Cass. crim., 22 octobre 2003, n° 00-30.180
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
Mes Foussard, Ricard.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par la société X, contre l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Paris, en date du 24 janvier 2000, qui a autorisé l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles; - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Attendu que, par décision du 17 janvier 2000, rendue en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17-62-CEE du Conseil, du 6 février 1962, la Commission européenne a ordonné une vérification dans les locaux de la société X situés à <adresse>, en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibées par l'article 81 du traité CE, sur le marché français de la bière; que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal de grande instance de Paris a, en vertu de l'article 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 470-6 du Code de commerce, autorisé des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à user des pouvoirs de visite et saisie prévus par l'article 48 de ladite ordonnance, devenu l'article L. 450-4 du Code de commerce, en vue de prêter assistance aux agents mandatés par la Commission dans l'exécution de leur mission de vérification;
Attendu que, saisie d'une question préjudicielle posée par la Cour de cassation dans le cadre d'une procédure distincte de la présente procédure, la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que, si l'instance compétente, en vertu du droit national, pour autoriser des agents de l'Administration à user de mesures coercitives en vue d'apporter leur concours aux agents mandatés par la Commission, ne peut, à cette occasion, substituer sa propre appréciation du caractère nécessaire des vérifications ordonnées à celle de la Commission, dont les évaluations de fait et de droit ne sont soumises qu'au contrôle de légalité des juridictions communautaires, ni exiger la transmission des éléments et des indices figurant au dossier de la Commission et sur lesquels reposent les soupçons de cette dernière, il entre en revanche dans ses pouvoirs d'examiner si les mesures de contrainte envisagées ne sont pas arbitraires ou excessives par rapport à l'objet de la vérification et de veiller au respect des règles de son droit national dans le déroulement de ces mesures; qu'un tel contrôle suppose que la Commission fournisse des explications qui fassent ressortir de manière circonstanciée qu'elle dispose, dans son dossier, d'éléments et d'indices sérieux permettant de soupçonner des infractions aux règles de concurrence par l'entreprise concernée;
En cet état: - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre de procédures fiscales;
"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé M. Jean-Pierre Billon-Lanfrey, directeur départemental, faisant fonction de chef de service régional, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, habilité par l'arrêté du 22 janvier 1993, à procéder ou faire procéder à l'assistance aux agents mandatés par la Commission en lui laissant le soin de désigner parmi les enquêteurs habilités par l'arrêté du 22 janvier 1993 ceux placés sous son autorité et désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les locaux du groupe X situés dans le ressort de notre juridiction et nous tenir informés de leur déroulement des officiers de police judiciaire;
"alors que le juge qui autorise des agents enquêteurs à effectuer des perquisitions, doit identifier les locaux dans lesquels ceux-ci seront admis à pénétrer, en mentionnant l'adresse de chacun d'eux, en sorte que l'ordonnance attaquée, qui, pour s'assurer de sa compétence, indique d'abord dans ses motifs que "le local du groupe X est implanté <adresse>, puis autorise, dans son dispositif, les agents enquêteurs à procéder à des perquisitions dans "les locaux du groupe X situés dans le ressort de notre juridiction", sans indiquer limitativement, et en mentionnant leur adresse, les locaux appartenant aux sociétés de ce groupe dans lesquelles les perquisitions pourront avoir lieu, viole l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Attendu qu'il résulte du dispositif de l'ordonnance attaquée, tel qu'éclairé par ses motifs, que seule a été autorisée la visite des locaux de la société X situés <adresse>; d'où il suit que le moyen doit être écarté;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;
"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé M. Jean-Pierre Billon-Lanfrey, directeur départemental, faisant fonction de chef de service régional, chef de la direction nationale des enquêtes de concurrence, habilité par l'arrêté du 22 janvier 1993, à procéder ou faire procéder à l'assistance aux agents mandatés par la Commission en lui laissant le soin de désigner parmi les enquêteurs habilités par l'arrêté du 22 janvier 1993 ceux placés sous son autorité et désigné pour assister aux opérations de visite et de saisie dans les locaux du groupe X situés dans le ressort de notre juridiction et nous tenir informés de leur déroulement des officiers de police judiciaire;
