CA Montpellier, 2e ch. A, 16 septembre 2003, n° 01-05348
MONTPELLIER
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Tioxide Europe (SAS)
Défendeur :
Quarrechim (SA), Gazechim (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pellegrin
Conseillers :
Mme Vernhet, M. Grison
Avoués :
SCP Argellies-Travier-Watremet, SCP Jougla-Jougla, SCP Nègre
Avocats :
Mes Larivière, Anton, Viguier.
Selon contrat de distribution en date du 27 mai 1993, la SA Tioxide Europe a concédé à la SA Gazechim le droit exclusif de vendre des produits désignés sous l'intitulé "gamme d'oxydes de titane Tioxide".
Ce contrat, initialement conclu pour une durée de deux ans, a, par courrier de la SA Tioxide en date du 27 novembre 1995, été reconduit pour une durée d'une année prenant rétroactivement effet au 1er mai 1995 avec renouvellement par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une des parties moyennant un préavis de trois mois.
Par lettre du 30 janvier 1997, la SA Gazechim produits et spécialités chimiques -PSC- informait la société Tioxide Europe que la société Gazechim lui a fait apport de sa branche d'activité produits chimiques et lui demandait de lui notifier son accord pour le transfert du contrat passé avec la société Gazechim.
Par lettre du 25 mars 1997, la société Tioxide Europe répondait à la société Gazechim PSC qu'elle étudiait les implications et conséquences que ce transfert pourrait entraîner afin de lui faire les propositions d'avenants qu'elle jugerait éventuellement nécessaires.
Par lettre du 10 juin 1997, la société Tioxide Europe informait la société Gazechim qu'elle s'opposait à la cession du contrat à la société Gazechim PSC et prenait acte de la rupture.
Par actes d'huissier en date des 8 janvier 1998, 26 mai 1999 et 14 janvier 2000, se plaignant d'une rupture abusive du contrat et d'actes de concurrence déloyale, les sociétés Gazechim et Gazechim PSC ont fait assigner la société Tioxide Europe afin qu'elle soit condamnée à les indemniser des préjudices qu'elle leur a causés.
Par jugement du 10 septembre 2001, le Tribunal de commerce de Béziers a notamment:
- condamné la société Tioxide à payer à la société Quarrechim, anciennement Gazechim PSC, dévolutaire de l'activité commerciale qui lui a été cédée par la société Gazechim, la somme de 1 000 000 F, pour rupture abusive du contrat;
- dit que ces sommes produiront un intérêt au taux légal à compter du 24 mai 1999;
- dit que dans la mesure où la rupture du contrat aura entraîné une incidence sur les suites de l'apport scission pour la société Gazechim cette dernière bénéficiera des condamnations prononcées ci-dessus, le surplus allant à la société Quarrechim;
- condamné la société Tioxide à payer à la société Quarrechim, dévolutaire de l'activité commerciale qui lui a été cédée par la société Gazechim, la somme de 200 000 F pour le préjudice causé par son dénigrement;
- condamné la société Tioxide au paiement de la somme de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des dépens.
Suivant déclaration enregistrée le 6 novembre 2001, la SAS Tioxide Europe a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions du 16 octobre 2002, soutenant que l'apport partiel d'actif pour la branche d'activité "produits et spécialités chimiques" de Gazechim à Gazechim PSC a emporté transmission du contrat de distribution liant les sociétés Gazechim et Tioxide, que cette dernière a commencé à exécuter le contrat au profit de Gazechim PSC et qu'elle l'a par la suite résilié abusivement, la SA Quarrechim, venant aux droits de la société Gazechim produits et spécialités chimiques - PSC -, demande à la cour de:
- débouter la société Tioxide de l'ensemble de ses prétentions;
- confirmer le jugement prononcé le 10 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Béziers;
- condamner la société Tioxide au paiement de la somme de 4 500 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des dépens.
Par conclusions du 20 mai 2003, soutenant également que le contrat a été transféré à la société Gazechim PSC aux droits de laquelle elle se trouve, la SA Quarrechim demande à la cour de:
- à titre principal, confirmer le jugement prononcé le 10 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Béziers;
- à titre subsidiaire, condamner la société Tioxide au paiement de la somme de 310 000 euro pour refus abusif d'agrément et rupture brutale du contrat et celle de 35 000 euro pour actes de dénigrement déloyaux;
- dans tous les cas, condamner la société Tioxide au paiement de la somme de 5 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des dépens.
