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Décisions

CA Paris, 5e ch. C, 10 octobre 1997, n° 96-016360

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Minolta France (SA)

Défendeur :

Loulou, Crédit Universel Banque (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Desgrange

Conseillers :

Mme Cabat, M. Betch

Avoués :

SCP E & J Goirand, SCP Autier

Avocats :

Mes Geus, Loukil.

T. com. Paris, du 18 juin 1996

18 juin 1996

LA COUR, statue sur l'appel formé par la SA Minolta France d'un jugement rendu le 18 juin 1996 par le Tribunal de commerce de Paris qui a prononcé la résiliation du contrat du 29 juin 1994 à compter de la signification du jugement, "à charge pour la société Minolta France d'assumer les conséquences financières auprès de la société Compagnie du Crédit Universel", qui a ordonné la "restitution du matériel correspondant au contrat du 11 janvier 1994, dans les conditions et termes dudit contrat et ce sans débours pour Monsieur Nooman Loulou, cette restitution devant être opérée" dans le mois de la signification du jugement sous peine d'astreinte de 100 F par jour de retard, qui a ordonné l'exécution provisoire de sa décision et condamné la société Minolta France à régler à Monsieur Nooman Loulou la somme de 8 000 F au titre de l'application de l'article 700 du NCPC.

La cour se réfère pour l'exposé des faits et de la procédure à la relation exacte qu'en ont fait les premiers juges.

Il suffit de rappeler que Monsieur Nooman Loulou qui exploite un commerce dans le XIIIe arrondissement de Paris, a commandé à six mois d'intervalle deux photocopieurs à la société Minolta France, le second plus performant, devant remplacer le premier.

Le tribunal a dit que Monsieur Loulou avait été victime des agissements dolosifs de la société Minolta pour la souscription du second contrat.

La SA Minolta France, appelante, dénie ce dol, dénie avoir failli à ses obligations contractuelles ou pré-contractuelles, rappelle que l'instance a pour origine la mise en demeure de payer délivrée à Monsieur Loulou, et que la saisine des premiers juges interdisait le prononcé de la résiliation des contrats et ne permettait que sa condamnation éventuelle au paiement de dommages-intérêts.

Subsidiairement, elle conclut à un partage de sa responsabilité avec la société Compagnie du Crédit Universel.

Aussi, la société Minolta France prie-t-elle la cour, après infirmation du jugement déféré, de dire que Monsieur Loulou n'a pas été la victime d'un dol, de dire qu'il a été pleinement informé des conséquences financières de la résiliation anticipée du contrat du 11 janvier 1994, de dire valables les contrats de vente, de location et de maintenance signés le 29 juin 1994, de dire n'y avoir lieu à résolution ou à résiliation des contrats, de débouter Monsieur Loulou de ses demandes, à titre subsidiaire, en cas de reconnaissance d'un manquement à l'obligation pré-contractuelle d'information, de dire que le préjudice de Monsieur Loulou ne peut excéder la somme de 13 917,73 F et qu'il doit être pris en charge par moitié par la société Compagnie du Crédit Universel, et de condamner Monsieur Loulou au paiement d'une somme de 2 500 F au titre de l'application de l'article 700 du NCPC.

La société Compagnie du Crédit Universel, seconde intimée, forme un appel incident qui tend à la condamnation de Monsieur Loulou à lui régler la somme de 48 272,32 F au titre des loyers échus et impayés et de l'indemnité de résiliation due en exécution du contrat du 29 juin 1994, ainsi que la somme de 6 000 F au titre de ses frais irrépétibles; à titre subsidiaire, elle sollicite les mêmes paiements.

A ces fins, elle fait valoir que Monsieur Loulou a été informé des circonstances dans lesquelles intervenait la modification du matériel, et que le Crédit Universel n'a aucune responsabilité dans les négociations commerciales de la société Minolta France avec Monsieur Loulou.

