CA Paris, 13e ch. A, 11 mars 2002, n° 01-02010
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
M. Nivose, Mme Fouquet
Avocats :
Me Gottscheck, Me Goigoux
LA COUR,
Rappel de la procédure:
La prévention:
F Joël est poursuivi pour avoir:
- à Paris, entre le 23 octobre 1996 et le 31 janvier 1998, en sa qualité de gérant de fait de la société X, exigé ou obtenu de 13 clients, en indiquant faussement que l'ensemble des prestations avaient un caractère urgent, avant l'expiration du délai de réflexion, directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque, en l'espèce: Mme Sylla N'Nakady, en lui faisant verser un acompte de 1 000 F pour l'achat d'une machine à laver proposée à son domicile, Mme Sylviane Dufour, en lui faisant verser un acompte de 3 000 F, Mme Elisabeth Anandout, en exigeant le paiement de 8 252 F le jour même, Mme Cécile Dujardin, en exigeant le paiement de 1 413 F le jour même, M. Jacques Rechnic, en exigeant le paiement de 4 429 F le jour même, Mme Monique Méjane, en lui faisant verser 2 390 F d'acompte, Mme Monique et Mme Marie Clouet en leur demandant un chèque d'acompte de 2 500 F plus le solde de 2 500 F le jour même, M. Henri Martin, en réclamant immédiatement un chèque de 2 797 F, M. Karim Hamide et Mlle Anne Lequien, en exigeant le jour même le règlement de 11 393 F, Mme Véronique Raoul, en exigeant le jour même le règlement de 5 060 F, Mme Monique Clarac, en demandant un acompte immédiat de 3 000 F.
- à Paris, entre le 23 octobre 1996 et le 31 janvier 1998, en sa qualité de gérant de fait de la société X, trompé ou tenté de tromper le cocontractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée, ou sur les qualités substantielles des prestations fournies et des marchandises vendues, en l'espèce pour sept de ces clients: Mme Sylla N'Nakady, en lui vendant une machine de marque Ariston et en lui livrant une machine de marque Vedette, M. Henri Martin, en changeant et en facturant des pièces sans rapport avec une fuite, M. Jean Smia, en changeant et en facturant la pièce la plus chère d'un chauffe eau alors qu'elle était en parfait état de marche, M. Karim Hamidi et Mlle Anne Lequien en préconisant et facturant le changement de l'ensemble du tableau électrique, présenté comme non conforme alors que le bailleur avait procédé à une installation conforme à la législation, Mme Véronique Raoul, en facturant des pièces qui n'existent pas sur le modèle de chaudière concerné et en facturant des prestations non réalisées, M. Michel Quionquion, en facturant des pièces présentées faussement comme changées.
- à Paris, entre le 23 octobre 1996 et le 31 janvier 1998, en sa qualité de gérant de fait de la société X, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de 6 clients, en leur faisant souscrire, par le moyen de visite à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce doit lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte ; en l'espèce Mme Monique Dufour en lui faisant signer un devis faisant état de travaux dans l'urgence et en se faisant remettre le solde de 4 828 F sous la contrainte, Mme Marthe Barthélemy, personne âgée et malade, en l'amenant à s'engager à hauteur de 7 816 francs et de 4 919 F alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, M. Jacques Rechnic, personne âgée et malade, en l'amenant à s'engager à hauteur de 4 429 F pour des travaux alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, Mme Andrée Confais, personne âgée, en prétendant qu'il fallait changer l'ensemble du lavabo et de la robinetterie, alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, M. Michel Monteil, personne âgée et malade, en remplaçant inutilement une serrure, alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, Mme Monique Clarac, personne âgée et malade, en démontant tout le chauffe-eau afin de la conduire à signer un devis pour remplacer cet appareil, alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire,
S Elie est poursuivi pour avoir:
- à Paris, le 31 janvier 1998, en sa qualité de gérant de droit de la société X AA, exigé ou obtenu de 3 clients, en indiquant faussement que l'ensemble des prestations avaient un caractère urgent, avant l'expiration du délai de réflexion prévu aux articles L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la consommation, directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque, en l'espèce M. Cyril Lagrange, en exigeant deux chèques préalablement à la réalisation des travaux, M. Serge Pattingre, en se faisant remettre immédiatement un chèque de 9 500 F encaissé avant le délai de rétractation, M. Moussa N'Diaye, en exigeant un paiement immédiat.
