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Décisions

CA Poitiers, 1re ch. civ., 26 février 2003, n° 01-02642

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Saint-Jalmes

Défendeur :

Iszraelewicz

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Muller

Conseillers :

Mme Braud, M. Barthélemy

Avoués :

SCP Gallet, SCP Musereau-Mazaudon

Avocats :

Mes Géral, Di Raimondo.

T.com. Niort, du 12 sept. 2001

12 septembre 2001

Statuant sur l'appel formé par Madame Danielle Saint-Jalmes contre le jugement rendu le 12 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Niort qui l'a condamnée, avec exécution provisoire, à payer à Monsieur Christophe Iszraelewicz la somme de 200 000 F, nette d'intérêts, pour l'indemniser de son licenciement et de son préjudice financier, ainsi que la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et à supporter les dépens;

Vu les conclusions déposées le 16 janvier 2002 par Madame Saint-Jalmes qui prie la cour de:

- réformer en l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Niort;

- par conséquent,

Vu l'article L. 134-13 du Code de commerce,

- dire et juger que le contrat d'agent commercial liant Madame Saint-Jalmes à Monsieur Iszraelewicz a été rompu pour faute grave de ce dernier;

- également, vu l'article 1382 du Code civil:

- condamner Monsieur Iszraelewicz à régler à Madame Saint-Jalmes la somme de 15 244,90 euro à titre de dommages-intérêts;

- ordonner la production du registre des mandats de Monsieur Iszraelewicz depuis le mois de mai 2000;

- à titre subsidiaire;

- réduire dans de très importantes proportions le montant des condamnations à supporter par Madame Saint-Jalmes;

- condamner Monsieur Iszraelewicz à lui régler la somme de 3 048,98 euro sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu les conclusions déposées le 9 octobre 2002 par Monsieur Iszraelewicz tendant à la confirmation du jugement attaqué et à la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 1 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 31 octobre 2002;

MOTIFS

1°) Sur la rupture du contrat:

Aux termes d'un contrat du 8 juillet 1999, Madame Danièle Saint-Jalmes, agent immobilier, a confié à Monsieur Iszraelewicz un mandat d'agent commercial à durée indéterminée;

Par une lettre du 9 mai 2000, Madame Saint-Jalmes a notifié à ce dernier la rupture du contrat pour faute professionnelle grave;

Suivant exploit du 12 février 2001, Monsieur Iszraelewicz a assigné Madame Saint-Jalmes devant le Tribunal de commerce de Niort pour obtenir paiement de la somme de 203 640 F en réparation du préjudice à lui causé par la rupture brutale du contrat;

Madame Saint-Jalmes, se fondant sur les dispositions de l'article L. 134-13 du Code de commerce, s'oppose à cette prétention en invoquant, en premier lieu, l'existence de fautes graves de l'agent commercial à l'origine de la cessation du contrat : non-respect de ses obligations contractuelles depuis plusieurs mois (absence de compte-rendu de visites, de remise de mandat de vente, de suivi des agents commerciaux);

Non seulement le mandant ne rapporte pas la preuve des faits qu'il allègue, mais le non-paiement des commissions dues à l'agent - réclamées par celui-ci à hauteur de 27 000 F, selon factures du 4 avril 2000, par un courrier du 2 mai 2000, et, au demeurant, non contestées par Madame Saint-Jalmes qui, par une ordonnance de référé du 26 juillet 2000, a été condamnée à lui régler la somme de 51 480 F à titre de provision est de nature à priver les éventuels manquements de Monsieur Iszraelewicz à ses obligations de tout caractère de gravité;

Madame Saint-Jalmes invoque, en second lieu, le fait que "la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent" au motif que Monsieur Iszraelewicz a "abandonné son poste" après avoir organisé son départ de longue date;

