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Décisions

CA Pau, 1re ch., 12 mai 2003, n° 01-02073

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Halin

Défendeur :

Desso DLW Sports Systems GMBH (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pujo-Sausset

Conseillers :

Mme Del Arco Salcedo, M. Tignol

Avoués :

SCP Rodon, Me Marbot

Avocats :

Me Gadrat, SCP Lafarge Flécheux Campana & Associés.

T. com. Bayonne, du 23 avr. 2001

23 avril 2001

Faits et procédure

Monsieur Halin a été engagé à l'essai pendant un an par la société Desso DLW, en qualité d'agent commercial, par courrier du 13 juin 1995, avec pour mandat de vendre les membranes Delifol et leurs accessoires (matériel pour piscines).

Les parties ont signé un contrat de mandat, le 7 avril 1996, puis trois avenants, les 21 septembre 1996, 9 octobre 1996 et 14 octobre 1997.

À la suite de ces contrats et avenants, Monsieur Halin s'est vu confier un mandat de représentation de la société dans 24 départements du grand Sud-Ouest de la France ainsi que dans la principauté d'Andorre.

Par lettre en date du 12 novembre 1998 et reçue le 17 novembre 1998, la société Desso DLW a notifié à Monsieur Halin la rupture du contrat pour faute grave avec un préavis jusqu'au 30 novembre 1998.

Par courrier en date du 18 janvier 1999, Monsieur Halin a contesté l'ensemble des griefs invoqués dans la lettre de rupture et a demandé le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de deux mois et demi, ainsi que le paiement d'une indemnité de clientèle et de commissions.

Suite au refus de la société Desso DLW de faire droit à ces demandes, Monsieur Halin a fait assigner la société Desso DLW devant le Tribunal de grande instance de Bayonne et a demandé au tribunal de:

- dire qu'il n'a nullement été l'auteur de faute grave,

- condamner la société Desso DLW au paiement de:

- la somme de 55 538,77 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

- la somme de 475 397 F à titre d'indemnité de rupture,

- la somme de 14 344,13 F à titre de solde des commissions dues pour les mois de mars, septembre, octobre et novembre 1998,

- la somme de 15 000 F au titre de la prime d'objectif 1998,

- la somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 avril 2001, le Tribunal de grande instance de Bayonne a débouté Monsieur Halin de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Monsieur Halin a interjeté appel le 9 juillet 2001.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2002,

Prétentions de parties

Monsieur Halin a conclu le 9 novembre 2001:

- à la réformation en toutes ses dispositions, du jugement entrepris et, statuant à nouveau:

- à ce qu'il soit jugé que Monsieur Claude Halin n'a commis aucune faute grave justifiant la rupture du contrat, sans préavis et sans indemnité,

- à la condamnation de la société Desso DLW Sports Systems GMBH à payer à Monsieur Halin:

- la somme de 65 854,66 F à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- la somme de 477 817,31 F à titre d'indemnité de rupture compensatrice du préjudice subi,

- la somme de 6 214,01 F à titre de commissions sur gazon synthétique,

- la somme de 15 000 F à titre de prime d'objectif 1998,

- à ce qu'il soit jugé que l'ensemble des sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 1999 et en tout cas à compter du 27 octobre 1999,

- à ce que la capitalisation des intérêts soit ordonnée en application de l'article 1154 du Code civil,

- à la condamnation de la société Desso DLW Sports Systems GMBH à payer à Monsieur Halin, une somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- à sa condamnation en tous les dépens, dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Rodon, sur ses affirmations de droit, en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Halin a fait valoir principalement:

- les dispositions de l'article L. 134-11 du Code de commerce,

- l'absence de faute grave,

- la dénaturation de l'article 3 du contrat,

- le droit de vendre hors secteur d'agent commercial,

- l'absence de vente à perte.

La société Desso DLW a demandé le 22 mai 2002:

- de dire mal fondées les prétentions de Monsieur Halin,

- de le condamner au versement d'une indemnité de 3 000 euro en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- de le condamner en tous les dépens de première instance et d'appel, autoriser Maître Marbot, avoué à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

Très subsidiairement, dans l'éventualité où la cour accueillerait par impossible, dans son principe l'action adverse,

- de dire et juger que l'assiette des indemnités réclamées doit être circonscrite aux commissions afférentes aux seules ventes réalisées dans son secteur, à l'exclusion de toute revente en dehors du territoire contractuel,

- de désigner à cet effet, avant dire droit, aux frais avancés de Monsieur Halin, tel expert qu'il lui plaira nommer avec la mission de chiffrer la moyenne annuelle des commissions par lui perçues au cours des années 1997 et 1998 sur les seules ventes destinées aux clients de son secteur,

- de réserver les dépens en ce cas.

