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Décisions

TPICE, 5e ch. élargie, 11 février 1999, n° T-86/96

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen, Aero Lloyd Flugreisen GmbH & Co. Luftverkehrs-KG, Air Berlin GmbH & Co. Luftverkehrs KG, Condor Flugdienst GmbH, Germania Fluggeselleschaft mbH, Hapag-Lloyd Fluggeselleschaft mbH, LTU Lufttransport Unternehmen GmbH & Co. KG

Défendeur :

Commission des Communautés européennes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cooke

Juges :

MM. García-Valdecasas, Pirrung, Vilaras, Mme Lindh

Avocats :

Mes Schohe, Rabe, Berrisch.

TPICE n° T-86/96

11 février 1999

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

Faits à l'origine du litige

1. En 1965, la République fédérale d'Allemagne a introduit dans sa législation fiscale l'article 82f de l'Einkommensteuer-Durchführungsverordnung (règlement d'application relatif à l'impôt sur le revenu, ci-après "EStDV"). Celui-ci instituait, pour une période déterminée, un mécanisme d'amortissement exceptionnel du coût d'acquisition de certaines catégories de navires de commerce, de bateaux de pêche et d'aéronefs.

2. En vertu de ce mécanisme, les opérateurs acquérant un nouvel aéronef avaient la possibilité de procéder, durant l'année suivant l'acquisition ainsi qu'au cours des quatre années suivantes, à un amortissement exceptionnel d'un montant maximal de 30 % du coût total d'acquisition. Ce montant d'amortissement exceptionnel pouvait être ventilé de manière discrétionnaire sur les cinq premières années. A l'issue de cette période, le solde du coût d'acquisition devait être amorti de manière linéaire. Les aéronefs visés par cette disposition étaient les appareils immatriculés en Allemagne et utilisés à des fins commerciales pour le transport international de biens ou de personnes ou pour d'autres activités de services effectuées à l'étranger.

3. En 1986, les autorités allemandes ont prolongé la validité de l'article 82f de l'EStDV jusqu'au 31 décembre 1994.

4. Le 21 avril 1993, la Commission a, sur le fondement de l'article 93, paragraphe 1, du traité CE, informé le Gouvernement allemand que ce mécanisme d'amortissement constituait une aide existante, incompatible avec les dispositions de l'article 92 du traité (JO 1993, C 289, p. 2). Elle lui a proposé d'y mettre fin, dans le seul secteur de l'aviation civile, au plus tard le 1er janvier 1994. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro E 4-93.

5. Par lettre du 8 septembre 1993, le Gouvernement allemand a informé la Commission qu'il avait l'intention de proroger l'article 82f de l'EStVD du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999. Cette prorogation a été réalisée le 13 septembre 1993 par le Standortsicherungsgesetz (loi relative à l'amélioration des conditions fiscales afin d'assurer que l'Allemagne demeure, au sein du marché intérieur européen, un lieu d'implantation pour les entreprises). Toutefois, son entrée en vigueur était expressément subordonnée à l'autorisation préalable de la Commission (article 20.2 du Standortsicherungsgesetz).

6. La Commission a considéré que la lettre du Gouvernement allemand du 8 septembre 1993 constituait la notification d'une aide nouvelle au titre de l'article 93, paragraphe 3, du traité et l'a enregistrée comme telle sous le numéro N 640-93.

7. Le 8 décembre 1993, elle a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité dans les deux affaires, E 4-93 et N 640-93. Par une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 19 janvier 1994, elle a mis en demeure les autres États membres et les tiers intéressés de présenter leurs observations sur les mesures en question (JO C 16, p. 3).

8. Le 29 novembre 1995, elle a adopté la décision C (95) 3319 finale concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies allemandes (ci-après "décision C 3319"). En substance, cette décision interdisait à l'Allemagne de proroger l'article 82f de l'EStDV du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999.

9. Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 28 février 1996, sous le numéro T-25-96, les requérantes ont introduit un recours visant à l'annulation de la décision C 3319.

10. Le 13 mars 1996, la Commission a adopté la décision 96-369-CE concernant une aide fiscale en matière d'amortissement au profit des compagnies aériennes allemandes (JO L 146, p. 42, ci-après "décision litigieuse").

11. Le dernier considérant de cette décision indique:

"[...] il importe de retirer la décision [C 3319] dès lors que la version allemande de ladite décision, identique quant au fond à la présente décision, comprenait de nombreuses erreurs matérielles."

