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Décisions

CA Lyon, 1re ch. civ., 28 mai 2003, n° 01-06880

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Answer (SARL)

Défendeur :

Cawassa

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacquet

Conseillers :

M. Roux, Mme Biot

Avoués :

Me Barriquand, SCP Aguiraud-Nouvellet

Avocats :

Mes Bouaza, Noirecourt.

TGI Lyon, du 24 oct. 2001

24 octobre 2001

Faits - procédure - prétentions des parties:

Madame Béatrice Cawassa liée à la société Answer par un contrat de sous-agent commercial du 10 mai 1993 et un avenant du 13 décembre 1993 aux termes desquels elle était chargée de négocier les vêtements commercialisés par le groupe Max Mara dans les lignes Marella et New Penny pour les régions Rhône-Alpes-Côte-d'Azur, Languedoc et Corse, se plaignant d'une brusque rupture de ce contrat le 23 septembre 1994 a réclamé à la société Answer un solde de commissions et les indemnités prévues par la loi du 25 juin 1991.

Cette société refusant de lui payer les sommes réclamées, Madame Cawassa a saisi le Tribunal de grande instance de Lyon lequel par un jugement du 25 juin 1997 a dit que la rupture était imputable à la société Answer et a désigné un expert afin de déterminer le montant des commissions restant dues et de donner tous éléments pour apprécier l'importance du préjudice subi par la demanderesse.

Par un second jugement du 24 novembre 1999, le Tribunal de grande instance de Lyon a ordonné une comparution personnelle des parties en présence d'un second expert puis par une ordonnance du 11 janvier 2000 le juge de la mise en état a confié à cet expert un complément d'expertise sur les points faisant encore difficulté.

Par jugement du 24 octobre 2001, ce même tribunal, a rendu la décision suivante:

"- vu les jugements des 25 juin 1997 et 24 novembre 1999,

- vu le procès-verbal d'accord partiel du 10 janvier 2000,

- vu l'ordonnance du 11 janvier 2000,

- vu les deux rapports de Messieurs Estève et Audras,

- condamne la société Answer à payer à Madame Cawassa la somme de 61 289,46 F au titre des commissions dues, outre intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1995,

- dit et juge que la rupture du contrat de sous-agent commercial est intervenue le 23 septembre 1994, et qu'elle est imputable formellement à la société Answer, indépendamment dès lors de la question de son bien-fondé,

- condamne la société Answer à payer à Madame Cawassa une indemnité de fin de contrat de sous-agent commercial à hauteur de la somme de 100 000 F toutes causes de préjudice confondues,

- dit que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- dit que les dépens qui comprendront les frais des deux expertises seront partagés par moitié,

- dit n'y avoir pas lieu à dommages et intérêts, ni à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- partage les dépens par moitié dont distraction au profit de Maître Gast comme de Maître Bouaza, avocats sur leur affirmation de droit,

- dit qu'en l'espèce rien ne justifie que l'exécution provisoire, qui est l'exception, soit prononcée".

La société Answer a relevé appel de ce jugement dont elle sollicite la réformation.

Elle prétend que le solde des commissions dues s'élève à la somme de 201,04 F et demande à la cour de constater que le chiffre d'affaires de la ligne Marella s'est effondré de - 22,71 % pour les saisons 1994-1995, cette insuffisance globale s'élevant à 2 538 475 F, résultat qui est en contradiction avec celui obtenu par les autres sous-agents commerciaux chargés des lignes Week-end et Penny Black.

Elle considère donc que Madame Cawassa n'a pas exécuté son obligation contractuelle et qu'elle n'est pas fondée à demander une indemnité de rupture sachant qu'elle n'a pas acheté de cartes de sous agent ni payé un quelconque fonds de commerce et au surplus n'a réalisé aucun apport de clientèle du fait de sa prospection.

La société Answer, étant donné la ruine de ce fonds de commerce transféré gracieusement à Madame Cawassa demande que celle-ci soit condamnée à lui payer une indemnité de 199 427,70 euros.

Elle sollicite en outre une indemnité de 2 286,73 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Madame Cawassa conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Answer à lui payer la somme de 61 289,46 F à titre de commissions,

Elle demande de constater que la rupture intervenue à l'initiative de la société Answer n'est pas justifiée en l'absence de preuve d'une faute grave, laquelle ne saurait être caractérisée par le défaut de réalisation d'objectifs commerciaux, de dire que l'article 13 de la convention conclue entre les parties est sans effet car l'agent conserve le droit de présenter un successeur à son mandant et de ce fait de percevoir la valeur patrimoniale de ce droit.

