CA Poitiers, ch. corr., 20 juin 2002, n° 01-00859
POITIERS
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Albert
Substitut :
général: Mme Sallaberry
Conseillers :
MM. Delpech, You
Avocats :
Mes Weil, Siret.
Décision dont appel :
Le tribunal a sur l'action civile:
- reçu Monsieur Carlini-Janvier en sa constitution de partie civile;
- condamné solidairement Messieurs O et D à rembourser la somme de 21 000 F toutes causes de préjudices confondues à Monsieur Carlini-Janvier à titre de dommages et intérêts;
- donné acte à Maître Dutour de sa constitution de partie civile;
- déclaré toutes les autres constitutions de parties civiles irrecevables
- condamné Messieurs O et M aux dépens de l'action civile;
Appel a été interjeté par :
- Madame Brun-Chautemp Bernadette, le 26 mars 2001.
Décision :
Rappel des faits et de la procédure :
A l'été 1998, des commerciaux de la société X, dont le PDG était M. Philippe O, ont démarché plusieurs clients potentiels, dont Mme Brun-Chautemps, afin de leur vendre des équipements de jardin et de maison, en l'espèce des vérandas.
Selon Mme Brun-Chautemps, contactée par M. Fabrice P le 7 juillet 1998, elle a passé ce jour-là commande pour une véranda, commande antidatée au 2 juillet, et elle a remis au vendeur un chèque d'avance de 11 190 F.
Le 30 juillet 1998, la société X a été déclarée en cessation de paiements, et plusieurs clients n'ont pas été livrés.
Il est apparu que, en contradiction avec l'article L. 121 du Code de la consommation, des avances avaient été consenties avant l'expiration du délai de réflexion et de rétractation de sept jours prévu par la loi.
Le 19 mars 2001, le Tribunal correctionnel de La Roche-sur-Yon a condamné, entre autres prévenus, MM. P et O pour avoir ainsi agi en violation de l'article L. 121.
Sur l'action civile de Mme Brun-Chautemps, le tribunal a dit sa constitution de partie civile irrecevable, faute de lien de causalité entre l'infraction et le préjudice.
Le 26 mars 2001, Mme Brun-Chautemps a interjeté appel.
Devant la cour, Mme Brun-Chautemps, représentée par son conseil, a demandé à la cour de:
- dire que l'infraction constatée avait causé la perte de l'acompte, le retard des travaux, la nécessité de démolir et un préjudice moral;
- condamner les intimés à lui verser:
* 1 705 euro, au titre de l'acompte;
* 1 286,97 euro au titre des frais de démolition;
* 460 euro au titre du préjudice moral;
* 1 220 euro en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
M. O, assisté de son conseil, a conclu à l'irrecevabilité de la constitution de partie civile et de l'appel de Mme Brun-Chautemps, et subsidiairement, à la confirmation du jugement entrepris.
M. O, cité à mairie, mais n'habitant pas à l'adresse indiquée, n'a pas comparu. Le présent arrêt sera rendu par défaut à son égard.
Sur ce, LA COUR
1 - sur la recevabilité de l'action de la partie civile:
Attendu que M. O fait valoir que la partie civile présente en première instance était "Monsieur" Brun-Chautemps, et que donc Mme Brun-Chautemps ne saurait interjeter valablement appel.
Mais attendu qu'il ressort du dossier que la mention dans le jugement de "Monsieur Brun-Chautemps" est une erreur matérielle, puisque M. Brun est décédé depuis plusieurs années, que "Chautemps" est le nom de jeune fille de Mme Brun, et puisque toutes les pièces de la procédure, y compris la désignation de la victime dans la prévention d'origine et la citation, nomment "Madame Brun-Chautemps".
Attendu dès lors que Mme Brun-Chautemps sera dite recevable en son appel contre M. O.
Attendu que M. O soutient que la plainte initiale de Mme Brun-Chautemps, formalisée par déclaration à la gendarmerie du 26 avril 2000 ne vise que M. P et la société X, et que donc elle ne saurait étendre ses demandes à l'encontre de M. O.
Mais attendu que la constitution de partie civile est recevables même à l'audience, avant que le Ministère public prenne la parole, et que donc la constitution de partie civile de Mme Brun-Chautemps devant le tribunal était recevable.
2 - Au fond
Attendu que c'est à juste titre que le tribunal a relevé que le chèque litigieux remis avant l'expiration du délai légal de sept jours, ce qui a constitué l'infraction, n'a été encaissé qu'après l'expiration du délai, en l'espèce le 20 juillet 1998.
Attendu que Mme Brun-Chautemps, au contraire de M. et Mme Carlini, autres parties civiles devant le tribunal, n'a pas manifesté son intention de se rétracter de sa commande dans le délai de sept jours.
Attendu que si Mme Brun-Chautemps, par exemple, avait remis le chèque d'acompte le 15 juillet, soit au-delà du délai, et date à laquelle elle espérait encore se voir livrer sa véranda, le préjudice eût été le même, mais l'infraction n'aurait pas été constituée.
Attendu qu'il en ressort, comme l'a noté le premier juge, qu'il n'y a pas de lien de causalité entre l'infraction commise ayant occasionné la condamnation prononcée par le tribunal, et le préjudice subi, lequel n'est en réalité que la conséquence de la procédure collective entamée contre la société X.
Attendu que Mme Brun-Chautemps sera dès lors déboutée de ses demandes.
3 - Sur la demande au titre de l'article 475-1 CPP
Attendu que le préjudice n'est pas lié à l'infraction, et que Mme Brun-Chautemps est déboutée de ses demandes, il n'est pas inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles d'instance qu'elle a engagés.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, en matière correctionnelle, sur intérêts civils, en dernier ressort, contradictoirement à l'égard de M. O et de Mme Brun-Chautemps, et par défaut à l'égard de M. P. Reçoit l'appel de Mme Brun-Chautemps; Dit sa constitution de partie civile recevable; Au fond : - Déboute Mme Brun-Chautemps de l'ensemble de ses demandes; - Condamne Mme Brun-Chautemps aux dépens de l'action civile.