Cass. crim., 4 décembre 2001, n° 00-88.077
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Conseiller Rapporteur :
Mme Gailly
Avocat général :
M. Di Guardia
Conseiller :
de la chambre : M. Roman
Avocats :
Me Luc-Thaler, SCP Piwnica, Molinié, SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR,
Statuant sur les pourvois formés par : - R Jacques, - F Patrick, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 16 novembre 2000, qui a condamné, le premier, pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 20 000 F d'amende, le second, pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile et publicité de nature à induire en erreur, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve et 50 000 F d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ; Joignant les pourvois, en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jacques R, pris de la violation des articles L. 121-21, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25, L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation, L. 121-1 et L. 121-3 du Code pénal, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques R coupable d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile, et plus précisément de :
- présentation de contrats ne comportant pas la mention de la nature et des caractéristiques des prestations de services proposées et des conditions d'exécution des prestations de services,
- présentation de contrats non datés de la main du client,
- obtention de paiement avant la fin du délai de réflexion,
Et l'a condamné de ce chef ;
"Aux motifs adoptés que la commission des infractions au Code de la consommation est précisément établie ; que l'examen des bons de commande, et les réponses aux questionnaires envoyés par la DGCCRF font apparaître clairement que les prévenus ont commis les faits visés à la prévention ; que l'attitude des prévenus est caractéristique d'une volonté manifeste de priver les clients de la société X des protections légales imposées par le Code de la consommation (cf. jugement 15) ;
"Et aux motifs propres que la plupart des faits litigieux relevés sont directement imputables aux prévenus (cf. arrêt page 11) ;
"Alors, d'une part, qu'en énonçant que la plupart des faits poursuivis étaient imputables aux prévenus, sans préciser quels étaient les faits personnellement imputables à Jacques R, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"Alors, d'autre part, qu'en déclarant le prévenu coupable de trois infractions à la législation sur le démarchage à domicile, sans caractériser, pour chacune des trois infractions, les éléments constitutifs relativement à chaque contrat pour la conclusion duquel il était intervenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"Alors, de troisième part, que constitue une désignation suffisante de la nature et des caractéristiques des services proposés, ainsi que du délai d'exécution de la prestation de services, le contrat qui porte engagement de la société X (dont l'objet social était, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, la diffusion sur différents supports d'annonces immobilières collectées auprès de particuliers) à faire passer une ou plusieurs annonces sur un support déterminé et pendant une période fixée ; qu'en estimant néanmoins que les contrats n'étaient pas conformes à l'article L. 121-23 du Code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
"Alors, de quatrième part, qu'en retenant la non-conformité des contrats à l'article L. 121-24 du Code de la consommation, sans s'expliquer sur les éléments de fait permettant de déduire, à propos de chaque contrat, que les contrats n'étaient pas datés de la main du client, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"Alors, de cinquième part, qu'en affirmant que les contrats n'étaient pas conformes à l'article L. 121-26 du Code de la consommation comme ne respectant pas le délai de réflexion, sans préciser, à propos de chaque contrat, la date de passage du démarcheur, la date de la commande et la date de paiement, la cour d'appel n'a pas caractérisé le délit d'obtention de paiement avant la fin du délai de réflexion et n'a pas légalement justifié sa décision ;
"Alors, enfin, que les infractions poursuivies sont des délits et nécessitent un élément intentionnel ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé, à l'encontre de Jacques R, l'intention frauduleuse, les irrégularités qu'elle relève pouvant résulter de simples erreurs ; qu'il s'ensuit que la déclaration de culpabilité n'est pas légalement justifiée" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Patrick F, pris de la violation des articles 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick F coupable d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile ;
"Alors que la prévention visait trois délits distincts réprimés par des textes différents et concernant des victimes distinctes, à savoir - en premier lieu la présentation de contrats de démarchage dont tous les exemplaires n'auraient pas été datés de la main même du client, délit visé par les articles L. 121-24 et L. 121-28 du Code de la consommation, - en deuxième lieu, la présentation de contrats qui n'auraient pas comporté la mention de la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou proposés et des conditions d'exécution du contrat, délit visé par les articles L. 121-23 et L. 121-28 du Code de la consommation, - et en troisième lieu, l'obtention, à l'occasion d'une opération de démarchage, de la remise d'acomptes ou de paiements avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours suivant la commande ou l'engagement, délit visé par les articles L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation et que l'arrêt attaqué, qui n'a pas constaté, pour chacun de ses trois délits, les éléments constitutifs de l'infraction relativement à chaque contrat concernant chaque victime distincte visée dans la prévention, ne permet pas à la Cour de cassation de s'assurer de la légalité de sa décision" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Patrick F, pris de la violation des articles L. 121-21, L. 121-23 et L. 121-28 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick F coupable d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile et l'a condamné à payer des dommage-intérêts aux parties civiles ;
"Aux motifs repris des premiers juges que la SARL X dont Patrick F était le gérant, à la suite des annonces destinées à rechercher des personnes cherchant à vendre un bien immobilier, engageait un démarcheur et faisait signer au domicile des particuliers un contrat portant engagement de la société à faire passer une ou plusieurs annonces sur un support déterminé et pendant une période fixée et que l'analyse des contrats a fait apparaître qu'ils ne comportent pas de désignation précise ni d'information concernant les délais d'exécution de la prestation de services ;