Monsieur Loulou, premier intimé, conclut également à l'infirmation du jugement, et sollicite à titre principal, la nullité des deux contrats pour non-respect des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation, demande à la cour d'ordonner à Minolta de reprendre le photocopieur EP 4250 et d'ordonner au Crédit Universel de lui restituer toutes les sommes perçues au titre des loyers des deux contrats, à titre subsidiaire, de confirmer le jugement, et par application des articles 1116 et 1110 du Code civil, de dire que Minolta a commis des manœuvres dolosives sans lesquelles il n'aurait pas contracté, de dire que Monsieur Loulou a commis une erreur sur le prix sans laquelle il n'aurait pas contracté, en conséquence, de prononcer la nullité du contrat de location du 29 juin 1994, d'ordonner à Minolta de reprendre le photocopieur EP 4250 et de lui restituer le modèle EP 2130 ou un modèle équivalent sans aucun frais et avec les mêmes conditions que celles du contrat du 11 janvier 1994, de dire que Minolta devra s'exécuter dans le mois suivant la signification de l'arrêt sous peine d'astreinte définitive de 500 F par jour de retard, de dire qu'il n'est redevable d'aucune somme à l'égard de la société Minolta ou du Crédit Universel, de débouter ces sociétés de leurs demandes, et plus subsidiairement, de dire que Minolta a manqué à ses devoirs d'information et de conseil, de condamner les deux sociétés solidairement à lui régler la somme de 64 644,64 F à titre de dommages-intérêts, et en tout état de cause, de condamner les mêmes sociétés dans les mêmes conditions, à lui régler les sommes de 20 000 F et de 12 000 F aux titres respectifs de dommages-intérêts pour préjudice moral et de ses frais irrépétibles.

Sur ce, LA COUR,

1°) - Sur l'application au litige des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation:

Considérant que comme le souligne utilement la société Minolta France, Monsieur Loulou a acquis ces matériels dans un but purement professionnel en rapport direct avec son activité professionnelle;

Qu'en effet, il a apposé son cachet commercial libellé comme suit:

"Alimentation - Journaux - Papeterie

LOULOU Nooman

46, rue des Cordelières

75013 - PARIS"

avec son numéro de siret, sur le premier comme sur le second bon de commande des photocopieurs litigieux en sollicitant la livraison de ceux-ci à cette même adresse commerciale;

Que cette activité correspond à la réalité puisque l'extrait K du Registre de Commerce mentionne pour activité "épicerie, crémerie, primeurs, dépôt de journaux, papeterie";

Qu'il s'ensuit que l'article L. 121-22-4° du Code de la consommation rend inapplicables à l'espèce les dispositions des articles L. 121-23 et L. 121-29 du même Code qui prévoient la nullité de tels contrats pour infraction aux règles du démarchage à domicile;

Que le moyen de nullité de ce chef doit donc être rejeté;

2°) - Sur l'existence d'un dol:

Considérant que Monsieur Loulou a commandé à la société Minolta France un premier photocopier financé par le Crédit Universel auprès duquel il s'est engagé à régler un loyer mensuel HT de 321,71 F durant soixante mois, le prix d'achat de ce matériel étant de 11 300 F HT";

Que sur le bon de commande du second photocopieur, était indiqué le prix HT de 19 540 F, le paragraphe intitulé "mode de règlement" portant les mentions "Location financière Crédit Universel sur cinq ans pour un montant trimestriel de 2 122,95 F HT avec reprise sur encours de 13 917,73 F TTC";

Considérant que Monsieur Loulou a apposé sa signature au bas de ce bon de commande; qu'il a signé le même jour la facture intitulée "participation à indemnité de résiliation pour matériel désigné ci-dessous pour le montant de 13 917,73 F TTC;

Considérant que le montant trimestriel de 2 122,94 F HT intégrait le montant des 13 917,73 F restant dus sur le précédent contrat; que la simple lecture de ce bon de commande d'un appareil dont le prix était supérieur de 8 000 F au précédent photocopieur et dont le loyer passait de 321,71 F à 707,64 F par mois, mettait en mesure Monsieur Loulou de vérifier que le doublement du prix de location s'expliquait par l'intégration de l'encours dû sur l'appareil repris par le fournisseur;

Qu'il ne peut donc utilement soutenir avoir été victime d'un dol au moment de la souscription du second contrat, en croyant n'avoir à exposer aucun frais supplémentaire alors que l'écrit le renseignait de manière complète;

