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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 27 novembre 2003, n° 2000-14098

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto France (SA)

Défendeur :

Thirion (ès qual.), Albion Auto et Juventus Auto (Sté), De Labrousse, Lefèvre, Pascual (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

MM. Faucher, Remenieras

Avoués :

SCP Bernabé-Chardin-Cheviller, Mes Couturier, Kieffer-Joly

Avocats :

Me Henry, SCP Vogel, Mes Ezvan, Denesle, Havelette, SCP Lebousse Havelette

T. com. Paris, 3e ch., du 29 mars 2000

29 mars 2000

LA COUR,

Vu l'appel interjeté par la société Fiat Auto (France) (société Fiat) contre le jugement rendu le 29 mars 2000 par le Tribunal de commerce de Paris, qui :

- a écarté l'exception d'incompétence soulevée par la société Fiat, se déclarant compétent,

- a donné aux parties les actes par elles sollicités,

- a condamné la société Fiat à payer à Monsieur Thirion en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Albion Auto, la somme de 3 348 000 F et au même, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Juventus Auto, la somme de 3 749 000 F,

- a condamné Monsieur Thirion ès qualités à payer à la société Fiat la somme de 30 000 F pour chacune des sociétés Albion Auto et Juventus Auto,

- a condamné la société Fiat à payer à Monsieur Thirion, ès qualités, la somme de 150 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- a ordonné l'exécution provisoire,

- a mis les dépens à la charge de la société Fiat.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 12 septembre 2003, aux termes desquelles la société Fiat, appelante, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement attaqué, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur De Labrousse, Monsieur Lefèvre et Monsieur Leblay, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Albion Investissements, de leurs demandes de dommages-intérêts contre elle,

- de dire irrecevable comme nouvelle la demande de Madame Pascual, en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Albion Auto et Juventus Auto, tendant à l'indemnisation de ces sociétés, alors que les demandes présentées en première instance par le liquidateur desdites sociétés, alors Monsieur Thirion, tendaient seulement à la réparation du préjudice subi par leurs créanciers,

- de débouter Madame Pascual ès qualités de l'ensemble de ses demandes,

- subsidiairement, d'ordonner la compensation entre le montant des condamnations qui seraient prononcées contre elle et les sommes de 677 639,57 euro (4 445 024,20 F), celle-ci restant dûe par la société Albion Auto, et de 318 525,82 euro (2 089 392,40 F), celle-ci dûe par la société Juventus Auto,

- de condamner Madame Pascual, ès qualités, à lui payer :

* 106 714,31 euro (700 000 F), avec les intérêts légaux à compter du 29 mars 2000, date du prononcé du jugement, à titre de dommages-intérêts pour les actes de dénigrement commis par les sociétés Albion Auto et Juventus Auto tant avant qu'après la résiliation des contrats de concession.

* 1 524,49 euro, avec les intérêts légaux à compter du 29 mars 2000, à titre de dommages-intérêts pour la non-exécution de bonne foi du contrat de concession par la société Albion Auto pendant la période de préavis,

* la même somme, assortie des mêmes intérêts moratoires, à titre de dommages-intérêts à raison des manquements de même nature commis par la société Juventus Auto au cours du préavis,

* 37 350 euro (245 000 F) avec les intérêts légaux à compter du 29 mars 2000, à titre de pénalité pour l'utilisation par la société Albion Auto, postérieurement à la cessation du contrat de concession, de la marque Fiat, des signes distinctifs du groupe Fiat et de la qualité de concessionnaire de cette marque,

* 39 179,40 euro (257 000 F), avec les intérêts légaux à compter du 29 mars 2000, à titre de pénalité pour les fautes de même nature commises postérieurement à la cessation du contrat de concession par la société Juventus Auto,

* 30 489,80 euro (200 000 F), avec les intérêts légaux à compter du 29 mars 2000, à titre de dommages-intérêts, à raison de l'inertie dont ont fait preuve la société Albion Auto et son administrateur judiciaire, Monsieur Blery, dans l'enlèvement des panneaux et enseignes de la marque Fiat de la société Espace Automobile, agent de la société Albion Auto,