12. Son dispositif est rédigé comme suit:

" Article premier

La prorogation du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999 de la validité des dispositions de l'article 82f de [l'EStDV] instituant un mécanisme d'amortissement exceptionnel au profit des aéronefs constitue une aide d'État incompatible avec le Marché commun au sens de l'article 92 du traité CE et de l'article 61 de l'accord EEE.

Article 2

Il est enjoint à la République fédérale d'Allemagne de supprimer, à compter du 1er janvier 1995, la mesure d'aide mentionnée à l'article 1er.

[...]

Article 4

La procédure est close en ce qui concerne la version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994 des dispositions de la législation fiscale allemande mentionnées à l'article 1er.

Article 5

La décision [C 3319] est retirée.

Article 6

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision."

13. Par ordonnance du 14 mars 1997, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission (T-25-96, Rec. p. II-363), le Tribunal a jugé que, à la suite de l'adoption de la décision litigieuse, le recours introduit contre la décision C 3319 était devenu sans objet, de sorte qu'il n'y avait plus lieu de statuer.

Procédure et conclusions des parties

14. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 1996, les requérantes ont introduit le présent recours.

15. Par acte séparé déposé le 16 septembre 1996, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure. Les requérantes ont déposé leurs observations sur cette exception le 15 novembre 1996.

16. Par ordonnance du 8 juillet 1997, le Tribunal a joint cette exception au fond.

17. Par acte séparé déposé le 10 décembre 1997, les requérantes ont introduit une demande en référé, laquelle a été rejetée par ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal du 2 avril 1998, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission (T-86-96 R, Rec. p. II-641).

18. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Toutefois, par lettre du 1er octobre 1998, il a demandé aux parties de produire certains documents et de répondre à certaines questions. Les requérantes et la Commission ont donné suite à cette demande dans les délais impartis.

19. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 29 octobre 1998.

20. Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours recevable;

- annuler la décision litigieuse, dans la mesure où elle vise la prorogation de l'article 82f de l'EStDV du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999;

- condamner la Commission aux dépens.

21. La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

- déclarer le recours irrecevable;

- le rejeter comme non fondé;

- condamner les requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

22. La Commission excipe de l'irrecevabilité du recours au motif que les requérantes ne sont pas individuellement concernées par la décision litigieuse au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

23. En effet, dans son arrêt du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission (T-398-94, Rec. p. II-477, point 39), le Tribunal aurait dit pour droit que l'article 82f de l'EStDV constituait une disposition fiscale ayant une portée générale. Or, la décision litigieuse porterait précisément sur cette disposition. En conséquence, elle constituerait une mesure de portée générale qui ne saurait, comme telle, concerner individuellement les personnes autres que son destinataire, à savoir l'Allemagne.

24. Par ailleurs, les requérantes ne seraient pas atteintes en raison de qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25-62, Rec. p. 197, 223 )

25. Selon les requérantes, il convient de distinguer la qualité pour agir de l'association requérante, l'Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen (ci-après "ADL") et celle de l'entreprise requérante, Hapag-Lloyd Fluggesellschaft mbH (ci-après "HLF").

26. S'agissant de l'ADL, la circonstance que la décision litigieuse constitue une mesure de portée générale serait dépourvue d'incidence. En effet, un recours introduit par une association en matière d'aides d'État serait recevable à la seule condition que la position de celle-ci, en sa qualité d'interlocutrice de la Commission, soit affectée par la décision attaquée (arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67-85, 68-85 et 70-85, Rec. p. 219, et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313-90, Rec. p. I-1125).

27. En l'espèce, la qualité d'interlocutrice de l'ADL serait attestée par les éléments suivants:

- sa fonction de représentation et de défense des intérêts de l'ensemble des compagnies aériennes privées établies en Allemagne;

- sa qualité de tiers intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, en vertu de laquelle la Commission était obligée de l'admettre à participer à la procédure prévue par cette disposition (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198-91, Rec. p. I-2487, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225-91, Rec. p. I-3203);

- la circonstance qu'elle aurait été expressément mandatée par ses membres pour défendre leurs intérêts dans le cadre de ladite procédure et qu'elle aurait été tenue de répondre, devant eux, du résultat des négociations menées avec la Commission;

