Cass. crim., 22 octobre 2003, n° 98-30.389
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Soulard
Avocat général :
M. Finielz
Avocats :
Mes Foussard, Ricard, SCP Célice, Blancpain, Soltner.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par la société Y, contre l'ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Lille, en date du 14 septembre 1998, qui a autorisé l'administration de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à effectuer des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles; - Vu les mémoires produits en demande et en défense; - Attendu que, par décision du 10 septembre 1998, rendue en application de l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17-62-CEE du Conseil, du 6 février 1962, la Commission européenne a ordonné une vérification dans les locaux de la société Y SA, en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibées par l'article 81 du traité CE, sur le marché du gluconate de sodium et du glucono-delta-lactone; que, par l'ordonnance attaquée, le président du Tribunal de grande instance de Lille a, en vertu de l'article 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 470-6 du Code de commerce, autorisé des agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à user des pouvoirs de visite et saisie prévus par l'article 48 de ladite ordonnance, devenu l'article L. 450-4 du Code de commerce, en vue de prêter assistance aux agents mandatés par la Commission dans l'exécution de leur mission de vérification; qu'un pourvoi ayant été formé contre cette ordonnance, la Cour de cassation a posé une question préjudicielle à la Cour de justice des Communautés européennes; attendu que, par arrêt du 22 octobre 2002, cette dernière a dit pour droit que, si l'instance compétente, en vertu du droit national, pour autoriser des agents de l'Administration à user de mesures coercitives en vue d'apporter leur concours aux agents mandatés par la Commission, ne peut, à cette occasion, substituer sa propre appréciation du caractère nécessaire des vérifications ordonnées à celle de la Commission, dont les évaluations de fait et de droit ne sont soumises qu'au contrôle de légalité des juridictions communautaires, ni exiger la transmission des éléments et des indices figurant au dossier de la Commission et sur lesquels reposent les soupçons de cette dernière, il entre en revanche dans ses pouvoirs d'examiner si les mesures de contrainte envisagées ne sont pas arbitraires ou excessives par rapport à l'objet de la vérification et de veiller au respect des règles de son droit national dans le déroulement de ces mesures; qu'un tel contrôle suppose que la Commission fournisse des explications qui fassent ressortir de manière circonstanciée qu'elle dispose, dans son dossier, d'éléments et d'indices sérieux permettant de soupçonner des infractions aux règles de concurrence par l'entreprise concernée;
En cet état: - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;
"en ce que la décision attaquée a constaté que la décision de la Commission ordonne à l'entreprise Y SA de se soumettre à une vérification qui porte sur sa participation éventuelle à des accords et/ou pratiques concertées dans les domaines du gluconate de sodium et du glucono-delta-lactone, susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 du traité instituant la communauté économique européenne et qui sera réalisée par des agents qu'elle aura mandatés expressément à cet effet pour agir dans les conditions définies notamment à l'article 1er de la décision précitée; autorisé M. Daniel Chenard, directeur régional à Lille, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais, Picardie à désigner parmi les enquêteurs habilités par les arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993 modifiés, ceux placés sous son autorité pour assister les agents mandatés par la Commission dans les locaux de l'entreprise Y SA situés <adresse>59000 Lille et <adresse>62136 Lestrem, et dit que ceux-ci pourront, dans cette mission d'assistance, exercer les pouvoirs qu'ils tiennent des articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986";
"aux motifs que "dans sa décision du 10 septembre 1998 susvisée, la Commission prévoit la visite des locaux de l'entreprise Y SA, par les agents mandatés pour procéder à la vérification et par les agents de l'Etat membre qui les assistent, afin d'obtenir la présentation des documents professionnels demandés par eux, la remise de la copie des documents nécessaires, la fourniture de toutes explications utiles dans le but d'apporter la preuve de pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne; que, dès lors, la Commission met en œuvre, avec le concours des autorités nationales, des mesures de vérification non fondées sur la collaboration de l'entreprise concernée, elle est tenue de respecter les garanties procédurales prévues à cet effet par le droit national (CJCE du 21 septembre 1989, "Hoechst"); que les Etats membres sont tenus