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Décisions

TPICE, 2e ch. élargie, 6 octobre 1999, n° T-110/97

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Kneissl Dachstein Sportartikel AG

Défendeur :

Commission des Communautés européennes, République d'Autriche, HTM Sport-und Freizeitgeräte AG

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Potocki

Juges :

M. Lenaerts, M. Bellamy, M. Azizi, M. Meij

Avocats :

Mes Diwok, Krassnigg, Knapp, Müller-Ibold.

TPICE n° T-110/97

6 octobre 1999

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES (deuxième chambre élargie),

Cadre juridique du litige

1. Aux termes du paragraphe 3, de l'article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE): "Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

[...]

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. [...]"

2. Aux fins de l'application de cette disposition, la Commission a défini les lignes directrices communautaires pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (94-C 368-05) (JO 1994, C 368, p. 12, ci-après "Lignes directrices").

Faits à l'origine du litige

3. La société de droit autrichien Head Tyrolia Mares (ci-après "HTM") regroupe des entreprises produisant et commercialisant des articles de sports d'hiver, de tennis, de plongée et de golf. En 1994, HTM a réalisé un chiffre d'affaires d'environ 5,2 milliards de OS, soit +/- 390 millions d'écus (ci-après "MECUS"), dont 45 % en Europe de l'Ouest. En juin 1995, le groupe employait environ 2 700 personnes. Les unités de production de HTM sont situées aux États-Unis d'Amérique et en Europe (Allemagne, Autriche, Italie, République tchèque et Estonie). Les sites autrichiens se trouvent à Kennelbach (536 employés), Hörbranz (279 employés), Schwechat (395 employés) et Neusiedl (80 employés).

4. La société holding publique Austria Tabakwerke (ci-après "AT") a acquis en 1993 une participation majoritaire dans HTM, à un prix de 20 millions de USD (+/- 16 MECUS). AT a immédiatement injecté des capitaux frais d'un montant de 100 millions de USD (+/- 80 MECUS). La même année, HTM a obtenu d'AT un prêt d'associé non privilégié en remplacement de capital propre, d'un montant de 85,25 millions de DM (+/- 45 MECUS).

5. Malgré les programmes de rationalisation, de diversification et de nouveaux investissements annoncés, HTM a subi de lourdes pertes en 1993 et en 1994, en raison, principalement, du sévère recul du marché international du ski depuis la fin des années 80, et des résultats extrêmement négatifs de certains autres secteurs, tels que ceux des vêtements de sport et des équipements de golf. Des charges financières très importantes et divers postes affectés à la restructuration et à des dépenses extraordinaires affaiblissaient encore la rentabilité financière de l'entreprise.

6. Sollicitée par AT en janvier 1995 aux fins de l'élaboration d'un plan d'assainissement de HTM, la Handelsbank SBC Warburg (ci-après "Warburg") a été chargée, en mars 1995, d'établir un projet de privatisation de HTM et a engagé, en mai 1995, une sélection d'acheteurs potentiels.

7. Pour éviter la cessation de paiements de HTM, AT a été contrainte de procéder, en avril 1995, à une injection de capital de 400 millions de OS (+/- 30 MECUS) dans le groupe et de convertir en fonds propres le prêt d'associé de +/- 45 MECUS accordé en 1993.

8. En juillet 1995 a été élaboré un plan de restructuration de HTM, visant à lui permettre de rétablir sa rentabilité pour 1997. Pour financer ce plan et éviter une procédure d'insolvabilité, le ministère des Finances autrichien a approuvé, en août 1995, la décision d'AT de procéder à une nouvelle injection de capital dans HTM, à hauteur de 1,5 milliard de OS (+/-112 MECUS), payable par tranches de 1995 à 1997.

9. Le 8 août 1995, les autorités autrichiennes ont fait part des intentions d'AT à la Commission. Le 1er septembre 1995, la Commission a présenté au Gouvernement autrichien une demande de renseignements, à laquelle il a été répondu le 21 septembre 1995.

10. Au 30 septembre 1995, HTM a obtenu d'AT le paiement d'une tranche de 373 millions de OS (+/- 28 MECUS). Dans le courant du mois de septembre 1995, la restructuration a été abandonnée, en raison de la détérioration de la situation de HTM, au profit de son rachat immédiat. Sur les conseils de Warburg, le conseil d'administration d'AT a décidé d'accepter l'offre provisoire présentée par le groupe d'investisseurs internationaux dirigé par Johan Eliasch (ci-après "Groupe Eliasch") et d'entamer des négociations sur la privatisation immédiate de l'ensemble du groupe HTM.

11. L'accord conclu avec le Groupe Eliasch a prévu un prix d'achat de 10 millions de OS (+/- 0,7 MECU) et une injection de capital d'AT à HTM d'un montant ramené à 1,19 milliard de OS (+/- 88 MECUS), échelonné sur plusieurs versements. Le Groupe Eliasch s'est engagé à apporter 300 millions de OS supplémentaires (+/- 22 MECUS), dont 25 millions de OS (+/- 2 MECUS) dès que les mesures d'AT seraient approuvées par la Commission.

12. AT devait recevoir 15 % de la plus-value à réaliser par le Groupe Eliasch sur la vente totale ou partielle de HTM à des tiers, par cession de parts ou par offre publique de vente. Enfin, le Groupe Eliasch avait l'obligation de poursuivre les activités de HTM en Autriche pendant au moins trois ans et de maintenir 50 % des effectifs actuels sur le site de Schwechat et 80 % sur les sites de Hörbranz et de Kennelbach.

13. Par lettre du 10 octobre 1995, Kneissl Dachstein Sportartikel AG (ci-après "Kneissl Dachstein"), société de droit autrichien produisant des articles de sports d'hiver (skis, fixations et chaussures de ski), a demandé à la Commission de procéder à l'examen du soutien financier accordé par AT à HTM.

14. Au cours de la dernière semaine du mois de novembre 1995, la Commission a été informée du consentement des banques à contribuer, après le changement de propriétaire, à la restructuration de HTM, par l'abandon de leurs créances à concurrence de 630 millions de OS (+/- 47 MECUS), et par l'octroi d'une conversion de la dette.

