Cass. com., 29 octobre 2003, n° 00-18.378
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Self hayange (SARL)
Défendeur :
Piquée (Epoux)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Conseiller Rapporteur :
Mme Tric
Avocat général :
Me Feuillard
Conseiller :
M. Métivet
Avocats :
SCP Boré, SCP Célice, Mes Blancpain, Soltner
LA COUR: - Attendu, selon l'arrêt déféré (Paris, 5 mai 2000), que la société Self Hayange et ses co-gérants les époux Piquée, exploitant un fonds de commerce de station-service donné en location-gérance par la société Esso et la vente des carburants pour son compte sous le régime du mandat, ont demandé la condamnation de la société Esso au paiement sur le fondement de l'article 2000 du Code civil, d'une somme de 637 998 F représentant le "différentiel de rémunération" qu'ils auraient dû normalement supporter en contrepartie de l'emploi des salariés nécessaires au fonctionnement de la station-service, ainsi que d'une somme de 446 173 F, réduite à titre subsidiaire à 300 920,99 F, représentant le "différentiel carburants";
Sur le premier moyen pris en ses deux branches: - Attendu que la société Self Hayange et les époux Piquée reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant au paiement à la société Self Hayange de la somme de 637 998 F, alors, selon le moyen: 1°) que les pertes d'exploitation subies par la société mandataire doivent être déterminées par comparaison entre le montant de la commission versée à la société mandataire par la société pétrolière pour la distribution des carburants et le montant des frais de distribution de ces produits comprenant, notamment, outre la quote-part des frais de gestion du fonds affectés à l'activité de vente des carburants et la rémunération personnelle légitime des gérants, la rémunération du personnel nécessaire au fonctionnement de la station-service; qu'en l'espèce, la cour d'appel a admis que le surcroît de travail, non rémunéré, assumé par les gérants correspondait aux tâches du personnel nécessaire à la distribution des carburants, mais a énoncé que ce surcroît de travail "avait précisément permis d'éviter une perte d'exploitation" et ne devait donc pas être pris en considération pour déterminer le montant des pertes indemnisables; qu'en statuant comme elle a fait, alors que la rémunération du personnel nécessaire au fonctionnement normal de la station-service constitue un poste de calcul des pertes du pompiste mandataire et qu'il résulte de ses constatations que les gérants en avaient assumé les tâches, la cour d'appel a violé l'article 2000 du Code civil par refus d'application; 2°) que dans son précédent arrêt du 27 juin 1997, la cour d'appel avait elle-même chargé le nouvel expert désigné de "déterminer les pertes d'exploitation supportées par la société Hayange dans l'exercice de son activité de mandataire (...) en y incluant notamment les charges salariales normales (...); que, dans leurs conclusions d'appel, la société Hayange et les époux Piquee faisaient valoir que le nouvel expert n'avait pas répondu à la mission qui lui était confiée, supposant l'incorporation des "charges salariales normales" du personnel nécessaire à la station-service, mais s'était borné à retenir les seuls chiffres inscrits aux comptes de résultat de la comptabilité de la société; qu'en écartant l'existence de pertes sur la seule base des chiffres retenus par l'expert, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si celui-ci avait incorporé les "charges salariales normales" du personnel nécessaire à la station-service dans ses calculs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2000 du Code civil;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir relevé que le surcroît d'activité des gérants, dont il est prétendu que l'insuffisance chronique de rémunération n'aurait pas permis de recruter du personnel supplémentaire pour l'activité de mandataire, ne peut s'analyser en une perte, qu'il a, au contraire, permis d'éviter, l'arrêt retient qu'aucun élément précis et vérifiable n'a été produit ni devant l'expert ni devant la cour d'appel tendant à prouver le caractère anormal de la rémunération des gérants pour leur activité de mandataires, qui était supérieure à celle découlant des accords interprofessionnels; qu'ainsi, la cour d'appel a légalement justifié sa décision;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, effectuant la recherche prétendument omise, a retenu que l'expert, chargé de fournir tous éléments de nature à déterminer l'existence de pertes d'exploitation liées à l'activité de mandat en tenant compte des charges salariales normales, était autorisé à prendre en considération la rémunération ressortant des écritures comptables dès lors qu'elle paraissait normale; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches;
Et sur le second moyen: - Attendu que la société Self Hayange et les époux Piquée reprochent encore à l'arrêt d'avoir rejeté la demande de la société Self Hayange tendant au paiement à la société Self Hayange de la somme de 300 920,99 F, alors, selon le moyen, que le mandant doit indemniser le mandataire de toutes pertes, sans distinction, essuyées par le mandataire dans la gestion du mandat ou à l'occasion de cette gestion; qu'après avoir énoncé à bon droit que la société Esso devait supporter la totalité des pertes de carburants telles qu'elles résultaient des écritures comptables, sans condamner la société pétrolière à payer la somme de 300 920,99 F représentant, à un centime près, la totalité des pertes de carburants inscrites en comptabilité, fait constaté par l'expert judiciaire dans la partie de son rapport visé par l'arrêt, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 2000 du Code civil;
Mais attendu que l'arrêt retient que si, pour les exercices considérés, les pertes de carburants ont été inscrites en comptabilité, les comptes de résultat, bénéficiaires sauf pour l'exercice 1987-1988, ne font ressortir aucune perte d'exploitation au sens de l'article 2000 du Code civil pour l'activité de mandataire; que la cour d'appel n'a pas encouru le grief qui lui est fait; que le moyen n'est pas fondé;
Par ces motifs, LA COUR, rejette le pourvoi.