d'assurer l'efficacité de l'action de la Commission (CJCE du 21 septembre 1989, "Hoechst"), que le ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie a demandé le 11 septembre 1998 au directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, de prendre toutes les mesures nécessaires à la réalisation de l'enquête définie par la Commission dans sa décision susvisée; qu'il a chargé la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie de réaliser l'assistance aux agents mandatés par la Commission pour rechercher la preuve de pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne; que l'assistance doit être réalisée sous l'autorité de M. Daniel Chenard, directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie; qu'il a désigné celui-ci en sa qualité de chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie pour nous présenter la requête susvisée; que la demande du ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie est, en conséquence, l'une des demandes d'enquêtes prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée; que la requête s'inscrit dans l'enquête ainsi demandée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et que l'auteur de la requête est titulaire de l'un des grades mentionnés à l'article 3 du décret du 31 janvier 1979 modifié, et prévus à l'article premier du décret du 2 août 1995; qu'il est, en conséquence, fonctionnaire de catégorie A et qu'il est habilité pour les enquêtes prévues aux articles 48 et 56 bis susvisés, en application de l'article 2 de l'arrêté du 22 janvier 1993; que, dans ces conditions, M. Daniel Chenard, directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie est recevable dans sa demande; que sont joints à la requête, outre la demande d'enquête susvisée, la décision de la Commission, la copie du procès-verbal d'audition d'un représentant de l'autorité nationale sur la réalisation de la vérification sus-énoncée, l'arrêt du 21 septembre 1989 "Hoechst", l'extrait du registre du commerce et des sociétés (Kbis), le rapport de M. T. Boeuf, contrôleur de la DGCCRF du Nord, pour le directeur régional de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à Lille; que ces documents sont, soit communiqués par la Commission des Communautés européennes, soit accessibles au public; qu'ainsi, l'origine de ces documents nous apparaît licite; que la décision de la Commission susvisée a été prise dans les conditions prévues à l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17-62 susvisé; qu'ainsi, l'authenticité de cette décision ne nous apparaît pas contestable; que la décision de la Commission susvisée est fondée sur des motifs de fait et de droit, relatifs à la présomption de pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la communauté économique européenne mettant en cause l'entreprise Y SA, qu'il ne nous appartient pas d'apprécier; qu'en effet, une telle appréciation relève de la compétence du Tribunal de première instance des Communautés européennes à Luxembourg; qu'en conséquence, la décision de la Commission susvisée doit être jointe à la présente ordonnance et en faire partie intégrante; que les éléments contenus dans la décision de la Commission susvisée sont de nature à constituer la motivation définie à l'article 48 de l'ordonnance susvisée; que, par ailleurs, cette décision est d'exécution immédiate; qu'il ressort des documents communiqués par l'Administration que des responsables de l'entreprise Y SA, se seraient entendus avec des concurrents pour se répartir des parts du marché du gluconate de sodium, pour déterminer des prix minimaux applicables aux utilisateurs, pour fixer les niveaux de vente; que l'application de ces accords ferait l'objet d'une évaluation régulière, qu'en cas de non-respect de ces accords, par une entreprise sur une période, celle-ci devrait procéder à une correction; qu'en marge de ces pratiques, les entreprises auraient échangé des informations relatives au marché du glucono-delta-lactone, sur les prix, sur la situation de la demande, sur les capacités de production et les volumes de vente; que cela aurait eu, pour conséquence, une coordination du comportement des concurrents sur ce marché notamment au regard des prix; que ces pratiques sont la conséquence de réunions qui se tiennent périodiquement à l'occasion desquelles s'échangent des informations tenues secrètes; que les documents de nature à apporter la preuve de ces pratiques sont, par conséquent, de nature confidentielle, qu'ils sont ainsi ignorés des enquêteurs; que les autorités nationales, dès lors qu'elles assistent les agents mandatés par la Commission, sont tenues de garantir l'efficacité des opérations; que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 nous apparaît insuffisante pour garantir l'obligation à laquelle est tenue l'autorité nationale française dans les circonstances présentes; que le caractère manifestement confidentiel des documents recherchés, les pressions auxquelles peuvent être soumis