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Décisions

Cass. crim., 6 février 2001, n° 00-84.104

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman (faisant fonctions)

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

Mme Fromont

Avocats :

SCP Boré, Boré.

TGI Ajaccio, ch. corr., du 14 janv. 2000

14 janvier 2000

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par T Jean-Claude, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Bastia, chambre correctionnelle, du 17 mai 2000, qui, notamment, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 30 000 francs d'amende, a ordonné une mesure d'affichage et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude T coupable de publicité mensongère;

"aux motifs que la publicité mensongère n'a pas été contestée en son principe, le gérant de la SARL Y invoquant une délégation de responsabilité, Jean-Jacques A, directeur de l'hypermarché X d'Ajaccio ayant reçu et accepté la responsabilité de ces campagnes promotionnelles; qu'entendu par les enquêteurs le 19 mai 1998, Jean-Claude T s'est déclaré pénalement responsable de ces faits et a expliqué le processus d'organisation de la campagne publicitaire et les relations avec les fournisseurs; que Jean-Jacques A a expressément déclaré que le gérant T était le responsable de ces agissements; qu'ainsi il apparaît que Jean-Claude T a eu une participation active dans cette campagne publicitaire mensongère d'autant plus déterminante qu'il reconnaît en avoir fixé les modalités financières; que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont constaté que la délégation de responsabilité était inopérante;

"et aux motifs adoptés que Jean-Claude T ne saurait s'exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant cette délégation de pouvoirs; qu'en effet s'il résulte de l'article L. 121-5 du Code de la consommation qu'il est possible pour un chef d'entreprise de s'exonérer de sa responsabilité, toutefois la validité de la délégation est subordonnée à la preuve par celui-ci qu'il était dans l'impossibilité totale d'assurer personnellement le contrôle des campagnes de publicité; que, bien au contraire, l'examen des dépositions de Jean-Claude T démontre qu'il avait participé activement à cette campagne publicitaire avec Jean-Jacques A, rendant par là même la délégation de compétence inopérante;

"1°) alors que la délégation de pouvoirs n'a pas été contestée en son principe; qu'il appartenait à la cour d'appel d'en apprécier la valeur et l'étendue; qu'en s'y refusant au motif inopérant et erroné selon lequel il apparaissait que le prévenu avait eu une participation active dans la campagne publicitaire mensongère puisqu'il en avait déterminé les modalités financières, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés;

"2°) alors que Jean-Claude T n'a jamais reconnu avoir participé à la campagne publicitaire litigieuse; qu'en estimant qu'il ressortait des déclarations de Jean-Claude T que celui-ci avait eu une participation active dans cette campagne, la cour d'appel a dénaturé les propos du demandeur et entaché sa décision d'une contradiction de motifs;

"3°) alors que dans ses conclusions d'appel, Jean-Claude T soutenait que la délégation de pouvoirs consentie à Jean-Jacques A était une nécessité étant donné la taille de la société embauchant plus de 300 salariés et étant donné le nombre de campagnes publicitaires réalisées chaque année pour l'hypermarché; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen et en se bornant à confirmer les premiers juges qui avaient considéré que le prévenu ne démontrait pas qu'il était dans l'impossibilité totale d'assurer personnellement le contrôle des campagnes de publicité, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et violé les textes susvisés";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Jean-Claude T, gérant d'une société exploitant un hypermarché à Ajaccio, est poursuivi pour avoir effectué, lors d'une campagne promotionnelle destinée aux touristes, une publicité fausse ou de nature à induire en erreur, en présentant comme corses des produits de charcuterie fabriqués pour la plupart à partir de porcs non élevés en Corse;

Attendu que les juges d'appel, après avoir caractérisé l'infraction, énoncent, pour l'imputer au prévenu, que celui-ci a participé de manière active à la campagne publicitaire; qu'ils en déduisent que la délégation de pouvoirs qu'il a consentie au directeur du magasin est inopérante;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision; qu'en effet, seul le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut, sauf disposition contraire de la loi, s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-4 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Claude T coupable de publicité mensongère, l'a condamné à une amende de 30 000 francs et a ordonné l'affichage de la décision;

"alors que, si l'article L. 121-4 du Code de la consommation prévoit la publication de la condamnation, il n'en autorise pas l'affichage; qu'en ordonnant en l'espèce l'affichage de la décision, la cour d'appel, qui a prononcé une peine qui n'était pas prévue par la loi, a violé les textes susvisés";

Vu l'article 111-3 du Code pénal; - Attendu que, selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi;

Attendu qu'après avoir condamné le prévenu pour le délit de publicité trompeuse, la cour d'appel a ordonné notamment l'affichage de la décision, pour une durée de 15 jours, aux portes du magasin;

Mais attendu que, si l'article L. 121-4 du Code de la consommation prévoit la publication de la condamnation, il n'en autorise pas l'affichage; d'où il suit que la cassation est encourue;

Par ces motifs, casse et annule, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Bastia, en date du 17 mai 2000, en ses seules dispositions concernant l'affichage de la condamnation, les autres dispositions de l'arrêt étant expressément maintenues; Dit n'y avoir lieu à renvoi.