Considérant qu'il est sans intérêt d'examiner la valeur probante de l'attestation que produit Monsieur Loulou aux fins de prouver le dol alors que si ce dernier a commis une erreur, celle-ci provient simplement d'une lecture erronée du bon de commande et de la facture explicites qu'il a signés le même jour;

Considérant que d'ailleurs, l'attestation susvisée ne constitue pas même la preuve du dol reproché puisque ce document indique qu'aux dires du représentant de la société Minolta France, les mensualités du second photocopieur devaient remplacer les mensualités du premier photocopieur, ce qui correspond exactement aux écrits signés le même jour;

Que le moyen de nullité du second contrat doit donc être rejeté;

Considérant que comme il a été constaté ci-dessus, l'erreur qu'a pu commettre Monsieur Loulou quant à l'absence de conséquence de la résiliation du premier contrat sur le montant des mensualités du second contrat, revêt un l'espèce un caractère inexcusable et ne peut donc justifier la nullité de ce dernier; qu'en effet, il lui suffisait de lire les écrits soumis à sa signature pour se convaincre du contraire; que ce moyen doit donc être également rejeté;

3°) - Sur le manquement au devoir de conseil:

Considérant que Monsieur Loulou ne se plaint pas de l'inadéquation des photocopieurs aux besoins de son commerce de papeterie;

Qu'il ne soutient pas davantage que ces appareils présentent des vices rédhibitoires;

Qu'il déplore seulement avoir été incité à louer un appareil plus performant que le précédent après six mois d'utilisation du premier; qu'il lui appartenait de refuser la nouvelle offre commerciale du représentant de la société Minolta, s'il l'estimait trop onéreuse; qu'à défaut de ce refus, il ne peut prétendre à la résiliation du contrat pour manquement de Minolta à son obligation de conseil; qu'on ne peut en effet imputer à faute à un commerçant de proposer à un autre commerçant un contrat à des conditions clairement posées par écrit;

Considérant qu'en outre, le 29 juin 1994, Monsieur Loulou a souscrit un contrat d'entretien du nouveau matériel, contrat suivi d'une mise en demeure de payer les prestations afférentes à ce troisième contrat; qu'il s'ensuit que Monsieur Loulou est seul responsable de l'état actuel de son photocopieur;

Que la résiliation du contrat de location du 29 juin 1994 ne peut donc être prononcée;

4°) - Sur les autres demandes:

Considérant que sont mal fondés les moyens de nullité et de résiliation avancés par Monsieur Loulou; qu'il est donc inutile d'examiner la demande subsidiaire en garantie formée par la société Minolta France à l'encontre de la société Crédit Universel;

Considérant que le rejet des demandes de Monsieur Loulou a pour conséquence la poursuite du contrat de location du 29 juin 1994 et le rejet de sa demande en dommages-intérêts;

Considérant que Monsieur Loulou a reçu de la société du Crédit Universel des mises en demeure de payer restées vaines; qu'il y a lieu d'accueillir les demandes en paiement formées par la société bailleresse en exécution du second contrat de location, demandes dont le montant ou le mode de calcul ne font l'objet en l'espèce d'aucune critique de Monsieur Loulou;

Considérant que Monsieur Loulou qui succombe et qui sera condamné aux dépens, ne peut utilement prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du NCPC;

Considérant que l'équité ne commande pas pour autant de faire au profit des sociétés Minolta France et Crédit Universel une application de ce texte;

Par ces motifs, LA COUR, Infirme en toutes ses dispositions la décision déférée; Et, statuant de nouveau; Déboute Monsieur Loulou de ses demandes de nullité et de résiliation des contrats litigieux; Condamne Monsieur Loulou à régler à la société Crédit Universel Banque la somme de 48 272,32 F au titre de l'exécution du second contrat du 29 juin 1994; Déboute les parties de leurs demandes incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue, en ce comprises celles formées sur le fondement de l'article 700 du NCPC; Condamne Monsieur Loulou aux dépens de première instance et d'appel, et admet pour ces derniers, la SCP Verdun & Gastou, et la SCP Goirand, titulaires d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.