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Décisions

Cass. crim., 26 juin 2001, n° 00-88.095

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Beaudonnet

Avocat général :

M. Di Guardia

Avocats :

SCP Piwnica, Molinié, SCP Boré, Xavier, Boré.

TGI Besançon, ch. corr., du 14 janv. 200…

14 janvier 2000

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par V Jean-Pierre, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Besançon, chambre correctionnelle, en date du 23 novembre 2000, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 100 000 francs d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 à L. 121-6, L. 121-36 et L. 213-1 du Code de la consommation, 339 de la loi du 16 décembre 1992 dite "loi d'adaptation", 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre V coupable de publicité de nature à induire en erreur;

"aux motifs que, le 16 février 1998, Mme Michèle Lacroix portait plainte pour publicité mensongère à l'encontre de la société X; qu'elle expliquait qu'elle avait reçu au mois de mai 1997 une publicité de la société X, mentionnant qu'elle avait gagné la somme de 20 000 francs si elle avait les 6 bons numéros et le bulletin unique gagnant; qu'ayant ces 6 numéros et le bulletin, Mme Lacroix déclarait qu'elle avait pensé avoir gagné et avoir demandé son gain, mais précisait-elle, la société X l'avait informée que tel n'était pas le cas, que le bulletin unique gagnant comportait en effet la mention "bulletin de jeu à la super cagnotte de printemps 97" et non la simple mention "bulletin de jeu" figurant sur le bulletin de Mme Lacroix; que Mme Lacroix faisait observer que c'était un "moyen subtil de tromper les gens"; que de la même manière, Mme Christine Menga qui avait reçu de cette même société des courriers et des publicités, aux termes desquels, elle avait pensé avoir gagné des sommes substantielles (69 500 francs, 100 000 francs, 35 000 francs) déposait également plainte pour publicité mensongère; que Jean-Pierre V, président-directeur général de la société X était entendu; qu'il précisait que la société X était une société de vente par correspondance de produits diététiques et de compléments alimentaires et indiquait qu'il respectait les règles du Code de la consommation, que tous les jeux de X fonctionnaient selon la règle du pré-tirage; que celui-ci était effectué par un huissier qui tirait au sort parmi tous les documents expédiés et avant le dépôt postal de ceux-ci le ou les numéros gagnants uniques du prix; que cet huissier était chargé personnellement de poster le numéro gagnant, pour s'assurer que le gagnant potentiel recevait bien ce document, pour participe dans les délais au jeu et recevoir son prix; que Jean-Pierre V faisait observer que les critères de rédaction de ces jeux devaient être attractifs, mais être suffisamment claire pour être compris par des consommateurs dotés d' une intelligence et d'une capacité de compréhension moyennes; que, compte tenu de l'usage extrêmement développé de ces jeux, un tel consommateur ne pouvait décemment ignorer le caractère aléatoire du gain et qu'il lui suffisait de lire le règlement qui figurait in extenso dans les documents publicitaires pour connaître les conditions du jeu; que Jean-Pierre V allègue que l'envoi des documents publicitaires, qui comporte le règlement du jeu, au verso même du message publicitaire et un avertissement "à lire attentivement" qui permet au consommateur de comprendre la règle du jeu et de réaliser que le gain reste hypothétique, mais force est de constater que ces documents n'enlèvent pas au message publicitaire incriminé son caractère mensonger; que le règlement et l'avertissement visent bien en effet "le gagnant potentiel", mais le message qui est adressé, nominativement, à un consommateur n'est ni clair ni affirmatif; qu'ainsi, concernant le jeu opération "Trésor Royal" version "tampon gagnant", il est indiqué "c'est une certitude à 100 % vérifiée, Mme Menga recevra un chèque de 65 000 francs, directement chez elle en recommandé"; qu'à la lecture d'un tel message, Mme Menga pouvait en conséquence penser qu'elle n'était pas une gagnante potentielle, mais la gagnante du jeu; qu'il en est de même pour le jeu "Allocation spéciale 100 000 francs" version "département gagnant" qui laisse apparaître les phrases suivantes: "nous avons enfin trouvé la mystérieuse gagnante des 100 000 francs dans le Doubs, il s'agit de Mme Christine Menga" et plus loin "ce n'est pas une plaisanterie! Vous aviez bien été sélectionnée lors d'une de nos remises de prix et le cas échéant nous allons avoir besoin de votre photo!" ... et "nous attendons la remise du chèque pour prendre la photo!"; que les termes employés ne laissent pas place au doute, et Mme Menga a été induite en erreur par ces affirmations; que les mêmes indications trompeuses sont employées dans le jeu "opération l'année en fête" version "titre spécial 125797" à l'occasion de laquelle Mme Menga a reçu un message publicitaire l' informant "qu'elle était sûre de recevoir un chèque de 80 000 francs en retournant sans attendre le "titre spécial n° 1257987 déclaré gagnant par l'huissier et que la société X avait le plaisir de lui confirmer officiellement cette information; qu'enfin les mêmes informations peuvent être faites pour sa seconde infraction reprochée à Jean-Pierre V, s'agissant du jeu "opération super cagnotte" dont la victime est Mme Lacroix-Gay; que le message qu'elle a reçu est également trompeur, par ses fausses allégations, sur la recherche, à Pouilley-les-Vignes, de la gagnante des 20 000 francs qui possède le bulletin unique et les bons numéros;

