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Décisions

Cass. crim., 20 mars 2001, n° 00-82.179

COUR DE CASSATION

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

M. Blondet

Avocat général :

Mme Commaret

Avocats :

Me Choucroy, SCP Monod, Colin.

TGI Paris, 31e ch., du 26 févr. 1999

26 février 1999

LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par X René, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date du 8 mars 2000, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 80 000 francs d'amende avec sursis, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6, alinéa 1, du Code de la consommation, 2 et 3 de l'arrêté n° 77-105-P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, renversement de la charge de la preuve, manque de base légale;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de publicité mensongère et l'a condamné à verser aux parties civiles diverses sommes à titre de dommages-intérêts;

"aux motifs que les agents de la DGCCRF ont pu constater une absence totale de période de référence de prix que l'on pourrait considérer de normaux, puisque la pratique de rabais annoncée s'appliquait de manière permanente, c'est-à-dire d'année en année ; qu'aucune période de référence d'au minimum 30 jours précédant l'annonce publicitaire n'existait ; que les agents de la DGCCRF, par comparaison des factures d'achat des produits d'optique lunetterie auprès des grossistes et des prix de revente auprès des consommateurs ont pu mettre en évidence que la société Z procédait manifestement à une majoration artificielle de ces coefficients multiplicateurs avant application de la réduction annoncée dans la publicité ; qu'il s'avère donc que les réductions annoncées dans les publicités étaient en fait également artificielles et de nature à induire le consommateur en erreur sur l'existence d'une véritable offre promotionnelle et sur l'application de réduction de prix réelle; que, de surcroît, la politique commerciale de faux rabais permanents fausse inévitablement le jeu normal de la concurrence entre professionnels et lèse les intérêts généraux de la profession d'optique lunetterie ; qu'ainsi, il ne peut être contesté que René X n'a pas été en mesure de prouver les allégations développées par les différentes publicités litigieuses ; que, de plus, et comme il en a été justifié dans le cadre de l'enquête, il ne peut être connu que le prix affiché et non pas le prix réellement pratiqué ; que l'examen de 833 factures clients délivrées sur deux mois, du 1er avril au 24 avril 1997, a fait apparaître que 81 % des ventes ont été effectuées avec remise, ce que ne conteste pas René X qui convient, en outre, que si un client non muni d'une carte de rabais a connaissance des réductions effectuées, le magasin peut éventuellement l'en faire bénéficier ; que les factures des clients remises à l'Administration n'indiquaient pas la référence de l'article, si bien qu'il n'était pas possible de déterminer si celles-ci ne mentionnant pas de remise concernaient des articles de marque sur laquelle le rabais ne s'appliquait pas ; que René X a remis d'autres factures d'avril 1997 auxquelles étaient jointes des fiches faisant apparaître les références des articles, ainsi que le catalogue des prix 1998-1999 ; que les faits reprochés datent de 1996 et début 1997 et pour ces années, il ne disposait pas de catalogue sur support papier; que l'examen de ces factures a fait apparaître que pour 47 d'entre elles, 10 étaient sans remise; que, pour certaines, la référence de l'article n'existait plus sur le nouveau catalogue et d'autres ne mentionnaient pas celle-ci ; que l'Administration a effectué une comparaison entre les coefficients multiplicateurs moyens appliqués par René X et ceux pratiqués par la profession, étant précisé qu'elle s'est référée à une monographie fiscale de 1994, alors que le taux de TVA est passé de 18,60 % à 20,60 % en août 1995; que, même si l'on considère que ce taux moyen doit être relevé, il n'en demeure pas moins que celui pratiqué par X est supérieur ; qu'en tout état de cause, une entreprise qui fait 80 % de son chiffre d'affaires en octroyant régulièrement des réductions de 25 à 40 % sur ses prix affichés ne peut affirmer sérieusement qu'elle pratique ses prix de référence sinon elle ne serait pas économiquement viable ; que le tarif étiqueté n'étant appliqué qu'à une partie extrêmement réduite de sa clientèle, cela revient à considérer qu'il est globalement fictif, sinon l'arrêté 77-105 P du 2 septembre 1977 n'aurait plus aucun sens ; que le consommateur croit ainsi bénéficier d'une réduction qui n'est en fait qu'illusoire car celle-ci s'applique de façon permanente à la quasi-totalité de la clientèle à partir d'un prix de référence inexact car pratiqué de façon marginale ; que l'infraction reprochée à René X est établie;

