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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 2 novembre 2001, n° 1996-06249

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Groupe Zannier (Sté), Zannier (SA)

Défendeur :

Duhem (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Moussa

Conseillers :

M. Santelli, Mme Miret

Avoués :

SCP Junillon-Wicky, Me Barriquand

Avocats :

Mes Genin, Meresse.

T. com. Saint-Etienne, du 7 mars 1995

7 mars 1995

Exposé du litige - procédure et prétentions des parties

La société Duhem a été constituée en vue d'exploiter une franchise exclusive de prêt-à-porter pour enfants que lui proposait le Groupe Zannier sous l'enseigne Z.

C'est ainsi qu'un contrat a été conclu le 22 octobre 1991 entre les parties pour une durée de cinq années.

Un investissement était réalisé à cette occasion par la société Duhem de 610 000 F sur l'aménagement du magasin aux normes du franchiseur.

L'ouverture effective du magasin est intervenue le 7 février 1992 consécutivement au stage que Madame Duhem, a effectué à Saint-Chamond (Loire) au sein du Groupe Zannier.

Par lettre du 16 octobre 1992, Madame Duhem donnait connaissance à la société Groupe Zannier qu'elle entendait résilier le contrat de franchise en invoquant l'insuffisance de chiffre d'affaires et de trésorerie, l'attitude des banques, la conjoncture économique, son état de santé, l'impossibilité de trouver du personnel qualifié.

La société Z Groupe Zannier donnait son acceptation et il était alors procédé les 14, 15 et 16 décembre 1992 aux opérations de reprise des stocks et de restitution des éléments distinctifs de l'agencement du magasin.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 20 novembre 1992, la société Zannier SA, fournisseur de la société Duhem au titre du contrat de franchise, lui réclamait le paiement d'une somme de 1 054 484 F correspondant au montant des factures restées impayées mensuelles.

Cette somme devait être ramenée à 678 634 F ultérieurement pour tenir compte de la reprise des stocks invendus.

Par acte du 17 décembre 1992, la société Zannier SA a fait citer la société Duhem devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne pour lui réclamer le paiement de sommes qui lui restait dues qu'elle a ramené ultérieurement à 678 734,07 F et y ajoutait une demande en dommages et intérêts ainsi qu'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Duhem a fait citer la société Z Groupe Zannier devant le même tribunal par acte du 24 novembre 1993 en paiement de diverses indemnités dues à raison de la rupture du contrat de franchise, soit 8 444 000 F représentant à concurrence de 1 800 000 F une perte de chiffre d'affaires, à concurrence de 6 344 000 F de dommages et intérêts représentant la marge brute que le franchisé espérait réaliser au cours du contrat jusqu'à son terme, à concurrence de 300 000 F pour perte d'exploitation.

Elle y ajoutait une indemnité judiciaire au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Enfin, la société Duhem a fait citer devant le même tribunal la société CAZ (Centre d'Achats Zannier), venant aux droits de la société Z Services pour le règlement de la somme de 333 823,85 F représentant la valeur de divers matériels et agencements repris par la société Z Services et y ajoutait une indemnité judiciaire au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement en date du 7 mars 1995, le Tribunal de commerce de Saint-Etienne a:

- condamné la société Duhem à verser à la société Zannier SA la somme de 678 734,07 F outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- condamné la société CAZ à verser à la société Duhem la somme de 267 059,09 F outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- condamné la société Z Groupe Zannier à verser à la société Duhem la somme de 500 000 F outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,

- rejeté toutes les autres demandes.

Par déclaration du 2 septembre 1996, la société Groupe Zannier SA (anciennement Z Groupe Zannier) et la société Zannier SA, venant aux droits de la société CAZ ont relevé appel de cette décision à raison de condamnations qui ont été prononcées contre elles.