15. Par acte du 20 décembre 1995, modifié le 13 mars 1996, la Commission a ouvert, en vertu du paragraphe 2 de l'article 93 du traité CE (devenu article 88 CE), la procédure d'examen de la compatibilité, comme aide à la restructuration de HTM, des injections de capital de 400 millions de OS (+/- 30 MECUS) d'avril 1995 (voir point 7 ci-dessus) et de 1,19 milliard de OS (+/- 88 MECUS) (voir point 11 ci-dessus) déjà effectuées ou prévues par AT dans le cadre de l'accord de vente avec le Groupe Eliasch.

16. Par ailleurs, la Commission a considéré que, après sa conversion en prêt remboursable au taux du marché, le montant total de 1,273 milliard de OS (+/- 95 MECUS), dont 773 millions (+/- 58 MECUS) (voir points 7 et 10 ci-dessus) avaient déjà été versés à HTM, pouvait être autorisé en tant qu'aide au sauvetage.

17. A cette fin, la Commission a procédé à la publication d'une communication adressée aux États membres et autres intéressés, au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, concernant une aide du Gouvernement fédéral autrichien sous forme d'injections de capital en faveur de HTM (JO 1996, C 124, p. 5).

18. Au début du mois de février 1996, la Commission a été informée que l'accord de vente avait été réalisé par le transfert effectué par AT de sa participation dans HTM au profit du Groupe Eliasch.

19. Dans le cadre de la procédure d'examen, Kneissl Dachstein a présenté ses observations, par mémoire du 30 avril 1996.

20. Par décision 97-81-CE du 30 juillet 1996, relative aux aides accordées par le Gouvernement autrichien à HTM sous forme d'injections de capital (JO 1997, L 25, p. 26, ci- après "Décision"), la Commission a conclu que les injections de capital de 400 millions de OS (+/- 30 MECUS) (voir point 7 ci-dessus) et de 1,19 milliard de OS (+/- 88 MECUS) (voir point 11 ci-dessus), soit 118 MECUS, constituent une aide d'État mais que celle-ci peut être déclarée, sous certaines conditions, compatible avec le marché commun en tant qu'aide à la restructuration.

21. Elle y relève que le marché du ski alpin est saturé, qu'il souffre de grandes surcapacités et qu'une concentration d'un petit nombre de gros fabricants est prévisible. De l'avis de la Commission, le marché des fixations et des chaussures de ski enregistrent une évolution parallèle.

22. Selon la Décision, le plan de restructuration programme le recentrage de la production de HTM sur ses activités de base (tennis, skis, fixations et chaussures de ski, équipements de plongée), celle-ci devant se concentrer à brève échéance, pour l'essentiel, sur la marque Head, les activités de promotion commerciale, les produits innovateurs et de haute technologie et le marché américain. Au terme de la restructuration, les objectifs visés à long terme sont l'expansion de l'activité commerciale en direction de nouveaux produits (par l'acquisition de licences) et de nouveaux marchés géographiques. Le plan de restructuration prévoit l'équilibre pour le secteur d'exploitation en 1996, le retour à la rentabilité pour 1997 et, comme but final, l'introduction en bourse pour l'année 1998 ou 1999.

23. Le plan de restructuration met l'accent sur les points suivants:

- l'adaptation au recul de la demande des capacités de production dans le domaine des articles de sports d'hiver (skis, fixations et chaussures de ski) et des raquettes de tennis. Cela implique un appel à la sous-traitance et le transfert dans les pays d'Europe orientale des procédés de fabrication faisant massivement appel à la main-d'œuvre, afin de réduire les coûts de fabrication;

- la suppression progressive des gammes de produits non rentables et la réduction des stocks;

- la rationalisation et la réduction des coûts fixes de la distribution et de l'administration, y compris la fusion de sociétés;

- la mise en place et le développement d'un système logistique pour le contrôle centralisé de la gestion des stocks, de l'approvisionnement et de l'expédition, ainsi que la modernisation des systèmes de gestion et des processus de fabrication.

24. Le plan de restructuration programme notamment des réductions des capacités annuelles de 39 % pour les skis, 59 % pour les fixations de ski, 9 % pour les chaussures de ski et 38 % pour les raquettes de tennis. Des compressions d'effectifs sont prévues dans ces différents secteurs d'activités.

25. Les coûts directs des opérations de restructuration à mener de 1995 à 1997 sont estimés à 159 millions de USD (+/- 127 MECUS). Ces coûts sont, pour l'essentiel, liés à la fermeture des activités dans le domaine du golf, à l'abandon du domaine des vêtements de sport, aux réductions de capacités de production et à la restructuration des sites de Kennelbach, de Schwechat et de Hörbranz. A cela s'ajoutent les indemnités de licenciement du personnel.

26. Le plan de recapitalisation, qui fait partie du programme de restructuration, prévoit, outre les injections de capital d'AT, ainsi que l'abandon des créances et des intérêts des banques, à raison de 630 millions de OS (+/- 47 MECUS) (voir point14 ci-dessus), les deux apports de capital du Groupe Eliasch, de +/- 2 MECUS et de +/- 20 MECUS respectivement (voir point 11 ci-dessus), d'ici à l'année 1998, et une offre publique d'achat internationale qui devrait rapporter 60 millions de USD (+/- 48 MECUS). Le ratio de fonds propres de HTM en 1998 (7 %) étant considéré comme trop faible pour permettre à l'entreprise de soutenir efficacement la concurrence internationale, la contribution du Groupe Eliasch à la recapitalisation et l'introduction en bourse sont considérées comme des éléments déterminants pour la structure financière de HTM, en ce qu'elles réduisent encore son endettement.

27. Le dispositif de la Décision prévoit, en son article 1er, que les fonds apportés par AT à HTM sous forme d'injections de capital de 1,59 milliard de OS (+/- 118 MECUS) (voir point 20 ci-dessus) constituent une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité. Cette aide est considérée comme compatible avec le marché commun au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), parce qu'elle est destinée à favoriser le développement de certaines activités économiques, tout en n'altérant pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

28. Le versement de ce montant de 1,59 milliard de OS, qui comprend la somme de 1,273 milliard de OS (+/- 95 MECUS), déjà approuvée par la Commission en tant qu'aide au sauvetage (voir point 16 ci-dessus) a été programmé de la façon suivante: 400 millions d'OS (+/- 30 MECUS) en avril 1995 (voir point 7 ci-dessus) et 373 millions de OS (+/- 28 MECUS) au 30 septembre 1995 (voir point 10 ci-dessus). Enfin, il est prévu le paiement d'un montant de 27 millions de OS (+/- 2 MECUS), ainsi que l'échelonnement du versement du solde du 31 décembre 1995 au 31 mars 1998.

29. En son article 2, la Décision précise que, pour assurer la compatibilité de l'aide avec le marché commun, le Gouvernement autrichien doit veiller au respect des conditions suivantes:

- le plan de restructuration doit être mis en œuvre tel qu'il a été soumis à la Commission. Fin août et fin février de chaque année d'ici à 1999, HTM doit présenter un rapport sur les progrès réalisés dans la restructuration et faisant apparaître le développement économique et les résultats financiers de l'entreprise et leur conformité avec le plan de restructuration. En outre, l'entreprise doit soumettre les comptes annuels des entreprises du groupe pour les années 1995 à 1999 pour la fin du mois de juin de l'année suivante au plus tard;

- la réduction de capacités prévue dans le plan de restructuration doit être irrévocable;

- l'injection de capital du Groupe Eliasch dans HTM, de 25 millions de OS (+/-2 MECUS) (voir point 11 ci-dessus), doit être réalisée dans un délai d'un mois suivant la date de la Décision;

- l'injection de capital du Groupe Eliasch dans HTM, de 275 millions de OS (+/-20 MECUS) (voir point 11 ci-dessus), doit intervenir pour le 31 décembre 1998;

- un nouvel apport de capital d'au moins 600 millions de OS (+/- 48 MECUS) (voir point 26 ci-dessus) doit se faire par le biais d'un placement international ou de mesures d'effet équivalent pour fin 1999;

- les pertes du passé, à raison de 1,59 milliard de OS (+/- 118 MECUS), ne peuvent être portées en déduction des bénéfices imposables.

30. Enfin, l'article 3 dispose que la République d'Autriche est destinataire de la Décision.

31. La Décision a été notifiée au Gouvernement autrichien le 21 août 1996 et publiée le 28 janvier 1997.

Procédure devant le Tribunal

32. Par requête déposée le 14 avril 1997, Kneissl Dachstein a introduit un recours en annulation contre la Décision.

33. Par ordonnances du 26 novembre 1997, la République d'Autriche et HTM ont été admises à intervenir au litige au soutien des conclusions de la Commission.

34. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois demandé aux parties de répondre par écrit à certaines questions.

35. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 24 mars 1999.

Conclusions des parties

36. Kneissl Dachstein demande à ce qu'il plaise au Tribunal:

- déclarer nulle et non avenue la Décision, ou, à titre subsidiaire,

- annuler la Décision ex nunc;

- condamner la Commission aux dépens;

- condamner les parties intervenantes à supporter leurs dépens.

37. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

38. La République d'Autriche, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- rejeter le recours;

- condamner la requérante aux dépens.

39. HTM conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours irrecevable ou

- rejeter le recours comme manifestement non fondé;

- condamner la requérante aux dépens de HTM.

Sur la recevabilité

40. La Commission, soutenue en substance par la République d'Autriche et HTM, émet des doutes sur la recevabilité du recours, qui, introduit le 14 avril 1997, lui semble tardif, alors que la Décision a été adoptée le 30 juillet 1996. Celle-ci n'ayant été, ni publiée, ni notifiée formellement à la requérante, le délai de recours aurait commencé à courir, à l'égard de l'intéressée, le jour où elle a appris l'existence de la Décision. La presse s'en étant fait l'écho, lors de son adoption, la requérante aurait dû alors demander à la Commission, dans un délai raisonnable, communication de la Décision. Comme la requérante n'a présenté une telle requête que le 18 septembre 1996, le délai raisonnable pourrait être considéré comme dépassé.

41. Il suffit de relever que, conformément au libellé même du cinquième alinéa de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE), le critère de la date de prise de connaissance de l'acte en tant que point de départ du délai de recours présente un caractère subsidiaire par rapport à ceux de la publication ou de la notification(arrêt de la Cour du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122-95, Rec. p. I-973, point 35).

42. En outre, il convient de constater que la Commission s'est engagée à publier au Journal officiel des Communautés européennes, série L, le texte complet des décisions d'autorisations conditionnelles des aides d'État prises, comme en l'espèce,à l'issue de la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité [voir Droit de la concurrence dans les Communautés européennes, volume II A, "Règles applicables aux aides d'État", 1995, p. 43, point 53, et p. 55, point 90, sous d)].

43. La Décision ayant fait l'objet d'une publication au Journal officiel L 25 du 28 janvier 1997, c'est cette dernière date qui a fait courir le délai à l'égard de la requérante.

44. Il y a donc lieu d'écarter l'argumentation développée à l'encontre de la recevabilité du recours

Sur le fond

Portée du contrôle de légalité effectué par le Tribunal sur la compatibilité de l'aide à la restructuration litigieuse

45. Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que les actes des institutions communautaires bénéficient d'une présomption de légalité (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 26 février 1987, Consorzio Cooperative d'Abruzzo/Commission, 15-85, Rec. p. 1005, point 10), qu'il incombe aux demandeurs en annulation de combattre, en produisant les éléments probatoires susceptibles de mettre en doute les appréciations effectuées par l'institution défenderesse.

46. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité. Dès lors que ce pouvoir discrétionnaire implique des appréciations complexes d'ordre économique et social, le contrôle juridictionnel d'une décision prise dans ce cadre doit se limiter à vérifier le respect des règles de procédure et de motivation, l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ainsi que l'absence de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l'auteur de la décision (arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T-371-94 et T-394-94, Rec. p. II-2405, point 79).