- de déclarer irrecevables les demandes formées par Messieurs De Labrousse et Lefèvre spécialement, sur le fondement de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, la demande subsidiaire de Monsieur Lefèvre tendant au paiement d'1 500 000 euro de dommages-intérêts au titre de la perte d'une chance de voir se poursuivre l'activité des sociétés Albion Auto et Juventus Auto,

- de débouter en tout état de cause Messieurs De Labrousse et Lefèvre de leurs demandes,

- de condamner Monsieur De Labrousse à lui payer 152 449,02 euro (1 000 000 F), avec les intérêts légaux à compter du 21 octobre 1997, au titre de la garantie par lui souscrite,

- de condamner solidairement Madame Pascual ès qualités, Monsieur De Labrousse et Monsieur Lefèvre aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 61 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières écritures, signifiées le 24 septembre 2003, par lesquelles Madame Béatrice Pascual, agissant en qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Albion Auto et Juventus Auto et comme telle intimée et incidemment appelante, prie la cour :

- d'ordonner la suppression des " discours injurieux et outrageants " figurant aux pages 29, 31, 32, 33, 39 et 49 des conclusions de la société Fiat et de condamner celle-ci de ce chef à lui payer 50 000 F (7 622,45 euro) à titre de dommages et intérêts,

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Fiat et a condamné celle-ci à réparer le préjudice subi par les sociétés Albion Auto et Juventus Auto, sauf à fixer à 3 448 000 F l'indemnité allouée à la société Albion Auto, en réparant l'erreur matérielle commise sur ce point par le tribunal,

- de réformer ladite décision, s'agissant du préjudice subi par les créanciers et de condamner de ce chef la société Fiat à lui payer la somme de 22 559 762 F au titre de la société Albion Auto et celle de 11 765 372 F au titre de la société Juventus Auto,

- d'ordonner sous astreinte la remise de tous éléments permettant de déterminer le montant des primes "MOS" de 1996 et 1997 dues aux sociétés Albion Auto et Juventus Auto,

- de débouter la société Fiat de toutes ses demandes,

- de confirmer le jugement déféré quant aux dépens et à l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et de condamner la société Fiat aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 400 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel.

Vu les dernières écritures, signifiées le 25 septembre 2003, par lesquelles Monsieur Guy De Labrousse intimé et incidemment appelant, déclarant expressément se prévaloir de l'ensemble de l'argumentation développée par Madame Pascual ès qualités et par Monsieur Lefèvre, prie la cour :

- de dire qu'en résiliant abusivement les contrats de concession la liant aux sociétés Albion Auto et Juventus Auto, la société Fiat a commis des fautes engageant sa responsabilité à son égard,

- de condamner en conséquence la société Fiat à lui payer, à titre de dommages-intérêts :

* 152 449,02 euro en réparation du préjudice résultant de la perte de rémunération,

* 914 694,10 euro, au titre de la perte de valeur des actions qu'il détenait dans les sociétés Albion Auto, Juventus Auto et Albion Investissements,

- 1 000 000 euro au titre du préjudice moral et financier résultant pour lui de l'impossibilité, à l'age de 49 ans, de reconstituer une carrière professionnelle équivalente à celle antérieure à la résiliation,

- de condamner la société Fiat à le garantir de l'intégralité des condamnations exécutoires qui ont été prononcées contre lui ou viendraient à l'être en sa qualité de caution des sociétés Albion Auto, Juventus Auto et Albion Investissements, ce par paiement immédiat, dès condamnation entre ses mains ou entre celles des créanciers poursuivants,

- de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté la société Fiat de sa demande en paiement de la somme de 1 000 000 F en exécution d'un engagement de déposer et maintenir ladite somme en compte courant dans la société Juventus Auto,

- de condamner la société Fiat aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 100 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions, signifiées le 17 juin 2003, aux termes desquelles Monsieur Lefèvre, intimé et incidemment appelant, prie la cour de réformer le jugement attaqué, pour ce qui le concerne et de :

- condamner la société Fiat à lui payer, à titre de dommages-intérêts, la somme de 853 912,68 euro (5 601 300 F) en réparation du préjudice subi du fait de la perte de sa participation dans le capital des sociétés Albion Auto, Juventus Auto et Albion Investissements,