- à Paris, à compter du 31 janvier 1998, en sa qualité de gérant de droit de la société X AA, trompé ou tenté de tromper le cocontractant par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers, sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée, ou sur les qualités substantielles des prestations fournies et des marchandises vendues ; en l'espèce pour un de ces clients, M. Philippe Lieutaud, en changeant un mélangeur de robinetterie en parfait état de marche.
- à Paris, à compter du 31 janvier 1998, en sa qualité de gérant de droit de la société X AA, abusé de la faiblesse ou de l'ignorance de 2 clients, en leur faisant souscrire, par le moyen de visite à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce doit lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte; en l'espèce M. Serge Pattingre, personne âgée mal voyante, en lui faisant signer un devis en vue de travaux de peinture, alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire, M. Peter Dimiatris, étudiant étranger parlant mal le français, en lui facturant 964 F pour le remplacement d'un flexible de douche, alors que les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire,
Le jugement:
Le tribunal, par jugement contradictoire, a:
déclaré
recevables les oppositions formées par Joël F et Elie S, au jugement rendu le 21 février 2001 par la 31e chambre,
en conséquence, mis le jugement à néant, et, statuant à nouveau, déclaré
F Joël
coupable de demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion-démarchage,
faits commis du 23/10/1996 au 31/01/1998, à Paris,
infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par 1 article L. 121-28 du Code de la consommation,
coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,
faits commis du 23-10-1996 au 31-01-1998, à Paris,
infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation,
coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée : souscription d'un engagement,
faits commis du 23/10/1996 au 31/01/1998, à Paris,
infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 du Code de la consommation,
S Elie
coupable de demande ou obtention de paiement ou d'accord avant la fin du délai de réflexion-démarchage,
faits commis à compter du 31/01/1998, à Paris,
infraction prévue par les articles L. 121-28, L. 121-26 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 121-28 du Code de la consommation
coupable de tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise,
faits commis à compter du le 31/01/1998, à Paris,
infraction prévue par l'article L. 213-1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 213-1, L. 216-2, L. 216-3 du Code de la consommation
coupable d'abus de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée: souscription d'un engagement,
faits commis à compter du le 31/01/1998, à Paris,
infraction prévue par les articles L. 122-8, L. 122-9 du Code de la consommation et réprimée par l'article L. 122-8 Code de la consommation
Et par application de ces articles,
condamné:
F Joël à 8 mois d'emprisonnement et 100 000 F d'amende, soit 15 244,91 euros,
S Elie à 6 mois d'emprisonnement et une amende délictuelle de 30 000 F, soit 4 573,48 euros,
dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F dont est redevable chaque condamné.
statuant sur l'action civile,
reçu Andrée Confais, Michel Monteil, Henri Martin, Michel Quionquion et Sylviane Dufour en leur constitution de partie civile, condamné Joël F à payer à:
Andrée Confais la somme de 2 503 F soit 381,58 euros à titre de dommages-intérêts,
Michel Monteil, la somme de 4 000 F soit 609,80 euros à titre de dommages-intérêts,
Henri Martin la somme de 2 200 F soit 335,39 euros à titre de dommages-intérêts,
Michel Quionquion, 7 000 F soit 1 067,15 euros à titre de dommages-intérêts,
Sylviane Dufour 8 000 F soit 1 219,60 euros à titre de dommages-intérêts, et celle de 5 000 F soit 762,25 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
constaté le désistement présumé des autres personnes.
