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Décisions

CA Paris, 3e ch. C, 23 mai 2003, n° 2002-18945

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Centre Paris Europe alternance

Défendeur :

Institut de Promotion et de Formation (Sté), Ecole des Techniciens Supérieurs (Sté), Icoges (SARL), société Enseignement Formation Tourisme (Sté), Pellegrini (ès qual.), Association Enseignement Formation Tourisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albertini

Conseillers :

Mme Le Jan, M. Bouche

Avoués :

SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau, SCP Garrabos Gerigny-Freneaux

Avocat :

Me Botbol Lalou.

T. com. Paris, 15e ch., du 12 févr. 1999

12 février 1999

Vu l'appel déclaré par le Centre Paris Europe Alternance (anciennement dénommé Centre privé d'études administratives), SARL contre le jugement rendu le 12 février 1999 par le tribunal de commerce de Paris qui:

- dit que la publicité comparative des résultats du BTS de tourisme faite par le Centre privé d'études administratives dit CPEA, qui a absorbé la SARL institut de formation et de promotion exerçant sous l'enseigne Ecole française d'hôtesses et de tourisme dite EPHT, est mensongère et constitutive de concurrence déloyale,

- condamne le Centre privé d'études administratives dit CPEA dit CPEA à payer 120 000 F à l'Institut de promotion et de formation, ayant pour nom commercial Ecole parisienne d'hôtesses et de tourisme dite EPH,

- 20 000 F à chacune des autres demanderesses (l'Ecole des techniciens supérieurs ayant pour nom commercial ETS, la SARL Icoges, la société anonyme Enseignement formation tourisme exerçant son activité sous le nom commercial EFT et l'association Enseignement formation tourisme) au titre de l'indemnisation de leurs préjudices,

- interdit au Centre privé d'études administratives de reproduire les faits litigieux ou des faits analogues sous astreinte de 5 000 F par infraction constatée,

- se réserve la liquidation de l'astreinte,

- ordonne la publication du jugement à intervenir dans cinq magazines au choix des demanderesses et aux frais du Centre privé d'études administratives dans la limite de 10 000 F par insertion,

- ordonne l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne la publication;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 27 décembre 2002 pour le Centre Paris Europe Alternance (anciennement dénommé Centre privé d'études administratives), SARL, qui prie la cour de:

- à titre principal,

- déclarer l'appel recevable et fondé,

- réformer le jugement,

- décharger la concluante de l'ensemble des condamnations contre elle prononcées,

- "pour le surplus, confirmer le caractère loyal et objectif de la plaquette publicitaire comparative de CPEA,

à titre subsidiaire,

- condamner CPEA à payer aux intimées la somme de 1 euro symbolique et réformer le jugement dans toutes ses autres condamnations,

en outre,

- condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 9 146,94 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 4 novembre 2002 pour Me Gilles Pellegrini, ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de l'Association Enseignement formation tourisme EFT et de la société anonyme Enseignement formation tourisme EFT, pour la société Icoges et pour la SARL Institut de promotion et de formation ayant pour nom commercial l'Ecole parisienne d'hôtesses et de tourisme dite EPH ayant absorbé selon acte de fusion absorption la SARL Ecole des techniciens supérieurs "ETS", intimées et appelantes incidentes, qui prient la cour de:

- donner acte à Me Pellegrini, ès qualités, de son intervention volontaire en reprise d'instance et l'y déclarer recevable,

- réformer le jugement,

- par application des articles L. 121-8 et suivants du Code de la consommation, et 1382 du Code civil:

- constater que la publication des résultats des BTS parus dans le magazine "La lettre des parents" par le centre Europe Paris Alternance, ayant pour nom commercial l'Ecole française d'hôtesses et de tourisme n'est pas loyale,

- constater qu'elle est de nature à induire en erreur le consommateur,

- constater qu'elle n'a à aucun moment été communiquée préalablement à sa diffusion aux concurrents y mentionnés,

en conséquence:

- juger que la publicité comparative est illicite,

- juger qu'elle est constitutive de dénigrement et de concurrence déloyale,

en conséquence:

- condamner le Centre Paris Europe alternance, ayant pour nom commercial l'Ecole française d'hôtesses et de tourisme à payer la somme de "400 000 F" à chacune des concluantes à titre de dommages et intérêts, ce en réparation du préjudice subi,

