CA Montpellier, 1re ch. D, 16 avril 2003, n° 00-04353
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Monnet (ès qual.), Maison Française de Distribution (Sté)
Défendeur :
Chaouchi (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Paris
Conseillers :
M. Torregrosa, Mme Bresdin
Avoués :
SCP Jougla-Jougla, SCP Salvignol-Gulhem
Avocat :
Me Tardy Seeten
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par assignation en date du 25 juin 1998, Jack Chaouchi faisait assigner la SA Maison Française de Distribution (MFD) aux fins de condamnation à lui payer en réparation de son préjudice à la suite du "Grand Jeu National" du premier semestre 1997, la somme de 200 000 F de dommages-intérêts et ce, avec exécution provisoire.
Par le jugement entrepris en date du 6 juillet 2000, le Tribunal de grande instance de Montpellier condamnait la société MFD, du fait de son engagement unilatéral de volonté, à payer à Jack Chaouchi la somme totale de 100 000 F, déboutait la société MFD prise en la personne de son liquidateur amiable, Jean-Michel Monnet, du surplus de sa demande.
La société MFD, appelante, soutient essentiellement dans ses dernières conclusions en date du 11 décembre 2000, que l'article 8 du règlement inclus dans les documents publicitaires, précise que le gagnant de la somme de 100 000 F sera tiré au sort parmi les participants au premier tour: la société MFD ne pouvait connaître le nom du gagnant au tirage final, sa désignation faisant l'objet d'un post-tirage. Elle souligne que le minimum que l'on puisse attendre du participant à un jeu est qu'il ne se contente pas d'un survol mais procède à une lecture attentive des documents d'autant plus qu'il est nécessairement informé par les multiples articles de presse et émissions de télévision du déroulement ces différentes loteries.
Elle demande à la cour de réformer la décision entreprise, de débouter Monsieur Chaouchi de toutes ses demandes fins et conclusions et de le condamner à lui payer la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Jack Chaouchi, intimé, demande à la cour dans ses dernières conclusions en date du 23 juillet 2001, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions. Il sollicite en outre la somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Il soutient qu'il a cru de bonne foi à la réalité de son gain, tenant la confusion volontaire opérée par MFD entre le chèque du premier tour dont le montant n'était pas indiqué et le gain de 100 000 F.
MOTIFS
Attendu que le 3 février 1997, Jack Chaouchi a reçu de la société de vente par correspondance Maison Française de Distribution, organisateur de loteries publicitaires, un envoi intitulé "Grand jeu national " avec "Avis officiel" le désignant, de façon nominative et répétitive, en gros caractères, comme ayant gagné 100 000 F avec annonce d'un paiement immédiat, en ces termes: " Monsieur Chaouchi, nous avons un premier chèque qui vous attend, nous avons pour mission de vous contacter immédiatement pour vous informer de façon claire et sans aucun doute possible que le chèque du 1er tour vous attend "... " le tableau ci-dessous vous confirme que le montant total du prix en espèce du tirage final du Grand Jeu National se compose de dix (10) chèques mensuels d'une valeur nominale unitaire de 10 000 F soit au total, 100 000 F (dix millions de centimes) "... "M Chaouchi est le gagnant vérifié d'un prix en espèce (chèque). Cet état de fait ne peut être annulé que si l'accusé de réception n'est pas retourné dans les vingt et un (21) jours "... avec mention en gras en face d'un tampon "Réponse urgente" "Au total, 10 chèques prêts à être envoyés! "; qu'il a signé et expédié le bon de validation dès le 8 février 1997, et ainsi bien avant l'expiration du délai de 21 jours qui lui était imparti pour valider son gain;
Attendu que l'existence d'un aléa n'a pas été mise en évidence par la société MFD qui ne peut pas utilement invoquer à cet égard les articles 6 et 8 du règlement joint à l'envoi du 3 février 1997, selon lesquels il se serait agi d'un pré-tirage et que le gagnant de la somme de 100 000 F serait tiré au sort parmi les participants au premier tour ayant gagné un chèque de 5 F; qu'en effet, ces informations qui figurent à l'intérieur de l'enveloppe et qui sont rédigées en caractères minuscules, tout comme la mention portée sur l'avis officiel pour inviter le participant à se reporter audit règlement au verso, sont difficilement accessibles et peu compréhensibles, par contraste avec l'affirmation en gros caractères du gain de 100 000 F;
Attendu dès lors qu'en adressant à Jack Chaouchi des documents présentant de façon affirmative un évènement hypothétique, le gain qui n'a pas été adressé, la société MFD a créé volontairement une confusion entre le chèque du premier tour dont le montant n'était pas indiqué de façon claire et apparente, et le gain de 100 000 F en dix chèques de 10 000 F; qu'elle a de la sorte induit en erreur Jack Chaouchi, participant de bonne foi, lequel a subi un préjudice constitué par la personnalisation du document qui lui a été envoyé et sa vaine croyance dans l'acquisition d'une somme importante;
Que la société Maison Française de Distribution a commis ainsi une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, que le préjudice qui en est résulté pour Jack Chaouchi sera réparé par l'allocation de dommages-intérêts correspondant au gain attendu et non reçu, soit la somme de 100 000 F;
Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle condamne la société Maison Française de Distribution à lui payer la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts, avec rejet du surplus de sa demande;
Par ces motifs: LA COUR, Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions; Y ajoutant: Rejette toutes autres demandes des parties; Condamne la société Maison Française de Distribution, prise en la personne de son liquidateur amiable Jean Michel Monnet, aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Salvignol Guilhem-Delsol, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.