- sa participation active à la procédure susvisée par le dépôt d'observations écrites les 18 février et 19 mars 1994; le dépôt d'un rapport d'expertise établi en mars 1994 par la société Price Waterhouse; sa participation, le 30 mars 1995, à une réunion portant sur le rapport préliminaire d'expertise établi en février 1995 par la société Jet Finance; le maintien de contacts informels avec la direction générale des transports ainsi qu'avec le membre de la Commission responsable des transports;

- sa qualité d'interlocutrice privilégiée du Gouvernement allemand et, en particulier, du ministère des Transports: l'ADL aurait ainsi participé à plusieurs réunions au cours desquelles, en présence de représentants des divers ministères fédéraux compétents, elle serait intervenue en faveur d'une prorogation de l'article 82f de l'EStDV (voir les documents soumis en annexe K 14 aux observations sur l'exception d'irrecevabilité).

28. En outre, les associations professionnelles joueraient un rôle privilégié dans le cadre de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité. En effet, elles se trouveraient dans une situation plus favorable que leurs membres pour présenter à la Commission les thèses et intérêts de leur secteur (conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt Van der Kooy e.a./Commission, précité, Rec. p. 240, 246). En conséquence, lorsque, à l'issue de cette procédure, la Commission adopte une décision défavorable, le rôle privilégié de ces associations devrait se concrétiser dans la possibilité d'introduire un recours contre ladite décision.

29. Il ressortirait de ces éléments que la position de l'ADL, en qualité d'interlocutrice de la Commission, est affectée par la décision litigieuse. Dès lors, son recours serait recevable.

30. Les requérantes ayant introduit un seul et même recours, il n'y aurait pas lieu, conformément à la jurisprudence, d'examiner la qualité pour agir de HLF (arrêt CIRFS e.a./Commission, précité, point 31).

31. Toutefois, pour le cas où le Tribunal estimerait que le recours de l'ADL est irrecevable, les requérantes exposent, à titre subsidiaire, que HLF est directement et individuellement concernée par la décision litigieuse.

32. HLF serait directement concernée. D'une part, elle figurerait parmi les entreprises bénéficiaires du mécanisme prévu par l'article 82f de l'EStDV, dont la prorogation a été interdite par la décision litigieuse (arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730-79, Rec. p. 2671, point 5). D'autre part, l'Allemagne ne disposerait d'aucune marge d'appréciation dans l'exécution de cette décision (conclusions de l'avocat général M. Verloren van Themaat sous l'arrêt de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11-82, Rec. p. 207, 220, 216 et 217).

33. HLF serait individuellement concernée. Bien que la décision litigieuse constitue une mesure de portée générale, HLF serait dans une situation qui, pour quatre raisons, la caractériserait par rapport à toute autre personne (arrêts de la Cour Plaumann/Commission, précité, p. 223, et du 18 mai 1994, Cordoniu/Conseil, C-309-89, Rec. p. I-1853, point 19).

34. Premièrement, l'article 82f de l'EStDV s'appliquerait directement à elle, sans qu'aucune mesure d'application ne soit nécessaire au niveau national. La possibilité de recourir au mécanisme d'amortissement exceptionnel prévu par cette disposition constituerait donc pour elle un avantage direct, inconditionnel et individuel. Or, la décision litigieuse aurait pour effet de lui retirer cet avantage à partir du 1er janvier 1995. En conséquence, cette décision se présenterait, à son égard, comme une mesure de portée individuelle. En sa qualité de bénéficiaire de la mesure prohibée par la décision litigieuse, HLF serait donc en droit de former un recours même si cette décision est adressée à la République fédérale d'Allemagne (arrêts de la Cour Philip Morris/Commission, précité, point 5, et du 9 mars 1994, TWD Textilwerke Deggendorf, C-188-92, Rec. p. I-833, point 14).

35. Deuxièmement, en sa qualité de tiers intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, HLF bénéficierait de garanties procédurales l'habilitant à participer à la procédure prévue par cette disposition et à présenter ses observations à la Commission (arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323-82, Rec. p. 3809, point 16, Cook/Commission, précité, point 24, et Matra/Commission, précité, point 18). Cette seule circonstance l'autoriserait déjà à introduire un recours de manière à vérifier, d'une part, si ses garanties procédurales ont été respectées et, d'autre part, si la décision litigieuse viole le droit communautaire (arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169-84, Rec. p. 391, point 23, et ordonnances du président du Tribunal du 15 décembre 1992, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission, T-96-92 R, Rec. p. II-2579, point 33, et du 2 avril 1993, CCE Vittel et CE Pierval/Commission, T-12-93 R, Rec. p. II-449, point 22). Il serait donc sans importance que HLF ait participé ou non à la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts du Tribunal du 27 avril 1995, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission, T-96-92, Rec. p. II-1213, point 36, CCE de Vittel e.a./Commission, T-12-93, Rec. p. II-1247, point 47, et du 11 juillet 1996, Métropole télévision e.a./Commission, T-528-93, T-542-93, T-543-93 et T-546-93, Rec. p. II-649, point 62).