- faire interdiction au Centre Paris Europe alternance, ayant pour nom commercial l'Ecole française d'hôtesses et de tourisme, de faire paraître une quelconque publicité illicite qu'elle soit comparative ou non, ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 10 000 F par infraction constatée,

- ordonner la parution de l'arrêt dans cinq magazines au choix des concluantes et aux frais du Centre Paris Europe alternance, ayant pour nom commercial l'Ecole française d'hôtesses et de tourisme, chaque insertion ne pouvant dépasser la somme de 10 000 F,

- condamner le Centre Paris Europe alternance, ayant pour nom commercial l'Ecole française d'hôtesses et de tourisme à payer à chacune des concluantes la somme de "20 000 F" au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Sur ce, LA COUR

Considérant que "l'Ecole française d'hôtesses et de tourisme" a édité, en vue de la rentrée scolaire 1997-1998, une plaquette publicitaire dans laquelle étaient insérés deux tableaux comparatifs de résultats obtenus par divers établissements d'enseignement spécialisés, lors de la session du mois de juin 1996 de l'examen du brevet de technicien supérieur option accueil/animation et option conception/commercialisation; que ce document, en exergue duquel il était indiqué que les résultats étaient puisés à la source de "La lettre des parents n° 142 de janvier 1997", se présentait ainsi :

EMPLACEMENT TABLEAU

EMPLACEMENT TABLEAU

Considérant que la SARL Institut de promotion et de formation, ayant pour nom commercial l'Ecole parisienne d'hôtesses et de tourisme dite EPH, la SARL Ecole des techniciens supérieurs ETS, la SARL Icoges, la société anonyme Enseignement formation tourisme exerçant sous le nom commercial EFT et l'association Enseignement formation tourisme, ont assigné la SARL Centre privé d'études administratives dite CPEA, société ayant absorbé la société Institut de formation et de promotion, ayant exercé sous l'enseigne Ecole française d'hôtesses et de tourisme dite EFTH, à comparaître devant le Tribunal de commerce de Paris auquel il était demandé de:

- dire que la publication des résultats des BTS faite par le Centre privé d'études administratives, exerçant sous l'enseigne EPHT, est une publicité comparative mensongère et dénigrante, constitutive de concurrence déloyale,

- condamner le Centre privé d'études administratives à payer à chacune des demanderesses les sommes de 400 000 F à titre de dommages et intérêts et de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- interdire au Centre privé d'études administratives de faire paraître une quelconque publicité illicite sous astreinte définitive et non comminatoire de 10 000 F par infraction constatée,

- ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq magazines au choix des demanderesses et aux frais du Centre privé d'études administratives chaque insertion ne pouvant dépasser la somme de 10 000 F;

Considérant que telles sont les circonstances dans lesquelles est intervenu le jugement déféré;

Considérant qu'à l'appui de son appel, la société CPEA soutient d'abord que la plaquette publicitaire litigieuse est non seulement conforme aux exigences de l'article L. 121-8 du Code de la consommation, mais encore qu'elle "va même jusqu'à jouer un rôle assainissant du marché en communiquant une information purifiée des renseignements trompeurs diffusés par La lettre des parents"; qu'elle soutient ensuite que les intimés n'ont subi aucun préjudice du fait de cette publication;

Considérant que sont applicables au présent cas d'espèce les articles L. 121-8 et L. 121-12 du Code de la consommation, dans leur rédaction issue de la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992;

Considérant qu'aux termes du premier de ces textes, La publicité qui met en comparaison des biens ou services en utilisant soit la citation ou la représentation de la marque de fabrique, de commerce ou de service d'autrui, soit la citation ou la représentation de la raison sociale, du nom commercial ou de l'enseigne d'autrui n'est autorisée que si elle est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur. Elle doit être limitée à une comparaison objective qui ne peut porter que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de biens ou services de même nature disponibles sur le marché. Lorsque la comparaison porte sur les prix, elle doit concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions et indiquer la durée pendant laquelle sont maintenus les prix mentionnés comme siens par l'annonceur. La publicité comparative ne peut s'appuyer sur des opinions individuelles ou collectives;

Considérant qu'aux termes du second de ces textes, L'annonceur pour le compte duquel la publicité définie aux articles L. 121-8 et L. 121-9 est diffusée doit être en mesure de prouver l'exactitude de ses allégations, indications ou présentations. Avant toute diffusion, il communique l'annonce comparative aux professionnels visés, dans un délai au moins égal à celui exigé, selon le support retenu, pour 1'annulation d'un ordre de publicité.

Considérant, selon l'appelante, que la publicité incriminée est loyale, véridique et qu'elle n'est pas de nature à induire en erreur le consommateur qu'elle est limitée à une comparaison objective qui ne porte que sur des caractéristiques essentielles, significatives, pertinentes et vérifiables de services de même nature disponibles sur le marché;

Mais considérant que les intimés font à juste raison observer, pour en déduire à bon droit que la publicité comparative en cause n'est pas loyale, que l'annonceur a délibérément exclu des termes de sa comparaison certains établissements dont le taux de réussite était dans l'une ou l'autre option meilleur que le sien;que tel est le cas, d'une part de l'Ecole enseignement formation tourisme, dite EFT, dont il n'est pas discuté qu'elle avait enregistré un taux de réussite de 90,5 % pour l'option conception/commercialisation, d'autre part de l'Icoges, certes mentionné dans le tableau relatif à cette option, mais exclu du tableau relatif à l'option Accueil/Animation, dans laquelle un taux de réussite de 100 % avait été constaté; que la circonstance que l'EFT n'ait présenté de candidat à l'examen que dans la seule option "Conception/Commercialisation", n'autorisait pas l'annonceur à se dispenser de porter à la connaissance du consommateur les résultats constatés à ce titre; qu'en prenant le parti d'exclure de sa comparaison un concurrent dont les résultats supplantaient les siens propres, la société a failli à l'obligation de loyauté exigée par les dispositions légales ci-dessus reproduites;que l'appelante encourt le même grief, en ce qu'elle n'a pas cité les résultats de la société Icoges et qu'elle ne peut, pour s'exonérer, utilement invoquer que ce résultat rapporté au faible nombre de candidats (deux selon elle) n'aurait pas été significatif, alors qu'il lui était aisé de relativiser le taux de réussite en faisant, le cas échéant, apparaître le nombre de candidats s'étant présentés à l'examen;

Considérant que cette publicité était de nature à induire le consommateur en erreur; que si elle n'était pas dénigrante, elle était cependant de nature à nuire à la réputation des établissements concurrents et qu'elle était constitutive d'un acte de concurrence déloyale;

Considérant en outre que la société appelante a également failli à l'obligation de communiquer l'annonce comparative aux professionnels visés, que lui imposait l'article L. 121-12 du Code de la consommation en vigueur à l'époque des faits; qu'en agissant de la sorte l'appelante a privé ses concurrents de la possibilité d'agir pour s'opposer à la diffusion de l'annonce illicite;

Considérant que les sociétés appelantes sont fondées à se plaindre du préjudice engendré par la diffusion de la publicité illicite et déloyale, intervenue au cours de la période d'inscription, dans les circonstances ci-avant rappelées;

Considérant que la seule allocation des dommages et intérêts déterminés par les premiers juges, par une exacte appréciation de ces circonstances que la cour fait sienne, constitue l'adéquate réparation du préjudice subi par les intimées, lesquelles doivent dès lors être déboutées de leur demande de publication;

Considérant qu'en raison du caractère préventif voire éventuel de son objet, la demande visant à faire interdiction sous astreinte à l'appelante de reproduire des faits litigieux ou analogues, ne peut qu'être rejetée;

Considérant que l'équité commande de ne pas d'allouer aux parties intimées d'indemnité de procédure;

Par ces motifs, Réforme le jugement déféré en celles de ses dispositions par lesquelles il: - interdit au Centre privé d'études administratives de reproduire les faits litigieux ou des faits analogues sous astreinte de 5 000 F (soit 762,36 euros) par infraction constatée, - réserve au tribunal la liquidation de l'astreinte, - ordonne la publication du jugement à intervenir dans cinq magazines au choix des demanderesses et aux frais du Centre privé d'études administratives dans la limite de 10 000 F (soit 1 524,72 euros) par insertion, Statuant à nouveau à cet égard, déboute les intimées de leur prétentions, Confirme le jugement pour le surplus, Déboute Maître Pellegrini, ès qualités de représentant des créanciers et de commissaire à l'exécution du plan de l'association EFT et de la SA EFT, et les intimées de leur demande d'indemnité de procédure, Condamne la SARL Centre Paris Europe Alternance (anciennement dénommé Centre privé d'études administratives), aux dépens d'appel et admet la SCP Garrabos Gerigny Freneaux, avoué, à les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.