47. En outre, dans le cadre d'un recours en annulation en vertu de l'article 173 du traité, la légalité d'un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté. En particulier, les appréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinées qu'en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (voir, en ce sens, l'arrêt British Airways e.a./Commission, précité, point 81).

48. C'est à la lumière des principes susmentionnés qu'il convient de procéder à l'examen des moyens et arguments soulevés par la requérante.

Sur l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre des Lignes directrices

49. Kneissl Dachstein excipe de l'illégalité des Lignes directrices, en ce qu'elles autorisent des aides ne répondant pas aux conditions posées par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. En fondant sa décision sur les Lignes directrices, la Commission aurait ainsi contrevenu à cette disposition.

50. La Commission et les parties intervenantes observent que les Lignes directrices concrétisent l'application des dérogations à l'incompatibilité des aides, conformément à la disposition précitée, et qu'elles n'ont jamais été déclarées illégales par le juge communautaire.

51. Le Tribunal rappelle que les Lignes directrices constituent des règles indicatives définissant les lignes de conduite que la Commission entend suivre. Elles ne sauraient donc déroger aux dispositions de l'article 92 du traité (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310-85, Rec. p. 901, point 22).

52. La requérante n'ayant pas établi dans quelle mesure la Commission se serait fondée sur des éléments des Lignes directrices en contradiction avec l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, l'exception d'illégalité doit être rejetée, sans préjudice de l'examen des moyens d'annulation au regard de la disposition précitée.

Sur le premier moyen, tiré du caractère erroné de la prémisse relative à la disparition de HTM du marché

53. Kneissl Dachstein conteste l'hypothèse, retenue par la Décision, selon laquelle la disparition de HTM aurait eu des effets préjudiciables sur la structure du marché, en suscitant l'apparition d'oligopoles encore plus étroits. Même si l'aide à la restructuration litigieuse (ci-après "aide") avait été interdite, HTM aurait été très vraisemblablement reprise dans sa totalité par un investisseur n'appartenant pas à la même branche d'activité.

54. La Commission observe qu'une reprise de HTM après faillite aurait été le fait d'un concurrent et non d'investisseurs étrangers au secteur et n'aurait donc rien changé aux répercussions, retenues par la Décision, sur la structure du marché.

55. Selon HTM, rien n'indique que, même en cas de faillite et sans les apports d'AT, il aurait été possible, voire vraisemblable, que ses activités soient reprises par des entreprises étrangères au secteur.

56. Le Tribunal constate qu'il se déduit de son exposé même que le moyen repose sur la prémisse, non démontrée, que, à défaut de l'autorisation de l'aide, HTM n'aurait pas disparu du marché en tant que concurrent distinct des autres opérateurs économiques, mais qu'elle aurait été rachetée en toute hypothèse par des entreprises étrangères au secteur des équipements de sports d'hiver. Bien au contraire, les observations présentées par Kneissl Dachstein au cours de la procédure d'examen traduisent son très vif intérêt au rachat de HTM.

57. Il n'est donc pas établi que la Commission ait commis une erreur manifeste en considérant que, à défaut d'autorisation de l'aide, HTM était susceptible de disparaître du marché en tant que producteur indépendant.

58. Dans ces conditions, il convient de rejeter le moyen.

Sur le deuxième moyen, pris de la violation des conditions générales d'autorisation des aides visées par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité

59. Kneissl Dachstein soutient que l'aide ne répond pas aux conditions posées par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Elle favoriserait, non pas une activité économique, mais une seule entreprise. L'aide ne faciliterait pas le développement d'une région déterminée, en raison de la dispersion des sites de HTM. Enfin l'aide ne présenterait aucun intérêt communautaire puisqu'elle déplace sur d'autres entreprises et d'autres territoires les problèmes affectant la production et la vente des articles de sports d'hiver.

60. Le Tribunal retient, en premier lieu, que, la Commission ayant pu, à bon droit, considérer que la survie de HTM doit contribuer au maintien d'une structure de marché concurrentielle, l'aide ne saurait être considérée comme favorisant une seule entreprise.

61. En deuxième lieu, il résulte du caractère disjonctif de la conjonction "ou" utilisée par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun des aides destinées à faciliter le développement, soit de certaines activités, soit de certaines régions économiques. Il s'ensuit que l'autorisation d'une aide n'est pas nécessairement subordonnée à sa finalité régionale.

62. Enfin, en troisième lieu, le grief tiré du défaut d'intérêt communautaire de l'aide s'identifie aux autres griefs contestant le bien-fondé de son autorisation.

63. Sous réserve des réponses qui seront apportées à ces autres griefs de fond, il y a donc lieu d'écarter le moyen.

Sur le troisième moyen, tiré de l'absence de lien entre certains apports de capitaux et le plan de restructuration

64. Kneissl Dachstein reproche à la Commission de ne pas avoir considéré que l'apport supplémentaire de +/- 28 MECUS effectué au 30 septembre 1995 (voir point 10 ci-dessus), la première tranche de +/- 30 MECUS ayant déjà été payée en avril 1995 (voir point 7 ci-dessus), avait pour seul objet d'éviter l'insolvabilité de HTM et n'était pas lié au plan de restructuration. L'aide serait donc interdite à due concurrence.

65. Selon la Commission, soutenue, en substance, par les parties intervenantes, les apports litigieux ont pu être considérés comme des aides au sauvetage pendant la durée nécessaire à l'élaboration du plan de restructuration et le nouvel élément d'aide qu'aurait comporté leur qualification ultérieure en injection de capital a été autorisé sur la base du plan de restructuration.

66. Le Tribunal constate que, comme il ressort de l'exposé des faits (voir points 15 et 16 ci-dessus), les apports contestés ont été, dans un premier temps, approuvés en tant qu'aide au sauvetage, sans préjudice de leur autorisation ultérieure à titre d'aide à la restructuration. C'est sous cette nouvelle qualification que ces fonds ont été autorisés au terme de la procédure d'examen, à condition que fût mis en œuvre le plan de restructuration approuvé par la Décision.