certains tiers, sont de nature à justifier l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que ces pouvoirs nous apparaissent de nature à atteindre les objectifs recherchés tout en garantissant les droits de la défense, dès lors que ces pouvoirs sont utilisés sous notre contrôle; que, dans ces conditions, que, dès lors, l'entreprise Y SA est présumée impliquée dans des pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la communauté économique européenne et que l'usage de l'article 48 de l'ordonnance susvisée n'est pas disproportionné par rapport aux mesures envisagées à condition que les documents originaux soient restitués à l'entreprise dont les locaux auront été visités, la Commission ayant demandé la communication de la seule copie des documents; qu'il convient, en conséquence, d'autoriser l'assistance aux agents mandatés par la Commission dans les locaux, terrains et moyens de transport de l'entreprise Y SA mentionnée; que, dès lors, ces locaux sont situés à des lieux différents; qu'il est, en conséquence, nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément dans les locaux afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels; que la décision annexée à notre ordonnance dispose que les enquêteurs mandatés par la Commission ne peuvent intervenir que pendant les heures normales des bureaux; qu'ainsi, la durée d'intervention pendant une journée nous apparaît insuffisante pour permettre l'accomplissement de la mission définie par la Commission et que la visite nous apparaît devoir se dérouler sur deux jours; que l'extrait du registre du commerce et des sociétés (Kbis) obtenu par consultation du minitel le 11 septembre 1998 mentionne que l'entreprise Y SA a son établissement à Lestrem (62136) sans autre précision et qu'il convient donc de se reporter à l'adresse ainsi indiquée; que le rapport établi le 11 septembre 1998 par M. Thierry Boeuf, contrôleur de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes habilité par les arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993, agissant sous l'autorité du chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie, mentionne qu'à l'adresse à Lille, est précisé à côté de la plaque de l'entreprise Y SA que l'entrée des bureaux se trouve au; qu'ainsi la présente requête est fondée";
1°) "alors que, selon l'article 4 du décret n° 72-151 du 18 février 1972, pris pour l'application des articles 13 et 14 du règlement CEE n° 17-62, les agents de la Direction de la Concurrence ne peuvent assister les agents mandatés par la Commission pour procéder à une vérification qu'en cas de réquisition écrite de ces derniers indiquant les circonstances qui motivent cette réquisition; qu'en outre, cette assistance implique que l'entreprise visée dans la décision de vérification se soit préalablement opposée à celle-ci; qu'en autorisant les agents de la Direction de la Concurrence à assister les agents mandatés par la Commission dans l'exécution de leur mission de vérification à l'intérieur des locaux de la société Y SA, sans constater que cette double condition se trouvait remplie, le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés;
2°) "alors qu'il résulte de l'article 14-6 du règlement n° 17-62, tel qu'interprété par la Cour de justice dans son arrêt "Hoechst" du 21 septembre 1989, que les agents de la Commission ne peuvent requérir des autorités de l'Etat membre l'autorisation de procéder à des perquisitions qu'aux fins de surmonter ou de prévenir un refus de collaboration manifesté par l'entreprise; qu'il appartient au juge judiciaire de s'assurer que l'autorisation de perquisition qui est sollicitée répond à cette nécessité; qu'en énonçant que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 "paraissait insuffisante" eu égard au caractère "manifestement confidentiel" des documents recherchés et à de possibles "pressions sur certains tiers", sans faire ressortir, autrement que par ces considérations à caractère général et hypothétique, les circonstances qui permettaient de tenir pour probable, en l'espèce, un refus de collaboration de la société Y SA, le président du tribunal a violé le texte communautaire susvisé; qu'il en est d'autant plus ainsi, que la Commission avait adressé le 18 février 1998 à la société Y SA, une demande de renseignement (article 11 du règlement n° 17) à laquelle celle-ci avait répondu de façon précise et circonstanciée le 17 avril, manifestant, par là même, son intention de ne faire aucune obstruction aux investigations de la Commission;