"1°) alors que constitue une publicité, au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, tout moyen d'information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services proposés; que le message publicitaire concernant les jeux proposés par la société X adressé au consommateur était constitué, ainsi que le soutenait Jean-Pierre V dans ses conclusions, d'un ensemble de documents figurant dans la même enveloppe à savoir le document publicitaire visant nominativement le consommateur, le règlement du jeu, un feuillet intitulé "à lire attentivement" et un bon de participation; que le document nominatif rappelait au consommateur le préalable nécessaire du tirage au sort et comportait l'indication de report de lecture au règlement complet du jeu et que la cour d'appel, qui constatait expressément que le règlement et l'avertissement visaient bien "le gagnant potentiel" ne pouvait, sans méconnaître le texte susvisé, fonder sa décision sur les seules énonciations, au demeurant tronquées, du document publicitaire visant nominativement le consommateur;

"2°) alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées, Jean-Pierre V rappelait le principe selon lequel le message publicitaire s'apprécie au regard du discernement du consommateur moyen; qu'il faisait valoir que le consommateur qui prétend être le gagnant d'une importante somme d'argent énoncée dans un courrier publicitaire a l'obligation, avant de revendiquer cette somme, de lire attentivement l'ensemble des documents qui lui sont adressés et que le règlement adressé au consommateur en l'espèce l'éclairait sur l'existence d'un aléa en sorte que la présentation des documents publicitaires n'était pas de nature à induire en erreur un consommateur moyen et qu'en omettant de s'expliquer sur ces arguments péremptoires et d'examiner les documents qui lui étaient soumis au regard de la compréhension que pouvait en avoir un consommateur moyen normalement attentif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;

"3°) alors qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 121-1 du Code de la consommation et 339 de la loi du 16 décembre 1992 dite "loi d'adaptation" que le délit de publicité de nature à induire en erreur n'est caractérisé qu'autant qu'il est constaté par les juges du fond que le prévenu n'a pas pris toutes les précautions nécessaires pour assurer la véracité du message publicitaire incriminé; que l'existence de l'élément moral de l'infraction était contestée par Jean-Pierre V qui soutenait dans ses conclusions que la société X avait pris soin de renvoyer expressément, dans le document publicitaire visant nominativement la personne à laquelle il était adressé, au règlement du jeu qui y était joint et qui la renseignait sur le caractère aléatoire du gain et que l'arrêt, qui s'est borné à analyser de manière tronquée le message publicitaire sans s'expliquer, fut-ce succinctement, sur une faute d'imprudence ou de négligence imputable à Jean-Pierre V, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que la société X, entreprise de vente par correspondance, a organisé, courant 1997 et 1998, des jeux publicitaires comportant un pré-tirage avec envoi aux personnes concernées d'une documentation publicitaire leur laissant croire qu'elles avaient gagné une importante somme d'argent; que Jean-Pierre V, président de cette société, est poursuivi sur le fondement de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, du chef de publicité de nature à induire en erreur;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt relève que, bien que le règlement du jeu et l'avertissement "à lire attentivement", joints au message publicitaire, mentionnent le "gagnant potentiel", ledit message, adressé nominativement à un consommateur, lui indiquant qu'il est gagnant, est, en raison de son caractère affirmatif, de nature à induire en erreur un consommateur normalement attentif et avisé;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le prévenu, en sa qualité de dirigeant de la personne morale, est tenu de prendre les précautions propres à assurer la véracité des campagnes de publicité, la cour d'appel a caractérisé, en tous ses éléments, le délit dont elle a déclaré Jean-Pierre V coupable; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.