36. Troisièmement, HLF aurait, en tout état de cause, participé à la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, conformément aux critères posés par l'arrêt Cofaz e.a./Commission, précité (points 24 et 25). Conjointement avec l'ADL, elle aurait présenté, à deux reprises, des observations écrites à la Commission, déposé le rapport d'expertise établi par la société Price Waterhouse et maintenu des contacts étroits avec les services de la Commission (voir point 27 ci-dessus).

37. A cet égard, il ne saurait être reproché à HLF de ne pas avoir été à l'origine de la plainte ayant donné lieu à l'ouverture de la procédure (arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, points 24 et 26). En effet, en tant que bénéficiaire du mécanisme d'amortissement prévu par l'article 82f de l'EStDV, elle serait intervenue en faveur de la prorogation de cette disposition, et non contre celle-ci. Pareillement, il ne saurait être exigé qu'elle démontre que sa position sur le marché a été substantiellement affectée par la décision litigieuse (arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, point 25). Ce critère serait uniquement pertinent pour apprécier la recevabilité d'un recours formé par un concurrent de l'entreprise bénéficiaire de l'aide litigieuse (conclusions de l'avocat général M. VerLoren van Themaat sous l'arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, Rec. p. 392, 406).

38. Quatrièmement, la protection juridictionnelle de HLF dépendrait exclusivement de la recevabilité du présent recours. En effet, tant l'article 82f de l'EStDV que la décision litigieuse s'appliqueraient directement à elle. Aucune mesure d'application n'étant requise au niveau national, HLF ne saurait former un recours devant une juridiction allemande et, partant, obtenir une appréciation de la validité de la décision litigieuse par le biais d'une question préjudicielle posée à la Cour au titre de l'article 177 du traité (arrêts du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T-330-94, Rec. p. II-1475, point 39, et du 7 novembre 1996, Roquette Frères/Conseil, T-298-94, Rec. p. II-1531, point 45).

Appréciation du Tribunal

39. Il convient d'examiner, en premier lieu, la qualité pour agir de HLF et, en second lieu, celle de l'ADL.

Sur la qualité pour agir de HLF

40. En vertu de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, les personnes physiques ou morales peuvent attaquer les décisions dont elles sont les destinataires ou celles qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, les concernent directement et individuellement.

41. Dès lors, la recevabilité du recours introduit par HLF dépend de la question de savoir si la décision litigieuse, adressée à la République fédérale d'Allemagne, la concerne directement et individuellement.

42. Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient être individuellement concernés, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle du destinataire (arrêt Plaumann/Commission, précité, p. 223, ordonnance du Tribunal du 9 août 1995, Greenpeace e.a./Commission, T-585-93, Rec. p. II-2205, point 48, confirmée par arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C-321-95 P, Rec. p. I-1651, points 27 et 28, et arrêts du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481-93 et T-484- 93, Rec. p. II-2941, point 51, et Kahn Scheepvaart/Commission, précité, point 37).

43. En l'espèce, il y a lieu de constater que, en interdisant la prorogation de l'article 82f de l'EStDV du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999, la décision litigieuse affecte la position de toute personne physique ou morale qui acquiert un nouvel aéronef immatriculé en Allemagne, utilisé à des fins commerciales pour le transport international de biens ou de personnes ou pour d'autres activités de services effectuées à l'étranger. Parmi ces personnes, figurent, notamment, les compagnies aériennes, les opérateurs qui achètent des aéronefs aux fins de les proposer en leasing ainsi que ceux qui offrent des services individualisés de transport aérien.

44. En outre, lors de l'audience, les parties ont exposé que l'amortissement exceptionnel prévu par l'article 82f de l'EStDV bénéficiait à toute personne acquérant une participation dans un fonds d'investissement dont le patrimoine compte un ou plusieurs aéronef(s). Ces personnes sont donc également affectées par la décision litigieuse.

