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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 24 juin 1998, n° 97-08710

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Marie

Conseillers :

Mme Maestracci, M. Fallet

Avocat :

Me Finelli

CA Paris n° 97-08710

24 juin 1998

Rappel de la procédure:

La prévention:

D Didier est poursuivi pour avoir à Auxerre, courant avril et mai 1996, étant gérant de la SARL X et exploitant le commerce Y à Auxerre:

- procédé et fait procéder à une vente de marchandises neuves sous forme de soldes, vente forcée, ou déballage sans autorisation spéciale de la mairie d'Auxerre

- procédé et fait procéder à une publicité, notamment sous la forme de dépliants et affichettes sur une vente sous forme de solde, de vente forcée ou de déballage qui n'avait pas fait l'objet d'une autorisation spéciale de la mairie

- été dans l'impossibilité de justifier aux services de la Concurrence qui lui en faisaient la demande, la réalité et la véracité des prix barrés de 46 produits figurant sur la publicité "destockage" et concernant la vente susvisée

Le jugement:

Le tribunal, par jugement contradictoire à signifier, a déclaré D Didier

Coupable de vente au déballage de marchandises neuves, sans autorisation municipale préalable, faits commis courant avril et mai 1996, à Auxerre (89), infraction prévue par les articles 2, 1 al. 1 loi du 30/12/1906, 1, 4, 5, al. 1 décret 62-1463 du 26/11/1962 et réprimée par l'article 2 loi du 30/12/1906

Coupable de Publicité portant sur une vente au déballage non autorisée, faits commis courant avril et mai 1996, à Auxerre (89) infraction prévue par les articles L. 121-15 al. 1 1 = 2 Code de la consommation, 1 loi 30/12/1906 et réprimée par l'article L. 121-15 al. 2 Code de la consommation

Coupable de non-respect des règles relatives à l'information du consommateur - marquage de produit, service, faits commis courant avril et mai 1996, à Auxerre (89), infraction prévue par l'article 33 al. 2 1 décret 86-1309 du 29/12/1986, L. 113-3 Code Cons, Ord 45-1483 du 30/06/1945 et réprimée par l'article 33 al. 2 décret 86-1309 du 29/12/1986

Et, en application de ces articles,

L'a condamné

- à une amende de 20 000 F,

- à 46 amendes contraventionnelles de 1 000 F chacune

a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné

Décision;

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré auquel il est fait référence pour les termes de la prévention;

Didier D, présent et assisté de son conseil, sollicite sa relaxe en faisant valoir d'une part qu'il s'agissait d'une opération habituelle de destockage, d'autre part que les faits ont été poursuivis sur le fondement de la loi de 1906 alors que la loi du 5 juillet 1996 a supprimé cette incrimination et est immédiatement applicable ainsi que l'a décidé la Cour de cassation;

Qu'en effet, si la loi de 1906 posait le principe que pour réaliser une vente en soldes, le commerçant devait solliciter et obtenir l'autorisation du maire, sauf pendant les périodes fixées par le Préfet au cours desquelles les commerçants pouvaient vendre en solde sans autorisation municipale, le loi du 5 juillet 1996 prévoit que le Préfet fixe les périodes pendant lesquelles tous les commerçants peuvent solder, sans solliciter d'autorisation, les maires n'ayant plus la possibilité d'accorder des autorisations hors de ces deux périodes annuelles où tout commerçant peut solder à sa convenance;

Subsidiairement, le prévenu soutient que la loi de 1906 ne réglemente que les ventes présentées à la clientèle comme intéressant des lots de marchandises strictement limités dans le temps, dont le vendeur aspire à se défaire en temps réduit en dehors de toute perspective d'approvisionnement en produits identiques, alors que la vente promotionnelle est destinée à attirer l'attention du public sur un ou plusieurs produits déterminés, dans le but d'assurer leur lancement ou de relancer leur vente, pendant une période limitée.

