 jusqu'en juin 1998 à Paris, faits prévus par les art. 31 al. 2, al. 3, al. 4 du Code de commerce et réprimée par les articles L. 441-4, L. 470-2 du Code de commerce,
Et, en application de ces articles,
L'a condamné à une amende délictuelle de 20 000 F (3 048,99 euros),
A dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.
LES APPELS:
Appel a été interjeté par:
- Monsieur F Thierry, le 31 mai 2001;
- M. le Procureur de le république, le 31 mai 2001, contre Monsieur F Thierry.
DÉCISION :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels du prévenu et du Ministère public, interjetés à l'encontre du jugement entrepris;
Les demandes
Le Ministère public requiert la confirmation du jugement déféré;
Thierry F est représenté par son conseil qui demande à la cour, par voie de conclusions, de réformer le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité et de le relaxer des fins de la poursuite;
Il soutient que l'objectif visé par le droit économique, à savoir le développement du commerce et la transparence dans les échanges commerciaux d'une part, la protection des consommateurs d'autre part, ne permettent pas de justifier en l'état, l'application du texte, qu'il n'est nullement démontré que ce texte s'applique à des lots de marchandises qui ne peuvent ni techniquement ni économiquement être dégroupés, ni à des relations entre professionnels;
Que, dès lors, l'article 31 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 doit faire l'objet d'une interprétation dans l'esprit du texte et de façon restrictive en vertu de l'article 111-4 du nouveau Code pénal;
Qu'aux termes de l'article 121-3 alinéa 1 du Code pénal, il ne peut être condamné, l'élément intentionnel faisant défaut dans la mesure où la transaction porte sur le lot et non sur les marchandises qui le composent;
Enfin, il soulève le caractère exonératoire de l'état de nécessité, obstacle à la qualification pénale de l'infraction incriminée, le dégroupage des marchandises ayant pour conséquence inéluctable l'augmentation du coût et la disparition de la société.
Sur ce
Le 16 juillet 1998, deux contrôleurs de la DGCCRF se présentaient au siège social de la SARL X où ils étaient reçus par Thierry F, gérant de ladite société;
Ce dernier expliquait que l'activité de la société consistait en l'achat de marchandises provenant de faillites, de sinistres et plus occasionnellement de destokages auprès de liquidateurs judiciaires, de commissaires-priseurs, de banques, de compagnies d'assurance et de sociétés en activité ; que ces achats faisaient l'objet de bordereaux d'adjudication émanant des commissaires priseurs et de factures des experts d'assurance ou des sociétés;
Il déclarait que l'ensemble des documents d'achat, à l'exception des destockages mentionnaient uniquement des lots sans détailler leur contenu et le prix unitaire des pièces; qu'en conséquence, il émettait des factures à ses clients libellées également sous la dénomination "lot" sans préciser sa composition ni le prix unitaire des articles; qu'à l'exception des articles provenant de destokages, il n'était pas en mesure d'indiquer sur ses factures de vente le détail de prix et de désignation des produits;
Qu'en effet, les produits acquis ne faisaient pas l'objet d'inventaires, compte-tenu du coût de ces opérations par rapport à sa marge et au coût du produit lui-même et des délais rapides impartis notamment lors du traitement des sinistres d'assurances;
A la demande des contrôleurs, Thierry F remettait 122 factures de vente établies par la société X du 1er janvier 1998 au 30 juin 1998 et des bordereaux d'adjudication, des factures d'achat et/ou des justificatifs de paiement, le cas échéant, afférents aux factures de vente présentées;
L'examen de ces 122 factures de vente démontrait que pour 60 d'entre elles, il était impossible de connaître le nombre et la nature des articles et des services concernés dans la mesure où elles ne mentionnaient pas leur quantité, leur dénomination précise et leur prix unitaire hors TVA;
Ces factures indiquaient, en règle générale, uniquement des "lots" sans leur composition ou des "prestations" sans les détailler;
Par ailleurs, l'examen des 122 factures vérifiées mettait en évidence que 42 d'entre elles ne mentionnaient pas la date d'échéance et les conditions d'escompte applicables, le cas échéant, pour paiement anticipé;
Thierry F a reconnu les faits et affirme que c'était la spécificité de l'activité de soldeur avec des achats par lots qui lui interdisait d'appliquer les textes réglementaires;
Aux termes de l'article 31 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence "tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation..."
"La facture doit mentionner le nom des parties, ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de service et directement liée à cette opération de revente ou de prestation de service, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture; "
"La facture mentionne également la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d'escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l'application des conditions générales de vente... "
Le texte susvisé ne fait pas de distinction selon que les transactions ont lieu entre particuliers et professionnels ou, comme en l'espèce, entre professionnels, ni en fonction de la nature des activités de ces derniers et s'applique donc bien à l'activité du prévenu;
La méconnaissance par un professionnel de la réglementation en vigueur constitue nécessairement une négligence ou une imprudence fautive et ne lui permet pas de s'exonérer de sa responsabilité pénale en application de l'article 121-3 du Code pénal.
Thierry F ne démontre pas qu'il se soit trouvé dans l'impossibilité absolue de mentionner la quantité, la dénomination précise et le coût unitaire des marchandises constituant des lots objets des transactions, ni de préciser la date d'échéance et les conditions d'escompte relatives aux factures les accompagnant. Le surcoût et les difficultés économiques éventuelles consécutives à l'application du texte incriminé ne peuvent constituer un élément de force majeur au sens de l'article 122-7 de ce même Code;
C'est donc à bon droit, la matérialité de l'infraction n'étant pas contestée par le prévenu et l'élément intentionnel étant établi, que les premiers juges l'ont retenu dans les liens de la prévention. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité;
Eu égard à la nature des infractions et à la personnalité du prévenu, la Cour estime de même devoir confirmer le jugement querellé sur la peine, qui constitue une juste application de la loi pénale;
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement en application de l'article 411 du Code de procédure pénale à l'égard du prévenu reçoit les appels du prévenu et du Ministère public confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 120 euros dont est redevable le condamné.