Les appels:
Appel a été interjeté par
Monsieur F Joël, le 11 juillet 2001, sur les dispositions pénales et civiles
Madame Dufour Sylvie, le 11 juillet 2001, contre Monsieur F Joël, Monsieur S Elie;
M. le Procureur de la République, le 11 juillet 2001, contre Monsieur F Joël;
M. le Procureur de la République, le 18 juillet 2001 contre Monsieur S Eue:
Monsieur S Elie, le 18 juillet 2001, sur les dispositions pénales;
Décision:
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels interjetés à l'encontre du jugement entrepris, par Joël F prévenu, sur les dispositions pénales et les dispositions civiles, par Elie S, prévenu, par Sylvie Dufour partie civile et par le Ministère public;
Elie S comparaît, assisté de son avocat Joël F bien que non touché par la citation délivrée à Parquet général, est présent et accepte de comparaître volontairement, assisté de son conseil;
Andrée Confais, partie civile intimée, bien que régulièrement citée n'a pas comparu à l'audience, il sera statué par défaut à son égard;
Sylvie Dufour, partie civile appelante, est représentée par son avocat qui dépose des conclusions;
Henri Martin, partie civile intimée, a adressé à la cour un courrier recommandé, il sera statué à son égard contradictoirement, en application de l'article 420-l du Code de procédure pénale;
Michel Monteil, partie civile intimée, a adressé à la cour un courrier recommandé, il sera statué à son égard contradictoirement, en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale;
Michel Quionquion partie civile, est présent;
Henri Martin, partie civile intimée, a adressé à la cour une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5-12-2001, précisant qu'il a été indemnisé;
Michel Monteil, partie civile intimée, a adressé à la cour une lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6-12-2001, faisant état du versement des dommages-intérêts qui lui étaient dus, le 26-10-2001;
Sylvie Dufour, partie civile appelante, représentée par son avocat, demande par voie de conclusions à la cour, de confirmer le jugement entrepris sur l'action civile, précisant qu'elle avait été dédommagée le 23-10-2001 et de condamner Joël F à lui verser en outre, 5 000 F soit 762,25 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale pour les frais engagés en cause d'appel;
Michel Quionquion partie civile intimée, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris;
Le Ministère public relevant la gravité des infractions commises par les prévenus, leur réitération et l'importance des dommages causés aux victimes, requiert une application plus sévère de la loi pénale et la condamnation de Joël F à une peine de 2 ans d'emprisonnement dont au moins 15 mois ferme, le surplus devant être exécuté sous le régime du sursis avec mise à l'épreuve, afin que soit assurée l'indemnisation des victimes et pour Elie S une peine dont la partie ferme ne pourrait être inférieure à 10 ou 12 mois, et dont le surplus pourrait être exécuté de même sous le régime de la mise à l'épreuve;
Joël F, reconnaît à l'audience de la cour sa culpabilité, tout en minimisant ses actes; il affirme qu'il n'avait pas donné d'ordre et même qu'il ignorait que les ouvriers procédaient à des dégradations ou facturaient des pièces ou des réparations inexistantes; il soutient qu'il démontre sa volonté de réinsertion, ayant dédommagé les victimes, étant revenu vivre en France et justifiant d'un emploi; il demande enfin à la cour, de ne pas le condamner plus sévèrement;
Ellie S, soutient qu'il n'avait qu'un rôle subalterne dans l'entreprise et que lorsqu'il en a pris la direction en 1998, il a tenté de modifier les pratiques et a commencé à indemniser les clients qui protestaient; il fait état de son jeune âge au moment des faits et de sa volonté de réinsertion manifestée par une situation de famille et un emploi stables et il sollicite l'indulgence de la cour;
Sur l'action publique
Considérant que Joël F et Elie S qui avaient déjà travaillé ensemble dans une société Cor dont l'activité était de même nature, société dont Elie S avait été le dirigeant de 1994 à 1996, ont créé avec Martine B épouse L, compagne de Joël F, la société X SARL au capital de 50 000 F, immatriculée au registre du Commerce le 23-10-1996 et ayant pour objet, tous travaux de dépannage à domicile qu'ont été successivement gérants de droit, Elie S du 30/10/1996 au 13/12/1996, Pascaline G du 13/12/1996 au 14/4/1997, Nathalie L (compagne d'Elie S) du 14/04/1997 au 31/01/1998, et à nouveau Elie S à compter du 31/01/1998,jusqu'à la mise en liquidation de la société;