3°) "alors que, même en présence d'une décision de la Commission des Communautés ordonnant une vérification, laquelle ne confère jamais à ses agents un pouvoir coercitif, le juge judiciaire ne peut ordonner qu'il soit procédé à des visites domiciliaires, sans exercer la plénitude du contrôle que la Constitution et l'ordonnance du 1er décembre 1986 lui ont confié en propre; qu'il lui appartient de vérifier lui-même, au vu du dossier de pièces qu'est tenue de lui fournir l'administration requérante, qu'il existe des présomptions sérieuses de pratiques anticoncurrentielles de nature à justifier de telles mesures; qu'en déclarant que cette appréciation échappait à sa compétence en l'état d'une décision de la Commission ayant admis, en principe, le bien-fondé d'une mesure de vérification, le président du tribunal a violé les articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 55 et 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble le règlement CEE n° 17-62 et les articles 173 et 177 du traité de Rome;
4°) "alors qu'en statuant par voie de simple référence à la décision de la Commission, annexée à son ordonnance et en énonçant que les motifs de cette décision constituaient la motivation définie à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le président du tribunal a méconnu ses pouvoirs et violé derechef les textes susvisés;
5°) "alors, enfin, et en tout état de cause, que le juge français ne saurait autoriser des visites domiciliaires au titre d'une mission d'assistance réclamée par la Commission des Communautés sans vérifier au préalable que cette décision a été prise au vu de pièces ou documents soumis à l'appréciation de la Commission et dont celle-ci a fait état dans sa décision, et non sur la base "d'informations", dont la Commission a affirmé disposer, sans jamais en préciser l'origine; qu'en s'abstenant d'exercer ce contrôle minimum et en autorisant des perquisitions sur le fondement d'une décision de la Commission des Communautés ne répondant pas aux exigences de motivation requises en droit français, le président du tribunal de grande instance a violé encore les textes et principes susvisés;
6°) "et alors, enfin, qu'une mesure de perquisition doit nécessairement être limitée quant aux marchés sur lesquels portent les recherches, en sorte qu'en autorisant des perquisitions dans les locaux de la société Y SA sur la base d'une décision de la Communauté n'ayant circonscrit ni dans leur objet ni dans le temps les faits sur lesquels devaient porter les vérifications, le président du tribunal de grande instance a violé encore les textes susvisés";
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;
"en ce que la décision attaquée a constaté que la décision de la Commission ordonne à l'entreprise Y SA de se soumettre à une vérification qui porte sur sa participation éventuelle à des accords et/ou pratiques concertées dans les domaines du gluconate de sodium et du glucono-delta-lactone, susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne et qui sera réalisée par des agents qu'elle aura mandatés expressément à cet effet pour agir dans les conditions définies notamment à l'article 1er de la décision précitée; autorisé M. Daniel Chenard, directeur régional à Lille, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais, Picardie à désigner parmi les enquêteurs habilités par les arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993 modifiés, ceux placés sous son autorité pour assister les agents mandatés par la Commission dans les locaux de l'entreprise Y SA situés <adresse>59000 Lille et <adresse>62136 Lestrem, et dit que ceux-ci pourront, dans cette mission d'assistance, exercer les pouvoirs qu'ils tiennent des articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986";
"aux motifs que "dans sa décision du 10 septembre 1998 susvisée, la Commission prévoit la visite des locaux de l'entreprise Y SA, par les agents mandatés pour procéder à la vérification et par les agents de l'Etat membre qui les assistent, afin d'obtenir la présentation des documents professionnels demandés par eux, la remise de la copie des documents nécessaires, la fourniture de toutes explications utiles dans le but d'apporter la preuve de pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne; que, dès lors, la Commission met en œuvre, avec le concours des autorités nationales, des mesures de vérification non fondées sur la collaboration de l'entreprise concernée, elle est tenue de respecter les garanties procédurales prévues à cet effet par le droit national (CJCE du 21 septembre 1989, "Hoechst"); que les Etats membres sont tenus d'assurer l'efficacité de l'action de la Commission (CJCE du 21 septembre 1989, "Hoechst"), que le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie a demandé le 11 septembre 1998 au directeur Général de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, de prendre toutes les mesures nécessaires à la réalisation de l'enquête définie par la Commission dans sa décision susvisée; qu'il a chargé la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie de réaliser l'assistance aux agents mandatés par la Commission pour rechercher la preuve de pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne que l'assistance doit être réalisée sous l'autorité de M. Daniel Chenard, directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie; qu'il a désigné celui-ci en sa qualité de chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie pour nous présenter la requête susvisée, que la demande du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie est, en conséquence, l'une des demandes d'enquêtes prévues par l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée; que la requête s'inscrit dans l'enquête ainsi demandée par le ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et que l'auteur de la requête est titulaire de l'un des grades mentionnés à l'article 3 du décret du 31 janvier 1979 modifié, et prévus à l'article premier du décret du 2 août 1995; qu'il est, en conséquence, fonctionnaire de catégorie A et qu'il est habilité pour les enquêtes prévues aux articles 48 et 56 bis susvisés, en application de l'article 2 de l'arrêté du 22 janvier 1993; que, dans ces conditions, M. Daniel Chenard, directeur régional, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie est recevable dans sa demande; que sont joints à la requête, outre la demande d'enquête susvisée, la décision de la Commission, la copie du procès-verbal d'audition d'un représentant de l'autorité nationale sur la réalisation de la vérification sus-énoncée, l'arrêt du 21 septembre 1989 "Hoechst", l'extrait du registre du commerce et des sociétés (Kbis), le rapport de M. T. Boeuf, contrôleur de la DGCCRF du Nord, pour le directeur régional de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à Lille; que ces documents sont, soit communiqués par la Commission des communautés européennes, soit accessibles au public; qu'ainsi, l'origine de ces documents nous apparaît licite; que la décision de la Commission susvisée a été prise dans les conditions prévues à l'article 14, paragraphe 3, du règlement 17-62 susvisé; qu'ainsi, l'authenticité de cette décision ne nous apparaît pas contestable; que la décision de la Commission susvisée est fondée sur des motifs de fait et de droit, relatifs à la présomption de pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne mettant en cause l'entreprise Y SA, qu'il ne nous appartient pas d'apprécier, qu'en effet, une telle appréciation relève de la compétence du Tribunal de première instance des communautés européennes à Luxembourg; qu'en conséquence, la décision de la Commission susvisée doit être jointe à la présente ordonnance et en faire partie intégrante; que les éléments contenus dans la décision de la Commission susvisée sont de nature à constituer la motivation définie à l'article 48 de l'ordonnance susvisée; que, par ailleurs, cette décision est d'exécution immédiate; qu'il ressort des documents communiqués par l'Administration que des responsables de l'entreprise Y SA, se seraient entendus avec des concurrents pour se répartir des parts du marché du gluconate de sodium, pour déterminer des prix minimaux applicables aux utilisateurs, pour fixer les niveaux de vente; que l'application de ces accords ferait l'objet d'une évaluation régulière; qu'en cas de non-respect de ces accords, par une entreprise sur une période, celle-ci devrait procéder à une correction; qu'en marge de ces pratiques, les entreprises auraient échangé des informations relatives au marché du glucono-delta-lactone, sur les prix, sur la situation de la demande, sur les capacités de production et les volumes de vente; que cela aurait eu, pour conséquence, une coordination du comportement des concurrents sur ce marché notamment au regard des prix; que ces pratiques sont la conséquence de réunions qui se tiennent périodiquement à l'occasion desquelles s'échangent des informations tenues secrètes; que les documents de nature à apporter la preuve de ces pratiques sont, par conséquent, de nature confidentielle, qu'ils sont ainsi ignorés des enquêteurs; que les autorités nationales, dès lors qu'elles assistent les agents mandatés par la Commission sont tenues de garantir l'efficacité des opérations; que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 nous apparaît insuffisante pour garantir l'obligation à laquelle est tenue l'autorité nationale française dans les circonstances présentes; que le caractère manifestement confidentiel des documents recherchés, les pressions auxquelles peuvent être soumis certains tiers, sont de nature à justifier l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que ces pouvoirs nous apparaissent de nature à atteindre les objectifs recherchés tout en garantissant les droits de la défense, dès lors que ces pouvoirs sont utilisés sous notre contrôle; que, dans ces conditions, que, dès lors, l'entreprise Y SA est présumée impliquée dans des pratiques prohibées par l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne et que l'usage de l'article 48 de l'ordonnance susvisée n'est pas disproportionné par rapport aux mesures envisagées à condition que les documents originaux soient restitués à l'entreprise dont les locaux auront été visités, la Commission ayant demandé la communication de la seule copie des documents; qu'il convient, en conséquence, d'autoriser