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Décisions

CA Caen, 1re ch. sect. civ., 6 mars 2001, n° 99-02449

CAEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Europe Market Office (SARL)

Défendeur :

Porrelli

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Calle

Conseillers :

Mmes Beuvé, Cherbonnel

Avoués :

SCP Grandsard Delcourt, SCP Duhaze Mosquet Mialon

Avocats :

Mes Prunier, Martial

TGI Caen, du 12 mai 1999

12 mai 1999

La SARL Europe Market Office (Emo) a conclu, le 20 septembre 1996, avec Madame Chantal Porrelli une convention portant sur la concession, pour les activités de rédaction d'état des lieux et autres activités annexes du concessionnaire sur le secteur du département du Calvados, du droit d'utiliser le nom commercial "Agenda" ainsi que le savoir-faire mis à sa disposition et d'établir des constats des lieux en conformité avec la technique "Agenda".

Cette convention a été conclue pour une durée de cinq années à compter du 1er janvier 1997 moyennant le versement initial par Madame Porrelli de la somme de 60 000 F plus TVA puis d'une redevance mensuelle de 1 500 F hors taxes.

La SARL Emo reprochant à Madame Porrelli un défaut de paiement de factures correspondant notamment à une session de formation et à la redevance de février 1997, a notifié à celle-ci, par lettre recommandée du 13 février 1997, la rupture anticipée du contrat à ses torts pour inobservation de ses obligations contractuelles.

Elle a, par la suite, assigné Madame Porrelli en confirmation de la résiliation anticipée du contrat, interdiction d'utilisation de la marque Agenda et condamnation au paiement du montant des factures réclamées ainsi que d'une somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts.

Madame Porrelli a excipé de la nullité de la convention qu'elle qualifie de contrat de franchise, pour inobservation des dispositions de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 relative à l'information préalable, dol et absence de cause de la convention.

Elle sollicitait en sus la restitution des sommes versées soit 72 360 F outre celle de 50 000 F à titre de dommages et intérêts.

Vu le jugement rendu le 12 mai 1999 par le Tribunal de grande instance de Caen prononçant la résolution de la convention, ordonnant la restitution des sommes versées par Madame Porrelli et allouant à cette dernière une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts.

Vu les conclusions déposées au greffe par:

- la SARL Emo, appelante, le 11 octobre 1999;

- Madame Porrelli, intimée, le 11 mai 2000;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 27 novembre 2000.

Motifs

La cour entend, pour un plus ample exposé des faits, se référer à la décision dont appel.

Il suffit de rappeler que l'activité principale des concessionnaires "Agenda" est la réalisation et la rédaction de constats d'état des lieux à la demande des professionnels de l'immobilier qui constituent sa clientèle.

Les premiers juges ont tout d'abord exactement considéré que l'éventuelle requalification de la convention en contrat de franchise était sans incidence quant à l'obligation de la société Emo de respecter les dispositions de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989, laquelle peut trouver à s'appliquer tant à un contrat de concession que de franchise.

La convention prévoit un engagement de quasi-exclusivité de la part du concessionnaire qui s'interdit d'avoir "directement ou indirectement, sous quelque forme que ce soit, une activité concurrente ou susceptible de l'être".

Dès lors que la SARL Emo mettait par ailleurs à la disposition de Madame Porrelli un nom commercial, elle avait l'obligation de respecter les dispositions de la loi du 31 décembre 1989 relatives à l'information précontractuelle de son cocontractant.

Un "dossier d'information" a d'ailleurs été remis à Madame Porrelli avant la conclusion du contrat.

C'est à tort que l'appelant soutient qu'il ne peut lui être reproché une éventuelle insuffisance du contenu dudit dossier au regard des dispositions du texte précité dès lors que l'obligation d'information lui incombe personnellement en sa qualité de cocontractant, observation étant faite qu'il n'est pas établi que la mention "RBC Conseil" figurant sur le dossier d'information et sur les publicités du concept Agenda recouvre une personne morale distincte et en tout cas indépendante de la SARL Emo.