"1 - alors que constitue une désignation suffisante de la nature et des caractéristiques des services proposés, le contrat portant engagement d'une société, dont l'objet est de recueillir des annonces immobilier auprès des particuliers, de faire passer une ou plusieurs annonces sur un support déterminé ;
"2 - alors que le délai d'exécution du passage de l'annonce est suffisamment déterminé par contrat qui précise la période fixée de parution de ladite annonce sur un support déterminé" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Patrick F, pris de la violation des articles L. 121-24 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick F coupable d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile et l'a condamné à verser divers dommages-intérêts aux parties civiles ;
"Au motif, repris des premiers juges, que l'analyse des contrats fait apparaître que les exemplaires des contrats n'étaient pas datés de la main du client et qu'ils étaient presque systématiquement antidatés ;
"Alors qu'en ne s'expliquant pas sur les éléments de fait - et notamment les énonciations des contrats - d'où il pouvait se déduire que lesdits contrats n'étaient pas datés de la main du client et étaient antidatés, la cour d'appel n'a pas permis à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur la légalité de sa décision" ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour Patrick F, pris de la violation des articles L. 121-25, L. 121-26 et L. 121-28 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick F coupable d'infractions à la législation sur le démarchage à domicile et l'a condamné à verser divers dommages-intérêts aux parties civiles ;
"Au motif, repris des premiers juges que l'analyse des contrats fait apparaître que Ies exemplaires des contrats étaient presque systématiquement antidatés et que les chèques étaient signés et prélevés dès la prise de passation de la commande ;
"Alors que l'arrêt, qui n'a pas relevé les éléments de fait qui lui permettaient de déduire des énonciations des contrats que ceux-ci étaient "systématiquement antidatés" par rapport aux dates auxquelles les clients avaient été démarchés, n'a pas justifié l'affirmation selon laquelle les chèques avaient été signés et prélevés dès la prise de passation de la commande et qu'il en est d'autant plus ainsi, que l'arrêt ne s'est pas expliqué, contrat par contrat, sur la date de passage des démarcheurs, sur la date de la commande et sur la date du paiement par le client" ;
Sur le sixième moyen de cassation, proposé pour Patrick F, pris de la violation des articles L. 111-4 du Code pénal, L. 121-1 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick F coupable de publicité de nature à induire en erreur ;
"Aux motifs repris des premiers juges qu'il est reproché à Patrick F d'avoir effectué une publicité mensongère dans le journal "Corse Matin" : "clientèle française/étrangère recherche sur l'Ile de Beauté belles demeures, villas, propriétés, appartements" soit de s'être présenté comme étant à la recherche d'un certain type d'habitations lorsqu'il s'agissait pour lui seulement de trouver des clients susceptibles d'être démarchés pour la vente d'espaces publicitaires et qu'en omettant d'indiquer dans le texte de l'annonce litigieuse le but recherché par la société et laissant ainsi penser aux lecteurs du journal "Corse Matin" que l'annonceur était une agence immobilière, Patrick F s'est rendu coupable du délit de publicité mensongère ;
"Alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur suppose, pour être constitué, que la publicité porte sur une offre de biens ou de services ou comporte des engagements de la part de l'annonceur et que l'annonce litigieuse, qui ne comporte pas d'offre de biens, de services et qui ne comporte aucun engagement précis de la part de l'annonceur, n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 121-1 du Code de la consommation" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les infractions à la législation sur le démarchage à domicile dont elle a déclaré Jacques R d'une part et Patrick F d'autre part coupables, et le délit de publicité de nature à induire en erreur, dont elle a déclaré le second coupable ;- D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le second moyen de cassation proposé pour Jacques R, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-26, L. 121-28 et L. 121-29 du Code de la consommation, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a condamné Jacques R, solidairement avec la société X déclarée civilement responsable, à payer diverses sommes aux parties civiles, sommes correspondant au remboursement des chèques établis par les clients ;
"Alors, d'une part, que, conformément à l'article L. 121-29 du Code de la consommation, l'entreprise est civilement responsable des démarcheurs, même indépendants, qui agissent pour son compte ; que ce texte, dérogatoire au droit commun, empêche que des condamnations civiles puissent être mises à la charge de Jacques R ;
"Alors, d'autre part, que, si le juge pénal est compétent pour allouer des dommages-intérêts, il n'a pas compétence pour ordonner le remboursement des sommes reçues en violation des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, un tel remboursement impliquant l'annulation du contrat que seul le juge civil est compétent pour prononcer ; qu'il s'ensuit que la condamnation au remboursement de chèques établis par les clients n'est pas légalement justifié" ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Patrick F, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25, L. 121-26, L. 121-28 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a condamné Patrick F, solidairement avec Jacques R et la société X à rembourser aux parties civiles à titre de dommages-intérêts le montant des chèques remis en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation ;
"Alors que, si le juge répressif a compétence pour fixer le montant des dommages-intérêt dus par le prévenu déclaré coupable d'infractions aux dispositions des articles L. 121-23 et suivants du Code de la consommation, il n'a pas compétence pour ordonner le remboursement des sommes reçues en violation de ce texte, cette décision, parce qu'elle implique l'annulation, sur le fondement de l'article 6 du Code civil, du contrat souscrit lors du démarchage, relevant de la seule compétence du juge civil" ;
Les moyens étant réunis ; - Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, l'article L. 121-29 du Code de la consommation ne dispense pas l'auteur des infractions de répondre des conséquences dommageables des délits dont il a été déclaré coupable ;
Attendu qu'en allouant aux parties civiles des sommes égales au montant des paiements effectués, les juges ont fait l'exacte application des dispositions de l'article L. 121-31 du Code de la consommation ; - D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
LA COUR,
Rejette les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;