67. Il s'ensuit que les apports de capitaux contestés sont à considérer comme liés au plan de restructuration de HTM, indépendamment de leur approbation initiale à titre d'aide au sauvetage, dont la légalité ne fait pas l'objet du recours.

68. Il y a donc lieu de rejeter le moyen.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du délai raisonnable imparti pour l'élaboration du plan de restructuration

69. Kneissl Dachstein soutient que le dépassement manifeste du délai de six mois, auquel les Lignes directrices limitent la période d'élaboration d'un plan de restructuration aurait, à lui seul, justifié le refus d'autoriser l'aide.

70. La Commission, soutenue en substance par les parties intervenantes, observe que le délai indicatif de six mois mentionné par les Lignes directrices concerne l'autorisation des aides au sauvetage et non pas celle des aides à la restructuration. De plus, si un plan de restructuration peut normalement être réalisé dans un délai de six mois, tout dépendrait des circonstances de chaque cas. En l'espèce, il aurait fallu procéder à des appréciations complexes.

71. Le Tribunal considère que le délai de six mois invoqué par la requérante ne revêt pas un caractère contraignant et ne se rapporte pas à la phase d'élaboration d'un plan de restructuration en tant que telle. Il constitue, en réalité, le laps de temps indiqué dans les Lignes directrices comme nécessaire, à compter du versement d'une aide au sauvetage, pour définir les mesures de redressement de l'entreprise bénéficiaire.

72. Au surplus, il ne ressort pas des éléments du dossier relatés ci-dessus qu'ait été excessive la période d'élaboration du plan de restructuration conçu par le Groupe Eliasch et approuvé par la Décision, compte tenu de la complexité du dossier.

73. Le moyen doit donc être rejeté.

Sur le cinquième moyen, tiré du caractère inadéquat du plan de restructuration

74. Kneissl Dachstein allègue, en premier lieu, que le seul prix d'acquisition de HTM payé par le Groupe Eliasch, très largement inférieur au montant de l'aide, ne permet pas d'atteindre la rentabilité minimale des capitaux investis exigée par le point 3.2.2 A), deuxième alinéa, des Lignes directrices. Même en cas de vente par le Groupe Eliasch de ses parts dans HTM, la somme à verser à AT ne représenterait pas un rendement approprié.

75. La Commission et les parties intervenantes objectent que la rentabilité minimale des capitaux investis se rapporte, non pas à l'aide et aux donneurs d'aide, mais au développement économique futur et aux résultats financiers de l'entreprise bénéficiaire.

76. Le Tribunal relève que, comme l'explicite le point 3.2.2 A), deuxième alinéa, des Lignes directrices, le plan de restructuration doit, pour satisfaire au critère de viabilité, permettre à l'entreprise de couvrir tous ses coûts, y compris les coûts d'amortissement et les charges financières, ainsi que d'obtenir une rentabilité minimale des capitaux investis la rendant apte, après sa restructuration, à ne plus faire appel à l'État et à affronter la concurrence en ne comptant plus que sur ses seules forces.

77. Sous peine d'ôter aux injections de capitaux d'AT leur qualification d'aide d'État, la condition de rentabilité minimale des capitaux investis se rapporte, non pas à un revenu équitable qu'AT serait censée retirer de ses apports, mais au rétablissement de la compétitivité de l'entreprise bénéficiaire sur la base du plan de restructuration approuvé.

78. L'argument de la requérante, fondé sur une prémisse erronée, doit donc être écarté.

79. Kneissl Dachstein note, en second lieu, que la Commission a erronément estimé que HTM recouvrerait sa rentabilité à long terme. La simple obtention de bénéfices d'exploitation, alléguée par HTM, ne représenterait pas le "seuil de rentabilité" mentionné dans la Décision. Le seul fait que les mesures de redressement ne consistaient que partiellement en mesures internes aurait déjà fait apparaître à l'époque de la Décision que, d'après les données du marché, ces mesures se fondaient sur des hypothèses de développement du marché exagérément optimistes. Si la Commission a, certes, déterminé en partie la nature des mesures que devait prendre HTM, elle n'aurait pas estimé leur coût spécifique. Le plan ne prévoirait aucune différenciation des articles de tennis, que la Décision estime pourtant nécessaire pour permettre aux producteurs de maintenir ou d'augmenter leurs prix. Enfin, il ne préciserait pas comment s'opérera le financement prévu par le biais d'une cotation en bourse, que la Commission qualifie toutefois de déterminante.

80. La Commission et les parties intervenantes objectent que Kneissl Dachstein n'avance aucun argument démontrant que, après sa restructuration, la viabilité de HTM ne serait pas garantie.

81. HTM précise qu'elle a pu dégager à nouveau des bénéfices d'exploitation en 1996 grâce au plan de restructuration mis en œuvre.

82. Le Tribunal constate que l'argumentation de la requérante consiste essentiellement en de simples allégations et ne comporte aucun élément susceptible de démontrer que la Commission s'est manifestement trompée en estimant que HTM retrouverait sa rentabilité à long terme sur la base du plan de restructuration approuvé par la Décision.

83. En particulier, la requérante n'a pas cherché à établir en quoi les hypothèses retenues par la Commission seraient exagérément optimistes, alors qu'ont été prévus la suppression par HTM des groupes de produits non rentables, le recentrage de son exploitation sur ses activités de base, ainsi que la réduction des coûts d'administration, de fabrication et de distribution, de même que des compressions d'effectifs.

84. Il n'apparaît pas que la Commission ait été tenue, contrairement à ce que soutient Kneissl Dachstein, d'estimer le coût spécifique de chacune des mesures à prendre par HTM. Outre qu'une évaluation précise des différents postes de dépenses eût été, en tout état de cause, aléatoire en raison du caractère prospectif des mesures envisagées, la Commission a pu, au contraire, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation, légalement se borner à une évaluation globale.