Les premiers juges ont, au vu des exemplaires du dossier d'information versés aux débats, exactement retenu que certaines informations précises, rendues obligatoires par le décret du 4 avril 1991 pris pour l'application de l'article 1 de la loi du 31 décembre 1989 n'ont pas été données à Madame Porrelli tels que les comptes de l'entreprise pour les deux dernières années.

Il est également certain que les indications devant permettre à Madame Porrelli d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'entreprise sont particulièrement imprécises et la présentation du réseau d'exploitant inexistante.

Il convient surtout d'observer que certaines des mentions figurant dans ce dossier qui fait état "des relations régulières" entretenues par la société Emo avec les principaux groupements de professionnels et "l'appartenance à un réseau référencé" permettaient au concessionnaire de se convaincre qu'en faisant partie du réseau "Agenda", elle bénéficierait d'un accès à une clientèle potentielle de professionnels de l'immobilier, connaissant la marque et la méthodologie de travail à la mise en forme de laquelle ils avaient participé.

Par ailleurs, les publicités créées par la société Emo mettent en avant, au titre des principaux avantages présentés par le réseau, "leur référencement national par les organisations professionnelles".

Les premiers juges ont exactement retenu que si le référencement vanté comme argument publicitaire n'était pas assimilable à la notion de référencement existant en matière de distribution, il supposait néanmoins que les organisations professionnelles de l'immobilier aient approuvé la méthodologie mise au point par "Agenda" pour la rédaction des états des lieux et recommandé son utilisation par leurs membres.

Ils ont par ailleurs exactement déduit des courriers établis par les plus importants de ces professionnels - FNAIM, SNPI, CNAB - que ceux-ci n'avaient été ni sensibilisés à la méthodologie "Agenda" ni effectué quelque recommandation que ce soit aux agences immobilières.

La SARL Emo qui persiste à soutenir qu'elle fait l'objet d'un "référencement", dont elle ne décrit d'ailleurs pas la consistance, se borne à établir qu'elle faisait insérer des encarts publicitaires dans les revues éditées par les groupements de professionnels de l'immobilier.

Il résulte de ces éléments que la SARL Emo a, préalablement à la signature de la convention, communiqué à Madame Porrelli des informations imprécises et erronées, constitutives de manœuvres dolosives l'ayant trompé sur les possibilités de création et de développement de la clientèle, qui l'ont déterminée à contracter.

Madame Porrelli a en effet, dès janvier 1997, sollicité auprès de la SARL Emo la liste des organisations professionnelles référencées en faisant précisément état des indications figurant à cet égard dans le dossier d'information et les encarts publicitaires.

C'est dès lors à juste titre que les premiers juges ont prononcé la résolution du contrat conclu le 20 septembre 1996 et ordonné la restitution à Madame Porrelli de la somme de 72 360 F.

Les dispositions ayant évalué le préjudice complémentaire subi par cette dernière à 10 000 F ne sont pas expressément contestées.

Par ailleurs, les premiers juges ont, par des motifs pertinents que la cour adopte, rejeté l'intégralité des demandes présentées par la SARL Emo.

La décision déférée doit donc être confirmée en toutes ses dispositions.

L'appel n'étant pas fondé, la SARL Emo doit être condamnée aux dépens et régler à Madame Porrelli qui a exposé des frais irrépétibles en cause d'appel une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à 6 000 F.

Par ces motifs: LA COUR, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions; Y ajoutant, Condamne la SARL Europe Market Office à régler à Madame Porrelli une indemnité complémentaire de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Déboute la SARL Europe Market Office de sa demande présentée sur ce même fondement; Condamne la SARL Europe Market Office aux dépens d'appel et accorde à la SCP Duhaze Mosquet Mialon, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile .