CA Paris, 4e ch. A, 17 septembre 2003, n° 2002-06984
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Favand et associés (SA)
Défendeur :
Association le Clown est roi
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carre-Pierrat
Conseillers :
Mmes Rosenthal-Rolland, Magueur
Avoués :
Me Ribaut, SCP Verdun-Seveno
Avocats :
Mes Roger-Vasselin, Latil
Vu l'appel interjeté, le 14 mars 2002, par la société Favand Et Associés (ci-après la société Favand) d'un jugement rendu le 9 janvier 2002 par le Tribunal de commerce de Paris qui:
* l'a condamnée à payer à l'Association le Clown est roi les sommes suivantes:
- 60 979,61 euro, à titre de dommages et intérêts,
- 1 829,39 euro, au titre de l'article au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
* lui a interdit les actions en dénigrement de l'Association le Clown est roi, et ce sous astreinte de 1 524,49 euro par infraction constatée,
* a débouté les parties de leurs autres demandes et l'a condamnée aux dépens;
Vu les dernières conclusions signifiées le 10 juin 2003, aux termes desquelles la société Favand, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demande à la cour de:
* à titre principal, juger qu'elle n'a commis aucun acte de dénigrement ni de concurrence déloyale et d'une manière générale aucune faute de quelque nature que ce soit lors de la rupture de ses relations avec l'Association le Clown est roi, en conséquence, de la débouter de l'ensemble de ses demandes,
* à titre subsidiaire, si la cour devait retenir à son encontre une part de responsabilité dans cette rupture, en fixer la proportion à une quote part symbolique et n'y appliquer que le montant des bénéfices nets potentiels correspondant (à l'exclusion de toute notion de chiffre d'affaires) en retenant une éventuelle durée de préavis maximale de trois mois,
* condamner l'Association le Clown est roi à lui payer la somme de 5 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel;
Vu les ultimes conclusions, en date du 13 juin 2003, par lesquelles l'Association le Clown est roi, poursuivant la confirmation du jugement déféré, sollicite de la cour de débouter la société Favand de toutes ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 4 000 euro au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux dépens;
Sur ce, LA COUR,
* sur la procédure:
Considérant que, suivant conclusions de procédure en date du 16 juin 2003, la société Favand demande à la cour de rejeter des débats les conclusions signifiées par l'intimée le 13 juin 2003, et, en toute hypothèse les paragraphes relatifs (page 7) à la demande de rejet des pièces 15, 16 et 17 et les moyens relatifs au caractère prétendu faux de l'attestation de M. Sarguera;
Mais considérant qu'il ne résulte pas du dispositif des conclusions signifiées le 13 juin 2003 dans l'intérêt de l'Association le Clown est roi, une telle demande de rejet des pièces susvisées; que, en tout état de cause, la société appelante est mal venue à critiquer la tardiveté, selon elle, de la signification le 13 juin 2003 des dernières conclusions de l'Association le Clown est roi dès lors que ces conclusions sont une réplique aux conclusions qu'elle a signifiées le 10 juin 2003; que l'ordonnance de clôture étant intervenue le 16 juin 2003 la société Favand était à même d'y répliquer;
Que les conclusions signifiées par l'Association le Clown est roi le 23 juin 2003 sont donc recevables;
* sur la recevabilité de l'action engagée par l'Association le Clown est roi
Considérant qu'il résulte des dernières écritures de l'Association le Clown est roi que celle-ci demande des dommages et intérêts en réparation, sur le fondement de l'article L. 442-6 du Code de commerce, du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la rupture abusive des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Favand et qui serait imputable à cette dernière;
Considérant que l'appelante soutient qu'une telle demande est irrecevable dès lors que les notions de relations commerciales et de détournement de clientèle ne sauraient être invoquées par une personne morale dont l'activité ne relèverait pas du droit commercial, puisqu'une association, aux termes de la loi du 1er juillet 1901, est dite sans but lucratif;
Considérant que, en réplique, l'Association le Clown est roi fait valoir que l'article L. 442-6 du Code de commerce, ne réserverait pas aux seuls commerçants le bénéfice de la protection qu'il organise, condition indispensable au développement de relations d'affaires équilibrées entre les différents partenaires économiques quels qu'ils soient, et quels que soient les objectifs qu'ils poursuivent, de sorte que l'on ne saurait lui dénier le droit de faire des actes de commerce nécessaires ou utiles à la réalisation de son objet et de se constituer une clientèle dont elle serait en droit de défendre la consistance comme tout titulaire de clientèle, qu'elle soit commerciale ou civile;
Mais considérant que, s'il ne peut être contesté aux associations d'accomplir, à titre occasionnel, des actes de commerce pour la réalisation de leur objet associatif, il ne saurait, en revanche, être admis, sauf à pervertir le sens de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, d'une association qu'elle accomplisse, à titre habituel et quasi exclusif, des prestations commerciales, sauf à créer les conditions d'une distorsion de concurrence au détriment des entreprises commerciales, personnes physiques ou morales, en raison des charges et obligations pesant sur elles et auxquelles ne sont pas soumises les associations;
Que, au demeurant, les dispositions de l'article L. 442-7 du Code de commerce qui précise qu'aucune association (...) ne peut de façon habituelle (...) fournir des services si ces activités ne sont pas prévues par ses statuts, ne tend nullement à assurer les prévisions des statuts de l'association, mais à protéger la liberté de la concurrence contre une pratique de nature à en compromettre le jeu normal;
Considérant qu'il résulte de l'examen concret, auquel la cour a procédé, des prestations fournies par l'Association le Clown est roi que celle-ci ne proposait pas en réalité, comme elle l'allègue en excipant d'une licence d'entrepreneur de spectacles, l'organisation de spectacles, activité prévue par les statuts de l'association, mais celle d'agent artistique étrangère à l'objet associatif;
Qu'il s'ensuit que l'Association le Clown est roi ne pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce, le jugement déféré sera infirmé et l'action engagée par cette association déclarée irrecevable; qu'en outre l'intimée ne produit aucun élément de nature à justifier qu'elle aurait été dénigrée par l'appelante en tant qu'association;
* sur les autres demandes:
Considérant que la solution donnée au litige prive l'Association le Clown est roi, qui sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, du bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; que, en revanche, l'équité commande de la condamner, sur ce même fondement, à verser à la société Favand une indemnité de 4 000 euro;
Par ces motifs, Dit recevables les conclusions signifiées le 23 juin 2003 dans l'intérêt l'Association le Clown est roi; Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré; Et, statuant à nouveau: Déclare l'Association le Clown est roi irrecevable en son action; Rejette toutes autres demandes; La condamne à verser à la société Favand la somme de 4 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne l'Association le Clown est roi aux dépens de première instance et d'appel qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.