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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 8 novembre 1993, n° 92-08539

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

MM. Mc Kee, Guilbaud

Avocats :

Mes Laraize, Frémaux

TGI Paris, du 6 oct. 1992

6 octobre 1992

Rappel de la procédure:

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a:

- relaxé Georges T des fins de la poursuite sans peine ni dépens;

- déclaré T Alain, directeur général de la SA X et gérant de l'EURL Y, coupable:

- d'avoir à Paris, les 10 et 19 novembre 1990 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix, les procédés et les conditions de vente de divers meubles en faisant paraître dans les revues Télé Z et TV Magazine des encarts publicitaires mentionnant "Strictement réservé au lecteur de ce journal l'événement le grand magasin de meubles vous offre le grattage du siècle grattez vite vous gagnez un escompte de la caisse des [magasins Z] 18 500 F Télé Z" ou "17 560 F TV Magazine Sur présentation de cette attestation de remise exceptionnelle" alors que tous les clients qui se présentaient au magasin bénéficiaient de rabais la remise de 18 500 F ou de 17 560 F était déduite du prix affiché au magasin dont le montant était supérieur à celui pratiqué dans les mois précédant l'opération commerciale en cause, le gain de 18 500 F ou de 17 560 F correspondait à un taux marqué de réduction inférieur à celui habituellement pratiqué antérieurement à la mise en œuvre de l'opération commerciale en cause;

- d'avoir à Paris, le 22 novembre 1990 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix, les conditions et procédés de vente de dix ensembles de meubles en faisant figurer sur les étiquettes apposées sur lesdits meubles la mention d'un prix normal et d'un prix soldé d'un montant inférieur au précédent alors qu'il n'a pu être justifié d'aucun prix de référence concernant deux modèles d'ensembles que le prix dit normal inscrit sur les étiquettes étaient largement supérieurs aux prix pratiqués pendant les mois précédant l'opération de vente en solde;

infractions prévues et réprimées par les articles 44 I, 44 II al. 7 et 8, 44 II al. 9 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, 1 de la loi du 1er août 1905;

et, en application de ces articles,

- l'a condamné à 100 000 F d'amende,

- a ordonné la publication du jugement, par extraits, aux frais du condamné, dans Télé Z, Télé Magazine et France Soir;

- a reçu l'Union féminine civique et sociale (UFCS) en sa constitution de partie civile à l'encontre d'Alain T;

- l'a déclarée non fondée à l'égard de Georges T;

- a condamné Alain T à lui verser la somme de 20 000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 2 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

- a rejeté le surplus;

- a déclaré la SA X et l'EURL Y solidairement responsables de leur préposé;

- a condamné le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 412,96 F en ce compris les droits de poste et fixe.

Les appels :

Appel a été interjeté par:

- T Alain, le 8 octobre 1992,

- le Ministère public le 8 octobre 1992,

- la SA X et EURL Y, le 12 octobre 1992

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par le prévenu, le Ministère public et le civilement responsable, à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention;

Par voie de conclusions Alain T sollicite de la cour par infirmation sa relaxe des fins de la poursuite et par voie de conséquence de débouter l'UFCS de toutes ses demandes cette association n'ayant par ailleurs, selon lui, ni établi l'existence d'un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ni justifié de l'étendue de son préjudice;

Subsidiairement il demande à la cour de minorer l'amende mise à sa charge ou de le dispenser de peine;

Il fait essentiellement valoir que la convention de partenariat passée le 25/01/1988 par la société X avec la SARL W représentée par son gérant Bernard C, constitue une délégation de pouvoirs de nature à le décharger de sa responsabilité pénale puisque ce document précise notamment que la société W engagera sa seule responsabilité sur les plans civil, commercial et pénal pour l'application des campagnes publicitaires;

Il expose en outre que les poursuites sont mal fondées en droit tant pour l'opération de soldes que pour celle dite de "grattage du siècle" les éléments constitutifs des infractions reprochées n'étant pas, en l'espèce, réunis ou prouvés conformément aux dispositions de l'article 44-II de la loi du 27/12/1973;

Par voie de conclusions conjointes la SA X et la société EURL Y demandent à la cour, dans l'hypothèse d'une confirmation du jugement entrepris sur la culpabilité, de les déclarer civilement responsables de leur préposé et non solidairement responsables;

