Cass. crim., 23 mars 1999, n° 98-81.967
COUR DE CASSATION
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
ANPA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Ruyssen
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Piwnica, Molinie, Me Odent.
LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par B Étienne, C Régis, la Société Y et R France, civilement responsable, la Société B K, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 27 février 1998, qui, pour publicité illicite en faveur de l'alcool, a condamné les deux premiers à une amende de 100 000 F chacun, a déclaré les sociétés précitées solidairement tenues au paiement de ces amendes et a prononcé sur les intérêts civils ; - Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 18 du Code des débits de boissons, 111-4 du Code pénal, 6 et 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de publicités illicites en faveur d'une boisson alcoolisée et les a condamnés de ce chef ;
" aux motifs, d'une part, que la publicité en faveur des boissons alcooliques est strictement limitée pour des motifs de santé publique et que la publicité en question représentant trois jeunes hommes et trois jeunes filles souriants, en tee-shirt et chapeaux de paille pour les garçons, avec les textes suivants : " - aux copains frisant l'insolation - aux copines qui ont de la conversation " ; que ces images représentent une atmosphère ensoleillée et détendue de nature à inciter les destinataires de ces publicités à consommer pendant la période estivale ; qu'il ne peut s'agir de serveurs dans l'exercice de leur profession quelle que soit la présence d'un torchon sur l'épaule d'un des jeunes gens, d'un carnet de commande, d'un ouvre-bouteilles et d'un plateau, dès lors où il n'est pas d'usage dans la profession de serveur de porter un chapeau de paille pour travailler, cet accessoire n'étant là que pour renforcer le caractère attractif de la publicité ;
" aux motifs, d'autre part, que les mentions qui accompagnent ces photographies, à savoir " aux copains qui frisent l'insolation " et " aux copines qui ont de la conversation ", sont en réalité des slogans publicitaires, d'autant qu'elles sont précédées de l'indication " distribution de bière " ;
" aux motifs, enfin, que les concepteurs de cette publicité avaient indiqué l'adresse de deux débits de boissons, dans le sud de la France, pour pouvoir prétendre qu'ils répondaient par là aux exigences de la loi alors que, pour une publicité diffusée sur l'ensemble du territoire national, il ne peut être sérieusement soutenu que cette indication avait pour objet d'informer le public sur les modalités de vente du produit, objet de la publicité et qu'ainsi, ces images en réalité sans rapport avec les modalités de vente ou de consommation de la boisson ne correspondent à aucune des représentations limitativement énumérées ;
" 1 ) alors que l'indication des mentions autorisées pour la publicité des boissons alcoolisées prévues par l'article L. 18 du Code des débits de boissons, telles que notamment le mode de consommation du produit alcoolisé, peut être traduite soit par une expression écrite, soit par une manifestation figurative dès lors que la représentation graphique est en relation directe et nécessaire avec la mention en cause ; qu'en l'espèce, la bière à la pression suppose l'utilisation d'une pompe reliée à un fût et ne peut être consommée que si elle est servie dans le cadre d'un établissement muni d'une licence de sorte qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions des prévenus, si l'illustration dépeignant de manière concrète et explicite des jeunes gens servant de la bière pression, quelle que fut leur tenue vestimentaire, ne constituait pas une représentation graphique en relation directe et nécessaire avec le mode de consommation de la bière servie à la pression, l'image correspondant à une mention autorisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2 ) alors qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si les photographies représentant trois jeunes gens et trois jeunes filles souriants, vêtus de tee-shirts et portant, pour les premiers, des chapeaux de paille, ne constituaient pas la représentation graphique, directe et concrète du nom des débits de boisson distribuant la boisson mentionnée, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 18 susvisé ;
" 3 ) alors que les mentions suivantes citées entre guillemets " aux copains qui frisent l'insolation " et " aux copines qui ont de la conversation " qui accompagnent les illustrations précédées de l'indication - distribution de K fraîche - constituent l'expression écrite désignant les noms réels des dépositaires, à savoir le nom de deux débits de boissons où la bière à la pression peut être consommée et comme telle, conforme aux dispositions de l'article L. 18 susvisé, la présence des guillemets signalant l'enseigne des établissements ; qu'en assimilant ces mentions à un slogan publicitaire étranger à la désignation du nom des dépositaires du produit concerné, les juges d'appel ont faussement appliqué les dispositions de l'article susvisé ;
" 4 ) alors qu'aucune disposition de l'article L. 18 du Code des débits de boissons n'exige que soit indiquée l'adresse de tous les dépositaires de la boisson alcoolisée faisant l'objet de la publicité autorisée ; qu'en l'espèce, il importe peu que seules deux adresses de débits de boissons situés dans le sud de la France aient été mentionnées sur le document publicitaire, l'indication de celles-ci étant une mention prévue et autorisée par l'article précitée ; qu'en considérant que ces indications n'avaient pas pour objet l'information du public sur les modalités de vente du produit, l'arrêt attaqué a méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale et violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société B K a confié à la société Y et R France la réalisation d'une campagne publicitaire pour ses bières ; qu'au cours de l'été 1996, ont ainsi paru dans des magazines deux photographies représentant l'une trois jeunes femmes, l'autre trois jeunes hommes souriants, vêtus de " tee-shirts ", coiffés, pour les seconds, de chapeaux de paille, avec des accessoires tels que plateau et ouvre-bouteilles ; que chaque photographie comporte l'annonce : " Distribution de K fraîche ", puis reproduit l'enseigne d'un débit de boissons, " Aux copines qui ont de la conversation " ou " Aux copains frisant l'insolation ", en précisant l'adresse de celui-ci ;
Attendu qu'à la suite de ces parutions, l'Association nationale de prévention de l'alcoolisme a fait citer directement, sous le visa de l'article L. 18 du Code des débits de boissons, Régis C, directeur de la mercatique des B K et titulaire d'une délégation de pouvoirs, et Étienne B, président du conseil d'administration de la société Y et R, ainsi que les deux sociétés en tant que civilement responsables ;
Attendu que, pour déclarer les deux prévenus coupables et retenir les deux sociétés comme solidairement responsables, l'arrêt attaqué relève que les photographies incriminées ne représentent pas des serveurs et que les accessoires n'ont pour but que de renforcer le caractère attractif de la publicité ; qu'il ajoute que les messages accompagnant les photographies sont en réalité des slogans publicitaires, tandis que les adresses de débits de boissons ne sont destinées qu'à créer une apparence de légalité, sans véritable souci d'informer le public ; qu'il conclut que ni les images ni les textes n'ont de rapport avec les modalités de vente ou de consommation du produit concerné ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant d'une appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
Rejette le pourvoi.