Cass. crim., 3 avril 2001, n° 00-84.517
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. Di Guardia
Avocats :
SCP Gatineau, SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par S Jean-Paul, contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 30 mai 2000, qui, pour exercice illégal de la profession d'agent immobilier et publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils; - Vu les mémoires produits, en demande et en défense; - Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 551, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a fait application au prévenu de l'article L. 212-1 du Code de la consommation;
"alors que la citation énonce le fait poursuivi et vise le texte de loi qui le réprime; qu'en l'espèce les seuls articles du Code de la consommation visés par la prévention étaient les articles L. 121-1 et L. 213-1; que, dès lors, l'article L. 212-1 du même Code était inapplicable au prévenu; qu'en faisant néanmoins application de ce texte, la cour d'appel a méconnu le champ de sa saisine et violé les textes visés au moyen";
Attendu qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt attaqué que les juges aient appliqué au prévenu l'article L. 212-1 du Code de la consommation; que, dès lors, le moyen, qui manque par le fait sur lequel il prétend se fonder, doit être écarté;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1, 3 et 16 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, 2, 14 et 25 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, 1 et 65 du Décret du 20 juillet 1992, 111-3 du Code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier;
"aux motifs que les premiers juges, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jean-Paul S du chef d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier, ont notamment retenu qu'il résultait des éléments de la procédure, prospectus publicitaires, contrats de location et contrat de travail de Georges Lecoq, directeur d'agence pour le compte de la SARL X, que le prévenu, sous le couvert de cette société, se livrait habituellement, hors forfait touristique, lequel est défini à l'article 2 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, à la location de meublés saisonniers, voire à la vente d'immeubles, activités demeurant régies par les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 visées à la prévention et non respectées par le prévenu; que l'article 14 de la loi du 13 juillet 1992 invoquée par Jean-Paul S dispose : "les dispositions du présent titre s'appliquent aux opérations énumérées à l'article 1er, au dernier alinéa de l'article 3 et à l'article 25; toutefois, elle ne sont pas applicables "lorsque ces prestations n'entrent pas dans un forfait touristique, tel que défini à l'article 2, à la location de meublés saisonniers, qui demeurent régis par la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970"; que ce texte est suffisamment clair pour être compris d'un professionnel tel que Jean-Paul S; qu'il ne saurait, dès lors, arguer d'un défaut d'élément intentionnel;
"1°) alors qu'aux termes de l'article 25 de la loi n° 92-645 du 13 juillet 1992, les personnes physiques ou morales titulaires d'une licence, d'un agrément, d'une autorisation ou d'une habilitation peuvent se livrer à des activités de location de meublés saisonniers à usage touristique; que ce texte ne distingue nullement selon que l'agent de voyage commercialise des locations de meublés saisonniers dans le cadre d'un forfait touristique ou hors forfait touristique; que dès lors en se fondant, pour entrer en voie de condamnation, sur la circonstance que Jean-Paul S exerce son activité hors du cadre d'un forfait touristique, la cour d'appel a opéré une distinction non prévue par la loi et violé, par fausse application, les textes visés au moyen;
"2°) alors, en toute hypothèse, que le principe de légalité implique la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire; que lorsque l'élément légal de l'infraction se compose de plusieurs textes, ceux-ci doivent être compatibles; qu'en l'espèce, à supposer qu'elles soient inconciliables, les dispositions des articles 14 et 25 de la loi du 13 juillet 1992 ne sauraient servir de base à une condamnation; d'où il suit qu'en se fondant sur ces dispositions, la cour d'appel a violé le principe de légalité des délits et des peines ainsi que les textes visés au moyen;
"3°) alors, en tout état de cause, que le forfait touristique s'entend d'un prix global applicable à un ensemble de prestations; qu'en l'espèce, il ressort des énonciations des juges du fond que la location de meublés saisonniers s'accompagnait de prestations annexes, telles que diverses réductions dans les commerces ainsi qu'un "pot d'accueil" offert aux cocontractants; qu'ainsi la location des appartements s'inscrivait dans le cadre d'un forfait touristique; qu'en énonçant néanmoins que le prévenu exerçait son activité hors forfait touristique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations et a violé les textes visés au moyen;
"4°) alors, au surplus, que le délit d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier étant une infraction d'habitude, les juges devaient constater que le prévenu a commis, à intervalle rapproché, au moins deux actes contraires à la loi; qu'en se bornant à reproduire les termes de l'incrimination sans caractériser au moins deux actes délictueux à la charge du prévenu, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et a violé les textes visés au moyen"; Attendu que Jean-Paul S, gérant de la société X, est poursuivi, au visa des articles 16 et 18 de la loi du 2 janvier 1970, pour s'être, à (localité)(Alpes-de-Haute-Provence), en 1995 et 1996, livré de manière habituelle à la location d'appartements meublés sans être titulaire de la carte professionnelle d'agent immobilier et sans tenir de registre des mandats; qu'il a soutenu pour sa défense que, titulaire d'une licence d'agent de voyage, la société X exerçait en réalité une activité de location de meublés saisonniers à usage touristique conforme aux prévisions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1992;