45. Dès lors qu'elle interdit la prorogation de dispositions fiscales ayant une portée générale, la décision litigieuse, bien qu'elle soit adressée à un État membre, se présente, à l'égard des bénéficiaires potentiels desdites dispositions, comme une mesure de portée générale qui s'applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l'égard d'une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

46. En conséquence, HLF ne saurait prétendre que l'avantage dont la décision litigieuse la priverait revêt un caractère individuel. En interdisant la prorogation de l'article 82f de l'EStDV, ladite décision ne l'atteint qu'en raison de sa qualité objective de bénéficiaire potentiel du mécanisme d'amortissement litigieux, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique (arrêts de la Cour du 14 juillet 1983, Spijker/Commission, 231-82, Rec. p. 2559, point 9, Piraiki-Patraiki/Commission, précité, point 14, et Van der Kooy e.a./Commission, précité, point 15).

47. Par ailleurs, la circonstance que HLF soit un tiers intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité ne saurait lui conférer la qualité pour agir contre la décision litigieuse.

48. En effet, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 93 du traité, il faut distinguer, d'une part, la phase préliminaire d'examen des aides, instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause et, d'autre part, la phase d'examen prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367-95 P, Rec. p. I-1719, point 38). Cette phase d'examen a pour objet de donner aux milieux concernés la garantie de pouvoir se faire entendre et de permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire (arrêts de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70-72, Rec. p. 813, point 19, du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84-82, Rec. p. 1451, point 13, et Commission/Sytraval et Brink's France, précité, point 38; arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BFM et EFIM/Commission, T-126-96 et T-127-96, non encore publié au Recueil, point 45). C'est la raison pour laquelle seul l'article 93, paragraphe 2, du traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts précités Allemagne/Commission, point 13, Cook/Commission, point 22, et Matra/Commission, point 16, et arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T-188-95, non encore publié au Recueil, point 52).

49. Or, une personne physique ou morale ne saurait être individuellement concernée en raison de sa qualité de tiers intéressé que par une décision de la Commission refusant d'ouvrir la phase d'examen prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts précités Cook/Commission, points 23 à 26, Matra/Commission, points 17 à 20, Commission/Sytraval et Brink's France, points 40 et 41 ainsi que points 47 et 48, et arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T-11-95, non encore publié au Recueil, points 88 et 89). En effet, dans ce cas, elle ne peut obtenir le respect de ses garanties procédurales que si elle a la possibilité de contester cette décision devant le juge communautaire (arrêts précités Cook/Commission, point 23, Matra/Commission, point 17, Commission/Sytraval et Brink's France, point 40, et BP Chemicals/Commission, point 89). En revanche, lorsque, comme en l'espèce, la Commission a adopté sa décision à l'issue de la phase d'examen, les tiers intéressés ont effectivement bénéficié de leurs garanties procédurales, de sorte qu'ils ne sauraient plus être considérés, en raison de cette seule qualité, comme individuellement concernés par ladite décision.

50. Quant à la participation de HLF à la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, cette seule circonstance ne suffit pas à l'individualiser de manière analogue à celle du destinataire de la décision litigieuse.

51. En effet, il ressort de la jurisprudence que, en matière d'aides d'État, la participation à la procédure susvisée ne constitue, le cas échéant, que l'un des éléments permettant d'établir qu'une personne physique ou morale est individuellement concernée par la décision dont elle demande l'annulation (voir, notamment, arrêt Cofaz e.a./Commission, précité, point 25, et ordonnance du Tribunal du 18 février 1998, Comité d'entreprise de la Société française de production e.a./Commission, T-189-97, Rec. p. II-335, point 44).

52. Enfin, même l'absence éventuelle de voie de recours en droit national allemand, comme alléguée par HLF, ne saurait conduire le Tribunal à dépasser les limites de sa compétence posées par l'article 173, quatrième alinéa, du traité (ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10-95 P, Rec. p. I-4149, point 26, et du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87-95 P, Rec. p. I-2003, point 38, et arrêt Kahn Scheepvaart/Commission, précité, point 50).

53. Il résulte de ces considérations que HLF n'a pas établi l'existence de qualités particulières ou d'une situation de fait, outre sa participation à la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, qui la caractérisent par rapport à tout autre bénéficiaire potentiel du mécanisme d'amortissement institué par l'article 82f de l'EStDV.

