Cass. com., 13 novembre 2003, n° 02-12.084
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Colas Rhônes Alpes (SA), Sacer Sud-Est (SA), Screg Sud-Est (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, Direction générale de la Concurrence et de la Répression des fraudes
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Avocat général :
Me Viricelle
Conseillers :
Mme Champalaune, M. Métivet
Avocats :
Mes Le Prado, Ricard.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2002), que par décision n° 01-D-14 du 4 mai 2001, le Conseil de la concurrence, saisi de pratiques relevées à l'occasion des marchés de fabrication et de mise en œuvre des enrobés bitumineux sur les routes départementales de l'Isère, a décidé que différentes sociétés parmi lesquelles la société Colas Rhône Alpes, la société Sacer Sud-Est, la société Screg Sud-Est et la société Entreprise Jean Lefèbvre, s'étaient livrées à une entente générale de répartition de marchés et à une entente sur les prix en méconnaissance de l'article L. 420-1 du Code de commerce, et a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de ces sociétés;
Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en ses trois branches, réunis : - Attendu que les sociétés Colas Rhône Alpes, Sacer Sud-Est et Screg Sud-Est font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours contre la décision du Conseil de la concurrence du 4 mai 2001, par laquelle leur avaient été infligées des sanctions pécuniaires, et d'avoir écarté le moyen tiré de ce que le chiffre d'affaires à prendre en compte, en application de l'article L. 464-2 du nouveau Code de commerce, était non pas le leur, mais le chiffre d'affaires de ceux de leurs centres qui pouvaient être concernés, dès lors que les responsables de ces centres étaient titulaires de délégations de pouvoirs ne comportant de limite que relative au montant individuel des marchés qu'ils pouvaient passer avec l'administration, ce dont il s'ensuivait que chacun de ces centres devait être considéré comme une entreprise, et dès lors qu'en l'état d'un arrêt de la Cour d'appel de Grenoble du 7 avril 1999, il était en toute hypothèse établi que chacun des centres constituait une entreprise, alors, selon le moyen : 1°) que le montant total des soumissions déposées par les sociétés lors de l'appel d'offres de 1994 ne préjuge en rien de la question de l'autonomie de leurs centres, étant d'ailleurs incontestable que chacun des lots devait être considéré isolément; et que dès lors que les délégations invoquées ne comportaient aucune réserve, la Cour d'appel ne pouvait nier l'autonomie des centres en cause sans entacher sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 464-2 du nouveau Code de commerce; 2°) que la motivation citée, qui ne permet pas d'appréhender le raisonnement de la cour d'appel, ne satisfait pas à l'exigence de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile; 3°) qu'à lui seul l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble devait conduire la cour d'appel à reconnaître aux centres en cause, la qualité d'entreprise; qu'en effet, selon cette décision, confirmant sur ce point la décision de première instance, les dirigeants des centres litigieux exercent une activité positive de direction et de gestion en toute indépendance, ce que la Cour d'appel de Paris n'a pu ignorer sans dénaturer l'arrêt de la Cour d'appel de Grenoble et la motivation adoptée du Tribunal correctionnel de Grenoble du 13 novembre 1997 et violer l'article 1134 du Code civil ; 4°) que la cour d'appel a, par voie de conséquence entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 464-2 du nouveau Code de commerce;
Mais attendu qu'ayant énoncé que les délégations de pouvoirs invoquées ne suffisent pas à établir l'existence de l'autonomie alléguée, aucune preuve n'étant rapportée de ce que chacune de ces structures locales était en mesure de définir sa propre stratégie commerciale, financière et technique, et de s'affranchir du contrôle hiérarchique du siège de la société dont elle dépendait, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;que le moyen, dirigé contre des motifs surabondants de l'arrêt, est inopérant et donc irrecevable;