- condamner la société Fiat à le garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées contre lui en exécution des engagements de caution par lui souscrits en garantie des obligations des sociétés Albion Auto et Juventus Auto envers Fiat,

- subsidiairement condamner la société Fiat à lui payer la somme minimale de 1 500 000 euro en réparation du préjudice, causé par les fautes de Fiat, tenant à ce qu'il a été privé d'une chance de poursuivre l'activité des sociétés Albion Auto, Juventus Auto et Albion Investissements,

- condamner la société Fiat aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 10 000 euro au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur la demande de suppression de passages des conclusions de la société Fiat sur le fondement de l'article 411 de la loi du 29 juillet 1981

Considérant que, selon Madame Pascual ès qualités, les conclusions d'appel de la société Fiat contiendraient, aux pages 29, 31, 32, 33, 39 et 49, des imputations injurieuses ou outrageantes, tant à son égard qu'à celle de ses administrées ou des partenaires de celle-ci, dont la suppression doit être ordonnée et qui doivent donner lieu à réparation à son profit;

Mais considérant que les phrases critiquées : " Manifestement le rapport d'évaluation de Monsieur Renée n'a pas réussi à duper les candidats "..., " Afin de justifier les manquements dont ils (MM. Martini et Renée) se sont rendus coupables. Force est de constater que ledit rapport est tout aussi consternant que la tenue de la comptabilité et la présentation des comptes de la société Albion Auto ", " Il est certain que si la tenue de la comptabilité de la société Albion Auto a été effectuée selon les ratios de l'INSEE et non ceux du plan comptable général, la société Fiat Auto France comprend mieux les insuffisances constatées... ", ..." MM. Martini et Renée se moquent du monde. Tout d'abord, ils commettent une erreur de droit trop importante pour relever de l'incompétence... Ils ont donc commis un manquement délibéré, ou sollicité, à leur mission d'expert comptable ", " certains clients concernés n'étaient manifestement pas informés qu'une action en justice avait été introduite en leur nom. Il est donc évident que cette nouvelle campagne de dénigrement a été orchestrée par les sociétés Albion et Juventus ", " En ne le faisant pas ils (Messieurs Blery, Leblay et Thirion) agissent avec une légèreté indigne des fonctions qu'ils occupent et se rendent coupables d'une tromperie à l'égard des juridictions saisies de leur demande... Il est en tout cas extraordinairement surprenant, pour ne pas dire plus... " - concernent, à une exception près, les experts-comptables - MM. Martini et Renée - des sociétés Albion et Juventus et des mandataires judiciaires ayant été investis de fonctions dans les procédures collectives ouvertes à l'égard de ces sociétés, autres que Madame Pascual, qui les représente devant la cour en qualité de liquidateur judiciaire ; que, s'agissant de tiers, Madame Pascual n'est donc pas recevable en sa demande ; que, pour ce qui est de la dernière citation, qui impute aux sociétés Albion et Juventus une campagne de dénigrement contre Fiat cette imputation n'excède nullement ce qui est admissible dans le cadre du débat judiciaire, chaque partie devant pouvoir énoncer des critiques à l'endroit de l'autre et lui imputer, à charge d'en rapporter la preuve, des manquements aux conventions conclues ou aux dispositions légales et réglementaires ; qu'au demeurant les autres phrases visées ne contiennent pas davantage, à l'exception du dernier paragraphe cité concernant MM. Blery, Leblay et Thirion, de critiques excédant les limites admissibles dans un procès ; que Madame Pascual ès qualités ne peut donc obtenir ni la suppression des passages incriminés, ni la condamnation de la société Fiat à lui payer de ce chef des dommages-intérêts à raison d'un préjudice que ni elle ni ses administrées - sauf dans un cas où la faute n'est pas démontrée - n'ont pu souffrir personnellement ;