"aux motifs que, "dans sa décision du 17 janvier 2000 susvisée, la Commission prévoit la visite des locaux du groupe X, par les agents mandatés par elle pour procéder à la vérification et par les agents de l'Etat membre qui les assistent, afin d'obtenir la présentation des documents professionnels demandés par eux, la remise de la copie des documents nécessaires, la fourniture de toutes explications utiles dans le but d'apporter la preuve de pratiques prohibées par l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne; que l'objet de la vérification a pour but d'apporter les preuves d'accord et/ou de pratiques concertées dans le secteur de la bière en France; que, dès lors, que la Commission met en œuvre, avec le concours des autorités nationales, des mesures de vérification non fondées sur la collaboration de l'entreprise concernée, elle est tenue de respecter les garanties procédurales prévues à cet effet par le droit national (CJCE du 21 septembre 1989, Hoechst); que les Etats membres sont tenus d'assurer l'efficacité de l'action de la Commission (CJCE du 21 septembre 1989, Hoechst); que le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, a demandé, le 19 janvier 2000, au directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, de prendre toutes les mesures nécessaires à la réalisation de l'enquête définie par la Commission dans la décision susvisée; qu'il a chargé la direction nationale des enquêtes, de réaliser l'assistance aux agents mandatés par la Commission pour rechercher la preuve de pratiques prohibées par l'article 81 du traité CE; que l'assistance doit être réalisée sous l'autorité de M. Jean-Pierre Billon-Lanfrey; qu'il a désigné ce dernier en sa qualité de chef de service régional pour nous présenter la requête susvisée; que la requête s'inscrit dans l'enquête ainsi demandée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et que l'auteur de la requête est titulaire de l'un des grades mentionnés à l'article 1er du décret du 2 août 1995; qu'il est, en conséquence, fonctionnaire de catégorie A et qu'il est habilité pour les enquêtes prévues à l'article 48 et 56 bis susvisés, en application de l'article 2 de l'arrêté du 22 janvier 1993; que, dans ces conditions, la présente requête est recevable; que sont joints à la requête, outre la demande d'enquête et la décision de la Commission, un courrier adressé à l'autorité nationale le 17 janvier 2000, l'arrêt du 21 septembre 1989 "Hoechst", l'arrêt du 7 novembre 1985 "Adams", que ces documents sont soit communiqués par la Commission des Communautés européennes, soit accessibles au public; qu'ainsi, l'origine de ces documents nous apparaît licite; que la décision de la Commission susvisée a été prise dans les conditions prévues à l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17 susvisé; qu'ainsi, l'authenticité de cette décision ne nous apparaît pas contestable; que la décision de la Commission susvisée est fondée sur des motifs de fait et de droit, relatifs à la présomption de pratiques prohibées par l'article 81 du traité CE mettant en cause le groupe X, qu'il ne nous appartient pas d'apprécier; qu'en effet, une telle appréciation relève de la compétence du Tribunal de première instance des Communautés européennes à Luxembourg; qu'en conséquence, la décision de la Commission susvisée doit être jointe à la présente ordonnance et en faire partie intégrante; que, dès lors, cette décision n'a pas à être décrite; que les éléments contenus dans la décision de la Commission susvisée sont de nature à constituer la motivation définie à l'article 48 de l'ordonnance susvisée; que, par ailleurs, cette décision est d'exécution immédiate; qu'il ressort des documents communiqués par l'administration que la Commission précise dans sa décision que le groupe X est la société mère de la société Y qui est une entreprise de brasserie française, qu'elle est active dans le secteur de la bière en France, tant pour le marché de la grande distribution que pour le marché Horeca (hôtellerie, restaurant, cafés); que, suite à des investigations menées par la Commission dans un autre Etat membre, la commission dispose d'informations selon lesquelles cette entreprise participe ou a participé avec deux autres brasseries françaises, à des accords et/ou à des pratiques concertées portant sur la fixation des prix, la répartition de marchés et l'échange d'informations et/ou la coordination de la politique de distribution des