Sur le troisième moyen : - Attendu que les sociétés Colas Rhône Alpes, Sacer Sud-Est et Screg Sud-Est font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours contre la décision du Conseil de la concurrence du 4 mai 2001, par laquelle leur avaient été infligées des sanctions pécuniaires, et d'avoir écarté le moyen tiré de ce que les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence étaient disproportionnées, au regard des critères de l'article L. 464-2 du nouveau Code de commerce, alors, selon le moyen, que les sociétés avaient contesté l'affirmation du Conseil de la concurrence selon laquelle les prix n'étaient nullement supérieurs à ceux résultant du libre jeu de la concurrence, de telle sorte que le motif critiqué, procède de la dénaturation des écritures des sociétés requérantes et viole l'article 1134 du Code civil;
Mais attendu qu'en l'état des écritures des sociétés mises en cause qui contestaient le caractère anticoncurrentiel des faits dénoncés, la cour d'appel qui a constaté que les sociétés mises en cause ne contestaient pas la matérialité des faits relevés à leur encontre, sans retenir qu'elles n'en contestaient pas la qualification juridique, n'a pas dénaturé leurs écritures; que le moyen n'est pas fondé,
Et sur le quatrième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que les sociétés Colas Rhône Alpes, Sacer Sud-Est et Screg Sud-Est font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur recours contre la décision du Conseil de la concurrence du 4 mai 2001, par laquelle leur avaient été infligées des sanctions pécuniaires, et d'avoir écarté le moyen tiré de ce que les sanctions prononcées par le Conseil de la concurrence étaient disproportionnées, au regard des critères de l'article L. 464-2 du nouveau Code de commerce, alors, selon le moyen: 1°) qu'en ne tenant pas compte de la filialisation postérieure aux faits de la société Jean Lefèbvre, la cour d'appel a approuvé la mise à leur charge de sanctions, en réalité plus lourdes, inéquitables et disproportionnées, entachant sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article L. 454-2 du nouveau Code de commerce ; 2°) que procédant de la sorte, l'arrêt attaqué a violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ; 3°) que l'arrêt attaqué, est sur la mise en œuvre des critères de proportionnalité des sanctions pécuniaires, entaché d'une insuffisance de base légale au regard de l'article L. 464-2 du nouveau Code de commerce; Mais attendu, en premier lieu, qu'il n'est pas discuté que la sanction infligée à la société Jean Lefèbvre a été assise sur le chiffre d'affaires du dernier exercice clos réalisé par cette société avant la décision du Conseil de la concurrence, conformément à l'article L. 454-2 du Code de commerce; que l'arrêt relève que la société Entreprise Jean Lefèbvre a été plus lourdement sanctionnée que les sociétés Colas Rhône Alpes, Sacer Sud-Est et Screg Sud-Est; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que la diminution de l'assiette de la sanction résultant de la baisse du chiffre d'affaires de la société Entreprise Jean Lefebvre n'avait pas eu pour effet de mettre à la charge des sociétés Colas Rhône Alpes, Sacer Sud-Est et Screg Sud-Est des sanctions inéquitables eu égard à celle prononcée contre la société Entreprise Jean Lefèbvre, l'arrêt se trouve légalement justifié; Et attendu, en second lieu, qu'ayant relevé que la décision du Conseil relève la particulière gravité des pratiques en cause, qui visaient non seulement à répartir entre les sociétés concernées l'ensemble des lots du marché départemental mais également à leur assurer des prix supérieurs à ceux qui seraient résultés du libre jeu de la concurrence, et ayant souligné l'importance du dommage causé à l'économie par ces contrats conclus pour cinq ans qui ont représenté au total un montant annuel compris entre 70 et 90 millions de francs, et constaté que ces sociétés ayant déjà fait l'objet de décisions de sanctions antérieures, la gravité des pratiques mises en œuvre dans cette nouvelle affaire n'avait pu leur échapper, la cour d'appel, qui a estimé que le Conseil avait justement apprécié et caractérisé la gravité des pratiques et que le montant des sanctions pécuniaires prononcées à leur encontre était justifié, a légalement justifié sa décision;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : Rejette le pourvoi;