Elles exposent:

- que les demandes de la société Duhem portant sur la somme de 8 444 000 F sont totalement injustifiées puisqu'elle ne démontre pas le préjudice qu'elle a subi et qu'ainsi la société Groupe Zannier ne peut être condamnée à lui payer une quelconque somme contrairement à ce qu'a jugé le tribunal qui lui a accordé celle de 500 000 F,

- que la société Duhem ne conteste pas être redevable envers la société Zannier SA de la somme de 678 734,07 F correspondant à des factures restées impayées, se contentant de réclamer la compensation,

- que cette réclamation est bien fondée et ne peut être remise en cause de sorte que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point,

- que c'est à juste titre que le premier juge a fait subir une décote de 20 % par année d'utilisation à la somme de 333 823,85 F réclamée par la société Duhem au titre des agencements repris par la société CAZ après la rupture du contrat,

- qu'ainsi la somme de 267 059,08 F est justifiée de sorte que le jugement déféré doit être confirmé sur ce point,

- que la société Duhem ne démontre pas que les dispositions de la loi Doubin ont été méconnues et que de ce fait elle a été abusée dans son consentement,

- que cependant la société Duhem avait une parfaite connaissance du réseau de franchise Z ainsi que des conditions de mise en œuvre du contrat,

- que les études préalables à l'ouverture du magasin ont été réalisées de même qu'a été donnée au franchisé l'assistance nécessaire préalable à l'ouverture,

- que la société Duhem en payant le montant de l'étude 40 000 F n'a jamais contesté avoir reçu les informations ni l'assistance découlant du contrat,

- que le défaut d'information n'emporte pas la nullité du contrat sans l'existence d'un vice du consentement,

- qu'elle n'avait qu'une obligation de moyens,

- que la société Duhem ne rapporte l'existence d'aucun préjudice,

- qu'elle n'apporte aucun élément, la demande d'une somme de 675 000 F étant injustifiée et sans aucun lien avec le défaut d'information,

- que Madame Duhem, dans son courrier du 16 octobre 1992, a fait état de diverses raisons pour expliquer la cessation de son activité toutes étrangères à la société Groupe Zannier,

- que c'est Madame Duhem qui a pris l'initiative de la résiliation et qu'elle est responsable du non-respect des dispositions contractuelles à l'origine de ses difficultés (réduction de la surface de vente notamment),

- que les griefs d'abus de dépendance économique ne sont pas établis,

- qu'elle ne peut invoquer une absence de solution équivalente puisqu'elle a cessé toute activité pour raison de santé,

- qu'elle a pu poursuivre dans le fonds sa première activité, ce qui démontre qu'elle avait bien une solution équivalente,

- que les clauses d'approvisionnement exclusif de produits sont justifiées dès lors qu'il s'agit d'assurer l'homogénéité du réseau,

- que la société Duhem n'a jamais dû se soumettre à un approvisionnement automatique,

- qu'elle a bénéficié de nombreux avoirs pour des retours de marchandises,

- qu'elle n'a jamais été obligée de pratiquer les prix imposés, le contrat prévoyant qu'ils doivent se situer dans des limites compatibles avec l'image de la marque Z pour préserver l'unité du réseau,

- qu'elle ne démontre pas qu'elle a dû s'y soumettre, puisqu'elle disposait d'une latitude pour fixer les prix,

- que l'informatique mise en place l'a été dans l'intérêt des franchisés et non point pour les contrôler,

- que le savoir-faire du franchiseur est constitué par des outils de gestion qu'il a mis en place,

- que la société Duhem n'a jamais été un mandataire pour la distribution des produits mais bien un commerçant indépendant,

- que le chiffre d'affaires prévisionnel qui a été fixé est conforme au chiffre d'affaires réalisé par la société Duhem,

- qu'il était fixé à 4 500 000 F pour une année, soit 3 000 000 pour les huit premiers mois d'activité alors que la société Duhem a enregistré un chiffre d'affaires de 3 200 000 F,

- que la société Groupe Zannier n'a pas manqué à son obligation de conseil ni d'assistance,

- que les tromperies invoquées par la société Duhem ne sont pas démontrées.

Elles réclament la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Duhem à verser à la société Zannier SA la somme de 678 734,07 F et fixé la créance de la société Duhem à l'égard de la société CAZ, absorbée par la société Zannier SA, pour la somme de 267 054,09 F après avoir ordonné la compensation.

Elles sollicitent que le jugement déféré soit réformé par le débouté de la société Duhem de toutes ses prétentions.

Elles demandent que la société Duhem soit condamnée à leur payer chacune la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Duhem soutient que les sociétés Zannier n'ont pas respecté les dispositions de la loi du 31 décembre 1989 prévoyant des obligations précontractuelles à la charge du franchiseur:

- qu'en conséquence, elle n'a pas reçu les informations nécessaires pour lui permettre de s'engager,

- qu'elles lui ont dissimulé l'existence d'un précédent franchisé qui a dû cesser son activité à Reims en 1990 par manque de rentabilité,

- que contrairement à ce qu'indique le Groupe Zannier, il n'est pas suffisant que le franchiseur présente le réseau et le contrat de franchise ainsi que le marché,

- qu'il doit encore fournir la liste des franchisés qui ont quitté le réseau l'année précédente,

- qu'il ne doit être tenu aucun compte du fait que le franchisé ait pu être implanté précédemment dans le quartier, cette circonstance n'exonérant pas le franchiseur de son obligation,

- que le franchiseur doit faire connaître son savoir-faire au futur franchisé,

- que Madame Duhem exploitait une graineterie, ce qui est bien différent d'un magasin de prêt-à-porter pour enfants,

- que si elle a abandonné son activité précédente, c'est pour des raisons de santé,

- que Madame Duhem ne pouvait remettre en cause les chiffres qui lui avaient été donnés tant qu'elle ne connaissait pas les possibilités réelles d'exploitation,

- qu'elle a payé 40 000 F une étude marché qui en réalité incluait un droit d'entrée,

- que cependant le franchiseur n'a pas établi une telle étude,

- que le grief ne porte pas sur l'absence de remise du projet de contrat mais bien sur le défaut des documents d'informations précontractuelles,

- qu'il appartient en vertu de l'article 1315 du Code civil à celui qui se prétend libéré d'une obligation de justifier le fait qui a produit l'extinction de cette obligation, de sorte qu'il pèse sur le franchiseur la charge de prouver qu'il a permis au franchisé de s'engager en connaissance de cause,

- que si Madame Duhem avait connu le chiffre réalisé par le prédécesseur dans le secteur d'activités, elle ne se serait pas engagée,

- que le chiffre d'affaires réalisé sur dix mois n'a été que de 1 845 000 F HT au lieu de 3 512 500 F HT prévus, ce qui représente une différence considérable,

- que la marge brute HT est de 37,5 %, de sorte que la perte de marge brute est de 625 300 F, laquelle somme a manqué à la trésorerie de l'entreprise pour payer ses charges,

- que le préjudice de la société Duhem est considérable puisqu'elle a dû arrêter son exploitation après dix mois d'activité perdant ainsi quatre années d'exploitation,

- qu'il est faux qu'elle ait réduit la surface du magasin qui est toujours de 170 mètres carrés, étant précisé que 50 mètres carrés sont consacrés aux réserves,

- qu'elle a dû se séparer de personnels du fait des difficultés financières rencontrées, ce qui atteste d'une bonne gestion,

- qu'en conséquence, le Groupe Zannier ne peut soutenir que le document prévisionnel type versé aux débats permettait suffisamment au candidat franchisé d'apprécier les résultats qu'il devait atteindre pour dégager une rentabilité suffisante.

Elle réclame en conséquence la nullité du contrat de franchise conclu le 22 octobre 1991 et la condamnation des sociétés Zannier à l'indemniser de ses préjudices à savoir:

- 40 000 F en remboursement du droit d'entrée,

- 406 718,24 F en dédommagement des pertes subies,

- 10 899 F en remboursement des redevances,

- 634 074 F en dédommagement du préjudice commercial,

- 333 823,85 F en dédommagement des investissements perdus,

- 1 000 000 F en dédommagement de la cessation anticipée d'activité et de la perte du fonds ainsi que des conséquences financières en résultant, compte tenu d'un contrat prévu pour cinq années,

- 50 000 F en réparation du préjudice dû à la tromperie délibérée des sociétés Zannier.