Que par suite de nombreuses plaintes adressées à la Direction générale de la Consommation et de la Répression des fraudes, une enquête a été diligentée le 08/07/1997 et un rapport communiqué au Procureur de la République de Paris, le 20/10/1997;
Considérant qu'il résulte des déclarations concordantes des salariés entendus dans le cadre de cette procédure, de même que du témoignage de Pascaline G, que Joël F était en fait le véritable animateur de la société, ce qu'il ne conteste plus;
Considérant toutefois qu'Elie S, même s'il s'était éloigné pour créer une société ayant à nouveau le même objet dans le sud de la France au printemps 1997, n'a pas eu dans cette entreprise, un simple rôle subalterne, ainsi qu'en attestent ses liens avec Joël F et la présence de sa concubine en qualité de gérante de droit après le départ de Pascaline G;
Que ces déclarations, confortées par les plaintes des victimes, établissent qu'appelés par des clients qui avaient trouvé dans leur boîte à lettres, la publicité effectuée par l'entreprise X, les dépanneurs qui intervenaient à domicile, facturaient des prestations supplémentaires, soit en faisant état de la nécessité de réparations inutiles ou inefficaces, ou en relevant des malfaçons inexistantes ou même démontaient ou dégradaient des éléments de l'installation ou du matériel pourtant en bon état de fonctionnement; qu'ils faisaient alors croire aux clients que la réparation était importante et urgente car les défectuosités mettaient en cause leur sécurité ou rendaient impossible l'utilisation du matériel ou de l'installation; que sous prétexte d'achat d'outillages, ils demandaient le versement d'espèces et laissaient généralement le chantier en cours ; que d'autres dépanneurs intervenaient, parfois plusieurs heures après et procédaient alors à des réparations, après avoir facturé, à des prix nettement supérieurs aux prix habituellement pratiqués, des travaux inutiles ou imaginaires et exigeaient le paiement immédiat, de préférence en espèces; que lorsque des difficultés surgissaient "le patron" Joël F se déplaçait et n'hésitait pas à utiliser pressions ou menaces; que si le client se montrait particulièrement "récalcitrant" et menaçait de déposer plainte, il lui faisait signer, contre renonciation à toute action, un protocole d'accord, prévoyant une remise qui en toute hypothèse, lui laissait encore une marge importante de bénéfices;
Que l'ensemble de ses agissements commis de façon habituelle par les ouvriers, au nombre desquels se trouvait Elie S , démontre qu'il s'agissait bien de pratiques réalisées à la demande de Joël F, lui-même;
1° Sur les infractions aux articles L. 121-25, L. 121-26, L. 121-28 du Code de Consommation:
Considérant que selon les dispositions de l'article L. 121-21 du Code de la Consommation:
"est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d'une personne physique, sa résidence ou son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l'achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d'achat de biens ou la fourniture de services"
que ces dispositions s'appliquent aux pratiques suivantes en matière de dépannage à domicile:
- la vente de matériel sans rapport avec la nature de l'appel,
- la pose d'appareils qui n'est pas rendue nécessaire pour des raisons d'urgence ou sécurité,
- le remplacement de matériel défectueux par du matériel plus sophistiqué, ou d'une manière générale, le non-remplacement à l'identique;
Considérant que l'examen des contrats montre que les mentions obligatoires énumérées aux articles L. 121-23 1° à 6° font défaut et que si un formulaire détachable était joint au verso des factures, mentionnant la faculté de renonciation prévue à l'article L. 121-25, celle-ci se trouvait anéantie par la clause stipulant au recto de la facture que le client renonçait au délai de rétractation prévu par la loi;
Considérant qu'en outre, avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque, ni aucun engagement, ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit;
A°) sur les infractions reprochées à Joël F de ce chef
