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Décisions

CA Nancy, 1re ch. civ., 10 septembre 1998, n° 94001695

NANCY

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Screg Est (SA), Eridania Béghin Say (SA), Muller Frères (SA), Serete (SA)

Défendeur :

Pennel et Flipo (Sté), Préservatrice Foncière (SA), Soinne (ès qual.), Union des assurances de Paris (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lilti

Président de chambre :

Mme Husson

Conseillers :

MM. Magnin, Cunin, Bridey

Avoués :

SCP Millot-Logier-Fontaine, SCP Bouglier-Desfontaine, SCP Chardon, Me Gretere

Avocats :

Mes Pelletier, Antoine, Porcher, Couyaumdjian

CA Nancy n° 94001695

10 septembre 1998

Faits et procédure:

Courant novembre 1973, la société Béghin-Say a confié à la société Serete une mission générale d'ingeniering pour la réalisation d'une sucrerie à Connantre, comprenant la coordination des études et travaux de génie civil pour la totalité du site.

Dans le cadre de cette réalisation, l'exécution des divers bassins nécessaires à l'exploitation de la sucrerie (au nombre de neuf), a fait l'objet d'un devis du 4 novembre 1974 et d'une commande passée auprès de la société Béghin-Say le 21 novembre 1974 sous forme d'un marché conjoint confié à trois entreprises, la SA Muller, la SA Screg-Est et la SA Fipec, engagés ensemble spécialement pour cette opération dans un groupement responsable vis à vis du maître d'œuvre par une convention du 11 janvier 1975, la première (société Muller) ayant la charge du terrassement, la seconde (société Screg) la charge des revêtements bitumeux de fond des bassins et la troisième (société Fipec) l'étanchéité des parois par un revêtement Butyl.

Ces bassins ont été mis en service le 1er septembre 1975 et ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception provisoire du 20 mai 1976 dont les effets sont reportés rétroactivement au 1er septembre 1975 entre les sociétés Serete, Muller et Fipec.

Pour l'exécution de ce marché, la société Muller était assurée auprès de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment (CAMB), la société Screg auprès de la CNA ainsi que la société Fipec, suivant attestations respectives de leurs assureurs des 29 octobre, 20 et 27 novembre 1975, chaque assurance garantissant la garantie décennale.

La société Fipec a résilié son contrat d'assurance pour le 31 décembre 1976 en lui substituant une assurance souscrite auprès de la compagnie UAP le 16 janvier 1977.

Courant 1978, la société Béghin-Say a invoqué l'existence de désordres concernant la protection d'étanchéité des parois des bassins et a sollicité au début de l'année 1979 la désignation d'un expert par le Président du Tribunal de grande instance de Chalons sur Marne lequel a désigné par ordonnance de référé du 20 juin 1979 Monsieur Philbee, expert près la Cour d'appel de Metz.

De son côté, la société Fipec faisait assigner par exploit du 16 mai 1979 la société Pennel et Flipo et la compagnie AGF devant le Tribunal de commerce d'Epernay en réparation de ces désordres, procédure qui ne pu être poursuivie en raison de la liquidation des biens de la société Fipec.

L'expert commis a déposé un premier rapport le 25 juin 1980 puis son rapport complémentaire le 16 septembre 1980 et enfin un second rapport le 15 octobre 1985.

Le 10 juillet 1979, la société Fipec a été mise en liquidation des biens par le Tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer.

De son côté, la société Pennel et Flipo était mise en règlement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Roubaix du 14 septembre 1983, Maître Duquesnoy étant désigné comme syndic.

Entre temps, et par exploits des mois de février et mars 1983, la société Béghin-Say avait fait assigner devant le Tribunal de grande instance de Chalons-sur-Marne les sociétés Screg, Muller et Fipec ainsi que l'UAP.

Au cours de cette procédure et avant le dépôt du second rapport d'expertise (15 octobre 1985), intervenait le 22 mars 1985 une transaction entre la société Béghin-Say et les sociétés Serete, Screg et Muller, transactions aux termes de laquelle ses signataires convenaient que des éléments recueillis, il apparaissait que la responsabilité des sociétés Fipec et Pennel et Flipo était engagée, et arrêtaient de façon forfaitaire et définitive le préjudice subi par la société Béghin-Say à la somme de 2 800 000 F HT et acceptaient de prendre chacun en charge le quart de cette somme et le quart des frais d'expertises engagés, sous réserve pour chacun de se retourner contre les sociétés Fipec et Pennel et Flipo et leurs assureurs à proportion de leur part de responsabilité respective, étant précisé que ces modalités de règlement avaient été fixées en raison de la non-intervention des deux dernières sociétés, tenues en fait pour responsables des désordres.

De son côté, l'UAP avait soulevé l'incompétence du Tribunal de grande instance de Chalons-sur-Marne au profit du Tribunal de commerce d'Epernay, de sorte que la société Béghin-Say a abandonné sa procédure initiale pour assigner devant la juridiction commerciale l'ensemble des parties au présent litige, et ce, par actes des 22, 30 août et 10 décembre 1985.

La société Béghin-Say a demandé au tribunal de commerce de déclarer les sociétés Fipec et Pennel et Flipo avec leurs syndics responsables des désordres ayant affecté le revêtement Butyl dans les bassins de sa sucrerie de Connantre et de condamner subsidiairement l'UAP et la PFA, dans la limite de leurs contrats, à lui payer la somme principale de 700 000 F, outre intérêts au taux légal, en réparation du préjudice non compris dans la transaction du 12 mars 1985, la somme de 200 000 F pour trouble commercial et la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 14 avril 1987, le Tribunal de commerce d'Epernay a mis hors de cause les AGF et Cigna France, a constaté l'inopposabilité de la transaction, a débouté de leur demande principale les sociétés Muller, Serete et Screg, a condamné solidairement la société Fipec, Maître Sailly, l'UAP, la société Pennel et Flipo et la PFA à payer à la société Béghin-Say la somme de 700 000 F outre intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts outre la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Pennel et Flipo et son syndic Maître Duquesnoy, ainsi que la PFA, la société Muller et Maître Sailly ès qualité ont relevé appel de ce jugement.

Par arrêt réputé contradictoire du 12 juillet 1990, la Cour d'appel de Reims a statué ainsi:

- déclare Maître Duquesnoy ès qualité irrecevable en son appel et lui laisse la charge de ses propres dépens y afférents,

- reçoit en la forme les autres parties en leurs appels,

- infirme dans la mesure utile le jugement rendu le 14 avril 1987 par le Tribunal de commerce d'Epernay,

- statuant à nouveau:

- met hors de cause les AGF,

- déclare les opérations d'expertise de Monsieur Philbee opposables et régulières à l'égard de toutes les parties,

- rejette toutes les exceptions d'irrecevabilité d'action pour quelque cause que ce soit,

- rejette l'exception de désistement de son action par la SA Béghin-Say,

- déclare la société Fipec International et la SARL Pennel et Flipo solidairement responsables envers la SA Béghin-Say par application des articles 1792 et 1792-4 du Code civil du préjudice né des désordres affectant la protection d'étanchéité des parois des bassins de la sucrerie de Connantre au moyen d'un revêtement Butyl,

- dit que dans leurs rapports réciproques la SARL Pennel et Flipo supportera le quart de cette responsabilité et la société Fipec International les trois quarts,

- dit que Cigna France ne doit pas sa garantie à la société Fipec International au titre du présent sinistre,

- dit qu'en revanche l'UAP pour la société Fipec International et la Préservatrice Foncière assurance pour la SARL Pennel et Flipo doivent leur garantie dans les limites contractuelles d'1 000 000 de F pour la première et de 500 000 F pour la seconde, sous déduction pour chacune d'une franchise maximale de 10 000 F,

- fixe le préjudice de la SA Béghin-Say à la somme de 2 800 000 F,

- fixe la créance de la SA Béghin-Say à l'égard de la SA Fipec International représentée par Maître Sailly, son syndic, à ce montant et condamne par ailleurs in solidum Pennel et Flipo, l'UAP et la PFA à payer ladite somme à la SA Béghin-Say, sous la réserve des limites contractuelles de garantie comme ci-dessus,

- donne acte à la SA Béghin-Say de son offre et engagement de restituer à la SARL Serete, la SA Screg-Est et la SA Muller Frères toutes les sommes reçues de celles-ci au titre de leur transaction du 22 mars 1985, et l'y condamne en tant que de besoin,

- rejette toutes demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et toutes demandes plus amples ou contraires,

- condamne, dans les mêmes conditions, la SARL Pennel et Flipo, l'UAP et la PFA aux entiers dépens du procès autres que ceux afférents à l'appel de Maître Duquesnoy, pour être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Maître Sailly, es qualité, y étant tenu conformément aux règles de la procédure collective,

- la minute du présent arrêt est signée par Monsieur Garcin, Conseiller, ayant assisté aux débats et participé au délibéré, par suite de l'empêchement de Madame le Président, conformément à l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, et par le greffier.

La société Pennel et Flipo a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Reims.

Par arrêt du 25 novembre 1992, la Cour de cassation s'est prononcée comme suit:

- casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Pennel et Flipo solidairement responsable des désordres, a fixé sa part de responsabilité et l'a condamnée au profit de la société Béghin-Say, l'arrêt rendu le 12 juillet 1990, entre les parties, par la Cour d'appel de Reims,

- remet en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy.

La cour de renvoi a été saisie par déclaration du 8 juin 1994.

La société Béghin-Say conclut ainsi devant la Cour d'appel de Nancy:

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1992:

- statuant dans la limite des dispositions annulées de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims du 12 juillet 1990 et déférées à la cour de céans

- concernant la déclaration de responsabilité de la société Pennel et Flipo, le caractère solidaire de cette responsabilité, la condamnation prononcée à son encontre au profit de la société Béghin-Say et la répartition des responsabilités dans ses rapports avec le co- responsable société Fipec,

- constater qu'il a été établi par les opérations d'expertise que le revêtement Butyl des bassins destinés à assurer leur étanchéité a présenté quelques temps après la mise en service des déchirures, une insuffisance de résistance au poids propre du Butyl et un vieillissement prématuré que l'expert a désigné comme étant à l'origine directe des désordres,

- dire et juger qu'il est ainsi établi que le matériau fabriqué et fourni par la société Pennel et Flipo n'était pas conforme aux stipulations contractuelles et présentait des défauts le rendant inapte à sa destination spécifique,

- dire que la société Pennel et Flipo devra réparer les conséquences dommageables résultant de cette inexécution contractuelle,

- constater que le défaut de conformité du matériau a contribué à la réalisation de l'entier préjudice subi par la société Béghin-Say du fait des désordres présentés par l'étanchéité des bassins,

- dire et juger par conséquent que la société Pennel et Flipo est responsable du dommage in solidum avec le co-auteur des désordres, la société Fipec International,

- faisant droit à l'appel incident de la société Béghin-Say du jugement du tribunal de commerce