parties dans le secteur de la bière en France, tant pour le marché de la grande distribution que sur celui de l'hôtellerie, des restaurants et des cafés; qu'elle indique qu'en tant que société mère, le groupe X pourrait détenir des informations relatives à ces accords; que ces accords et/ou pratiques concertées, s'ils étaient établis, sont de nature à empêcher l'ensemble des clients finaux opérant tant sur le marché de la grande distribution qu'auprès du hors domicile de bénéficier des effets du libre jeu de la concurrence qu'ils sont en droit d'attendre dans le secteur de la bière; que, si l'existence de tels accords et/ou pratiques concertées était établie, ceux-ci pourraient constituer une infraction grave à l'article 81 du traité CE; que le courrier envoyé par la Commission par télécopie à la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes le 17 janvier 2000, mentionne l'impossibilité pour la Commission d'ajouter d'autres informations à celles reprises dans la décision du 17 janvier 2000; que les informations dont dispose la Commission qui permettent de présumer l'existence d'accords contraires à l'article 81 du traité instituant la Communauté européenne conclus par l'entreprise visée par la décision, sont confidentielles; que l'article 20, paragraphe 2, du règlement n° 17 ainsi que l'article 14 du traité, prévoient une obligation, notamment pour les membres et les agents des institutions de la communauté, de ne pas divulguer des informations qui, par leur nature même, sont couvertes par le secret professionnel; que cette obligation couvre tout élément qui puisse permettre aux entreprises visées, de connaître la source des informations détenues par la Commission lors d'un éventuel accès au dossier auprès de la juridiction française, par lesdites entreprises; que ce principe est repris à l'article 31 d'un arrêt du 7 novembre 1985 de la Cour "Adams c/ Commission", en ces termes: "pour ce qui est de l'existence d'une obligation de secret, il convient de rappeler que l'article 214 du traité, prévoit une obligation, notamment pour les membres et les agents des institutions de la communauté, de ne pas divulguer des informations qui, par leur nature même, sont couvertes par le secret professionnel, et notamment les renseignements relatifs aux entreprises et concernant leurs relations commerciales ou leurs éléments de prix de revient. Si cette disposition vise surtout les renseignements recueillis auprès des entreprises, l'expression "notamment" démontre qu'il s'agit d'un principe général qui s'applique aussi bien à des informations fournies par des personnes physiques, si ces informations sont par "leur nature" confidentielles; que, tel est le cas des informations fournies à titre purement volontaire, mais assorties d'une demande de confidentialité en vue de protéger l'anonymat de l'information; que l'institution qui accepte de recevoir ces informations, est tenue de respecter une telle condition"; que, par ailleurs, ce type d'infraction ayant été récemment sanctionné par la Commission, il y a lieu de supposer que des éléments de preuve pourraient être soustraits à l'examen de ses services; que les documents de nature à apporter la preuve de ces pratiques sont, par conséquent, de nature confidentielle; qu'ils sont ainsi ignorés des enquêteurs; que les autorités nationales, dès lors qu'elles assistent les agents mandatés par la Commission, sont tenues de garantir l'efficacité des opérations; que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, nous apparaît insuffisante pour garantir l'obligation à laquelle est tenue l'autorité nationale française dans les circonstances présentes; qu'en effet, les accords et/ou pratiques concertées sont présentés comme étant établis suivant des modalités secrètes; que, par ailleurs, les informations recueillies par la Commission, sont d'origine non précisée; qu'elles sont par nature confidentielles et devant être protégées, par là même, par la Commission (cf. CJCE, arrêt du 7 novembre 1985, Adams c/ Commission des communautés européennes; que ces pouvoirs nous apparaissent de nature à atteindre les objectifs recherchés tout en garantissant les droits de la défense, dès lors que ces pouvoirs sont utilisés sous notre contrôle; que, dès lors que le groupe X est présumé impliqué dans des pratiques prohibées par l'article 81 du traité instituant la Communauté économique européenne et que l'usage de l'article 48 de l'ordonnance susvisée n'est pas disproportionné par rapport aux mesures envisagées à condition que les documents originaux soient restitués à la personne visitée, dès lors que la Commission a demandé la communication de la seule copie des documents";