85. La requérante ne saurait invoquer l'absence de mesures de différenciation des articles de tennis permettant de maintenir ou d'augmenter les prix. La Décision prévoit, d'une façon générale, la concentration des activités de HTM sur les produits innovateurs et de haute technologie et, en particulier, le recours à une technologie de pointe pour la fabrication des raquettes de tennis et indique que cela doit permettre, notamment, d'obtenir des prix de vente supérieurs.

86. Enfin, il ne peut être fait grief à la Commission de ne pas avoir précisé dans la Décision les modalités du financement prévu par le biais d'une cotation en bourse envisagée pour fin 1999, soit à une échéance très largement postérieure à l'adoption de la Décision. Il n'apparaît pas que la Commission ait eu manifestement tort de se borner à prévoir le principe d'un nouvel apport de capital et l'échéance de sa réalisation à fin 1999, tout en laissant à l'entreprise la faculté de choisir le moment et la solution la plus adaptée à l'évolution de sa situation (placement international ou mesures similaires).

87. Il résulte des développements précédents que l'ensemble du moyen doit être rejeté.

Sur le sixième moyen, tiré de l'insuffisance des réductions de capacités imposées à HTM

88. Kneissl Dachstein allègue que les garanties d'emplois, stipulées par le contrat de vente de HTM, pour une période de trois ans à compter de la conclusion de ce contrat, au profit de 50 %, voire même de 80 % des effectifs dans un des sites de production, rendent évidente l'insuffisance des réductions de capacités exigées par la Décision sur le marché des articles de sports d'hiver, eu égard, notamment, à la contraction des marchés du ski et des chaussures de ski intervenue de 1992 à 1997.

89. L'obligation de maintenir un tel niveau d'emploi empêcherait, par exemple, de fermer définitivement des capacités de production. De plus, la réduction, dans la Communauté, de 87 % de ses capacités de production de chaussures de ski citée par HTM dans son mémoire en intervention procéderait, en réalité, de la délocalisation de cette production en Estonie.

90. Enfin, il ressortirait clairement d'un article des Salzburger Nachrichten du 2 février 1998 que HTM aurait pu augmenter tant les ventes de skis que le bénéfice en résultant, sur un marché mondial demeurant en régression.

91. La Commission, soutenue en substance par les parties intervenantes, objecte que la requérante n'a pas exposé dans quelle mesure elle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des faits ou un détournement de pouvoir en imposant, à l'article 2, deuxième tiret, de la Décision, le caractère irrévocable des réductions de capacités prévues dans le plan de restructuration.

92. La République d'Autriche précise que la clause de garantie d'emplois ne concerne que trois des usines du groupe et estime objectivement importante la réduction de 20 à 50 % des effectifs des trois usines autrichiennes. En outre, le nombre des employés de HTM aurait été ramené de 2 700 à 2 000.

93. Le Tribunal considère que, comme la Commission l'a relevé à juste titre, on ne saurait mettre en équation les réductions des capacités et celles des emplois, le rapport entre le nombre d'employés et les capacités de production dépendant de nombreux facteurs, notamment des produits fabriqués et de la technologie utilisée. Il convient de relever que les garanties d'emplois, limitées à trois des sites du groupe et à trois ans, n'ont pas empêché la fermeture de l'usine de montage de Neusiedl. Le redéploiement en Estonie des procédés de fabrication de chaussures de ski faisant appel à une main-d'œuvre peu coûteuse a pour objet essentiel deréduire les coûts de fabrication mais n'est nullement exclusif de réductions de capacités.

94. La requérante n'a apporté aucun élément de nature à démontrer le caractère manifestement insuffisant des réductions de capacités exigées de HTM sur les marchés des skis, des fixations et des chaussures de ski, qui ont pourtant représenté environ 45 % du chiffre d'affaires réalisé par HTM en 1994.

95. En particulier, les statistiques relatives à la contraction des marchés du ski et des chaussures de ski que la requérante a citées à l'audience se rapportent à une période débutant en 1992 et ne s'achevant qu'en 1997. Dans cette mesure, elles sont dépourvues de force probante, dès lors que la Décision prévoit que les réductions de capacités se feront pour l'essentiel dès la première année de la restructuration.

96. Pour écarter l'allégation relative à l'augmentation des ventes de skis de HTM, il suffit de relever, que d'une part, elle se rapporte à l'exercice 1997, postérieur à la date d'adoption de la Décision, et, d'autre part, elle fait état de la commercialisation de 425 000 paires de skis, soit un volume de ventes sensiblement en retrait par rapport aux 596 000 paires écoulées en 1995.

97. Enfin, la Commission a pu à bon droit considérer, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation, que des réductions de capacités encore plus sévères auraient été de nature à compromettre le retour à la viabilité de HTM, dont la présence a été estimée nécessaire pour prévenir l'émergence d'une structure oligopolistique renforcée des marchés en cause. A cet égard, il convient de tenir compte de la fermeture des activités dans le domaine du golf et de l'abandon du domaine des vêtements de sport prévus par le plan de restructuration.

98. Dans ces conditions, il échet de rejeter le moyen.

Sur le septième moyen, tiré du caractère disproportionné de l'aide

99. Ce moyen peut être articulé en cinq branches.

Sur la première branche du moyen

100. Kneissl Dachstein reproche, en premier lieu, à la Décision de ne pas avoir pris en considération l'injection de capital de +/- 80 MECUS et le prêt d'associé de +/- 45 MECUS consentis par AT à HTM en 1993 (voir point 4 ci-dessus).

- Sur la recevabilité

101. La Commission, soutenue en substance par HTM, objecte, en se fondant sur le principe de la stricte concordance des moyens respectivement énoncés dans la procédure administrative et dans la requête, que la requérante n'est pas recevable à soulever cet argument, à défaut de l'avoir invoqué dans le cadre de la procédure d'examen de l'aide.

102. Le Tribunal considère que la requérante n'aurait pas été recevable à se prévaloir d'arguments factuels inconnus de la Commission et qu'elle n'aurait pas signalés à celle-ci au cours de la procédure d'examen (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C-278-92, C-279-92 et C-280-92, Rec. p. I-4103, point 31, et l'arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T-37-97, non encore publié au Recueil, point 93). En revanche, rien n'empêche l'intéressée de développer à l'encontre de la décision finale un moyen juridique non soulevé au stade de la procédure administrative (voir, en ce sens, l'arrêt Forges de Clabecq/Commission, précité, point 93).