l'assistance aux agents mandatés par la Commission dans les locaux, terrains et moyens de transport de l'entreprise Y SA mentionnée; que, dès lors, ces locaux sont situés à des lieux différents; qu'il est, en conséquence, nécessaire de permettre aux enquêteurs d'intervenir simultanément dans les locaux afin d'éviter la disparition ou la dissimulation d'éléments matériels; que la décision annexée à notre ordonnance dispose que les enquêteurs mandatés par la Commission ne peuvent intervenir que pendant les heures normales des bureaux; qu'ainsi, la durée d'intervention pendant une journée nous apparaît insuffisante pour permettre l'accomplissement de la mission définie par la Commission et que la visite nous apparaît devoir se dérouler sur deux jours; que l'extrait du registre du commerce et des sociétés (Kbis) obtenu par consultation du minitel le 11 septembre 1998 mentionne que l'entreprise Y SA a son établissement à Lestrem (62136) sans autre précision et qu'il convient donc de se reporter à l'adresse ainsi indiquée; que le rapport établi le 11 septembre 1998 par M. Thierry Boeuf, contrôleur de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes habilité par les arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993, agissant sous l'autorité du chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais-Picardie, mentionne qu'à l'adresse <adresse>à Lille, est précisé à côté de la plaque de l'entreprise Y SA que l'entrée des bureaux se trouve au <adresse>; qu'ainsi la présente requête est fondée";
1°) "alors qu'il résulte de l'article 9-3 du règlement n° 17-62, que les autorités des Etats membres perdent toute compétence pour appliquer les dispositions des articles 85 et 86 du traité de Rome lorsque la Commission a déjà engagé une procédure, en application des articles 2, 3 ou 6 de ce règlement, en sorte que viole les dispositions de ces textes et les articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986, l'ordonnance attaquée, qui pour justifier une autorisation de pratiquer des perquisitions et saisies, considère que la demande "d'enquête" du 11 septembre 1998, pourrait constituer tout aussi bien une demande d'enquête propre décidée par le ministre de l'Economie et des Finances, parallèlement à celle menée, pour les mêmes faits, par la Commission;
2°) "alors qu'en tout état de cause, le président du tribunal aurait dû vérifier, au vu des éléments qu'était tenue de lui fournir l'Administration, que la demande reposait sur des présomptions graves de pratiques anticoncurrentielles justifiant des mesures de perquisitions et de saisies (violation de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986);
3°) "alors, enfin, que le président du tribunal de grande instance ne pouvait, dans le cadre d'une enquête diligentée à l'initiative du ministre de l'Economie et des finances, autoriser des agents de la Commission des Communautés, non habilités au sens de l'arrêté du 22 janvier 1993, à procéder à des perquisitions et saisies dans les locaux de la société exposante (violation des articles 45 et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986)";
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;
"en ce que la décision attaquée a constaté que la décision de la Commission ordonne à l'entreprise Y SA de se soumettre à une vérification qui porte sur sa participation éventuelle à des accords et/ou pratiques concertées dans les domaines du gluconate de sodium et du glucono-delta-lactone, susceptibles de constituer une infraction à l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne et qui sera réalisée par des agents qu'elle aura mandatés expressément à cet effet pour agir dans les conditions définies notamment à l'article 1er de la décision précitée; autorisé M. Daniel Chenard, directeur régional à Lille, chef de la brigade interrégionale d'enquêtes Nord-Pas-de-Calais, Picardie à désigner parmi les enquêteurs habilités par les arrêtés des 22 janvier et 11 mars 1993 modifiés, ceux placés sous son autorité pour assister les agents mandatés par la Commission dans les locaux de l'entreprise Y SA situés <adresse>59000 Lille et 62136 Lestrem, et dit que ceux-ci pourront, dans cette mission d'assistance, exercer les pouvoirs qu'ils tiennent des articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986";
"aux motifs que "l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, nous apparaît insuffisante pour garantir l'obligation à laquelle est tenue l'autorité nationale française dans les circonstances présentes; que le caractère manifestement confidentiel des documents recherchés, les pressions auxquelles peuvent être soumis certains tiers, sont de nature à justifier l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; que ces pouvoirs nous apparaissent de nature à atteindre les objectifs recherchés tout en garantissant les droits de la défense, dès lors que ces pouvoirs sont utilisés sous notre contrôle; que, dans ces conditions, dès lors que la société anonyme Y est présumée impliquée dans des pratiques prohibées par les articles 85-1 et 86 du traité instituant la Communauté économique européenne et que l'usage de l'article 48 de l'ordonnance susvisée n'est pas disproportionné par rapport aux mesures envisagées à condition que les documents originaux soient restitués à la personne visitée, la Commission ayant demandé la communication de la seule copie des documents, la présente requête est fondée";