Sur le fond

Considérant que la société Fiat Auto (France) a, le 1er octobre 1987, conclu avec la société Albion Auto, pour une durée indéterminée, un contrat de concession avec exclusivité pour la vente de véhicules automobiles de la marque Fiat sur un territoire comprenant divers cantons des départements de l'Eure et de la Seine-Maritime, en particulier les cantons de Rouen II, Rouen III, Rouen IV, Rouen V et Rouen VII, formant, avec d'autres cantons de la périphérie rouennaise, ce que les conclusions de Monsieur De Labrousse qualifient "zone d'influence Rouen rive droite" ; que, le 4 mai 1993, le même constructeur a conclu un contrat de concession de vente avec exclusivité de véhicules de la marque Fiat, sur un territoire comprenant les secteurs de Rouen 1, Rouen 6 et Rouen NP et cinq cantons de la périphérie rouennaise, formant ce qui est qualifié par le même concluant "zone d'influence Rouen rive gauche", avec la société Juventus Auto, créée dans cette perspective par Messieurs De Labrousse et Lefèvre, respectivement président directeur général de la société Albion Auto, comme ensuite de la nouvelle société Juventus Auto et directeur général de cette dernière société, et contrôlant ces deux sociétés, directement ou par l'intermédiaire de la société de holding Albion Investissements, également créée à leur initiative avec l'accord de la société Fiat, ces trois sociétés constituant avec la société Univers Auto, société en nom collectif filiale à 99 % d'Albion Auto ayant pour unique associés Albion Auto et Juventus Auto et exerçant une activité de revente de véhicules d'occasion et de mécanique automobile et la société Espace Auto, agent d'Albion Auto, ce qu'il est convenu d'appeler le " groupe Albion ".

Que, par deux courriers identiques, en recommandé avec demande d'avis de réception, adressés le 7 août 1996 à chacun des deux concessionnaires, la société Fiat a résilié les contrats de concession la liant à Albion Auto et Juventus Auto, avec effet au 8 août 1997, à l'expiration du délai de préavis d'un an prévu à l'article 6 de chacun des contrats.

Que les secteurs exploités par les sociétés Albion Auto et Juventus Auto ont, après la cessation des relations contractuelles de celles-ci avec Fiat, été repris par la société SNIA, avec laquelle un contrat de concession a été formellement conclu par Fiat le 5 octobre 1997.

Que, dès avant le terme du préavis, le 1er août 1997, les sociétés Albion Auto et Juventus Auto ont déposé une déclaration de cessation des paiements et le Tribunal de commerce de Rouen a ouvert à leur égard une procédure de redressement judiciaire, ultérieurement convertie en liquidation judiciaire.

Sur les demandes de Madame Pascual ès qualités

Considérant que le liquidateur des deux anciens concessionnaires soutient, en substance, que leur liquidation judiciaire est la conséquence de la résiliation des contrats de concession, laquelle est abusive en ce que le concédant a mis ses concessionnaires dans un état de dépendance financière totale, par le moyen notamment de primes (prime MOS) déterminées de manière aléatoire, changeante et discrétionnaire, en ce qu'il s'est constamment immiscé dans la gestion des concessionnaires au-delà de ce qu'exige l'exécution du contrat de concession, en ce qu'il a créé un état de dépendance économique telle que les sociétés concessionnaires se sont trouvées dans l'impossibilité de trouver une solution de reconversion et ont été acculées au dépôt de bilan et à la cessation d'activité, en ce que le concédant a omis de mettre les contrats en conformité avec les nouvelles exigences issues du Règlement communautaire n° 1475-95, imposant notamment un préavis d'une durée minimale de 2 ans, en ce que le concédant, en ayant exigé de ses cocontractantes d'importants investissements matériels et publicitaires ne pouvant être amortis que sur plusieurs années, ainsi que des recapitalisations, pour résilier ensuite les contrats sans motif, après trois ans seulement pour la société Juventus, alors que ces investissements n'étaient pas amortis, n'a pas exécuté de bonne foi ses obligations et leur a laissé croire que la pérennité des relations contractuelles n'était pas menacée, alors de surcroît qu'un courrier de Fiat du mois de décembre 1996 était revenu sur la décision de résiliation, avant que celle-ci ne soit confirmée au début du mois de février 1997 ;