Il précise que certains produits appartenant à la collection de la saison précédente, avaient été sortis en fin de saison et remis en rayons pour l'opération et que bon nombre des articles vendus constituaient des modèles nouveaux dans le cadre de stocks pouvant être renouvelés pendant la durée prévue pour la promotion et prétend que l'absence de livraison après la date du 29 janvier 1996 ne démontre pas l'impossibilité de renouvellement du stock chez X qui, par ailleurs, aurait dû s'apprécier également chez le franchiseur ou société-mère Z;

Le prévenu précise qu'il vendait habituellement dans le magasin d'Auxerre, 13 000 produits et qu'il n'a été relevé d'irrégularités que sur 43 références;

Il soutient d'une part que les marchandises avaient été achetées depuis plusieurs mois, d'autre part que les irrégularités relevées quant aux prix de référence proviennent d'un défaut de scanérisation des caisses, enfin que les magasins de la chaîne dont il est le gérant pratiquent des opérations de promotion tous les 15 jours;

Le prévenu prétend que les inspecteurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la consommation et de la Répression des Fraudes n'ont pas tenu compte du fait qu'il s'agissait d'un réseau de distribution intégrée;

D'autre part, sur l'infraction relative à l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 et la justification du prix de référence, que l'ensemble des documents et notes, au sens de l'arrêté justifiant les prix effectivement pratiqués dans la période précédant l'opération en question ont été remis à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, étant observé que dans le réseau de distribution Y, les prix de vente de la centrale d'achat tels qu'appliqués à l'égard du magasin géré par la société X sont les prix effectivement pratiqués, dans la mesure où les marges ne sont pas réalisées au niveau du magasin de vente au détail, mais au niveau de la centrale, pour le type d'opération promotionnelle considéré;

Le prévenu indique le réseau de distribution Y est un réseau intégré, dans la mesure où la société jouant le rôle de centrale d'achat Z est titulaire de participations au capital de chacune des sociétés de distribution, en l'espèce X et qu'en ce cas, la notion de détention de marchandises est appréciée au sein de la société-mère, du concédant ou du franchiseur qui les détient pour le compte de l'établissement commercial;

Rappel des faits

Le 15 mai 1996, des contrôleurs des services déconcentrés de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes se présentaient au magasin à l'enseigne Y et exploité par la société X, sis <adresse> à Auxerre, pour vérifier la licéité d'une opération publicitaire intitulée "opération de destockage, des milliers de produits à prix sacrifiés" qui proposait notamment à la vente 46 articles ménagers et textiles au regard desquels figuraient un prix barré et un prix dit "destockage";

Il s'agissait de plus de s'assurer que les prix supérieurs (prix barrés) figurant sur cette publicité n'étaient pas trompeurs pour les clients, en vérifiant la pratique effective de ces prix de référence dans ce magasin au cours de la période de 30 jours ayant précédé cette publicité;

Patrick C, employé en formation pour être adjoint au responsable du magasin, Monsieur R, lequel était absent, déclarait que l'opération de destockage avait débuté le 6 mai au matin et que Monsieur R, qu'il venait de contacter au téléphone lui avait indiqué que cette opération avait été autorisée par le maire d'Auxerre, précisant que ce dernier détenait sur lui l'autorisation ainsi que l'état du stock;

Patrick C ajoutait qu'il devait mettre en rayon trois palettes de "textile" et indiquait qu'il en avait reçu trois palettes le 7 mai en provenance de Saint-Alban;

Les contrôleurs rencontraient le 13 mai 1996 Richard R, le responsable du magasin qui confirmait que l'opération de destockage avait bien débuté le 6 mai 1996, l'ensemble des produits faisant l'objet de l'opération, ayant été commandés et livrés en quantités suffisantes, reconnaissant qu'il ne disposait pas des bons de commande et des bons de livraison ni même des factures d'achat, qui se trouvaient auprès de la centrale Y à Saint-Alban;

Richard R déclarait que depuis le matin du 13 mai, une opération de liquidation totale pour laquelle une autorisation avait été sollicitée de la mairie d'Auxerre, était organisée dans le magasin;

Il ne pouvait présenter cette autorisation, non plus que l'état du stock pour la liquidation, ces documents étant détenus par la centrale Y;

Divers justificatifs relatifs à cette opération étaient réclamés à Didier D, gérant de la société X. Celui-ci ne déférait pas à la convocation qui lui était adressée par les contrôleurs de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, mais demandait aux contrôleurs de s'adresser à son adjoint, Joseph A;

Ce dernier remettait aux contrôleurs un document interne qui avait été adressé au magasin Y d'Auxerre le 15 avril 1996 par la centrale d'achat Z de Saint-Alban dont Didier D est le gérant, faisant ressortit les prix d'achat, le prix de vente avant promotion et pendant la promotion, ainsi que les codes articles pour l'ensemble des produits présentés au moyen de cette publicité;

Joseph A précisait que l'opération de destockage n'avait pas fait l'objet d'une demande d'autorisation municipale car elle s'inscrit dans le cadre des opérations promotionnelles de la société qui reviennent périodiquement toutes les deux semaines environ;

