Cass. crim., 4 novembre 2003, n° 02-87.825
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
Mme Gailly
Avocats :
SCP Monod, Colin.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par C Jacques contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 30 octobre 2002, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 7 000 euro d'amende et a ordonné une mesure de publication; - Vu le mémoire produit; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 121-1, L. 121-4, L. 121-5, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, articles 1 à 5 du Décret n° 93-999 du 9 août 1993 relatif aux préparations à base de foie gras, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jacques C coupable de publicité mensongère comportant de fausses indications sur l'origine des marchandises ou leur disponibilité à la vente, l'a condamné à une amende délictuelle de 7 000 euro, et a ordonné la publication du jugement;
"aux motifs, d'une part, que les premiers juges, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jacques C, ont retenu que le contrôle effectué par les fonctionnaires de la DDCCRF avait démontré la non-conformité de provenance des tomates mises en vente, annoncées d'origine France, mais remplacées par des tomates d'origine Espagne ou Maroc, et qu'il n'avait pas été contesté par le prévenu que les négociations n'avaient porté que sur l'achat de tomates d'origine Espagne; que l'élément moral du délit reproché concernant ces faits résulte, d'une part, de l'absence de toute vérification de l'exactitude des mentions portées sur la liste adressée à l'agence de publicité ayant l'impression du catalogue mais, d'autre part, de la distribution du catalogue à l'ensemble de la clientèle potentielle de 33 magasins alors que l'erreur commise avait été préalablement constatée, ce que reconnaissait Jacques C lors de son audition le 4 mai 2000 par l'inspecteur de la DDCCRF, l'apposition d'un erratum dans certains points de vente ne pouvant exonérer le prévenu de sa responsabilité, l'impact publicitaire ayant produit son effet tant à l'égard du consommateur que des professionnels concernés par la production et la vente du produit, et le trouble à l'ordre public étant caractérisé;
"alors que Jacques C faisait valoir que l'indication inexacte relative à l'origine des tomates n'avait causé aucun trouble à l'ordre public car le consommateur est indifférent au fait que les tomates soient d'origine française ou espagnole, et qu'aucun acheteur n'est susceptible de se rendre dans tel magasin plutôt que dans tel autre parce que sont censées y être vendues des tomates d'origine française plutôt qu'espagnole; qu'en se bornant à affirmer que l'impact publicitaire a produit son effet et que le trouble à l'ordre public est caractérisé, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'origine supposée française des tomates avait pu peser en faveur de l'annonceur dans le choix de la clientèle, la cour d'appel a violé les textes précités;
"aux motifs, d'autre part, que, s'agissant de la publicité concernant la vente de foie gras, les premiers juges, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jacques C, ont exactement retenu que le contrôle effectué par les fonctionnaires de la DDCCRF avait démontré que la SA X n'avait jamais commandé le foie gras, objet de la publicité dans le prospectus intitulé "Terroirs et Traditions" du 17 au 27 novembre 1999, mais seulement des blocs de foie gras; que dès lors, Jacques C ne peut expliquer la publicité dont s'agit comme constituant une simple erreur matérielle dans l'élaboration du prospectus fait à partir d'une photographie d'un emballage dont le modèle factice ou gratuit avait été préalablement commandé et correspondait à du foie gras et non un bloc de foie gras, prospectus cependant contrôlé et comportant les mentions du poids et du prix convenu du seul produit réellement commandé, l'élément moral constitutif de l'infraction résultant d'une négligence plus qu'active; que le moyen tiré de ce que la Cour de justice des Communautés européennes a déclaré qu'en adoptant le Décret du 9 août 1993, relatif aux préparations à base de foie gras, n'incluant pas de clause de reconnaissance mutuelle pour les produits en provenance d'un Etat membre et répondant aux règles édictées par cet Etat, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 30 du traité CE, moyen soulevé pour la première fois en cause d'appel, est inopérant, ledit Décret ayant été pris pour la Répression des Fraudes et notamment en matière alimentaire, et l'infraction reprochée à Jacques C n'est pas la falsification du produit vendu au sens des articles L. 214-1 et L. 214-2 du Code de la consommation, mais la publicité trompeuse concernant la vente de produits à prix intéressant mais non disponibles à la vente; qu'indépendamment de toute réglementation concernant les préparations à base de foie gras, il est acquis pour tout consommateur moyennement éclairé qu'il existe une distinction entre un foie gras et un bloc de foie gras, distinction dont la page du prospectus litigieux se fait l'écho puisque présentant à la fois des boîtes de foie gras de canard, de bloc de foie gras de canard avec morceaux et de foie gras de canard entier, et dès lors, l'impact publicitaire de l'offre de prix particulièrement avantageux d'un produit considéré comme de qualité et donc attractif était certain, étant observé que des boîtes de blocs de foie gras, au poids et au prix de la publicité, ont elles été mises en vente; que l'erratum qui aurait été adressé aux différents magasins le 16 novembre 1999 pour affichage, ne saurait là encore exonérer Jacques C de sa responsabilité, la publicité préalable ayant déjà cherché à produire effet auprès du public;
"alors que, lorsqu'un texte réserve une dénomination à un produit déterminé, c'est exclusivement au regard de ce texte, et non des éventuelles connaissances du consommateur moyen, qu'est appréciée l'existence ou non d'une publicité de nature à induire en erreur, en sorte que si le texte est illicite, l'infraction n'est pas constituée; qu'en décidant qu'il importe peu que le Décret du 9 août 1993 ayant défini et réservé à certains produits les dénominations "foie gras" et "bloc de foie gras" soit illicite, le consommateur moyen sachant qu'il existe une différence entre ces deux notions, la cour d'appel a violé les textes susvisés";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué, qu'à la suite d'un contrôle effectué par les agents de la Direction de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes, Jacques C, directeur d'une centrale d'achat régionale d'une chaîne de supermarchés et bénéficiaire d'une délégation de pouvoir, est poursuivi pour avoir effectué des publicités de nature à induire en erreur, en ayant, dans des prospectus publicitaires, annoncé la vente de tomates d'origine française alors qu'elles avaient été achetées en Espagne ou au Maroc et de boîtes de foie gras de canard du Sud-Ouest à un prix intéressant mais non disponibles à la vente;
Attendu que, pour le déclarer coupable de ces délits, la cour d'appel constate la non-conformité de provenance des tomates et retient, notamment, que si les "boîtes de foie gras de canard du Sud-Ouest Y", figurant en photographie sur le prospectus, n'ont jamais été commandées, des boîtes de "bloc de foie gras" ont été mises en vente au même prix pour le même poids que celles mentionnées dans le dépliant publicitaire;qu'elle précise qu'indépendamment de toute réglementation concernant la composition de ce type de préparation, il est acquis, pour tout consommateur moyennement éclairé, qu'il existe une distinction entre un foie gras et un bloc de foie gras et que l'offre, à un prix particulièrement avantageux, d'un produit de qualité a eu un impact publicitaire certain;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision;d'où il suit que le moyen, inopérant en sa seconde branche, doit être écarté;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette le pourvoi.