54. Dans ces conditions, le recours doit être déclaré irrecevable en ce qui concerne HLF, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si elle est directement concernée par la décision litigieuse.

Sur la qualité pour agir de l'ADL

55. Selon une jurisprudence constante, une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d'une catégorie de justiciables ne saurait être individuellement concernée, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie (voir, notamment, ordonnance Greenpeace e.a./Commission, précitée, point 59, confirmée par l'arrêt Greenpeace Council e.a./Commission, précité, et ordonnance de la Cour du 18 décembre 1997, Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, C-409-96 P, Rec. p. I- 7531, point 45).

56. Selon la même jurisprudence, sauf circonstances particulières telles que le rôle qu'elle aurait pu jouer dans le cadre d'une procédure ayant abouti à l'adoption de l'acte en cause, une telle association n'est pas recevable à introduire un recours en annulation lorsque ses membres ne sauraient le faire à titre individuel (ordonnance Sveriges Betodlares et Henrikson/Commission, précitée, point 45).

57. En l'espèce, il a déjà été constaté que HLF, membre de l'ADL, n'était pas individuellement concernée par la décision litigieuse. En outre, l'ADL n'a fourni aucun élément de nature à établir que ses autres membres sont en situation d'introduire un recours recevable. En conséquence, l'ADL ne saurait être considérée comme s'étant valablement substituée à l'un ou à plusieurs de ses membres (voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447-93, T-448-93 et T-449-93, Rec. p. II-1971, point 62).

58. Il y a donc lieu d'examiner si elle peut justifier de sa qualité pour agir en raison de circonstances particulières.

59. Se référant aux arrêts Van der Kooy e.a./Commission et CIRFS e.a./Commission, précités, elle soutient qu'elle a un intérêt propre à agir au motif que sa position d'interlocutrice de la Commission est affectée par la décision litigieuse. A l'appui de cette thèse, elle invoque cinq éléments, à savoir son caractère représentatif du secteur concerné, sa qualité d'intéressée, un mandat confié par ses membres pour défendre leurs intérêts dans le cadre de la procédure prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, sa participation active à cette procédure et sa qualité d'interlocutrice privilégiée du Gouvernement allemand.

60. Les quatre premiers éléments susvisés ont pour simple effet de démontrer que l'ADL est intervenue auprès de la Commission aux fins de défendre les intérêts collectifs de ses membres. Dès lors, ils ne sauraient établir l'existence, dans son chef, d'un intérêt propre à agir contre la décision litigieuse.

61. Quant à sa qualité d'interlocutrice du Gouvernement allemand, il ressort des documents soumis en annexe K 14, précitée, que l'ADL a été invitée par le ministère des Transports à participer à trois réunions aux fins d'échanger des informations et de définir, avec les autres participants, une ligne de conduite commune à l'égard de la Commission. Or, la participation à de telles réunions ne saurait conférer à l'ADL la qualité de négociatrice au sens des arrêts Van der Kooy e.a./Commission et CIRFS e.a./Commission, précités.

62. En effet, à la différence de l'association requérante dans l'affaire Van der Kooy e.a./Commission, l'ADL n'a pas négocié et signé, en l'espèce, un accord instituant ou prorogeant les dispositions fiscales contestées par la Commission et n'est pas tenue, pour mettre à exécution la décision litigieuse, d'entamer de nouvelles négociations et de conclure un nouvel accord concernant ces dispositions.

63. Pareillement, à la différence de l'association requérante dans l'affaire CIRFS e.a./Commission, l'ADL n'a joué aucun rôle dans la restructuration du secteur du transport aérien en négociant, avec la Commission, l'instauration, la prorogation et l'adaptation d'une discipline relative aux aides d'État dans ce secteur.

64. Dans ces conditions, le recours doit également être déclaré irrecevable en ce qui concerne l'ADL.

65. Admettre la recevabilité du recours de l'ADL dans les circonstances de l'espèce, ses membres n'étant pas individuellement concernés et l'ADL n'ayant aucun intérêt propre à agir, aurait pour conséquence de permettre aux personnes physiques et morales de contourner l'article 173, quatrième alinéa, du traité par le biais d'un recours collectif (voir arrêt AITEC e.a./Commission, précité, point 60).

66. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le recours est irrecevable dans son intégralité.

Sur les dépens

67. Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête:

1°) Le recours est rejeté comme irrecevable.

2°) Le parties requérantes sont condamnées solidairement aux dépens.