- appelé le 17/02/1999, chez Mme Sylla N'Nakady pour une intervention sur une machine à laver, le réparateur lui a vendu le lendemain même une machine à laver après avoir perçu la veille un acompte sur commande d'un montant de 1 433,19 F,
- appelé le 16/04/1999, chez Sylviane Dufour pour un court-circuit, le réparateur a démonté entièrement le tableau électrique et perçu un acompte de 3 000 F, le solde de 4 828,08 F ayant été réglé le jour même sous la contrainte,
- appelé le 02/06/1999, chez Elisabeth Anandout qui avait fermé la porte de son appartement en oubliant ses clefs à l'intérieur, l'ouvrier a effectué notamment un coffrage, placé une serrure et une plaque de propreté, après avoir forcé la porte, le tout pour un montant de 8 252 F, dont le paiement a été exigé le jour même,
- appelé le 27/01/1997, chez Karim Hamide et Amie Lequien pour un court-circuit, le réparateur a changé le tableau électrique et établi une facture de 11 193,11 F TTC réglée le même jour par 2 chèques respectivement de 8 000 F et 3 193,11 F,
- appelé le 21/05/1997, chez Maja Rechnic pour une panne de courant consécutive à un fusible défectueux, le dépanneur a changé diverses pièces pour un montant de 4 429,93 F réglées, le même jour,
- appelé le 07/07/1997, chez Monique Mejane pour un problème d'électricité le dépanneur a prétendu que le changement du tableau électrique était nécessaire et perçu immédiatement 2 390,43 F d'arrhes, somme qui n'a pas été remboursée à la cliente, lorsque ayant fait appel le lendemain, sur les conseils d'EDF, à une autre entreprise qui lui a proposé une intervention nettement moins élevée, elle a tenté de faire jouer la possibilité de rétractation prévue par la loi,
- appelé le 21/02/1997, chez Véronique Raoul pour une baisse de pression d'une chaudière le dépanneur a effectué divers travaux pour un montant de 5 060,28 F facturés et réglés, le jour même,
- appelé le 12/05/1997, chez Cécile Dujardin pour déboucher le lavabo, le réparateur a remplacé le siphon et a perçu le même jour le montant de la facture-devis établie, soit 1 413,27 F,
- appelé le 06/10/1997, chez Monique et Marie Clouet, pour une cuvette de WC bouchée, le réparateur leur a demandé un chèque d'acompte de 2 500 F pour le changement de l'ensemble de l'installation, et le jour même le solde de la facture soit 2 500F, sans devis,
- appelé chez Henri Martin, le 24/06/1997, pour une fuite d'eau sous l'évier, le dépanneur a obtenu le jour même la remise d'un chèque de 2 797,92F pour acheter des pièces sans rapport avec cette fuite,
- appelé chez Monique Clarac le 07/04/1997, pour une fuite au chauffe eau du fait de la défectuosité d'un joint, l'ouvrier a démonté le chauffe eau et obtenu le versement immédiat d'un acompte de 3 000 F,
Considérant qu'en sa qualité de gérant de fait de la société X, Joël F doit donc être retenu dans les liens de la prévention;
B°) sur les infractions reprochées à Elie S de ce chef
Considérant de même que des ouvriers de la société intervenant
- le 05/12/1998, chez Serge Pattingre, se sont fait remettre un chèque de 9 500 F dès l'établissement d'un devis pour des travaux de peinture et que ce chèque a été encaissé immédiatement,
- le 05/10/1998, au domicile de Cyril Lagrange, ont exigé le versement avant tous travaux de 2 chèques,
- le 08/07/1998, appelés pour le remplacement d'une serrure chez Moussa N'Diaye, ont exigé le paiement immédiat d'une somme de 800F;
Que c'est donc par de justes motifs que les premiers juges ont retenu Elie S dans les liens de la prévention de ce chef
2° Sur l'abus de faiblesse ou de l'ignorance d'une personne démarchée, prévue à l'article L. 122-8 du Code de la Consommation:
Considérant que ce texte stipule que" quiconque aura abusé de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit sera puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 60 000 F ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre d'y souscrire, ou font apparaître qu' elle a été soumise à une contrainte";