- condamner par conséquent la société Pennel et Flipo in solidum avec son propre assureur, la société Préservatrice Foncière assurance PFA, et encore in solidum avec l'UAP, assureur de la société Fipec International, à payer à la société Béghin-Say la somme de 2 800 000 F hors taxes, montant auquel la Cour d'appel de Reims a arrêté le préjudice subi et ce dans les limites contractuelles des polices souscrites pour les deux compagnies,

- dire que ladite somme portera intérêts et ce au besoin à titre compensatoire du jour de la demande telle que formulée à la faveur de l'appel incident par conclusions signifiées par devant la Cour d'appel de Reims le 18 février 1988,

- statuer ce que de droit sur le partage de la responsabilité dans les rapports entre la société Pennel et Flipo et la SA Fipec International,

- condamner la société Pennel et Flipo in solidum avec son assureur la Préservatrice Foncière assurance à payer à la société Béghin-Say 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à Maître Gérard Sailly, syndic à la liquidation des biens de la société Fipec International, et à la compagnie UAP condamnée à la garantir,

- les condamner in solidum et en tout cas tous autres que la société Béghin-Say aux entiers dépens de la procédure de renvoi devant la cour et autoriser la société civile professionnelle Millot Logier Fontaine à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

- déclarer les sociétés Pennel et Flipo et la compagnie Préservatrice Foncière irrecevables en l'ensemble des demandes, moyens et conclusions par elles prises, en ce qui concerne tous les points de discussion, moyens et exceptions débordant le cadre étroit de la saisine actuelle de la cour par l'effet de la cassation partielle,

- les écarter des débats,

- constater en particulier qu'il a été définitivement statué sur les différentes exceptions qui avaient été opposées à l'action en responsabilité et réparation de la société Béghin-Say par la disposition de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims rejetant "toutes les exceptions d'irrecevabilité d'action pour quelque cause que ce soit ainsi que l'exception de désistement de son action par la SA Béghin-Say",

- constater qu'en l'espèce, il est également définitivement jugé sur le montant du préjudice subi par la société Béghin-Say, la responsabilité de Fipec, l'obligation à garantie de l'UAP, assureur de Fipec, comme sur l'obligation à garantie de la Préservatrice Foncière, assureur de Pennel et Flipo,

- mettre à néant l'appel incident et les prétentions de la société Pennel et Flipo et de son assureur la Préservatrice Foncière, de se voir mettre hors de cause,

- rejeter leur demande de condamnation en des sommes spéculatives au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, dénuée de tout fondement,

- adjuger à la société Eridania Béghin-Say l'entier bénéfice de ses précédentes écritures,

- et sans avoir égard aux dernières écritures de la Préservatrice Foncière SA, adjuger à la SA Eridania Béghin-Say l'entier bénéfice de ses conclusions du 20 février 1995 et 10 septembre 1997,

- et y ajoutant:

- dire que les intérêts demandés sur la condamnation en principal de 2 800 000 F à compter du 18 février 1988 se capitaliseront en application de l'article 1154 du Code civil,

- condamner également in solidum la compagnie UAP, assureur de SIPEC, la SA Pennel et Flipo et la SA Préservatrice Foncière, non seulement aux entiers dépens de la procédure de renvoi devant la cour de céans, mais encore en tous les dépens de première instance, de référé et d'appel devant la Cour de Reims, lesquels comprendront également l'intégralité des honoraires de Monsieur Philbee, expert judiciaire.

Pour sa part, la société Screg-Est conclut ainsi:

- recevoir la Screg-Est en son appel incident à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce d'Epernay en date du 14 avril 1987,

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1992

- constater que la Cour d'appel de Reims par son arrêt du 12 juillet 1990 a reconnu la responsabilité de Fipec International et de Pennel et Flipo dans les désordres survenus,

- constater que le montant du préjudice de la société Béghin-Say a été à cet égard fixé à un montant global de 2 800 000 F hors taxes et que les règlements de 700 000 F effectués par chacun à la société Béghin-Say n'ont en conséquence réparé qu'une partie du préjudice effectivement subi par la société maître de l'ouvrage,

- condamner in solidum l'UAP, compagnie d'assurance de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la PFA à payer à la société Béghin-Say la somme de 2 800 000 F hors taxes, cette dernière étant tenue de remettre à la société Screg la somme de 700 000 F hors taxes,

- dire et juger que lesdites sommes devront porter intérêts de droit à compter du 22 mars 1985 et à tout le moins à compter du jour des règlements effectués et que les intérêts sur 700 000 F servis à Béghin-Say devront être remis sur la somme de 700 000 F hors taxes à Screg-Est,

- subsidiairement:

- condamner in solidum l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo, son assureur la PFA, à payer respectivement à la Serete, à la société Muller Frères et à la société Screg-Est ainsi qu'à la société Béghin-Say, la somme de 700 000 F, ladite somme augmentée des intérêts de droit à compter du 22 mars 1985 et à tout le moins à compter du jour des règlements effectués par chacune de ces dernières,

- condamner en outre in solidum l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la société PFA à payer à la société Screg-Est la somme de 50 000 F + TVA dans les termes de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- déclarer irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la PFA et les débouter,

- condamner in solidum l'UAP, assureur de Fipec International ainsi que la société Pennel et Flipo et la PFA en tous les dépens de première instance et d'appel au profit de la société civile professionnelle Millot Lofier Fontaine, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

La société Muller Frères formule les demandes suivantes:

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1992 et la cassation limitée qui en est résultée et qui détermine aujourd'hui la saisine de la cour:

- donner acte à la société Muller Frères de ce qu'elle adhère en tous points aux conclusions développées par la société Eridania Béghin-Say,