Elle soutient qu'elle était dans un état de dépendance économique à l'égard des sociétés Zannier puisqu'elle devait s'approvisionner en exclusivité auprès d'elles, de sorte que le franchisé se trouve dans un marché captif pour la durée du contrat, alors que cette exclusivité ne peut qu'être la contrepartie d'un savoir-faire du franchiseur qui ne lui a pas été communiqué.

Elle souligne que le Groupe Zannier a été condamné à plusieurs reprises pour ces pratiques prohibées;

- qu'il est faux que le franchisé pouvait quitter le réseau à tout moment puisque dans ce cas, il devait cesser l'activité et perdre ainsi sa clientèle, son fonds et ses investissements.

Elle indique que des clauses de non-concurrence postérieures au contrat ont été prohibées par le Conseil de la concurrence lorsque la durée en est excessive, interdisant à l'ancien franchisé d'exercer un commerce similaire.

Elle fait état d'une obligation de pratiquer des prix imposés par le franchiseur pour la revente des produits, d'autant qu'un contrôle s'exerçait par le franchiseur à l'égard du franchisé qui, compte tenu de ses difficultés financières, ne pouvait baisser les prix.

Elle évoque le pré-étiquetage des produits et l'obligation d'adhérer à un système informatique, de sorte que sa liberté quant à la politique des prix était inexistante.

Elle en conclut que le contrat litigieux doit être annulé.

Elle soutient que les modalités commerciales de distribution des produits répondent à la qualification juridique du mandat, dès lors que lui étaient imposés des conditions et des prix de sorte qu'elle est en droit de réclamer l'indemnisation des pertes subies sur le fondement de l'article 2000 du Code civil, sans pour autant demander la requalification du contrat de franchise.

A titre subsidiaire, elle sollicite la résiliation du contrat aux torts du Groupe Zannier dès lors qu'il a manqué à ses obligations de loyauté et de bonne foi à son égard tant dans la phase précontractuelle qu'au cours du contrat, rendant ainsi l'exécution de ce contrat impossible.

Elle ajoute que le Groupe Zannier a été défaillant dans son obligation de conseil et d'assistance malgré les demandes réitérées du franchisé.

Elle relève que le Groupe Zannier a accepté la résiliation anticipée émanant d'elle.

Elle demande enfin que les sociétés Zannier soient condamnées à lui payer la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Elle ajoute que les condamnations devront être assorties d'un intérêt au taux légal à compter de la citation du 24 novembre 1993, avec capitalisation des intérêts échus à compter du jour de l'assignation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2001.

Motifs et décision:

I. Sur la loi du 31 décembre 1989:

Attendu que la loi du 31 décembre 1989 exige de toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, qu'elle fournisse préalablement à la signature du contrat un document donnant des informations sincères qui lui permettent de s'engager en connaissance de cause, et ce, dans un délai minimum de vingt jours avant la signature du contrat, le projet de contrat devant être communiqué en respectant le même délai;

Attendu que la société Duhem entend se prévaloir des dispositions de ce texte, dénommé communément loi Doubin, ainsi que de celui du décret du 4 avril 1991 pour solliciter la nullité du contrat de franchise conclu avec la société du Groupe Zannier Z le 22 octobre 1991 pour une durée de cinq années, au motif que le franchiseur aurait gravement contrevenu à ses obligations en ne mettant pas à sa disposition, préalablement à la signature du contrat, les éléments d'information nécessaires à sa prise de décision;

Attendu que l'établissement des prévisions d'activité du franchisé par le franchiseur ne peut être considéré comme une obligation de résultat pesant sur lui, de sorte qu'il satisfait à ses obligations précontractuelles dès lors qu'il démontre qu'il a accompli sans manquement particulier ni erreur flagrante les diligences permettant au franchisé de se déterminer en connaissance de cause;

Attendu que la société Duhem ne conteste pas que Madame Duhem a reçu de Monsieur Barbereau, responsable du développement du Groupe Zannier en date du 30 septembre 1991, un dossier comprenant le budget prévisionnel ainsi que le budget d'investissement pour l'implantation d'un magasin "Z";