Considérant que les interventions reprochées au prévenu ont été effectuées chez des personnes, telles Mme Sylla N'Nanakady ou Melle Anandout qui lisent ou comprennent malle français, ou chez des personnes âgées et malades; que les plaignants se sont trouvés soumis à des désagréments domestiques subits, dont ils n'étaient pas en mesure, sur le plan technique, d'apprécier la réelle gravité et la nécessité d'une réparation urgente; que la situation était de nature à provoquer chez eux un affolement certain, fut-il injustifié, et à les mettre, ne serait-ce que provisoirement, dans un état de dépendance totale vis à vis des employés de la société et dès lors dans l'impossibilité d'apprécier la portée des engagements qu'ils prenaient ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour les convaincre d'y souscrire, ni de refuser le versement de l'acompte que les démarcheurs exigeaient;
A°) qu'ainsi, en ce qui concerne les agissements reprochés à Joël F:
- appelé le 05/06/1997, chez Marthe Barthelemy personne âgée et malade pour un problème de robinetterie, le dépanneur a changé une multitude de pièces inutilement, intervenant sur le corps de chauffe, pour un montant de 12 736,79 F (7 816,99 F + 4 919,80 F),
- intervenant, comme rappelé ci dessus chez Maja Rechnic âgé de 87 ans et malade avec assistance médicale journalière, les ouvriers lui ont fait payer une remise en conformité de l'installation électrique pour un montant de 4 429 F, alors qu - il a été constaté que les travaux ainsi effectués étaient mal faits et dangereux et que la simple réparation nécessaire a pu être réalisée par une association d'aide au 3ème âge pour un coût de 170 F,
Considérant qu'alors que Mme Sylla N'Nakady pensait recevoir une machine à laver neuve de marque Ariston, il lui a été livré une machine de marque Vedette, qualifiée de "déclassée", sans qu'elle en soit informée préalablement à la commande, étant en outre observé que de nationalité guinéenne , elle ne lit pas et comprend mal le français,
- qu'ont été facturés à Véronique Raoul une valve à eau, une membrane et un nettoyage de chaudière, alors que la chaudière n' a pas été nettoyée et les pièces facturées( valve à eau et membrane) n'ont pu être posées puisque ces éléments n'existent pas sur ce type de chaudière et que les deux seuls joints que comporte le corps de chauffe pourtant facturés, n'ont pas non plus été changés; que par ailleurs, le dépanneur voulait changer le vase-expansion dont il a été attesté qu'il était en parfait état,
- que les réparateurs ont fait changer l'ensemble du tableau électrique des consorts Hamidi Lequien, en prétendant faussement qu'il n'était pas conforme à la réglementation en vigueur,
- qu'ils ont changé des flexibles en parfait état de fonctionnement, situés en aval de la fuite d'eau pour laquelle les avait appelés Henri Martin,
- qu'intervenant le 01/11/1997, chez Jacques Smia, l'ouvrier a changé la pièce la plus chère du chauffe eau, alors qu'elle était en parfait état de marche;
Considérant enfin que Michel Quionquion a exposé à l'audience de la cour qu'ayant fait appel à la société X, dont il avait trouvé la publicité dans sa boîte à lettres, pour réparer la baie vitrée de la chambre de sa fille détériorée à la suite du cambriolage dont il venait d'être victime le 20 janvier 1997, l'ouvrier, après lui avoir dit qu'il pouvait effectuer la remise en état, avait brisé la vitre d'un coup de marteau; qu'il avait laissé le chantier en état pendant plus de 8 jours , rendant inutilisable la chambre en plein hiver et qu'il lui avait été facturé des pièces (gonds, paumelle, verrouillage en partie haute) qui n'avaient pas été posées;
Considérant que c'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont retenu Joël F dans les liens de la prévention de ce chef;
Considérant de même qu'alors que Elie S était gérant de la société X il a été procédé le 13/05/1998 ,au changement d'un mélangeur, pourtant en parfait état de marche, au domicile de Philippe Lieutaud , qui avait fait appel à l'entreprise pour un problème de fuite au siphon de son lavabo;
Considérant que la cour, reprenant pour le surplus, l'argumentation des premiers juges, confirmera le jugement entrepris sur les déclarations de culpabilité;
Sur les peines