Que, pour le liquidateur des sociétés Albion et Juventus, la société Fiat doit en conséquence réparer le préjudice subi par les deux sociétés elles-mêmes du fait de la rupture, tel qu'évalué par le tribunal sous réserve de la rectification d'une erreur matérielle (investissements perdus, dépenses de publicité inutiles et perte de deux années de résultat net), ainsi que le préjudice, égal à la totalité du "passif resté impayé du fait du dépôt de bilan", souffert par les créanciers en raison de la cessation des paiements des deux sociétés concessionnaires et de l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de chacune d'elles ;

Considérant que la société Fiat n'est pas fondée à opposer à la demande de Madame Pascual ès qualités tendant à la réparation du préjudice subi par les sociétés Albion et Juventus du fait de la rupture abusive des contrats de concession la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté de cette prétention, en se fondant sur les dispositions de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, dès lors que le liquidateur ne fait en cela que solliciter la confirmation de la décision des premiers juges, peu important que Monsieur Thirion, alors liquidateur des deux sociétés Albion et Juventus, n'ait pas formé explicitement une demande spécifique de ce chef, et que la demande ainsi arguée de nouveauté ne fait que compléter celle, explicitement soumise au tribunal, tendant à voir mettre à la charge de la société Fiat l'intégralité du passif déclaré de ses deux anciens concessionnaires ;

Considérant que le concédant, comme au demeurant les concessionnaires, était libre de mettre fin à tout moment à chacun des contrats de concession, conclus sans durée déterminée, sans avoir à justifier d'aucun motif ni devoir aucune indemnité, à la seule condition d'en prévenir l'autre partie au moins douze mois à l'avance et sous réserve de ne pas faire de ce droit un usage abusif ;

Qu'il n'est pas contesté que les résiliations décidées par le concédant ont été notifiées dans les forme et délai prévus à l'article 6 de chacun des contrats ;

Considérant que la responsabilité de la société Fiat ne peut donc être engagée qu'à la condition que soient démontrées à sa charge des fautes caractérisant, séparément ou prises dans leur ensemble, un abus dans l'exercice du droit de résiliation ;

Considérant que l'éventuelle existence d'un état de dépendance économique des sociétés Albion et Juventus à l'égard de la société Fiat, que Madame Pascual prétend au demeurant démontrer pour l'essentiel par des considérations générales relatives aux relations entre Fiat et tous les concessionnaires de son réseau plus que par des éléments spécifiques à l'espèce, ne serait pas en elle-même imputable à faute à la société Fiat, dont la responsabilité ne pourrait être engagée qu'en cas d'abus de cette situation de dépendance économique ;

Que, les dommages dont il est demandé réparation étant, selon les intimés, consécutifs à la rupture fautive des relations contractuelles, il n'importe, au regard de la solution du litige, que le contrôle exercé par le concédant sur le fonctionnement de ses concessionnaires ait été étroit, entrant dans les moindres détails, alors qu'il n'est pas allégué que les conditions dans lesquelles les contrats se sont exécutés auraient été contraires à la commune intention des parties telle que résultant des conventions librement conclues, que la validité de celles-ci n'est pas contestée et que les sociétés Albion et Juventus font au contraire grief à Fiat d'avoir refusé d'en poursuivre l'exécution ;

Considérant que la circonstance qu'un concessionnaire a effectué des investissements de départ, nécessaires au fonctionnement de la concession, financés par des emprunts amortissables sur plusieurs années, ne saurait interdire au concédant en le constituant de mauvaise foi, de résilier le contrat de concession avant l'amortissement complet desdits investissements, sauf à méconnaître les dispositions formelles, explicites et valides du contrat relatives à sa durée et à sa résiliation ;qu'il appartient au concessionnaire qui s'engage pour une durée indéterminée en sachant que les relations contractuelles peuvent prendre fin à tout moment moyennant un préavis d'une durée fixée, en l'espèce à 1 an, de mesurer les avantages et les risques d'un tel contrat, au regard notamment des investissements à réaliser, de la durée prévisible de leur amortissement, des profits susceptibles d'être dégagés de l'exploitation de la concession et des possibilités de reconversion en cas de résiliation, spécialement dans l'hypothèse non imprévisible où celle-ci interviendrait dans un délai inférieur à 5 ans ;

