CA Rennes, 2e ch. com., 13 mai 2003, n° 02-03664
RENNES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Tech'dis (SARL)
Défendeur :
Kuhnke Pneumatics (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Letouze
Conseillers :
Mme Nivelle, M. Christien
Avoués :
Me Gautier, SCP Gauvain & Demidoff
Avocats :
Mes Jouanet, Ménage.
1 - Exposé des faits - Procédure - Objet du recours
Par acte du premier août 2000, la société Tech'dis a assigné la société Kuhnke Pneumatics devant le Tribunal de commerce de Rennes pour rupture de son contrat d'agent commercial à l'initiative de cette dernière;
Par jugement du 26 mars 2002, le Tribunal de commerce de Rennes a débouté la société Tech'dis de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à la société Kuhnke Pneumatics la somme de 2 287 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a débouté la société Kuhnke Pneumatics du surplus de sa demande;
Par acte du 6 juin 2002, la société Tech'dis a formé appel de cette décision; elle demande la réformation du jugement et la condamnation de la société Kuhnke Pneumatics à lui verser la somme de 157 022,49 euros à titre d'indemnité compensatrice de rupture de son mandat d'agent commercial, la somme de 39 636,74 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution de ses obligations contractuelles et celle de 3 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Kuhnke Pneumatics demande pour sa part la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société Tech'dis à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
2 - Moyens proposés par les parties
Considérant qu'à l'appui de son recours, la société Tech'dis, appelante, fait valoir que la société Kuhnke Pneumatics avec laquelle elle avait conclu un contrat d'agence commerciale, a résilié unilatéralement ce contrat, alors qu'aucun manquement à ses obligations ne lui avait été signifié préalablement; qu'elle rappelle qu'elle a effectué son préavis et qu'elle souligne que les prétendus faits de concurrence reprochés ne sont pas prouvés et que les produits distribués par Tech'dis n'étaient pas concurrents de ceux de Kuhnke Pneumatics;
Qu'elle soutient encore qu'elle a apporté tous ses soins au maintien et au développement de la clientèle qui lui était confiée et qu'elle est en droit de réclamer les commissions dues par l'intimé sur une base indemnitaire, dans la mesure où Kuhnke Pneumatics a refusé de lui fournir les informations sur le chiffre d'affaires généré par son portefeuille de clients, ce qui rend impossible le calcul exact des commissions qui lui sont dues;
Considérant que la société Kuhnke Pneumatics, intimée, expose pour sa part que la société Tech'dis n'a pas respecté ses obligations contractuelles notamment la remise de rapports d'activité et la transmission des doubles des offres à son mandant, qu'elle a entretenu la confusion auprès des tiers et a manqué à son obligation de loyauté en présentant des produits concurrents de la gamme de ceux fabriqués et distribués par Kuhnke Pneumatics;
Qu'elle ajoute que par ailleurs la société Tech'dis n'a pas restitué l'ensemble des dossiers commerciaux à l'issue du contrat et qu'elle n'apporte pas la preuve de commissions dues et qu'il ne peut être établi de relation de cause à effet entre les commandes et le travail fourni par Tech'dis;
3- Motifs de l'arrêt
Considérant que Xavier Vrinat, gérant de la société Tech'dis a signé le 27 août 1999 un contrat d'agent commercial avec la société Kuhnke Pneumatics;
Que l'article 3 de la loi de 1991 dispose qu'un agent commercial ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier;
Que le contrat signé par les parties stipule en son article 2 que "Monsieur Vrinat s'astreint au surplus à n'accepter la représentation d'aucune entreprise fabriquant ou distribuant, directement ou indirectement, des produits entrant dans la gamme de ceux fabriqués et distribués par Kuhnke Pneumatics. Tout cas particulier contraire sera soumis à l'accord écrit de "Kuhnke" et dispose en son article 3 qu'il "prend effet rétroactivement à compter du 1er mars 1999";
Considérant que du fait de cette rétroactivité, Xavier Vrinat s'interdisait de vendre ou de promouvoir, directement ou indirectement des marchandises concurrentes de celles présentées par la société Kuhnke Pneumatics, et ce, à partir du 1er mars 1999;
Considérant encore que Xavier Vrinat a demandé une avance à valoir sur les commissions qui lui étaient dues pour la période allant de mars à juillet 1999 comme l'attestent ses propres écritures; qu'il s'en déduit que pendant cette période, les rapports juridiques existant entre Tech'dis et Kuhnke Pneumatics étaient bien régis par un contrat d'agent commercial avec les conséquences qui en découlent;
Considérant en outre que les courriers adressés à Xavier Vrinat les 26 janvier et 5 février 2000 par Kuhnke Pneumatics, inventorient les reproches faits à l'agent commercial et notamment les actes déloyaux commis avant et après la signature du contrat;
Que les pièces produites au débat attestent que Xavier Vrinat a apposé sa signature sur un document à l'en-tête de DHM, société concurrente de Kuhnke Pneumatics, qu'il a encore présenté à la société DHM une gamme de produits d'une société également concurrente de Kuhnke Pneumatics, NSF contrôle, afin de développer les ventes de cette dernière en France; qu'il a enfin proposé des produits de la société HSB, société encore concurrente de l'intimé, en décembre 1999, dans une annonce publicitaire, soit bien après la signature du contrat d'agence;
Que dans une attestation en bonne et due forme produite aux débats, M. de Montbrun, gérant de la société DHM systèmes, précise que Xavier Vrinat a continué à collaborer avec sa société jusqu'au 31 décembre 2000;
Que le PDG de la société Difluid confirme par ailleurs que Xavier Vrinat de la société Tech'dis, a proposé des matériels concurrents de Kuhnke durant l'année 1999;
Que ces faits sont constitutifs d'une faute grave justifiant la rupture du contrat d'agence;
Considérant par ailleurs que la société Tech'dis revendique le versement d'une demi année de commission, soit 39 636,74 euros au motif que le contrat prévoit aux termes de son article 8-5, que le mandataire a droit de percevoir des commissions sur les ventes et commandes émanant des clients qui lui étaient confiés par la société Kuhnke Pneumatics, pendant les six mois suivant la résiliation du contrat;
Que malgré cette clause claire et non équivoque du contrat, la société Kuhnke Pneumatics se refuse à fournir à son ex-mandataire quelque information sur les ventes réalisées depuis le 9 mars 2000;
Que l'inexécution des obligations prévues au contrat cause à la société Tech'dis un préjudice certain que la cour évalue à la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts;
Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties l'intégralité des frais irrépétibles qu'elles ont du engager à l'occasion de la présente procédure; qu'elles seront déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;
Considérant que chacune des parties, succombant en appel en ses demandes, supportera ses propres dépens de première instance et d'appel;
Décision
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Réformant la décision déférée, Condamne la société Kuhnke Pneumatics à payer à la société Tech'dis la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inexécution des obligations prévues au contrat, Déboute la société Tech'dis de ses autres demandes, Déboute la société Kuhnke Pneumatics de ses demandes; Dit que chacune des parties, succombant en appel en ses demandes, supportera ses propres dépens de première instance et d'appel.