- condamner in solidum la société Pennel et Flipo, la compagnie Préservatrice Foncière, Maître Sailly ès qualité de syndic de Fipec International, la compagnie UAP aux dépens de la procédure de renvoi ainsi qu'en 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- autoriser la société civile professionnelle Millot Logier Fontaine à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

- recevoir la société Muller en son appel incident à l'encontre du jugement du Tribunal de commerce d'Epernay en date du 14 avril 1987,

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1992:

- constater que la Cour d'appel de Reims, par son arrêt du 12 juillet 1990, a reconnu la responsabilité de Fipec International et de Pennel et Flipo dans les désordres survenus,

- constater que la Cour de Reims a déclaré les opérations d'expertise de Monsieur Philbee opposables et régulières à l'égard de toutes les parties,

- constater que le montant du préjudice de la société Béghin-Say a été, à cet égard, fixé à un montant global de 2 800 000 F hors taxes et que les règlements de 700 000 F effectués par chacun à la société Béghin-Say n'ont, en conséquence, réparé qu'une partie du préjudice effectivement subi par la société maître de l'ouvrage,

- condamner in solidum l'UAP, compagnie d'assurance de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la compagnie PFA à payer à la société Béghin-Say la somme de 2 800 000 F hors taxes, cette dernière étant tenue de remettre à la société Muller la somme de 700 000 F,

- dire que lesdites sommes devront porter intérêts de droit à compter du 22 mars 1985 et à tout le moins à compter du jour des règlements effectués, soit en ce qui concerne la société Muller le 19 août 1985 et que les intérêts sur 700 000 F hors taxes servis à Béghin-Say devront être remis sur la somme de 700 000 F hors taxes à la société Muller,

- subsidiairement:

- condamner in solidum l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et son assureur, PFA, à payer respectivement à Serete, à la société Muller et à la société Screg-Est ainsi qu'à la société Béghin-Say la somme de 700 000 F, ladite somme augmentée des intérêts de droit à compter du 22 mars 1985 et à tout le moins à compter du jour des règlements effectués par chacune de ces dernières, soit en ce qui concerne la société Muller le 19 août 1985,

- condamner en outre, in solidum, l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la société PFA à payer à la société Muller la somme de 50 000 F + TVA dans les termes de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- déclarer irrecevables et mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la PFA et les débouter,

- condamner in solidum l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et la PFA en tous les dépens de première instance, de référé et d'appel tant devant la Cour de Reims que devant la Cour de Nancy, lesquels comprendront les frais et honoraires de l'expertise de Monsieur Philbee,

- autoriser la société civile professionnelle Millot Logier Fontaine, avoués, à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

La société Serete conclut ainsi:

- vu l'arrêt de la Cour de cassation du 25 novembre 1992 et la cassation limitée qui en est résultée et qui détermine aujourd'hui la saisine de la cour:

- donner acte aux sociétés Serete et Muller Frères de ce qu'elles adhèrent en tous points aux conclusions développées par la société Béghin-Say,

- condamner in solidum la société Pennel et Flipo, la PFA, Maître Sailly ès qualité de syndic de Fipec International, la compagnie UAP aux dépens de la procédure de renvoi ainsi qu'en 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour chacun des concluants,

- autoriser la société civile professionnelle Millot Logier Fontaine à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

- déclarer irrecevables et en tout cas mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions et appel incident la société Pennel et Flipo, la SA Préservatrice Foncière et l'UAP,

- les en débouter,

- adjuger à la société Serete l'entier bénéfice de ses précédentes écritures,

- y ajoutant:

- condamner in solidum la société Pennel et Flipo, la SA PFA et la compagnie UAP, assureur de Fipec International, en tous les dépens de première instance, de référé et d'appel, tant devant la Cour d'appel de Reims que devant la cour de céans, lesdits dépens comprenant également l'intégralité des honoraires de Monsieur Philbee, expert judiciaire,

- autoriser la société civile professionnelle Millot Logier Fontaine à faire application des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

- subsidiairement, condamner in solidum l'UAP, assureur de Fipec International, ainsi que la société Pennel et Flipo et son assureur, la PFA, à payer à la société Serete, ainsi qu'à la société Muller, à la société Screg-Est et à la société Béghin-Say la somme de 700 000 F augmentée des intérêts de droit à compter du 22 mars 1985 et à tout le moins à compter du jour des règlements effectués par chacune de ces dernières.

La SA Pennel et Flipo formule devant la cour les demandes suivantes:

- donner acte à la concluante de ce qu'elle s'associe et fait siennes les observations présentées par la compagnie Préservatrice Foncière à l'exception de celles concernant l'application du contrat d'assurance,

- voir constater que la demande présentée par la société Béghin-Say à l'égard de la société Pennel et Flipo est irrecevable faute de production de créance au règlement judiciaire de la société Pennel et Flipo,

- voir constater que les sociétés Béghin-Say, Muller, Serete et Screg sont sans intérêt à agir à l'encontre de la concluante,

- voir constater que la société Pennel et Flipo n'a nullement failli aux obligations qui sont les siennes et que la cause des désordres réside exclusivement dans la pose du matériau,

- voir déclarer en conséquence la société Béghin-Say, Muller, Screg-Est et Serete mal fondées en leurs demandes et les en débouter,

- voir déclarer la compagnie UAP, assureur de Fipec, mal fondée en ses observations et l'en débouter,

- très subsidiairement et pour le cas où la cour estimerait que la société concluante puisse néanmoins avoir sa responsabilité engagée,