1°) "alors que, lorsqu'ils se bornent à procurer une assistance aux agents de la Commission mandatés pour effectuer une vérification, les agents de la Direction de la Concurrence, ne peuvent avoir plus de pouvoir que n'en n'ont ceux qu'ils assistent, lesquels ne peuvent jamais procéder à des saisies de documents, en sorte qu'en autorisant les enquêteurs désignés par M. Chenard à "exercer les pouvoirs qu'ils tiennent des articles 48 et 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986" et notamment procéder à des "opérations de visites et de saisies", le président du tribunal de grande instance a violé les textes susvisés et les articles 14-1 et suivants du règlement n° 17-62;
2°) "alors qu'en énonçant dans les motifs de son ordonnance que la Commission n'ayant demandé communication que de la seule copie des documents qui devaient être restitués, il n'y avait pas lieu de conférer aux enquêteurs le pouvoir d'effectuer des saisies, tout en autorisant les enquêteurs, dans le dispositif de sa décision à pratiquer de telles saisies, le président du tribunal a entaché sa décision d'un défaut de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
3°) "alors, enfin, que, pour les mêmes raisons, la décision attaquée a ordonné une mesure de saisie dépourvue de tout support légal et violé l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986";
Les moyens étant réunis; - Attendu qu'après avoir exactement énoncé qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier les motifs de fait et de droit fondant la décision de la Commission, le président du tribunal relève que les pièces produites par l'Administration ont une origine apparemment licite et que l'authenticité de la décision de la Commission n'est pas contestable; que le juge ajoute qu'il ressort des documents communiqués par l'Administration que des responsables de l'entreprise Y se seraient entendus avec des concurrents pour se répartir des parts du marché du gluconate de sodium, pour déterminer des prix minimaux applicables aux utilisateurs et pour fixer les niveaux de vente; que l'application de ces accords ferait l'objet d'une évaluation régulière et qu'en cas de non-respect des accords par une entreprise, celle-ci devrait procéder à une correction; qu'en marge de ces pratiques, les entreprises auraient échangé des informations relatives au marché du glucono-delta-lactone sur les prix, sur la situation de la demande, sur les capacités de production et le volume des ventes, ce qui aurait eu pour conséquence une coordination du comportement des concurrents sur ce marché, notamment au regard des prix; que ces pratiques sont la conséquence de réunions qui se tiennent périodiquement, à l'occasion desquelles s'échangent des informations tenues secrètes; que le juge relève encore que l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 47 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, devenu l'article L. 450-3 du Code de commerce, apparaît insuffisante pour garantir l'obligation à laquelle est tenue l'autorité nationale dans les circonstances présentes et que le caractère manifestement confidentiel des documents recherchés et les pressions auxquelles peuvent être soumis certains tiers sont de nature à justifier l'utilisation des pouvoirs définis à l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986; qu'une telle mesure n'est pas disproportionnée, dès lors, notamment, que les documents originaux seront restitués à l'entreprise dont les locaux auront été visités, la Commission n'en ayant demandé qu'une copie;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations et dès lors, d'une part, qu'il résulte de l'article 56 bis de l'ordonnance du 1er décembre 1986 que les pouvoirs prévus à l'article 48 de cette ordonnance peuvent être mis en œuvre dans le cadre d'une enquête effectuée par la Commission européenne et que, d'autre part, le droit, pour les agents de la Commission, de prendre copie des livres ou documents professionnels suppose, en cas de refus des dirigeants de l'entreprise, que ces livres ou documents soient préalablement saisis par les fonctionnaires nationaux présents pour assister les agents de la Commission, le président du tribunal, qui a procédé au contrôle qui lui incombait en vertu des articles 14, paragraphe 6, du règlement 17-62-CEE précité et 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, a justifié sa décision;qu'il s'ensuit que les moyens ne peuvent être accueillis;
Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme;
Rejette le pourvoi.