Il ajoutait : "nous avons particulièrement veillé à ce que les produits de la publicité soient livrés en quantités suffisantes avec une possibilité de réassorts si besoin. Ces produits ne sont pas des fins de stocks ou fins de série, mais sont des produits suivis régulièrement par l'ensemble des magasins à l'enseigne Y. Cette opération promotionnelle a bien débuté le 6 mai et s'est terminée le 13 mai 1996";

Joseph A remettait un ensemble de factures adressées par la centrale Z au magasin Y d'Auxerre, qui selon lui, démontraient que les produits objets de la publicité ont bien été livrés;

En ce qui concerne l'opération de liquidation pour travaux, qui avait débuté le 13 mai 1996 et s'était terminée le 8 juin 1996, Joseph A précisait qu'une autorisation municipale avait été délivrée par la municipalité d'Auxerre et que le magasin avait été fermé quelques jours et réouvert le 14 juin 1996;

Il ajoutait qu'après recherche, il apparaissait qu'aucune livraison de la part de la centrale Z n'avait été effectuée le 7 mai 1996, contrairement à ce qu'avait déclaré Patrick C et remettait une attestation de ce dernier qui indiquait qu'étant en congé le 7 mai, il avait interprété la présence de colis de textile à mettre en rayon comme étant une livraison, alors qu'il s'agissait de colis provenant de la collection de la saison précédente qui avait été sortie en fin de saison et qui était remise en rayon pour la liquidation;

Joseph A précisait que les articles non mentionnés sur l'état du stock déposé à la mairie d'Auxerre dans le cadre de la liquidation ont été retirés des rayons afin d'être placés soit en réserve, soit en retour vers la centrale d'achat de Saint-Alban;

Sur ce

Sur l'infraction de vente de marchandises neuves sous forme de soldes, vente forcée ou déballage sans autorisation spéciale de la mairie d'Auxerre

Considérant que la loi du 30 décembre 1906 a été abrogée par l'article 33 de la loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat, laquelle ne réprime plus les faits poursuivis;

Considérant que la loi nouvelle s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur mais non définitivement jugés;

Que le jugement manque de support légal et doit donc être annulé et après évocation le prévenu relaxé des fins de la poursuite, sans qu'il soit besoin de rechercher la véritable nature de l'opération litigieuse;

Sur l'infraction de publicité notamment sous la forme de dépliants et affichettes sur une vente sous forme de soldes, de vente forcée ou de déballage qui n'avait pas fait l'objet d'une autorisation spéciale de la mairie

Considérant que du fait de l'abrogation de la loi du 30 décembre 1906, la poursuite manque également de support légal et que le jugement doit donc être annulé et après évocation, le prévenu relaxé des fins de la poursuite;

Sur l'infraction d'impossibilité de justifier aux services de la Concurrence qui en font la demande de la réalité et de la véracité des prix barrés de 46 produits figurant sur la publicité "destockage"

Considérant que selon l'article 3 de l'arrêté 77-105-P du 2 septembre 1977, le prix de référence ne peut excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire, dans le même établissement de vente au détail, au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité;

Considérant que le prévenu soutient vainement que le prix de référence doit s'apprécier aussi bien au sein de l'établissement qu'au sein de la société-mère, du concédant ou du franchiseur qui les détient pour le compte de l'établissement commercial, dès lors qu'aux termes du texte susvisé, le prix de référence doit être celui pratiqué dans l'établissement;

Considérant que les documents produits par Didier D ne justifient pas d'un prix de référence conforme aux dispositions de l'arrêté 77-105-P, ce que d'ailleurs il ne soutient pas dans la mesure où il essaye de justifier d'une autre modalité d'appréciation que celle prévue par le texte;

Que l'infraction est donc caractérisée dans tous ses élémentset qu'il convient donc de confirmer le jugement entrepris tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine prononcée;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement Reçoit les appels du prévenu et du Ministère public, Annule le jugement sur les poursuites des chefs de vente de marchandises neuves sous forme de soldes, vente forcée ou déballage sans autorisation spéciale de la mairie d'Auxerre et de publicité notamment sous la forme de dépliants et affichettes sur une vente sous forme de soldes, de vente forcée ou de déballage qui n'avait pas fait l'objet d'une autorisation spéciale de la mairie, Evoque et relaxe Didier D de ces chefs, Confirme le jugement entrepris sur les poursuites du chef d'impossibilité de justifier aux services de la concurrence de la réalité et de la véracité des prix barrés de 46 produits figurant sur la publicité "destockage" tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine de 46 amendes de 1 000 F chacun, Dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 800 F dont est redevable le condamné.