- voir constater que par l'effet du protocole d'accord intervenu entre les sociétés Muller, Screg-Est et Serete associées à la société Béghin-Say, la concluante ne peut avoir à répondre que d'une responsabilité la plus réduite,

- dire en ce cas que la condamnation ne saurait en aucun cas être prononcée solidairement avec la société Fipec,

- déclarer tous autres que la concluante mal fondés en leurs demandes,

- condamner tous autres que la concluante au paiement à son bénéfice d'une somme de 50 000 F par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Gretere, avoué aux offres de droit,

- constater que par arrêt rendu le 17 décembre 1996, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Béghin-Say à l'encontre de l'arrêt de la Cour d'appel de Douai du 8 septembre 1994 rejetant sa demande en relevé de forclusion,

- adjuger de plus fort à la concluante le bénéfice de ses précédentes écritures,

- voir constater que la société Béghin-Say et la société Screg-Est, la société Muller et la société Serete en fondant leur demande à l'encontre de la concluante sur le vice caché, n'ont pas introduit leur demande à bref délai,

- déclarer en conséquence la société Béghin-Say et les autres parties irrecevables en leur demande et les en débouter,

- voir constater que la société Pennel et Flipo n'a pas failli à son obligation de conseil,

- déclarer en conséquence la société Béghin-Say et les autres sociétés mal fondées en leur demande et les en débouter,

- voir constater que si la cour peut prononcer une responsabilité à l'égard de la concluante, elle ne peut par application des dispositions de l'article 40 et suivants de la loi du 13 juillet 1967 et 55 du décret du 22 décembre 1967, en raison de l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 décembre 1996, prononcer aucune condamnation à paiement, mais exclusivement fixer une créance,

- déclarer en conséquence la société Béghin-Say et toutes autres parties mal fondées et les en débouter,

- adjuger pour le surplus à la concluante l'entier bénéfice de ses précédentes écritures,

- statuer ce que précédemment requis sur les dépens.

La société Préservatrice Foncière conclut ainsi:

- vu le jugement rendu le 14 avril 1987 par le Tribunal de commerce d'Epernay

- vu l'arrêt rendu le 12 juillet 1990 par la Cour d'appel de Reims

- vu l'arrêt rendu le 25 novembre 1992 par la Cour de cassation:

- déclarer l'appel principal de la société Muller Frères et les appels incidents interjetés par la société Béghin-Say, l'UAP, la société Serete, la société Screg en ce qu'ils sont dirigés contre la société Pennel et Flipo et la PFA, recevable mais mal fondés,

- les en débouter,

- déclarer en revanche bien fondé l'appel incident interjeté par la Préservatrice Foncière,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu la responsabilité de la société Pennel et Flipo et l'a condamnée avec la société PFA à verser la somme de 800 000 F à la société Béghin-Say,

- constater que la Préservatrice Foncière n'est pas tenue à garantir la société Pennel et Flipo pour les dommages subis par les produits livrés et toutes réclamations tendant à obtenir la réfection, le remplacement et le remboursement en application du 30 du chapitre II du Titre 3 des conditions particulières de la police d'assurance souscrite par la société Pennel et Flipo auprès de la PFA,

- constater la renonciation à l'action exercée contre Pennel et Flipo suivant assignation délivrée le 3 avril 1983,

- déclarer irrecevables les actions de la société Béghin-Say, de la société Muller et Frères, de la société Serete et de la société Screg pour défaut d'intérêt,

- constater que la société Béghin-Say, la société Muller Frères, la société Serete et la société Screg ont reconnu leur responsabilité dans la survenance des désordres affectant l'étanchéité des bassins de traitement de l'usine de Béghin-Say et qu'elles ont accepté d'en supporter les reprises,

- constater l'irrecevabilité de l'action directe en garantie des vices cachés intentée par la société Béghin-Say, la société Muller Frères, la société Serete et la société Screg comme tardive en application de l'article 1648 du Code civil,

- constater que la cause des désordres réside entièrement dans la pose du matériau incombant exclusivement à Fipec International à l'exclusion de tout vice caché ou de défaut de conformité du matériau,

- constater que la société Pennel et Flipo n'est tenue à aucune obligation de conseil afférent à la pose du matériau incombant exclusivement à Fipec International en application de la convention liant,

- par conséquent, débouter la société Béghin-Say, la société Screg-Est, la société Muller Frères, la société Serete et l'UAP de toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Préservatrice Foncière,

- condamner ces sociétés in solidum à verser à la Préservatrice Foncière la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner tous autres que la Préservatrice Foncière aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction pour ceux d'appel au profit de Maître Bouglier Desfontaines, avoué aux offres de droit,

- adjuger à la Préservatrice Foncière l'entier bénéfice de ses précédentes écritures,

- y ajoutant:

- à titre infiniment subsidiaire, condamner l'UAP en qualité d'assureur de Fipec à garantir la PFA de toute condamnation en principal, frais et intérêts, accessoires,

- débouter toute partie de leurs demandes au titres des intérêts et de la capitalisation.

La compagnie UAP conclut pour sa part comme suit:

- dire irrecevables les demandes de la société Béghin-Say et de la société Screg au titre des postes définitivement jugés et notamment sur le montant du préjudice et sur les demandes de Screg à l'égard de Fipec et de l'UAP,

- constater que la société Pennel et Flipo a clairement et définitivement reconnu sa responsabilité dans la survenance du sinistre notamment par courrier du 9 juin 1978,

- dire qu'elle est responsable des désordres sur le fondement de l'article 1147 du Code civil et la condamner in solidum avec son assureur, la société PFA, à relever et garantir intégralement la société UAP de toute éventuelle condamnation,

- constater que le plafond de garantie de l'UAP au titre de la clause reprise du passé est d'un million de francs sous déduction des sommes versées ou à verser pour les sinistres survenus à ce jour,

- débouter la société Béghin-Say et les sociétés Screg, Muller et Serete de toutes demandes à l'égard de l'UAP,

- les condamner à verser à l'UAP in solidum avec les sociétés Pennel et Flipo et Préservatrice une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamner tout contestant aux entiers dépens qui, pour ceux d'appel, seront recouvrés par la société civile professionnelle Cyferman Chardon, avoués associés aux offres de droit.