Mais les premiers juges ont avec raison considéré que le déménagement de son bureau durant le week-end précédant le 9 mai 2000 et la résiliation de sa ligne téléphonique le 3 mai 2000 ne peuvent être considérés comme un abandon de poste, puisque, par son statut indépendant, l'agent n'a pas l'obligation d'exercer son activité dans les locaux de son mandant et, d'autre part, que la preuve d'une préparation de longue date de son départ n'était pas établie eu égard aux brefs délais d'obtention de la carte professionnelle et d'inscription au Registre du Commerce, postérieurs au 9 mai 2000, ainsi que le démontrent les pièces produites par Monsieur Iszraelewicz;

Les premiers juges ont donc, à bon droit considéré que Monsieur Iszraelewicz avait droit à l'indemnité de fin de contrat prévu par l'article L. 134-12 du Code précité;

Compte tenu, d'une part, du montant des commissions perçues durant la période du 8 juillet 1999 au 9 mai 2000 (soit 179 160 F TTC), d'autre part, de la justification de la souscription de deux emprunts de 45 000 F chacun pour pouvoir à son installation en qualité d'agent commercial en 1999 et en 2000, enfin de la brève durée d'exécution du contrat et de sa réinstallation dans un bref délai après la rupture de celui-ci, il apparaît équitable de lui allouer la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant pour lui de la rupture du contrat du 8 juillet 1999;

2°) Sur la concurrence déloyale:

Arguant d'actes de concurrence déloyale commis par Monsieur Iszraelewicz, Madame Saint-Jalmes sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 100 000 F (13 244,90 euro) à titre de dommages-intérêts;

Alors que la charge de la preuve d'actes de concurrence déloyale lui incombe, Madame Saint-Jalmes reconnaît elle-même ne fournir que de "fortes présomptions" en ce sens, ce qui ne saurait entraîner un quelconque droit à réparation à son profit;

En effet, et surabondamment, les trois attestations nouvelles qu'elle produit devant la cour ne sont pas suffisamment probantes quant à ce; Monsieur Ronan Saint-Jalmes ne fournit aucune précision sur le nombre et la nature des biens faisant l'objet de publicité à l'agence HIT créée par Monsieur Iszraelewicz et pour lesquels un mandat avait été confié à l'agence Saint-Jalmes pas plus que sur les circonstances qui ont donné lieu à cette publicité; la même imprécision se retrouve dans l'attestation de Mademoiselle Jeau concernant la vente de deux maisons par l'agence HIT; par ailleurs le fait par Monsieur Iszraelewicz d'emporter dans son ordinateur le fichier "prospects et clients" ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale; seuls le démarchage de Monsieur Jacques Paillaud et la vente de son immeuble par Monsieur Iszraelewicz (agence HIT) alors que Madame Saint-Jalmes était titulaire d'un mandat de vente, peut caractériser un acte de cette nature, mais cette dernière ne fournit aucune précision sur le montant du préjudice qui en est résulté pour elle;

Il convient en conséquence de débouter Madame Saint-Jalmes de sa demande de dommages- intérêts;

L'appelante succombant en ses prétentions doit supporter les dépens et voir rejetée sa demande pour frais irrépétibles;

Il apparaît équitable d'allouer à l'intimé la somme de 600 euro au titre des frais exposés par lui devant la cour et non compris dans les dépens, outre celle de 600 euro au titre des frais irrépétibles engagés en première instance;

Par ces motifs: LA COUR: Après en avoir délibéré conformément à la loi, Réformant le jugement déféré, et y ajoutant; Condamne Madame Saint-Jalmes à payer à Monsieur Iszraelewicz la somme de 15 000 euro à titre de dommages-intérêts; Déboute Madame Saint-Jalmes de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'article 1382 du Code civil et de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Madame Saint-Jalmes à verser à Monsieur Iszraelewicz la somme de 1 200 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Condamne Madame Saint-Jalmes au dépens de première instance et d'appel et autorise la SCP Musereau-Mazaudon à recouvrer directement ceux des dépens dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.