1°) "alors que, même en présence d'une décision de la Commission des Communautés ordonnant une vérification, laquelle ne confère jamais à ses agents un pouvoir coercitif, le juge judiciaire ne peut ordonner qu'il soit procédé à des visites domiciliaires, sans exercer la plénitude du contrôle que la Constitution et l'ordonnance du 1er décembre 1986 lui ont confié en propre; qu'il lui appartient de vérifier lui-même, au vu du dossier de pièces qu'est tenue de lui fournir l'administration requérante, qu'il existe des présomptions sérieuses de pratiques anticoncurrentielles de nature à justifier de telles mesures; qu'en déclarant que cette appréciation échappait à sa compétence en l'état d'une décision de la Commission ayant admis, en principe, le bien fondé d'une mesure de vérification, le président du tribunal a violé les articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 55 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble le règlement (CEE) n° 17-62 et les articles 173 et 177 du traité de Rome et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme;
2°) "alors qu'en statuant par voie de simple référence à la décision de la Commission, annexée à son ordonnance et en énonçant que les motifs de cette décision constituaient la motivation définie à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le président du tribunal a méconnu ses pouvoirs et violé derechef les textes susvisés;
3°) "alors encore, et en tout état de cause, que le juge français ne saurait autoriser des visites domiciliaires au titre d'une mission d'assistance réclamée par la Commission des Communautés sans vérifier au préalable que cette décision a été prise au vu de pièces ou documents soumis à l'appréciation de la Commission et dont celle-ci a fait état dans sa décision, et non sur la base "d'informations" dont la Commission a affirmé disposer, sans jamais en préciser l'origine; qu'en s'abstenant d'exercer ce contrôle minimum et en autorisant des perquisitions sur le fondement d'une décision de la Commission des communautés ne répondant pas aux exigences de motivation requises en droit français, le président du Tribunal de grande instance a violé encore les textes et principes susvisés";
4°) alors que, le juge ne pouvant autoriser des perquisitions qu'après avoir apprécié, de façon concrète, la portée des pièces et éléments d'information détenus et produits par l'administration requérante pour justifier cette mesure, aucune obligation de confidentialité ne saurait par principe, être opposée à ce magistrat pour soustraire ces éléments de son champ de contrôle; qu'en autorisant une mesure de perquisition sur la base d'une décision de la Commission des Communautés qui se bornait à faire état "d'informations" dont elle affirmait disposer, et en justifiant l'absence totale d'indication concernant la source et le contenu de ces informations par la prétendue confidentialité qui aurait couvert ces informations, le président du tribunal de grande instance a violé derechef les textes susvisés, ensemble l'article 214 du traité CEE et 20 § 2 du règlement n° 17-62;
5°) "alors, en outre, que l'obligation à laquelle sont tenus les agents des institutions de la communauté de ne pas divulguer les renseignements qu'ils reçoivent des entreprises concernant leurs relations commerciales ou leurs éléments de prix de revient ne saurait être opposée à l'entreprise que cette obligation de confidentialité vise à protéger; qu'en l'espèce, la mesure de perquisition visant exclusivement la société Y SA et sa société mère (X), à l'exclusion de toute entreprise concurrente, et les informations dont déclarait disposer la Commission concernant de prétendus accords de fixation de prix ou de répartition de marchés auxquels ces sociétés étaient suspectées d'avoir personnellement participé, la confidentialité de ces informations ne pouvait justifier que soit prise à l'encontre de la demanderesse, une ordonnance de perquisition qui ne lui en indiquait ni la source ni la teneur; qu'en statuant comme il l'a fait, le tribunal de grande instance a violé encore les textes susvisés;
6°) "alors qu'il en est d'autant plus ainsi que les articles 214 du traité et 20 du règlement n° 17-62, imposent exclusivement aux agents des institutions des Communautés, et non à ces institutions elles-mêmes, l'obligation de garder le secret sur les informations concernant les entreprises obtenues dans le cadre de leurs activités; que, de surcroît, ces textes ne visent que les informations couvertes par le secret professionnel, notion désignant une information par son contenu, et non celles qui seraient couvertes par une prétendue obligation de confidentialité, notion distincte désignant une information par son informateur; qu'en jugeant néanmoins que ces textes, et l'interprétation qu'en a donnée la Cour de justice des Communautés dans son arrêt Adams c/ Commission (n° 145-83 rec. 3531), justifiaient que des perquisitions et saisies puissent être effectuées dans les locaux de la société demanderesse sans que celle-ci pût connaître la teneur et la source des informations sur la base de laquelle ces mesures étaient ordonnées, le président du Tribunal de grande instance les a violés;