Le représentant du Ministère public estime pour sa part les faits reprochés établis et demande à la cour la confirmation du jugement entrepris;

Par voie de conclusions l'UFCS, partie civile intimée, sollicite de la cour la confirmation du jugement dont appel en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de condamner le prévenu au paiement d'une somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux au choix de la cour et notamment dans la revue "Dialogue";

Sur l'action publique:

Considérant que par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, les premiers juges ont, à bon droit, retenu Alain T dans les liens de la prévention;

Considérant que pour sa part la cour relève que la décision d'organiser la campagne publicitaire relative à l'opération "grattage du siècle" et de procéder à une vente d'articles soldés a été prise par la SA X;

Que la filiale de la SA X, l'EURL Y, a exécuté les décisions adoptées par sa "maison mère";

Considérant que Alain T, directeur général et administrateur de la SA X, qui assume également les fonctions de gérant de l'EURL Y a lui-même revendiqué lors de l'enquête être le seul responsable de la SA X à avoir pris part à la conception de la publicité;

Considérant que pas davantage T Alain ne saurait invoquer la convention de partenariat du 25/01/1988 passée avec la SARL W dans la mesure où cette dernière prestataire de la SA X n'a fait que mettre en œuvre la politique commerciale définie par celle-ci;

Considérant enfin qu'en ce qui concerne tant l'opération "grattage du siècle" que celle des "meubles soldés" la cour reprendra à son compte les motifs pertinents des premiers juges;

Considérant que pour sa part elle observe que l'élément matériel est constitué et que le prévenu ne saurait voir prospérer son argumentation dans la mesure où il est établi en ce qui concerne le "grattage du siècle" que si les prix affichés dans le magasin le 22/11/1990 correspondaient bien aux prix initiaux figurant sur les bons de commande, ceux-ci avaient tous fait l'objet de remises, le taux moyen de ces remises atteignant 43,80 % et relativement aux "meubles soldés" il ressort de la consultation des bons de commande antérieurs à la période de soldes que les prix pratiqués effectivement avant la dite période étaient largement inférieurs aux prix "normaux" inscrits sur les panneaux et étiquettes accompagnant les meubles soldés;

Considérant en conséquence que la cour estime comme le tribunal que la preuve de la sincérité des publicités effectuées dont la charge incombe à l'annonceur n'a pas été rapportée en l'espèce et que le consommateur qui a cru bénéficier d'un prix réduit alors qu'il s'agissait en réalité d'un prix équivalent ou supérieur au prix effectivement facturé hors période de soldes a bien été induit en erreur;

Considérant en conséquence que la cour confirmera le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité;

Considérant que les conditions prévues par l'article 469-2 du Code de procédure pénale n'étant pas réunies en l'espèce, la cour confirmera la peine d'amende prononcée qui sanctionne justement la gravité des agissements du prévenu;

Considérant toutefois que la cour limitera la publication du jugement par extraits ordonnée par le tribunal à Télé Z et Télé Magazine;

Sur l'action civile:

Considérant que les premiers juges ont rappelé à juste titre que l'UFCS, association de consommateurs agréée conformément à l'article 46 de la loi du 27 décembre 1973, offre aux consommateurs ses services d'assistance et de soutien et contribue, par les frais qu'elle engage et les actions de formation et d'information auxquelles elle participe, à la défense de l'intérêt collectif des consommateurs;

Considérant que la cour ne trouve pas motif à modifier la décision critiquée qui a fait une équitable appréciation du préjudice effectivement subi par la partie civile du fait des publicités incriminées;

Considérant que le jugement dont appel sera confirmé sur les intérêts civils;

Considérant que la cour condamnera en outre Alain T à verser à l'UFCS la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;

Considérant qu'il convient de déclarer la SA X et l'EURL Y civilement responsables de leur préposé Alain T;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Rejette les conclusions de relaxe de Alain T; Confirme le jugement déféré sur la culpabilité, sur la peine d'amende prononcée et la mesure de publication qui sera limitée à Télé Z et Télé Magazine; Confirme le jugement déféré sur les intérêts civils; Y ajoutant, Condamne Alain T à verser à l'UFCS la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; Déclame la SA X et l'EURL Y civilement responsables de leur préposé Alain T; Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires.