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Décisions

CA Versailles, 5e ch. B soc., 22 mars 2001, n° 99-20905

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Tsangaris

Défendeur :

Encyclopaedia Britannica (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Linden

Conseillers :

Mmes Gautrat, Robert

Avocats :

Mes Metin, Faroux.

Cons. prud'h. Versailles, sect. encadr, …

7 décembre 1998

Faits, procédure, demandes et moyens des parties

Melle Tsangaris a été engagée le 31 janvier 1996 par la société Encyclopaedia Britannica en qualité de VRP à temps partiel. Elle avait pour fonction de promouvoir les publications et articles de la société Encyclopaedia Britannica.

La convention collective applicable à son contrat de travail était celle des VRP.

Melle Tsangaris exerçait les mandats de délégué du personnel et d'élue au comité d'entreprise depuis le 17 juin 1997.

Le paiement des commissions se faisait trimestriellement et sur la base de tous les ordres acceptés durant la période hebdomadaire des mois précédant ledit paiement.

Par courrier du 17 décembre 1997 Melle Tsangaris a démissionné de ses fonctions.

Le 3 avril 1998 elle a saisi le Conseil de prud'Hommes de Versailles aux fins de voir requalifier la rupture en licenciement et son contrat de travail à temps partiel en temps plein et obtenir le paiement de diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour rupture des relations contractuelles dans des conditions vexatoires, de rappel de salaire, des congés payés y afférents et d'indemnité de procédure.

Par jugement du 7 décembre 1998 le conseil de Prud'Hommes a débouté Melle Tsangaris de l'ensemble de ses demandes.

Pour se déterminer ainsi le conseil de Prud'Hommes a estimé ne pas avoir les éléments probants pour dire que Melle Tsangaris faisait un horaire supérieur à celui d'un VRP à temps partiel à l'initiative de l'employeur de sorte que la requalification du contrat (le travail à temps partiel en contrat à temps complet n'avait pas lieu d'être.

Il a par ailleurs considéré qu'il n'y avait pas lieu de requalifier la démission en licenciement.

Melle Tsangaris a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de condamner la société Encyclopaedia Britannica à lui payer les sommes suivantes :

- 60 747,65 F à titre de rappel de salaire.

- 6 074,76 F au titre de congés payés y afférents,

- 53 304 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- 40 000 F de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil,

Elle demande également à la cour de condamner la société Encyclopaedia Britannica à lui remettre une attestation ASSEDIC conforme et à lui payer la somme de 8 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle fait valoir que l'employeur a méconnu les dispositions de l'article L. 212-4-3 du Code du travail relatives aux mentions qui doivent figurer sur le contrat de travail à temps partiel ainsi que celles de la circulaire DRT n° 93-9 du 17 mars 1993 précisant qu'il doit tenir à la dispositions du salarié les documents de décomptes quotidiens ou hebdomadaires de ses horaires de travail.

Elle invoque également les dispositions mises à la charge de l'employeur par l'article L. 212-1-1 du Code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées et soutient qu'il appartient à l'employeur, qui se prévaut d'un contrat à temps partiel, de rapporter la preuve non seulement de la durée exacte du travail convenu mais également de sa répartition sur la semaine et par mois, qu'à défaut le contrat est présumé avoir été conclu à temps plein.

Elle verse aux débats de nombreuses attestations d'où il ressort que les VRP étaient libres d'organiser leur temps de travail et qu'ils n'étaient pas contraints d'exercer leur activité au-delà du temps qu'ils avaient choisi d'y consacrer.

Elle soutient que la décision de Melle Tsangaris est claire, précise et non équivoque et que la salariée ne s'est rétractée que plusieurs mois après l'envoi de sa lettre de démission; que les pièces produites aux débats attestent que son supérieure hiérarchique était un homme compétent et courtois et que Melle Tsangaris a exercé normalement ses fonctions de délégué du personnel.

Sur ce:

Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein

Considérant que les conditions particulières dans lesquelles le représentant est appelé à travailler excluent l'application des règles légales sur la durée du travail qu'il s'ensuit que l'absence, sur le contrat de travail, des mentions prévues à l'article L. 212-4-3 du Code du travail est sans portée sur la requalification du contrat ;

Considérant que la société Encyclopaedia Britannica a engagé Melle Tsangaris en qualité de VRP par contrat de travail écrit portant la mention "à temps partiel" et disposant dans son article VII que "le représentant est employé à temps partiel, il n 'est pas tenu de rendre compte de son activité à la société" ;

Considérant que la demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein formulée par Melle Tsangaris a pour objet d' obtenir le versement de la rémunération minimale forfaitaire prévue à l'article 5-1 de l'accord national interprofessionnel du 3 octobre 1975 ;

Considérant que ledit article prévoit que "lorsqu 'un représentant de commerce est engagé à titre exclusif par un seul employeur, il aura droit, au titre de chaque trimestre d'emploi à temps plein, à une ressource minimale forfaitaire.."

Considérant que le contrat de travail de Melle Tsangaris prévoit dans son article I que "le représentant peut avoir une autre activité entrant dans le champ d'application du statut professionnel, il n'en demeure pas moins tenu d'atteindre le quota de production prévu à l'article 2 du présent contrat" (soit 4 ventes par mois)

Considérant que concomitamment à la signature du contrat de travail Melle Tsangaris a signé un certificat par lequel elle s'engageait à informer Encyclopaedia Britannica dans le cas où elle serait amenée à exercer son activité pour le compte d'un autre employeur;

Considérant que Mlle Tsangaris avait donc la possibilité de ne pas exercer son activité pour le compte exclusif de la société Encyclopaedia Britannica qu'elle ne remplissait donc pas la première condition prévue par l'article 5-1 de l'accord interprofessionnel ;

Considérant, s'agissant de la de la deuxième condition d'exercice à plein temps de son activité, que Melle Tsangaris verse aux débats la copie reconstituée de son agenda personnel d'où il résulterait qu'elle effectuait plus de 32 heures de travail effectif par semaine, ainsi que des attestations de collègues de travail qui témoignent que le rythme de travail imposé par la direction ainsi que la nécessité d'atteindre le quota dans une conjoncture de plus en plus difficile les obligeaient à exercer en réalité leur activité à plein temps ;

Considérant que pour sa part la société Encyclopaedia Britannica produit des attestations d'anciens salariés qui déclarent qu'ils étaient libres de travailler selon leur rythme personnel après discussion avec leur manager qui ne les contraignait pas à exercer leur activité au delà du temps qu'ils avaient choisi d'y consacrer et qu'ils bénéficiaient d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur tâches;

qu'il résulte de ces attestations que le dépassement d'horaire allégué par Melle Tsangaris ne lui étant pas imposé par l'employeur elle n'est pas fondée à revendiquer la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

Considérant dans ces conditions que Melle Tsangaris ne remplit aucune des conditions posées par l'article 5-1 de l'accord professionnel pour pouvoir bénéficier de la rémunération minimale forfaitaireet qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Melle Tsangaris de sa demande;

Sur la demande de requalification de la démission en licenciement

Considérant que la démission ne peut résulter que de la volonté claire, précise et non équivoque du salarié de mettre fin aux relations contractuelles;

Considérant que par courrier en date du 17 décembre 1997 Melle Tsangaris a démissionné en ces termes "en raison de la situation que je traverse depuis quelque temps, aussi bien au sein qu'en dehors de l'entreprise, je me vois dans l'obligation de présenter ma démission" ;

Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ce courrier que la rupture du contrat de travail n'émane pas d'une volonté claire et non équivoque de Mlle Tsangaris de partir mais résulte de la situation qui lui est faite dans l'entreprise;

Considérant qu'en l'absence de démission, la rupture est nécessairement imputable à l'employeur ;

Considérant qu'en l'absence de lettre de convocation à l'entretien préalable la salariée n'a pas été informée de la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise; qu'elle est donc en droit de bénéficier de l'indemnisation prévue à l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;

Considérant qu'à la date de son licenciement Mlle Tsangaris, âgée de 44 ans, comptait une ancienneté inférieure à deux années au sein de l'entreprise employant habituellement au moins 11 salariés; que sa rémunération des 6 derniers mois s'élève à 22 705 F; que la société Encyclopaedia Britannica fait valoir, sans être contredite, qu'elle a retrouvé un emploi un mois après l'expiration de son préavis ;

Considérant qu'au vu de ces éléments la Cour estime devoir fixer à 22 705 F le montant de l'indemnité qui sera versée à Mlle Tsangaris en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail en réparation du préjudice occasionné par son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant qu'il ne ressort pas des éléments du dossier que les circonstances de la rupture justifient l'allocation à Mlle Tsangaris de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Considérant qu'il convient d'ordonner la remise d'une attestation ASSEDIC conforme aux dispositions du présent arrêt;

Considérant qu'il y lieu de condamner la société Encyclopaedia Britannica aux dépens ; qu'elle sera déboutée de sa demande en paiement d'indemnité de procédure ;

Considérant, en équité, qu'il y a lieu de condamner la société Encyclopaedia Britannica à payer à Mlle Tsangaris la somme de 8 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme le jugement rendu le 7 décembre 1998 par le Conseil de prud'Hommes de Versailles en ce qu'il a débouté Mademoiselle Hélène Tsangaris de sa demande de rappel de salaire et de congés payés y afférents et de sa demande de dommages et intérêts pour rupture vexatoire. L'infirme pour le surplus. Statuant à nouveau ; Condamne la société Encyclopaedia Britannica à payer à Mademoiselle Hélène Tsangaris la somme de 22 705 F (vingt deux mille sept cent cinq francs) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; Ordonne la remise d'une attestation ASSEDIC conforme ; Condamne la société Encyclopaedia Britannica à verser à Mademoiselle Hélène Tsangaris la somme de 8 000 F (huit mille francs) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; La condamne aux dépens.