7°) "alors qu'à supposer que l'obligation de confidentialité derrière laquelle la Commission a cru devoir s'abriter ait été justifiée par le souci de ne pas divulguer l'identité de la personne qui les lui avait transmises, il appartenait, dans ce cas, au président du tribunal, de s'expliquer, de façon concrète, sur la nature et la probabilité des risques auxquels cette personne aurait pu se trouver exposée si son identité avait été révélée; qu'en s'abstenant de toute motivation à ce sujet, le président du tribunal de grande instance a privé sa décision de base légale au regard de l'ensemble des textes et principes précités;
8°) "alors surtout, que le président du tribunal ne pouvait justifier l'absence totale d'indication concernant les sources et le contenu des informations portées à la connaissance de la Commission par le souci de préserver l'anonymat de celui qui les lui avait livrées, sans s'assurer alors de la licéité apparente de l'origine de ces informations; qu'en s'y abstenant, le président du tribunal prive sa décision de base légale au regard des textes susvisés;
9°) "alors enfin, que la décision de vérification de la Commission ne relève aucun élément permettant de suspecter le groupe X d'avoir personnellement participé aux accords ou pratiques imputés à la société Y, la décision se bornant à indiquer que, selon les informations à sa disposition, le groupe X pourrait, en tant que société mère, détenir certaines informations relatives à ces accords; qu'en ordonnant ainsi des perquisitions et saisies dans les locaux d'une entreprise à l'encontre de laquelle aucune présomption de participation personnelle à des accords ou pratiques illicites n'avait été retenue, tout en s'abstenant d'expliquer les raisons pour lesquelles elle pourrait détenir des documents intéressant les enquêteurs, le président du tribunal de grande instance a violé une fois de plus les textes susvisés;
10°) "et alors enfin, qu'une mesure de perquisition doit nécessairement être limitée quant aux marchés sur lesquels portent les recherches, de sorte qu'en autorisant des perquisitions dans les locaux de la société demanderesse sur la base d'une décision de la Communauté n'ayant circonscrit ni dans leur objet ni dans le temps les faits sur lesquels devaient porter les vérifications, le président du tribunal de grande instance a violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986";
Attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier les motifs de fait et de droit fondant la décision de la Commission, le président du tribunal relève que les pièces produites par l'administration ont une origine apparemment licite et que l'authenticité de la décision de la Commission n'est pas contestable; que le juge ajoute qu'il ressort de cette décision que le groupe X est la société mère de la société Y SA et qu'à la suite d'investigations dans un autre Etat membre, la Commission dispose d'informations selon lesquelles cette dernière société et deux autres entreprises de brasseries françaises participent ou ont participé à des accords et/ou à des pratiques concertées portant sur la fixation des prix, la répartition des marchés et l'échange d'informations et/ou la coordination de la politique de distribution de ces entreprises dans le secteur de la bière en France, tant pour le marché de la grande distribution que pour le marché de l'hôtellerie, des restaurants et des cafés; qu'il relève enfin qu'en raison de la nature de ces agissements, dont la preuve est recherchée et qui laissent présumer que la société X est impliquée dans des pratiques prohibées par l'article 81 du traité CE, et du caractère confidentiel des documents s'y rapportant, nécessairement ignorés des enquêteurs, seuls les pouvoirs conférés par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, non disproportionnés par rapport aux mesures envisagées, sont de nature à garantir l'accomplissement de la mission des agents mandatés par la Commission;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, le président du tribunal, qui a procédé au contrôle qui lui incombait en vertu des articles 14, paragraphe 6, du règlement 17-62-CEE précité et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qui n'avait pas à mieux s'expliquer sur le caractère confidentiel des documents figurant au dossier de la Commission, a justifié sa décision;qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli;
Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme;
Rejette le pourvoi.