Attendu que, pour écarter cette argumentation et le déclarer coupable des délits qui lui sont reprochés, les juges, après avoir rappelé que l'exercice de l'activité de location de meublés saisonniers ne peut, selon l'article 14 de la loi du 13 juillet 1992, être exercée par des agents de voyage que lorsque les prestations qu'elle propose sont comprises dans un forfait touristique, relèvent que le "pot d'accueil" et les réductions chez certains commerçants locaux dont le prévenu faisait état dans ses offres de location ne s'analysent pas comme les éléments d'un forfait touristique au sens de ce texte;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a déduit de ses constatations que l'exception apportée, dans des termes clairs et précis, par la loi du 13 juillet 1992, aux prescriptions de la loi du 2 juillet 1970, ne pouvait être retenue au bénéfice du prévenu, a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen, nouveau et mélangé de fait en sa dernière branche, ne saurait être accueilli;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 et L. 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Paul S coupable de publicité mensongère;
"aux motifs que Jean-Paul S a également été poursuivi pour avoir diffusé un document publicitaire intitulé "Propriétaires de (localité)associés; tarif des locations d'hiver 95/96" portant au verso la phrase "agence de location disposant d'environ 300 appartements situés en grande majorité à (localité)1 600, à environ 150 mètres de la galerie commerciale et entre 50 et 200 mètres des pistes de ski", cette présentation et ces affirmations s'étant avérées fausses; que pour entrer en voie de condamnation de ce chef à l'encontre de Jean-Paul S, les premiers juges ont notamment retenu que cette publicité était inexacte et de nature à induire en erreur leurs destinataires, lesquels pouvaient en attendre un grand choix, alors que le parc locatif du prévenu était de 25 appartements en 1995 et de 60 en 1996; que c'est donc par des moyens exacts et fondés en droit, que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu la culpabilité du prévenu;
"alors que le délit de publicité mensongère étant une infraction intentionnelle, les juges du fond se doivent de constater que le prévenu a délibérément trompé les destinataires du message publicitaire; qu'en se bornant à énoncer que la présentation et les affirmations du document publicitaire litigieux étaient inexactes, sans caractériser l'intention délictueuse qui aurait animé le prévenu, les juges du fond n'ont pas légalement justifié leur décision au regard des textes visés au moyen";
Attendu qu'après avoir relevé que Jean-Paul S a fait diffuser des messages publicitaires selon lesquels l'agence de location qu'il dirigeait disposait d'environ 300 appartements alors que son parc locatif ne dépassait pas 25 unités en 1995 et 60 en 1996, les juges énoncent que ces annonces trompaient leurs destinataires sur l'étendue du choix et, dès lors, la possibilité d'obtenir un appartement répondant à leur attente, qui leur étaient offertes;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, et dès lors que, selon l'article 339 de la loi du 16 décembre 1992, l'élément moral du délit de publicité de nature à induire en erreur prévu par l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, devenu l'article L. 121-1 du Code de la consommation, est caractérisé par une simple faute d'imprudence ou de négligence,la cour d'appel a justifié sa décision; d'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 411 du Code du travail;
"en ce que l'arrêt attaqué a accueilli l'action civile de la société Alp'azur et de la Fédération nationale de l'immobilier; "aux motifs que la SARL Alp'azur, titulaire d'une licence d'agence de voyages et de la carte professionnelle loi Hoguet, ainsi que la FNAIM, association professionnelle regroupant des agents immobiliers et ayant pour objet la représentation et la défense des intérêts de la profession, justifient avoir subi un préjudice direct et certain de fait de l'infraction d'exercice illégal d'agent immobilier reprochée à Jean-Paul S;
"1°) alors que l'action civile en réparation du dommage causé par une infraction n'appartient qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par ladite infraction; qu'en accueillant l'action civile de la société Alp'Azur sans caractériser le préjudice résultant directement de l'infraction qu'aurait subi cette société, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen;
"2°) alors que les associations ne peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile que pour autant qu'une disposition légale les y autorise; qu'aucun texte n'habilite la Fédération nationale de l'immobilier à exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions d'exercice illégal de la profession d'agent immobilier et de publicité mensongère; qu'en accueillant néanmoins l'action civile de cette Fédération, la cour d'appel a méconnu le principe précédemment rappelé et violé les textes visés au moyen";
Attendu qu'en accueillant les constitutions de partie civile, d'une part, de la société Alp'azur, agent immobilier exerçant son activité dans la même station de montagne que la société dirigée par le prévenu, et justifiant dès lors d'un intérêt personnel et direct à agir en réparation des dommages causés par les infractions reprochées, d'autre part, de la Fédération nationale de l'immobilier, syndicat professionnel pouvant exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'elle représente, la cour d'appel a fait l'exacte application des articles 2 du Code de procédure pénale et L. 411-11 du Code du travail;d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.