Que, de la même manière, la résiliation par le concédant ne peut être regardée comme fautive du seul fait que, l'activité des sociétés Albion et Juventus ayant été exclusivement consacrée à l'exploitation de la concession et donc à la marque Fiat, jouissant d'une notoriété certaine sur le marché automobile et y détenant une part significative, leur reconversion en cas de cessation du contrat liant chacune d'elles à Fiat en était rendu plus difficile, dès lors que cette difficulté était prévisible et mesurable dès l'origine, que ce risque a donc été accepté par Albion et Juventus en connaissance de cause et qu'au surplus il ne résultait pas de conditions imposées par le concédant mais d'un choix fait par chacun des concessionnaires, qui ne peuvent ensuite être admis à en faire supporter les conséquences par le concédant, peu important que celui-ci en ait eu connaissance ;que l'exécution de bonne foi du contrat de concession n'imposait pas à la société Fiat de s'abstenir d'user de son droit de résiliation ou de proposer elle-même, en cas de résiliation, une solution de reconversion aux sociétés exploitant les deux concessions litigieuses,la circonstance que celles-ci limitaient leur activité à la vente de véhicules neufs de la marque Fiat ayant préféré confier à une filiale - la société Univers Auto - la vente de véhicules d'occasion toutes marques et l'exécution des travaux de carrosserie, de sorte que la part de l'activité Fiat dans leur chiffre d'affaires était considérable, ne lui étant pas imputable et ne pouvant donc créer à sa charge des obligations ;

Considérant qu'indépendamment des investissements, en l'espèce non exceptionnels, que les deux concessionnaires ont normalement dû faire au début des relations contractuellespour assurer le fonctionnement de la concession, et dont il a été dit qu'ils ne pouvaient en eux-mêmes mettre obstacle à l'exercice par le concédant de son droit de résilier, Madame Pascual ès qualités ne justifie pas d'investissements imposés par le concédant, spécialement dans la période ayant immédiatement précédé la résiliation, ni même au demeurant d'investissements effectivement réalisés pour les seuls besoins de la concession Fiat et qui auraient excédé ce qu'exigeait le fonctionnement normal de celle-ci ;

Que, s'agissant des recapitalisations, également invoquées par Madame Pascual ès qualités pour démontrer la mauvaise foi du concédant et l'abus qui lui est imputé, il est seulement établi que, en 1993, le capital de la société Albion Auto a été porté de 450 000 F à 1 250 000 F et que, en 1994, celui de la société Juventus Auto a été porté de 250 000 F à 750 000 F ; que rien ne démontre que ces augmentations de capital ont été exigées par Fiat, alors qu'il apparaît qu'elles avaient en réalité pour seul objet d'assurer la pérennité des entreprises, rendue aléatoire par une insuffisance de capitaux propres ;que ces investissements, qui n'étaient pas liés à l'exploitation de la marque Fiat, ne présentant à cet égard aucune spécificité, ne peuvent donc être regardés comme nécessairement perdus et rendus sans objet par la cessation des relations contractuelles avec la société Fiat ;

Que si, en 1995, une nouvelle recapitalisation des deux sociétés concessionnaires a pu apparaître souhaitable à la société Fiat pour des raisons tenant au demeurant, là encore, à la solidité et à la pérennité des entreprises, indépendamment de toute spécificité propre à la marque Fiat, les sociétés Albion et Juventus n'y ont pas procédé, leurs dirigeants Messieurs De Labrousse et Lefèvre, préférant augmenter le capital de la société holding Albion Investissements, qui n'avait aucun lien contractuel avec Fiat en novembre puis en décembre 1995;

Qu'il n'est pas établi que le concédant aurait imposé des dépenses de près de 90 000 F à Albion et de plus de 257 000 F à Juventus, qui auraient été exposées respectivement en janvier et en juin 1996 pour bénéficier de la "charte véhicules utilitaires", alors qu'il résulte de l'accord contractuel du 24 juillet 1996 que la visite effectuée par un représentant du concédant chez le concessionnaire avait permis de constater que celui-ci disposait de moyens l'autorisant à effectuer selon les normes du constructeur la distribution spécialisée de véhicules utilitaires de la marque Fiat ;