Elle conclut donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a admis le principe de l'indemnité de rupture mais à sa réformation sur le montant fixé à 100 000 F et prie la cour de condamner la société Answer à lui payer la somme de 99 703,93 euros outre intérêts au taux légal à compter du 28 novembre 1994, date de l'assignation, à titre d'indemnité de fin de contrat, celle de 60 979,61 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral que les circonstances de la rupture lui ont causé et réclame en outre l'allocation d'une indemnité de 15 902,26 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Motifs et décision:

Sur le solde de commissions dues

Attendu que répondant point par point aux critiques de la société Answer le tribunal, par d'exacts motifs que la cour adopte, se référant aux conclusions des experts Estève et Audras qui ne sont pas sérieusement discutées a justement décidé que les commissions encore dues par la société Answer s'élevaient à 61 289,46 F;

Qu'en effet contrairement à ce que soutient à nouveau cette société, le montant des marchandises défectueuses a été déduit à concurrence de la somme de 3 832,50 F, la somme de 2 648 F correspondant à des commandes de Monsieur Pedone a été soustraite et la demande de déduction de la somme de 16 016,93 F correspondant à des achats qui auraient été effectués par Madame Cawassa finalement écartée à défaut de preuve de la réalité de ces achats, la simple mention "reste 10 784 F au 10 septembre 1993 sans autre explication ne pouvant être considéré comme un aveu;

Attendu qu'en outre après analyse des stipulations de l'article 7-4 du contrat l'avance sur commission à concurrence de 8 500 F n'a pas été limitée à la seule période initiale jusqu'au versement des premières commissions mais appliquée pendant la durée d'exécution du contrat;

Attendu que la société Answer qui prétend fixer le solde à la seule somme de 201,04 F ne développe aucune nouvelle critique pertinente ni ne produit de documents sérieux de nature à contredire les conclusions des deux experts;

Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef;

Sur l'indemnité de rupture

Attendu qu'il est constant que la société Answer a mis fin unilatéralement au contrat de sous-agent commercial conclu avec Madame Cawassa pour une durée indéterminée alors que l'article 14 de ce même contrat prévoyait une dénonciation par lettre recommandée avec préavis;

Attendu que la société Answer ne saurait justifier cette brusque rupture par la non-réalisation des quotas du chiffre d'affaires fixés et une baisse sensible du chiffre d'affaires de la gamme Marella sans démontrer que les défauts de résultat sont imputables au comportement fautif de Madame Cawassa;

Qu'elle ne fournit d'ailleurs aucun document faisant état de reproches sur un manque d'activité avant la dénonciation du mandat;

Attendu que la résiliation étant imputable à la société Answer, Madame Cawassa est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité et ce bien qu'elle n'ait pas apporté une clientèle particulière à son mandant;

Que cette indemnité eu égard au préjudice subi par cet agent commercial compte tenu de la durée de ce contrat (seize mois) des commissions perçues évaluées selon les experts Estève et Audras à 432 008 F déduction non faite des frais professionnels, et de la période pendant laquelle elle est restée sans emploi (huit mois) doit être fixée à la somme de 25 000 euros;

Qu'il y aura lieu d'y ajouter une indemnité de 3 778 euros pour non-respect du préavis de deux mois que devait observer la société Answer en application de la loi du 25 juin 1991 devenu l'article L. 134-1 du Code du commerce;

Attendu que les circonstances difficiles de la rupture sont déjà réparées par l'allocation de l'indemnité de cessation de contrat; qu'il n'y a pas lieu d'y ajouter des dommages-intérêts pour préjudice moral; que la demande de ce chef sera en conséquence rejetée;

Attendu que la société Answer qui réclame la somme de 199 427,70 euros en invoquant la "ruine du fonds de commerce qu'elle aurait gracieusement transmis à Madame Cawassa" (sic) ne démontre ni une cession distincte de l'indication d'une clientèle dans le cadre de l'exécution du contrat ni une faute de l'agent; que cette demande non fondée sera rejetée;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'intimée la charge de l'intégralité de ses frais irrépétibles; qu'il convient de lui allouer une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Par ces motifs, LA COUR, Confirme le jugement sur le montant du solde de commissions devant être payé par la société Answer et sur l'imputabilité de la rupture du contrat de sous-agent commercial, Le réforme sur le montant de l'indemnité allouée à Madame Cawassa, Statuant à nouveau, Condamne la société Answer à payer à Madame Cawassa la somme de vingt cinq mille euros (25 000 euros) à titre d'indemnité de rupture et celle de trois mille sept cent soixante dix huit euros (3 778 euros) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, Rejette la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral présentée par Madame Cawassa, Déboute la société Answer de sa demande de dommages et intérêts, Condamne la société Answer à verser à Madame Cawassa une somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la société civile professionnelle Aguiraud-Nouvellet, société d'avoués.