L'intimée a fait valoir principalement:

- que la faute grave était établie,

- qu'elle privait Monsieur Halin de l'indemnité compensatrice de rupture de contrat.

Sur ce,

L'appel est recevable en la forme comme diligenté dans des conditions régulières et non contestées.

Monsieur Halin, depuis 1993/1994, exerçait une activité commerciale sous l'enseigne BL Diffusion, portant notamment sur la vente de piscines, d'accessoires et produits.

La société DLW voulant commercialiser un matériau Delifol destiné au revêtement des piscines, avait constitué un réseau d'agents commerciaux et a conclu avec Monsieur Halin en 1996 un contrat d'agent commercial, en vue de la représentation de tous les produits fabriqués ou distribués par elle (membranes Delifol et accessoires).

Une extension progressive du secteur confié à Monsieur Halin a eu lieu.

Il n'est pas contesté qu'un fait notable de son chiffre d'affaires a été réalisé sous le couvert de BL Diffusion qui, en sa qualité de client privilégié, bénéficiait de remises sur les prix.

La rupture du contrat liant les parties est intervenue le 12 novembre 1998, par lettre recommandée avec accusé de réception, pour faute grave, du fait des manquements de Monsieur Halin à l'article 3 du contrat, caractérisés par des livraisons en dehors du secteur contractuel, par l'intermédiaire de BL Diffusion.

Il convient de reprendre les termes du contrat.

L'article 3 dispose que l'agent commercial ne pourra exercer son activité en dehors de son secteur géographique sans l'accord préalable écrit du mandant.

L'article 7 précise en outre que l'agent s'interdit toute activité se rapportant à la fabrication ou à la commercialisation de tous produits susceptibles de concurrencer ceux dont la représentation lui est confiée.

En conséquence, il est exact que Monsieur Halin avait la liberté d'effectuer d'autres opérations, notamment pour son compte personnel ou pour le compte de toute autre entreprise, sans autorisation, mais à condition, de ne pas faire concurrence à la société Desso DLW.

Monsieur Halin ne conteste pas avoir assuré certaines livraisons en dehors de son secteur contractuel mais il fait valoir:

- que les livraisons ont été réalisées par la société Desso elle-même,

- que celle-ci était donc d'accord pour exécuter les commandes correspondantes,

- que l'interdiction de l'article 3 n'aurait pas visé son activité de négociant exercée sous le couvert de BL Diffusion.

La société DLW conteste le fait que l'exécution des commandes puisse être assimilée à un accord des commandes.

Elle reconnaît cependant que la totalité des factures litigieuses sont émises au nom de BL Diffusion et qu'elles correspondent:

- tantôt à des livraisons destinées à BL Diffusion elle-même,

- tantôt à des livraisons pour des chantiers situés à l'intérieur du secteur contractuel,

- tantôt à des livraisons pour des chantiers extérieurs au secteur contractuel.

Il en résulte que DLW était informée de la double activité de Monsieur Halin, en qualité de commerçant (BL Diffusion) et en qualité d'agent commercial de DLW.

La société DLW ne peut nier qu'elle avait accepté la poursuite de l'activité commerciale de Monsieur Halin, BL Diffusion, hors secteur contractuel.

La seule limite contractuelle réside dans l'obligation de non-concurrence visée dans l'article 7 n° 2.

Monsieur Halin produit des éléments qui confortent sa thèse.

Le 25 mai 1998, Monsieur Rohloff dont il n'est pas contesté qu'il est en Allemagne, le chef des ventes DLW secteur France, lui demandait de vérifier la conformité de la commande d'un client sis dans le département 84 (hors secteur contractuel).

Monsieur Reveyrand, responsable DLW en France, répercutait le 28 janvier 1997 une commande de BL Diffusion sur l'Allemagne pour un client situé hors secteur contractuel.

Monsieur Remon, directeur commercial export DLW, le 7 avril 1998, confirmait une augmentation des encours afin de débloquer les commandes et refusait ainsi d'autoriser Monsieur Halin à acheter de la membrane auprès de concurrents.

Monsieur Remon, le 7 avril 1998 également, précisait à Monsieur Halin qu'il faudrait que celui-ci cédât à un nouvel agent commercial un client de BL Diffusion situé dans le département 39, c'est-à-dire hors secteur contractuel.

Enfin, DLW a exécuté une formation dans la Somme en mai 1998 (hors secteur contractuel) afin d'assurer la pose par une société Batipiscine, sur une vente réalisée par Monsieur Halin.

La société DLW ne peut donc sérieusement prétendre qu'elle ignorait que Monsieur Halin assurait des livraisons hors secteur par l'intermédiaire de BL Diffusion.