Par exploits des 30 mai 1995 et 26 août 1997 les parties appelantes ont fait assigner devant la cour Maître Sailly, à défaut, Maître Soinne, pris en qualité de syndic à la liquidation des biens de la société Fipec International.

Par courrier du 29 août 1997 adressé à la cour, Maître Soinne a indiqué que la société Fipec International a été mise en liquidation des biens par jugement du Tribunal de commerce de Boulogne sur Mer du 10 juillet 1979 et que la clôture pour insuffisance d'actif a été prononcée le 27 septembre 1988; il a précisé que Maître Sailly avait démissionné de ses fonctions de syndic et liquidateur près la Cour de Douai depuis le 31 décembre 1990 de sorte que la société Fipec International n'est plus représentée par aucun mandataire liquidateur.

Motifs de l'arrêt:

Attendu que le présent arrêt sera réputé contradictoire à l'égard de Maître Soinne, successeur de Maître Sailly; qu'il y a lieu en effet de constater que Maître Sailly précédemment syndic à la liquidation des biens de la société Fipec International a cessé ses fonctions de syndic et liquidateur près la Cour de Douai depuis le 31 décembre 1990 et que la société Fipec International ayant fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif le 27 septembre 1988 n'est plus représentée par aucun mandataire liquidateur dans la présente instance;

Attendu que dans son arrêt du 12 juillet 1990, la Cour d'appel de Reims avait retenu la responsabilité solidaire des sociétés Fipec International et Pennel et Flipo sur le fondement des articles 1792 et 1792-4 du Code civil et avait opéré entre elles un partage de responsabilité à concurrence de trois quarts à la charge de Fipec et d'un quart à la charge de Pennel et Flipo;

Que sur le pourvoi de la seule société Pennel et Flipo, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Reims, mais seulement en ce qu'il a déclaré la société Pennel et Flipo solidairement responsable des désordres et a fixé sa part de responsabilité en la condamnant au profit de la société Béghin-Say, après avoir relevé que les dispositions de la loi du 4 janvier 1978 ne s'appliquent qu'aux contrats relatifs aux chantiers dont la déclaration d'ouverture a été établie postérieurement au 1er janvier 1979 alors qu'en l'espèce, les travaux ont été exécutés entre 1973 et 1975 et que la réception est intervenue le 20 mai 1976;

Attendu qu'il convient de relever que la cassation ainsi prononcée ne concerne que le problème de la déclaration de responsabilité solidaire de la société Pennel et Flipo sur le fondement des dispositions de la loi du 4 janvier 1978, codifiée sous l'article 1792-4 du Code civil, alors que ces dispositions n'étaient plus applicables en l'espèce puisqu'il s'agissait d'un chantier ouvert bien avant le 1er janvier 1979;

Qu'il est donc totalement inutile d'aborder à nouveau devant la cour de renvoi les moyens, exceptions et contestations qui avaient été développés par les parties devant la Cour d'appel de Reims et se rattachant aux points autres que celui censuré par la Cour de cassation;

Qu'il résulte donc de la cassation partielle ainsi intervenue que sont devenus définitives les dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims qui a:

- déclaré irrecevable l'appel ès qualité de Maître Duquesnoy,

- mis hors de cause les AGF,

- déclaré les opérations d'expertise de Monsieur Philbee opposables et régulières à l'égard de toutes les parties,

- rejeté toutes les exceptions d'irrecevabilité d'action pour quelque cause que ce soit,

- rejeté l'exception tirée du désistement de la société Béghin-Say devant le Tribunal de grande instance de Chalons-sur-Marne,

- dit que Cigna France ne devait pas sa garantie à Fipec International pour ce sinistre,

- dit en revanche que l'UAP pour la société Fipec International et la Préservatrice Foncière assurance, PFA, pour la SARL Pennel et Flipo, devaient leur garantie dans les limites contractuelles de 1 000 000 de F pour la première et 500 000 F pour la seconde, déduction faite pour chacune d'une franchise minimale de 10 000 F,

- fixé la créance de la société Béghin-Say à l'égard de la société Fipec International représentée par Maître Sailly, son syndic, au montant de 2 800 000 F,

- condamné l'UAP, assureur de la société Fipec International, à payer cette somme à la société Béghin-Say dans la limite de ses obligations contractuelles,

- donné acte à la société Béghin-Say de son offre d'engagement de restituer à la société Serete, à la société Screg-Est et à la société Muller Frères toutes les sommes reçues de celles-ci au titre de leur transaction du 22 mars 1985 et l'y a condamnée en tant que de besoin,

- rejeté les demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et toutes demandes plus amples présentées devant la cour;

Qu'au vu de ce qui précède, il appartient donc à la cour de renvoi, dans les termes et limites de la cassation intervenue, de rechercher et apprécier la responsabilité de la société Pennel et Flipo, fabricant et vendeur du matériau Butyl, au regard des principes juridiques antérieurs à la loi du 4 janvier 1978;