Par conclusions du 10 juin 2003, faisant valoir que le contrat de distribution litigieux n'a pas été cédé à la société Quarrechim, qu'elle n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ou de dénigrement et qu'en tout état de cause les sociétés Gazechim et Quarrechim ne peuvent prétendre à aucune indemnisation, la SAS Tioxide Europe demande à la cour de:
- réformer en toutes ses dispositions le jugement prononcé du 10 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Béziers;
- débouter les sociétés Gazechim et Quarrechim de leurs demandes;
- condamner in solidum les sociétés Gazechim et Quarrechim au paiement de la somme de 10 000 euro sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en sus des dépens.
Sur quoi,
C'est par un acte sous seing privé en date du 14 novembre 1996 que la société Gazechim a apporté à sa filiale, la SA Diprochim, créée le 17 juillet 1996, devenue par la suite Gazechim PSC puis Quarrechim et dont elle détenait 2 494 des 2 500 actions composant le capital social, sa branche d'activité "produits et spécialités chimiques", l'actif apporté comprenant notamment "le bénéfice et les charges de tous les contrats, traités, accords, conventions et marchés conclus avec des tiers".
Ce traité d'apport, soumis au régime des scissions organisé par les dispositions des articles L. 236-1 et suivants du Code du commerce, n'a pu opérer le transfert de plein droit du contrat litigieux en application du principe de la transmission universelle du patrimoine dans la mesure où:
- le contrat de distribution a été, de par sa nature intrinsèque, conclu intuitu personae et que cette caractéristique s'est traduite par une période probatoire de deux années et une clause de cession stipulée en ces termes: "le présent contrat ne pourra être cédé par le distributeur à un tiers sans l'accord formel du fournisseur" (art.11);
- aux termes du traité d'apport, "Gazechim et Diprochim s'efforceront d'obtenir, là où elles le jugent nécessaire, l'accord de toute autre partie contractante ou de tout autre tiers pour réaliser le transfert des bénéfices et charges..." (art 4.1.1.A.3);
- le traité prévoit en outre qu'au "cas où la transmission de certains contrats ou de certains biens serait subordonnée à l'accord ou l'agrément d'un cocontractant ou d'un autre tiers quelconque, Gazechim sollicitera en temps utile les accords ou décisions d'agrément nécessaires" (art 7.2.F);
- le contrat de distribution passé avec la société Tioxide figure en annexe du traité d'apport au nombre de ceux soumis à l'accord d'un tiers;
- la société Gazechim PSC, bénéficiaire de l'apport a d'ailleurs d'elle-même sollicité l'accord de la société Tioxide sur le transfert du contrat en l'informant simultanément de l'entrée de la société Lambert Rivière dans son capital à hauteur de 50 % (cf. lettre du 30 janvier 1997).
En répondant le 25 mars 1997 à la société Gazechim PSC qu'elle étudiait les implications et les conséquences que le transfert du contrat vers cette nouvelle entité pourrait entraîner afin de faire les propositions d'avenants qu'elle jugerait nécessaires, la société Tioxide n'a pas pour autant implicitement accepté la cession de la convention de distribution exclusive qu'elle avait passée avec la société Gazechim.
De même la poursuite des relations contractuelles avec la société Gazechim, corroborée par l'envoi de factures à cette société et non à la société Gazechim PSC, ne révèle pas un accord sur le transfert litigieux.
Dès lors que la convention avait été cédée, sans son accord, à une société tierce qui n'était plus, à la date à laquelle elle a été informée de la cession, une simple filiale du distributeur avec lequel elle avait contracté, la société Tioxide était en droit de prendre acte de la rupture, de confier la commercialisation de ses produits à son nouveau distributeur et d'en informer la clientèle.
Les sociétés Gazechim et Quarrechim, n'ayant pas rapporté la preuve des abus et fautes qu'elles imputent à la société Tioxide, doivent être déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts et condamnées aux dépens.
L'équité commande enfin d'allouer à la société Tioxide Europe la somme de 3 000 euro en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Déclare la SA Tioxide Europe recevable en son appel et, l'y disant bien fondée, Infirme en toutes ces dispositions le jugement prononcé le 10 septembre 2001 par le Tribunal de commerce de Béziers; Déboute la SA Gazechim et la SA Quarrechim de toutes leurs demandes; Condamne in solidum les sociétés Gazechim et Quarrechim à payer à la SA Tioxide Europe la somme de 3 000 euro (trois milles euro) en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Rejette toutes autres prétentions, plus amples ou contraires; Condamne in solidum les sociétés Gazechim et Quarrechim aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.