Par ailleurs, la société Desso a reproché à Monsieur Halin dans son courrier de rupture, le fait d'avoir vendu à perte à PELD de la membrane.

Il convient de constater que cette vente, réalisée par BL Diffusion, est indépendante de l'activité d'agent commercial de Monsieur Halin et ne peut servir de fondement à une rupture du contrat pour faute grave.

Par ailleurs le dénigrement d'un collègue auprès d'un client, fait que Monsieur Halin ne conteste pas, ne peut constituer une faute grave alors que l'identité de l'agent DLW n'était pas donnée et que ce comportement n'a eu aucune incidence sur DLW qui a conservé ledit client.

En conséquence, si l'équipe commerciale a pu être perturbée du fait des pratiques utilisées par Monsieur Halin, pratiques acceptées par DLW, elle ne saurait caractériser pour autant la faute grave privative de toute indemnité compensatrice du préjudice subi.

Le jugement entrepris doit être réformé en ce sens.

S'agissant des indemnités, Monsieur Halin ne peut prétendre intégrer, pour la détermination de l'assiette, les commissions perçues sur les commandes afférentes aux ventes de BL Diffusion, hors du secteur contractuel,

Seules doivent être retenues les commissions perçues en sa qualité d'agent commercial DLW, dans son secteur d'activité.

L'indemnité de préavis devra être calculée sur 1 mois et 15 jours puisqu'il a été accordé à Monsieur Halin un préavis effectif de 15 jours et qu'il avait droit à 2 mois de préavis conformément à l'article 14 du contrat.

Une mesure d'expertise est nécessaire aux fins de chiffrer la moyenne annuelle des commissions perçues sur les commandes destinées aux clients du secteur contractuel au cours des exercices 1997 et 1998, et d'obtenir des éléments nécessaires à la fixation des indemnités.

S'agissant du rappel de commissions, le premier juge a justement relevé qu'il n'était pas établi que les commandes des clients Aquepool et Piscine 12 aient été suivies d'une vente, et que la vente de gazon visée dans la facture du 11 septembre 1998 ait été effectuée par DLW.

Enfin, s'agissant de la prime d'objectif, la société DLW reconnaît qu'elle est due mais s'oppose au paiement au motif que Monsieur Halin aurait, après la rupture du contrat, commercialisé un produit concurrent.

Or, il n'est pas établi que Monsieur Halin ait repris une activité d'agent commercial pour un concurrent de la société DLW.

Il n'est pas davantage établi que la société DLW ait subi un préjudice personnel du fait de la vente par la société BL Diffusion de matériaux, et plus précisément d'une membrane qui aurait été présentée "Delifol" alors qu'elle n'était pas un produit Delifol.

En tout état de cause, il n'est pas contesté que la prime d'objectif était exigible avant la rupture du contrat.

Par ces motifs: LA COUR, Statuant publiquement contradictoirement, et en dernier ressort, Déclare recevable en la forme l'appel interjeté; Réforme le jugement rendu le 23 avril 2001 par le Tribunal de grande instance de Bayonne sauf en ce qu'il a débouté Monsieur Halin de ses demandes relatives au rappel de commission, à une vente de gazon; Statuant à nouveau, Dit que Monsieur Halin n'a commis aucune faute grave justifiant la rupture du contrat sans indemnités; En conséquence, Dit que la société DLW est tenue de payer à Monsieur Halin une indemnité compensatrice du préjudice subi et une indemnité de préavis de 1 mois et demi; Condamne la société DLW à payer à Monsieur Halin la prime d'objectif 1998 soit 2 286,74 euro; Avant dire droit, sur le quantum des indemnités, Ordonne une mesure d'expertise; Nomme Monsieur Cazaban, demeurant 8 rue Faraday, BP 363, 64 141 Billere Cedex en qualité d'expert avec pour mission de prendre connaissance du dossier, Entendre les parties et tous sachants; Donner tous éléments permettant de chiffrer l'indemnité de préavis sur 1 mois et demi et l'indemnité compensatrice du préjudice subi; Déterminer l'assiette des indemnités en tenant compte des seules ventes réalisées dans le cadre du contrat d'agent commercial, dans le secteur contractuellement défini; Chiffrer ainsi la moyenne annuelle des commissions perçues au cours des années 1996/1997 et 1997/1998; donner tout autre élément permettant d'apprécier le préjudice subi du fait de la rupture; Dit que Monsieur Halin devra consigner au greffe de la cour une somme de 1 500 euro à valoir sur la rémunération de l'expert, dans un délai de un mois à compter de la présente décision; Dit que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de 3 mois à compter de sa saisine; Dit qu'en cas d'empêchement, il sera pourvu à son remplacement, par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état; Réserve les demandes relatives aux intérêts, à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.