Attendu qu'il résulte de ce document que le chiffre d'affaires annuel que devait réaliser le magasin ouvert en franchise était de l'ordre de 4 500 000 F TTC;

Attendu qu'il est constant que Madame Duhem a écrit au franchiseur le 20 juillet 1992 pour lui faire connaître que le chiffre d'affaires réalisé sur la période d'exploitation du 7 février 1992 au 13 juillet 1992 était de 1 309 969 F, soit, ramené sur une année, inférieur de 1 300 000 F aux prévisions du budget prévisionnel, de sorte qu'elle sollicitait le 16 octobre 1992 de la société Groupe Zannier SA qu'elle accepte la résiliation amiable du contrat, arguant à cet effet des difficultés financières dues à un endettement trop important et à une insuffisance de chiffre d'affaires;

Attendu qu'en faisant connaître au franchiseur, cinq mois après son début d'activité le 7 février 1992, l'inadéquation du budget prévisionnel qu'il lui avait remis avec les recettes qu'elle avait effectivement encaissées pendant cette période, la société Duhem a de la sorte révélé l'imperfection manifeste des informations qui lui avaient été communiquées et au vu desquelles elle s'était déterminée;

Attendu qu'il n'est pas contestable qu'elle a été de ce fait abusée sur les véritables perspectives d'exploitation du fonds qu'elle venait de créer;

Attendu qu'en effet, indépendamment du budget prévisionnel, aucune étude de marché n'a été réalisée par la société Groupe Zannier SA, bien qu'elle l'ait facturée 40 000 F à la société Duhem, sur le secteur considéré pour le compte du franchisé, laquelle étude ne peut se confondre avec la seule communication d'un bilan prévisionnel qui n'intègre pas toutes les données nécessaires à l'information du franchisé et qui doit nécessairement comporter des éléments sur l'état et les perspectives du marché local ainsi que la démonstration de la réussite économique du concept que le franchiseur entend commercialiser auprès de candidats franchisés par un savoir-faire spécifique à la franchise;

Attendu que la simple indication des dépenses nécessaires à la mise en route de l'entreprise ne peut satisfaire à l'obligation du franchiseur, cette information étant insuffisante à la connaissance des risques financiers que devait courir le franchisé;

Attendu qu'il appartenait ainsi au Groupe Zannier d'informer les candidats franchisés de la nécessité d'avoir les disponibilités nécessaires leur permettant de financer un stock dont l'importance résultait précisément d'une prévision élevée de chiffre d'affaires, ce qui allait avoir pour conséquence de peser lourdement à court terme sur la trésorerie, quand bien même le fournisseur aurait-il accordé des conditions de crédit au franchisé;

Attendu qu'il en résulte que si la société le Groupe Zannier SA a bien transmis certaines des informations prévues par la loi du 31 décembre 1989 et le décret du 4 avril 1991 préalablement à la signature du contrat, il n'en est pas moins constant qu'elle n'a cependant satisfait qu'imparfaitement à ses obligations, l'absence d'une étude de marché constituant un grave manquement, dès lors qu'il n'était ainsi pas permis au franchisé de prendre sa décision en connaissance de cause indépendamment des éléments que le franchiseur lui avait communiqués par ailleurs, le fait que Madame Duhem ait tenu précédemment un autre commerce dans l'activité de graineterie ne dispensant pas le franchiseur de ses obligations;

Attendu qu'il est établi que la société Groupe Zannier SA n'a pas respecté les obligations légales et réglementaires qui s'imposaient à elle et dont l'inobservation ne peut être sans portée, quand bien même leur violation n'entraînerait pas la nullité automatique du contrat, sauf à vider les textes applicables de toute signification quant aux dispositions qui y sont énoncées;

Attendu qu'en conséquence l'abstention du franchiseur de communiquer au franchisé certaines des informations prévues par les textes précités ne l'a pas mis en mesure d'apprécier les qualités substantielles de ce sur quoi il allait s'engager puisqu'il s'est trouvé dans l'ignorance des conditions dans lesquelles la transmission du "concept Zannier" et du savoir-faire proposé par le franchiseur devait se concrétiser dans les faits;