103. La thèse de la Commission repose, en réalité, sur la prémisse erronée selon laquelle la procédure d'examen au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité s'analyserait en une procédure précontentieuse dirigée contre un acte final, alors qu'elle vise tout au contraire à permettre à la Commission d'être complètement informée de l'ensemble des données de l'affaire avant de prendre sa décision (voir, en ce sens, l'arrêt British Airways e.a./Commission, précité, point 58).

104. Au demeurant, ainsi qu'il ressort d'une annexe aux observations qu'elle a présentées en réponse au mémoire en intervention de HTM, Kneissl Dachstein a, en fait, à tout le moins relevé au cours de la procédure d'examen qu'AT avait fourni en 1993 à HTM un apport de capital de +/- 80 MECUS (voir point 4 ci-dessus) destiné à réduire les dettes de HTM.

105. Il y a donc lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission à l'encontre de la première branche du moyen.

- Sur le bien-fondé

106. Kneissl Dachstein reproche à la Commission de ne pas avoir abordé, dans son examen de la proportionnalité de l'aide, les aides de +/-80 MECUS et de +/- 45 MECUS accordées qu'AT aurait consenties à HTM en 1993 (voir point 4 ci-dessus). Si, l'article 92 du traité n'était pas applicable antérieurement à l'adhésion de la République d'Autriche aux Communautés européennes, le 1er janvier 1995, la Commission aurait toutefois méconnu l'interdiction des aides édictée par l'article VI de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci- après "GATT") et par l'article 23, paragraphe 1, sous iii), de l'accord de libre échange entre la Communauté économique européenne et la République d'Autriche (JO 1972, L 300, p. 2, ci- après "ALE"). Dans ces conditions, le montant total des aides versées à HTM serait disproportionné.

107. A titre subsidiaire, la requérante soutient que, si la Commission avait apprécié l'ensemble des versements, elle serait alors parvenue à la conclusion qu'elle était en présence d'un régime d'aides existant, au sens de l'article 93 du traité. Le seul fait que la procédure d'examen prévue par cette disposition n'a pas été respectée justifierait à lui seul l'annulation de la Décision.

108. La Commission et les parties intervenantes objectent, en substance, que ni l'article 92 du traité, inapplicable à l'époque, ni les dispositions du GATT et de l'ALE n'auraient obligé la Commission à engager les procédures prévues à propos des versements de 1993, ou à les prendre en considération. Les versements de 1993, à supposer qu'ils aient pu être qualifiés d'aides d'État, devraient être considérés comme des aides existantes et relèveraient, en cette qualité, non pas de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, mais de celle définie par le paragraphe 1 de cette disposition.

109. Le Tribunal relève que, à la date à laquelle la Commission a ouvert la procédure d'examen litigieuse (voir point 15 ci-dessus), l'article VI du GATT et l'article 23, paragraphe 1, sous iii), de l'ALE ne pouvaient plus constituer la base juridique pour apprécier la compatibilité avec le marché commun des apports de capitaux consentis par AT à HTM. Au demeurant, l'article VI du GATT, relatif aux droits antidumping et compensateurs, était dépourvu de pertinence et l'article 23, paragraphe 1, sous iii), de l'ALE ouvrait aux parties contractantes une simple faculté d'intervention à l'encontre des aides publiques. La Commission n'a donc pu méconnaître ces deux dispositions.

110. En outre, la requérante ne saurait valablement soutenir que l'ensemble des aides versées en 1993 et en 1995 constitue un régime d'aides existant, dès lors que les apports de capitaux consentis par AT à HTM ne procèdent pas de dispositions nationales d'application générale.

111. Au surplus, la requérante ne saurait utilement prétendre que le montant de l'aide serait disproportionné en ce que la Commission n'aurait pas pris en considération les versements de 1993. En effet, pour apprécier la proportionnalité, la Commission ne pouvait que prendre en compte les injections de capital retenues dans le plan de restructuration dont elles constituaient la contrepartie et le soutien nécessaires.

112. D'ailleurs, le laps de temps qui s'est écoulé entre les versements de 1993 et les injections de capital consenties à partir d'avril 1995 (voir point 7 ci-dessus) et autorisées par la Décision ne permettait pas leur intégration au sein d'une seule et même appréciation de la situation financière de HTM dans le cadre de la procédure d'examen de l'aide.

113. Il y a donc lieu de rejeter la première branche du moyen.

Sur la deuxième branche du moyen

114. Kneissl Dachstein soutient que, en dépit des injections de capitaux de 1993, HTM a bénéficié d'un report de pertes, dont l'exploitation fiscale lui a apporté un avantage supplémentaire. Or, selon le point 3.2.2 C), des Lignes directrices, tout crédit d'impôt lié aux pertes devrait être annulé lorsqu'une aide est utilisée pour amortir une dette résultant de pertes antérieures.

115. La Commission objecte qu'un report de pertes n'est illicite que s'il est imputable à des aides. En l'espèce, il serait d'ores et déjà exclu que les deux apports litigieux constituent une aide et, même s'il s'agissait d'une aide, il n'y aurait pas lieu d'en tenir compte.

116. Le Tribunal peut se borner à relever que, en réponse à une de ses questions, HTM a affirmé, sans être contestée sur ce point, que, en raison de l'insuffisance de ses bénéfices imposables, elle n'a, en tout état de cause, pas été en mesure de procéder à une valorisation du report de pertes de l'exercice comptable 1993 sur les exercices 1994 à 1997.