"alors, d'une part, que le délit de publicité mensongère suppose que le message incriminé puisse induire en erreur un consommateur moyen et porte sur l'un des éléments cités par la loi ; que, dès lors que la publicité porte sur une annonce de réduction de prix, sa licéité doit être appréciée au regard des règles précises posées par l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 2 et 3 de ce texte que l'annonce d'une réduction de prix se rapportant à des produits ou services parfaitement identifiés est licite, dès lors que l'avantage annoncé s'entend par rapport au prix de référence qui se définit comme ne pouvant excéder le prix le plus bas effectivement pratiqué par l'annonceur pour un article ou une prestation similaire dans le même établissement de vente au détail au cours des 30 derniers jours précédant le début de la publicité ; que la cour d'appel s'est bornée à faire état de ce que la pratique des rabais annoncés s'appliquait de manière permanente, de ce qu'aucune période de référence d'au minimum 30 jours précédant l'annonce publicitaire n'existait et de ce que la réduction annoncée était artificielle ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions combinées de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et des articles 2 et 3 de l'arrêté précité;

"alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, le demandeur faisait notamment valoir: "1°) que les agents de la DGCCRF se sont référés dans leur enquête à une monographie qui n'était ni à jour, ni correctement présentée ; qu'en effet, la marge bénéficiaire est établie sur la base d'une TVA à 18,6 % alors que la TVA appliquée lors du contrôle est de 20,6 %, ce qui augmente le dividende par rapport au diviseur et donne un coefficient supérieur à celui qui est retenu par la monographie; que le coefficient moyen pratiqué de 4,07 par la société Z se situe à l'intérieur des coefficients pratiqués habituellement par la profession; "2°) que les rabais étaient accordés aux bénéficiaires de cartes, lesquels étaient exclusivement des membres des comités d'entreprises ; que la société Z avait embauché un agent commercial dont la seule activité était de nouer des contacts avec les comités d'entreprises et de maintenir ces contacts ; "3°) que les cartes adressées aux comités d'entreprises sont en général établies pour un an et n'étaient pas perpétuelles ; "que ces arguments étaient péremptoires et qu'en omettant de les examiner, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision;

"alors, en outre, qu'il incombe aux parties poursuivantes, Ministère public et parties civiles, conformément aux principes généraux qui régissent la charge de la preuve, d'établir que l'infraction a été commise par le prévenu et non à ce dernier de prouver son innocence ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui se borne à faire état de ce que René X n'a pas été en mesure de prouver les allégations développées par les différentes publicités litigieuses sans établir, conformément aux règles de la preuve, la culpabilité du prévenu, a renversé la charge de la preuve et n'a pas légalement justifié sa décision;

"alors, enfin, la cour d'appel, qui soutient qu'une entreprise qui fait 80 % de son chiffre d'affaires en octroyant régulièrement des réductions de 25 à 40 % sur ses prix affichés, ne peut affirmer sérieusement qu'elle pratique ses prix de référence sinon elle ne serait pas économiquement viable, se fonde sur des motifs purement hypothétiques insusceptibles de justifier la décision de condamnation";

Attendu que, pour déclarer René X coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur sur la réalité des réductions de prix annoncées, la cour d'appel retient qu'il a, en sa qualité de président de la société Z, diffusé dans le public, et plus particulièrement auprès des comités d'entreprise, des brochures publicitaires accompagnées de cartes d'achat familiales valables pendant un an, faisant état de rabais permanents de 25 à 40 % sur la plupart des montures et des verres optiques ou solaires qu'il propose à la vente, sans pouvoir justifier de la réalité des prix de référence indiqués dans son établissement au cours des trente derniers jours précédant le début de la publicité, ou de leur effectivité dans la pratique courante des autres distributeurs des mêmes produits ;

Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, reposant sur son appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen ne saurait être admis;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;

Rejette le pourvoi.