Attendu que cette erreur a ainsi en l'espèce incontestablement vicié le consentement de la société Duhem, la connaissance que lui aurait donnée l'étude de marché sur la pertinence et l'impact de la marque "Zannier" utilisée dans le réseau constituant l'élément déterminant de son engagement puis qu'il n'est pas contestable qu'au vu des éléments défavorables ou moins favorables qui auraient résulté de cette étude et notamment d'un chiffre d'affaires prévisionnel plus conforme à la réalité du marché local, elle n'aurait pas souscrit pour l'acquisition de ce droit de franchise;

Attendu qu'il importe peu dans ces conditions de considérer que Madame Duhem, qui était gérante de la société Duhem, ait reçu une formation au titre d'une obligation née du contrat, puisque dès sa formation, le contrat était entaché d'un vice;

Attendu qu'en conséquence il convient de prononcer la nullité du contrat de franchise et de réformer de ce chef le jugement déféré en ce que, retenant toutefois l'insuffisance de l'information donnée préalablement à la conclusion du contrat par le franchiseur au franchisé, il ne lui avait alloué que des dommages et intérêts;

II. Sur l'état de dépendance économique imposée par le franchiseur:

Attendu que le contrat étant annulé, les demandes de la société Duhem se rapportant à l'état de dépendance économique qu'elle se plaint d'avoir subi de la part de la société Groupe Zannier SA deviennent sans objet;

III. Sur les conséquences de la nullité du contrat:

Attendu que la nullité du contrat impose que chacune des parties soit replacée dans la situation dans laquelle elle se trouvait antérieurement au contrat;

Attendu qu'en conséquence, la société Groupe Zannier SA doit être condamnée à payer à la société Duhem la somme de 40 000 F, versée par elle préalablement à la signature du contrat pour une étude de marché non réalisée ainsi qu'au titre d'un droit d'entrée dans le réseau;

Attendu qu'il est indéniable que la société Duhem a subi un préjudice résultant de la perte du montant des investissements qu'elle a réalisés pour s'installer dans les locaux et se conformer ainsi aux normes en vigueur dans le réseau Zannier;

Attendu qu'il doit être fait droit à sa demande en lui accordant la somme de 333 823,85 F en dédommagement, l'investissement tel qu'il a été réalisé devant être considéré, du fait de la nullité du contrat, en totalité inutile;

Attendu que les redevances réglées à concurrence de 0,50 % du chiffre d'affaires par la société Duhem à la société Groupe Zannier SA doivent être remboursées par cette dernière pour son montant acquitté de 10 899 F TTC;

Attendu que la société Duhem a subi des pertes liées à l'exploitation du magasin à hauteur de 406 718,24 F, de sorte compte tenu des circonstances de la cause, qu'il doit être considéré que sans cette exploitation, ces pertes n'auraient pas existé;

Attendu qu'en conséquence de l'annulation du contrat, il y a lieu ainsi de faire droit à cette demande et d'allouer cette somme à la société Duhem à titre de dédommagement de ces pertes, aucune autre compensation ne pouvant lui être accordée pour réparer ce préjudice;

Attendu que la société Duhem n'est en revanche pas fondée à réclamer le remboursement du prix du stock qu'elle a nécessairement utilisé dans son exploitation et en contrepartie duquel l'exploitation a généré des recettes, aucun préjudice autre que les pertes d'exploitation par ailleurs indemnisées ne pouvant s'y rattacher;

Attendu que cette demande doit être en conséquence écartée;

Attendu que la société Duhem ne peut se prévaloir, alors qu'elle n'a exploité le fonds qu'elle a créé que pendant huit mois,d'un préjudice résultant de sa disparition, la clientèle qui pouvait y être attachée ne représentant de toute façon qu'une très faible valeur marchande;

Attendu qu'elle est bien fondée en revanche d'invoquer l'existence d'un préjudice résultant de la cessation de l'activité, puisqu'elle a, indépendamment des résultats obtenus, occasionné pendant la période d'exploitation des frais qui se sont révélés engagés en pure perte;