117. Il s'ensuit que la deuxième branche du moyen doit être écartée comme manquant en fait.

Sur la troisième branche du moyen

118. Kneissl Dachstein soutient que le paiement d'une aide illicite a procédé de la conversion en fonds propres, intervenue en avril 1995, du prêt d'associé de +/- 45 MECUS (voir points 4 et 7 ci-dessus) accordé par AT à HTM en 1993. A cet égard, elle déduit des bilans de HTM que cette opération était un prêt constituant, malgré son caractère non privilégié, une dette de l'emprunteur. Sauf en cas de faillite, hypothèse étrangère au cas d'espèce, le créancier disposerait du droit au remboursement de sa créance. L'extinction de la dette de HTM ne serait intervenue qu'au moment de la conversion du prêt en capital propre. Or, l'extinction d'une obligation de remboursement, même conditionnelle, aurait emporté un transfert de ressources d'AT au profit de HTM.

119. Le Tribunal considère que le prêt d'associé, à supposer qu'il ait dû être qualifié d'aide d'État, a constitué dès l'origine, indépendamment de sa qualification dans les comptes de HTM, un prêt non privilégié destiné à remplacer ses fonds propres. En raison du grave surendettement de HTM prévalant lors de la conversion formelle du prêt en fonds propres, le remboursement du prêt était en réalité exclu et ce prêt ne pouvait donc être considéré comme une dette de HTM vis-à-vis d'AT, dont la remise aurait constitué un avantage supplémentaire effectif.

120. Il s'ensuit que la conversion du prêt en fonds propres, en tant qu'elle impliquait renonciation par AT au remboursement d'une créance irrécouvrable, n'a, en elle-même, procuré aucun avantage économique pour HTM aux frais d'AT sous la forme d'un transfert de ressources publiques.

121. Par conséquent, la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en ne considérant pas cette conversion comme une aide d'État aux fins de l'appréciation de la proportionnalité de l'aide.

122. Il y a donc lieu de rejeter la troisième branche du moyen.

Sur la quatrième branche du moyen

123. Kneissl Dachstein soutient que l'aide finance de facto l'ensemble du programme de restructuration, l'acquéreur de HTM n'ayant plus qu'à rembourser les anciennes dettes. Un actionnaire privé agissant en tant que vendeur aurait exigé que le Groupe Eliasch prenne des risques beaucoup plus grands et qu'il fournisse une prestation nettement plus élevée. La Commission n'aurait établi aucun rapport entre la prestation des investisseurs, les coûts de la restructuration et, enfin, le montant de l'aide.

124. La Commission, soutenue en substance par les parties intervenantes, estime que l'aide a été fixée au montant nécessaire pour rétablir la viabilité économique de HTM, qu'elle s'est accompagnée d'une importante réduction de capacités et que HTM devait consentir d'autres efforts conséquents pour parvenir à son assainissement financier.

125. Le Tribunal relève que les coûts de restructuration directs évalués par la Commission à +/- 127 MECUS au point 8.2 de la Décision, ne représentent qu'une partie du montant total des coûts de la restructuration de HTM envisagés au point 8.3 de celle-ci.

126. En réponse aux questions du Tribunal, la Commission a précisé, d'une part, qu'aux coûts de restructuration directs s'ajoutent d'autres postes de dépenses liés à la restructuration financière de HTM, tels que les investissements de rationalisation, le remboursement et la restructuration des dettes.

127. La Commission a relevé, d'autre part, que le montant total des coûts de restructuration est financé par quatre sources différentes, à savoir, l'apport en capital du groupe Eliasch de +/- 22 MECUS (voir point 11 ci-dessus), la renonciation partielle des banques à leurs créances et intérêts à concurrence de 47 MECUS (voir point 14 ci-dessus), l'aide (+/- 118 MECUS) (voir point 20 ci-dessus) et, enfin, la contribution de HTM, prélevée sur ses ressources propres, à hauteur de 36 % de l'ensemble des coûts de restructuration.

128. Il s'en déduit, en définitive, que le montant total des coûts de restructuration s'élève à plus de 290 MECUS et que le montant de l'aide est inférieur à la moitié de cette somme.

129. Dans cette mesure, il y a lieu de rejeter la quatrième branche du moyen comme fondée sur des prémisses factuelles erronées.

Sur la cinquième branche du moyen

130. Kneissl Dachstein soutient que, si elle n'avait pas été assortie de garanties d'emplois, la cession de HTM aurait rapporté un prix de vente plus élevé, objectif qu'aurait visé un investisseur privé. Dans cette mesure, la Décision serait entachée d'un détournement de pouvoir, en ce qu'elle autorise une aide qui, pour des raisons de politique de l'emploi, excède le montant strictement nécessaire. Il aurait fallu se demander si la fermeture ou l'arrêt de l'ensemble de l'entreprise n'aurait pas représenté l'option la moins chère et, par conséquent, la démarche autorisée.

131. Le Tribunal rappelle, en premier lieu, que le comportement d'un investisseur privé constitue le critère de qualification d'une aide d'État, mais qu'il est dépourvu de pertinence pour en apprécier la proportionnalité.

132. Le Tribunal relève, en deuxième lieu, que, comme il ressort du texte de la Décision, la clause de garantie d'emplois ne concerne que trois des usines de HTM, qu'elle est limitée dans le temps et permet des réductions de personnel à raison de 20 à 50 % de leurs effectifs. En tout état de cause, la requérante omet de considérer que HTM aurait dû verser un montant supplémentaire d'indemnités de licenciement si les réductions d'effectifs avaient été plus conséquentes.

133. Enfin, en troisième lieu, le Tribunal rappelle que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste en considérant que la disparition de HTM aurait eu des effets préjudiciables au maintien d'une structure de marché concurrentielle. Dans cette mesure, la question de savoir si la fermeture ou l'arrêt de l'ensemble des sites de HTM n'aurait pas représenté la démarche la moins onéreuse est dépourvue de pertinence.

134. Il s'ensuit que la cinquième branche du moyen doit être écartée.

135. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l'ensemble du moyen.

136. Il résulte de tous les développements qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

137. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la Commission et par la partie intervenante HTM, conformément à leurs conclusions en ce sens.

138. En vertu de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus à un litige supportent leurs dépens. Il s'ensuit que la République d'Autriche supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1°) Le recours est rejeté.

2°) La partie requérante est condamnée aux dépens exposés par la Commission et par la partie intervenante Head Tyrolia Mares.

3°) La République d'Autriche supportera ses propres dépens.