Considérant que Joël F a été condamné à 7 reprises; qu'il a toujours cherché à éluder sa responsabilité ainsi que le démontre l'examen de son casier judiciaire et son attitude tout au long de cette procédure, dans la mesure où il n'a pu être entendu pour la première fois qu'en mai 2000, à la suite de l'exécution du mandat d'arrêt délivré à son encontre par les premiers juges; que bien qu'ayant été interdit d'exercer des responsabilités de dirigeant à la suite d'une faillite personnelle prononcée à son encontre pour une durée de 10 ans en 1991, il était le véritable animateur de l'entreprise et l'instigateur de l'ensemble des moyens mis en œuvre, pour tromper de différentes manières les clients; que le fait qu'il ait, peu de temps avant l'audience de la cour dédommagé les parties civiles, étant observé que pour la plupart les victimes de ses agissements coupables ne se sont pas manifestées pour réclamer leur dû, et qu'il justifie depuis quelques mois d'un domicile en France et d'un emploi , ne suffit pas à convaincre la cour de ce qu'il se soit réellement amendé;
Considérant dès lors, eu égard en outre à la gravité des agissements ci dessus rappelés, au trouble grave apporté à l'ordre public et l'importance des dommages occasionnés aux victimes, la cour estime devoir aggraver la sanction prononcée par le jugement déféré et condamner Joël F à la peine de 2 ans d'emprisonnement et à une amende de 20 000 euros;
Considérant que les faits reprochés à Elie S ont été commis alors qu'il venait d'être condamné par le Tribunal correctionnel de Créteil à deux peines de 6 mois d'emprisonnement avec sursis et une peine d'amende pour des infractions similaires commises de juillet à octobre 1996; que ces condamnations qui éclairent les raisons pour lesquelles, il a été momentanément en retrait dans l'activité de la société, dont il était un des créateurs et dont il était resté un des principaux actionnaires, ne permettent pas à la cour de considérer qu'il n'ait eu qu'un rôle subalterne et qu'il ait été sous l'autorité et l'influence de Joël F ainsi qu'il l'a prétendu, tant au cours de la procédure qu'à l'audience de la cour; que son casier judiciaire démontrant une constance dans ce comportement délictueux, particulièrement préjudiciable aux consommateurs, la cour estime de même devoir prononcer à son encontre une sanction plus sévère et le condamner à 15 mois d'emprisonnement et à une amende de 15 000 euros;
Considérant qu'en application de l'article L. 216-3 du Code de la Consommation, la cour ordonnera à l'encontre de chaque prévenu la publication de la décision par extrait, à la diligence du Ministère public et aux frais des condamnés, dans les journaux "le Parisien" et "Le Figaro";
Sur l'action civile
Considérant que les premiers juges ont fait une exacte appréciation des préjudices résultant directement pour les parties civiles, des agissements délictueux du prévenu;
Que Joël F ayant dédommagé Henri Martin, Michel Monteil, Sylvie Dufour, il y a lieu de lui en donner acte;
qu'il convient de confirmer le jugement attaqué sur les dommages-intérêts alloués à Michel Quionquion et Andrée Confais;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à Sylvie Dufour une somme de 750 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel;
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre des prévenus Joël F et Elie S, contradictoirement en application de l'article 420-1 du Code de procédure pénale à l'égard de Michel Monteil et Henri Martin, parties civiles, par défaut à l'égard d'Andrée Confais, partie civile, contradictoirement à l'égard de Michel Quionquion, partie civile; Donne acte à Joël F de sa comparution volontaire; Reçoit les appels des prévenus, de Sylvie Dufour, partie civile, et du Ministère public; Sur l'action publique : Confirme le jugement entrepris sur la déclaration de culpabilité, concernant tant Joël F que Elie S; L'infirme sur les peines, Condamne Joël F à 2 ans d'emprisonnement et à une amende de 20 000 euros; Condamne Elie S à 15 mois d'emprisonnement et à une amende de 15000 euros; Vu l'article L. 216-3 du Code de la Consommation; Ordonne à l'encontre de chaque prévenu la publication de la présente décision par extrait, à la diligence du Ministère public et aux frais des condamnés, dans les journaux "le Parisien" et "Le Figaro"; Sur l'action civile : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles; Donne acte aux parties civiles, Sylvie Dufour, Michel Monteil, Henri Martin, Michel Quionquion de ce qu'ils ont été dédommagés; Confirme le jugement sur les condamnations prononcées au profit d'Andrée Confais; Y ajoutant, Condamne Joël F à payer à Sylvie Dufour, partie civile, la somme de 750 euros au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.