Attendu qu'ayant été en outre abusée sur les perspectives d'une activité qui lui a été faussement présentée comme favorable et dont la réalisation s'est révélée illusoire, la société Duhem est en droit de réclamer la réparation d'un préjudice représentant pour elle la perte d'une chance;

Attendu que la cour estime que la société Duhem est équitablement indemnisée à ce titre en lui allouant une somme de 100 000 F;

IV. Sur la dette de la société Duhem au titre du stock:

Attendu que la société Duhem est redevable du montant des factures représentant les marchandises dont elle ne conteste pas qu'elles lui ont bien été livrées par la société Groupe Zannier SA sous déduction de celles que la société Groupe Zannier SA a reprises au terme du contrat;

Attendu qu'elle doit être condamnée en conséquence à payer à la société Groupe Zannier SA la somme de 678 734,07 F, confirmant sur ce point le jugement déféré;

VI. Sur la créance de la société Duhem au titre des matériels et agencements repris:

Attendu que la société Centrale d'Achats Zannier - CAZ - a repris divers matériels et agencements auprès de la société Duhem;

Attendu qu'à ce titre, la société CAZ est redevable envers la société Duhem du montant de ces reprises pour un montant de 267 059,08 F que la société Zannier SA, qui a absorbé la société CAZ, est tenue de lui payer en ses lieu et place, confirmant sur ce point le jugement déféré;

VII. Sur les comptes des parties:

Attendu qu'il convient d'établir les comptes des parties;

Attendu que la société Duhem est créancière envers la société Groupe Zannier SA de: 40 000 F + 333 823,85 F + 10 899 F + 406 718,24F + 100 000 F = 891 441,09 F sur laquelle somme s'appliqueront les intérêts au taux légal à compter de l'assignation le 24 novembre 1993 ainsi que la capitalisation des intérêts par année entière depuis le 4 mars 1997;

Attendu que la société Duhem est restée débitrice de la somme de 678 734,07 F, arrondie à 678 734 F, envers la société Groupe Zannier SA;

Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la compensation, de sorte que la société Groupe Zannier SA reste en définitive redevable envers la société Duhem d'une somme représentant la différence des deux sommes que chacune des deux sociétés doit à l'autre, en tenant compte des intérêts et de la capitalisation des intérêts que la société Groupe Zannier SA doit être condamnée à payer à la société Duhem;

Attendu que la société Zannier SA est redevable envers la société Duhem de la somme de 267 059 F qu'elle doit être condamnée à lui payer au titre de la reprise des matériels et des agencements, confirmant le jugement déféré de ce chef;

VIII. Sur les autres demandes:

Attendu qu'aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties;

Attendu que les dépens doivent rester à la charge in solidum des deux sociétés Zannier, appelantes;

Par ces motifs: LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné, d'une part, la société Zannier SA, venant aux droits de la société Centrale d'Achats Zannier - CAZ - à payer la somme de 267 059 F à la société Duhem au titre de la reprise des matériels et d'agencements et, d'autre part, la société Duhem à payer à la société Groupe Zannier SA la somme de 678 734 F au titre des stocks; Réforme pour le surplus; Et statuant à nouveau: Déclare bien fondée la demande sur appel incident de la société Duhem à l'encontre de la société Groupe Zannier SA et annule le contrat de franchise conclu entre elles le 22 octobre 1991 pour vice du consentement; Dit que la société Groupe Zannier SA est redevable envers la société Duhem de la somme de 891 441,09 F, tous préjudices confondus et la condamne à cet effet en y ajoutant les intérêts à compter du 24 novembre 1993 ainsi que la capitalisation des intérêts par année entière à compter du 4 mars 1997; Ordonne la compensation entre les sommes pour lesquelles les sociétés Groupe Zannier SA et Duhem ont été réciproquement condamnées l'une envers l'autre; Condamne en conséquence la société Groupe Zannier SA à payer à la société Duhem la différence après compensation; Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de l'une ou de l'autre des parties; Condamne la société Groupe Zannier SA et la société Zannier SA in solidum à payer les dépens qui seront recouvrés par Maître Barriquand, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.