Attendu qu'il est constant en l'espèce que la société Pennel et Flipo n'était pas liée à la société Béghin-Say, maître de l'ouvrage, par un contrat de louage d'ouvrage;

Que ce type de contrat n'avait été conclu qu'entre la société Fipec International et la société Pennel et Flipo et avait pour objet la réalisation de l'étanchéité des bassins;

Qu'en effet, pour l'exécution de ces travaux d'étanchéité, la société Fipec International, spécialisée dans l'assemblage et la pose de monocouches étanches, avait conclu un accord avec la société Pennel et Flipo, spécialisée dans la fabrication d'articles de tissus enduits, de feuilles à base de PVC et élastomère;

Qu'au terme de cet accord, ces deux sociétés associaient leurs compétences dans le cadre d'une exclusivité réciproque;

Que c'est dans le cadre de cet accord que la société Pennel et Flipo a assuré, pour le compte de la société Fipec International, la fabrication et la fourniture de bandes de Butyl au moyen desquelles la société Fipec International a réalisé les travaux d'étanchéité;

Qu'ainsi, la société Béghin-Say, pour le compte de qui l'ouvrage était réalisé, est devenu sous-acquéreur du matériau fabriqué et livré par la société Pennel et Flipo;

Que les expertises diligentées par Monsieur Philbee ont établi sans la moindre ambiguïté l'existence de déchirures du Butyl au long des contre-marques lorsque les lés sont disposés horizontalement sur les tallus des merlons et près des crêtes de merlons;

Que l'expert en a attribué les causes au poids propre du Butyl exerçant des contraintes de tractions sur un matériau dont la résistance était prématurément affaiblie à l'endroit des contre-marques et a relevé que le matériau présentait en outre un vieillissement accéléré de la feuille de Butyl à l'aplomb de la contre-marque, provoqué par la machine à souder les lés;

Que l'expert a donc imputé le fait générateur du sinistre à la société Fipec International en tant qu'exécutant du fait de défauts de mise en œuvre dont cette société ne pouvait ignorer la conséquence, ces défauts conduisant à un vice caché qui s'est révélé par la disposition horizontale des lés;

Que par ailleurs, l'expert a relevé que cette situation n'était ni inconnue ni ignorée du fabricant et fournisseur, la société Pennel et Flipo; qu'en effet, aux termes d'un compte-rendu dressé par la société Pennel et Flipo à la suite d'une réunion technique tenue chez Fipec le 9 juin 1978, il était relevé ceci: "contre-marque des soudures Butyl; il s'agit essentiellement des dégradations observées sur les bassins de Connantre; Pennel et Flipo reconnaît sa responsabilité (résistance ozone insuffisante). Une étude est actuellement en cours pour examiner l'efficacité d'une protection..."

Qu'il résulte donc clairement du rapport d'expertise que la cause essentielle des désordres était imputable d'une part au produit utilisé, le Butyl, et d'autre part aux modalités de sa mise en œuvre;

Que s'agissant des caractéristiques du matériau l'expert a relevé qu'il présentait une diminution de ses caractéristiques mécaniques sous l'effet de l'ozone et des ultraviolets et qu'il apparaissait que les qualités intrinsèques du Butyl fourni ne correspondaient pas, en ce qui concerne les performances, aux spécifications indiquées (allongement de 300 %, résistance, traction, etc...);

Que la société Pennel et Flipo a reconnu la réalité des vices présentés par le matériau non seulement aux termes du compte-rendu suivant la réunion technique du 9 juin 1978 mais encore dans un courrier du 7 juin 1978 adressé à la société Fipec International dans lequel elle a écrit: "...contre-marque des soudures Butyl: il s'agit essentiellement de dégradations observées sur les bassins de Connantre. Pennel et Flipo reconnaît sa responsabilité (résistance ozone insuffisante). Une étude est actuellement en cours pour examiner l'efficacité d'une protection par peinture Ypalon."

Qu'il convient de relever que la société Pennel et Flipo avait en outre contracté une obligation de renseigner la société Fipec International en sa qualité d'utilisateur sur les limites et conditions d'utilisation du Butyl aux termes des accords conclus entre ces deux sociétés le 23 novembre 1973 pour la mise en œuvre de ce matériau, de même que pour d'autres produits pour lesquels ces deux sociétés s'assuraient réciproquement une exclusivité, la société Pennel et Flipo intervenant notamment pour déterminer les produits à utiliser en fonction de leur usage;

Qu'il est ainsi établi que, d'une part, le matériau Butyl fourni présentait des vices cachés et n'était pas conforme à la destination qui lui était assignée, lors de la commande, à savoir, assurer l'étanchéité des bassins de la sucrerie de Connantre, et que d'autre part, le fabricant avait manqué à son obligation de conseil et de renseignement à l'égard de l'entrepreneur, obligation résultant des conventions intervenues entre Fipec International et Pennel et Flipo;

Attendu que le maître de l'ouvrage, comme le sous-acquéreur, jouit de tous les droits attachés à la chose qui appartenait à son auteur, et dispose donc à cet effet, contre le fabricant, d'une action contractuelle directe fondée sur la non-conformité de la chose livrée (Cass. Assemblée Plénière 7 février 1986 JCP 1986.II.20616);

Que le principe de l'action directe de nature contractuelle ouverte au maître de l'ouvrage contre le fabricant étant donc acquis, il n'est pas nécessaire de prouver l'existence d'une faute de la part du fabricant dès lors que la non-conformité du matériau à l'usage auquel il est destiné caractérise un manquement à une obligation de résultat et suffit à engager sa responsabilité contractuelle envers le maître de l'ouvrage;

Attendu qu'en conséquence de ce qui précède, et dans les limites de la cassation intervenue, il y a lieu de décider que la société Pennel et Flipo a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société Béghin-Say pour avoir fabriqué et livré un matériau, le Butyl, non-conforme à l'usage pour lequel il était destiné; que sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la société Pennel et Flipo sera donc tenue d'indemniser le préjudice subi par la société Béghin-Say;

Attendu que vainement serait-il fait grief à la société Béghin-Say de ne pas avoir agi à bref délai alors qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier et de la procédure que dès ses conclusions du 6 décembre 1985 prises devant le Tribunal de commerce d'Epernay, la société Béghin-Say avait invoqué la non-conformité du matériau fabriqué et fourni par la société Pennel et Flipo et qu'elle a continué à invoquer cette non-conformité en appel; que le moyen d'irrecevabilité de son action à l'encontre de la société Pennel et Flipo doit donc être écarté;

Attendu qu'au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de condamner in solidum la société Pennel et Flipo, la société Préservatrice Foncière assurance PFA, son assureur, et la compagnie UAP, assureur de Fipec International, à payer à la société Béghin-Say la somme de 2 800 000 F hors taxes et ce, pour les assureurs, dans la limite des polices les liant à leurs assurées;

Attendu en revanche qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes en remboursement de la somme de 700 000 F formulées par les sociétés Screg-Est et Muller à l'encontre des intimés, la Cour d'appel de Reims ayant déjà statué de ce chef par des dispositions non remises en cause par la Cour de cassation;

Attendu que dans leurs rapports entre elles, il y a lieu au vu des éléments du rapport de l'expert et compte tenu de leurs obligations respectives, d'opérer un partage de responsabilité à concurrence d'un quart pour Pennel et Flipo et de trois quarts pour Fipec International;

Attendu que la société Béghin-Say ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par l'octroi de la somme de 2 800 000 F, il n'y a pas lieu de lui allouer les intérêts au taux légal de cette somme à compter de ses conclusions du 18 février 1988 à titre compensatoire; que les intérêts de ladite somme courront du jour de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims du 12 juillet 1990 ayant fixé le préjudice de la société Béghin-Say, disposition de l'arrêt non atteinte par la cassation et donc devenue définitive de ce chef;

Qu'il y a lieu en revanche de dire que les intérêts au taux légal de la somme de 2 800 000 F se capitaliseront par application de l'article 1154 du Code civil;

Attendu que l'équité ne commande pas qu'il soit fait en la cause application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Que les intimés succombant en leurs prétentions supporteront les entiers dépens d'appel;

Par ces motifs: LA COUR, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire à l'égard de Maître Soinne successeur de Maître Sailly et contradictoirement à l'égard des autres parties, Vu l'arrêt rendu le 25 novembre 1992 par la Cour de cassation troisième chambre civile: Vu l'arrêt rendu le 12 juillet 1990 par la Cour d'appel de Reims: Statuant dans la limite des dispositions de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims du 12 juillet 1990 annulées par la Cour de cassation et concernant la seule déclaration de responsabilité de la société Pennel et Flipo: Constate que la société Fipec International qui a fait l'objet d'une clôture pour insuffisance d'actif le 27 septembre 1988 n'est plus, à ce jour, représentée par un mandataire liquidateur, Maître Sailly ayant démissionné de ses fonctions de syndic et liquidateur près la Cour d'appel de Douai depuis le 31 décembre 1990; Dit que le revêtement Butyl fabriqué et fourni par la société Pennel et Flipo n'était nullement conforme aux stipulations contractuelles et présentait des vices le rendant impropre à sa destination; Dit que la société Pennel et Flipo devra réparer les conséquences dommageables résultant de cette inexécution contractuelle; Dit que le défaut de conformité affectant le matériau fabriqué et fourni par la société Pennel et Flipo a concouru à la réalisation de l'entier préjudice subi par la société Béghin-Say à la suite des désordres ayant affecté d'étanchéité les bassins; Déclare la société Pennel et Flipo et la société Fipec International responsables in solidum envers la société Béghin-Say des désordres affectant l'étanchéité des parois des bassins de la sucrerie de Connantre (51) au moyen du revêtement Butyl; Condamne in solidum la société Pennel et Flipo, son assureur, la société Préservatrice Foncière assurance PFA, et la compagnie Union des assurances de Paris, assureur de la société Fipec International, à payer à la société Béghin-Say la somme de deux millions huit cent mille francs (2 800 000 F) avec les intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 1990, date de l'arrêt de la Cour d'appel de Reims ayant fixé à cette somme le préjudice de la société Béghin-Say, disposition non atteinte par la cassation et devenue définitive de ce chef; Dit que les compagnies d'assurances ci-dessus seront tenues à indemnisation dans la limite de leurs garanties contractuelles; Dit que les intérêts au taux légal de la somme de deux millions huit cent mille francs (2 800 000 F) se capitaliseront en application de l'article 1154 du Code civil; Dit que dans leurs rapports réciproques, la société Pennel et Flipo supportera le quart de la resonsabilité desdits désordres et la société Fipec International les trois quarts; Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires comme inopérantes ou mal fondées; Condamne in solidum la société Pennel et Flipo, la société Préservatrice Foncière assurance et la compagnie Union des assurances de Paris, assureur de la société Fipec International, aux dépens de la procédure de renvoi devant la Cour d'appel de Nancy, outre les dépens de première instance, de référé et d'appel devant la Cour d'appel de Reims y compris les frais et honoraires d'expertise et autorise la société civile professionnelle Millot Logier Fontaine, avoués, à faire application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.