Que, plus généralement, les investissements matériels invoqués par Madame Pascual, qui les présente de manière cumulée alors qu'au regard de la faute imputée à Fiat seuls doivent être pris en compte ceux réalisés dans les quelques mois ayant précédé la résiliation - sauf investissement spécifique d'ampleur exceptionnelle dont la preuve n'est pas rapportée - constituent des dépenses ordinaires de fonctionnement, incluant par exemple du mobilier de bureau, l'installation de rayonnages ou des travaux de chauffage, qu'ils ne sont nullement spécifiques à la marque Fiat et présentaient une utilité indépendamment des relations contractuelles avec la société Fiat ;

Considérant qu'il n'est pas justifié non plus de dépenses de publicité excédant les montants habituels, qui auraient été imposés par Fiat dans la période ayant immédiatement précédé la résiliation ;qu'au surplus il apparaît que les sociétés Albion et Juventus ont retiré un profit direct de ces dépenses publicitaires, puisque, si la rentabilité de ces sociétés était mauvaise pour des raisons structurelles liées notamment à des choix de gestion, elles ont obtenu, jusqu'à la résiliation, de bons résultats commerciaux, le chiffre de leurs ventes de véhicules automobiles neufs de la marque Fiat ayant été en progression constante depuis 1993, avec un taux de pénétration du marché supérieur à la moyenne du réseau Fiat en France, de sorte qu'il ne peut être utilement soutenu que, du fait de la résiliation, les deux concessionnaires auraient perdu le bénéfice de leurs investissements publicitaires ni que l'ampleur de ceux-ci, dans les premiers mois, de l'année 1996, aurait été de nature à les convaincre de la volonté du concédant de poursuivre les relations contractuelles pendant une ou plusieurs années encore ;

Considérant que, s'il est bien certain que la société Fiat a pris des contacts, voire engagé des négociations avec une ou plusieurs entreprises souhaitant obtenir un contrat de concession de la marque Fiat pour la région rouennaise, avant de notifier aux sociétés Albion et Juventus la résiliation des contrats de concession conclus avec elle,et si des échos de ces approches ont pu transpirer, ainsi qu'il résulte d'attestations produites par Madame Pascual ès qualités, il n'y a là aucune faute du concédant, dès lors que la loyauté dans l'exécution du contrat de concession n'oblige pas le concédant à tenir le concessionnaire informé de telles démarches exploratoires, ni même à l'informer de son intention, voire de sa décision de mettre fin au contrat dès que celle-ci est prise, mais lui impose seulement de faire preuve d'une certaine discrétion, afin de ne pas déstabiliser ou gêner celui qui est encore son concessionnaire, obligation de discrétion à laquelle il n'est pas établi que la société Fiat aurait elle-même manqué,de ne pas engager son cocontractant dans des investissements et des dépenses injustifiés compte tenu de la proximité de la résiliation décidée mais non encore notifiée - point qui a été examiné ci-avant - et de ne pas tromper son cocontractant en lui laissant croire à la poursuite et à la pérennité des relations contractuelles par une attitude délibérée dont la preuve n'est pas rapportée en l'espèce ;

Qu'en toute hypothèse les éléments produits ne permettant pas de déterminer précisément la date à laquelle a été arrêtée par la société Fiat sa décision de mettre fin aux contrats de concession litigieux moins encore d'établir que cette décision aurait été prise longtemps avant les notifications faites le 7 août 1996, étant observé que le nouveau contrat de concession pour les deux secteurs de Rouen exploités auparavant par les sociétés Albion et Juventus n'a été signé avec la société SNIA que le 5 octobre 1997 ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient Madame Pascual ès qualités, la société Fiat n'était pas tenue d'accorder aux sociétés Albion et Juventus un préavis de deux ans, conformément au règlement communautaire n° 1475-95 du 28 juin 1995, applicable à compter du 9 octobre 1995, et à l'usage professionnel qui se déduirait de ce règlement ; que ne peut non plus être regardée comme fautive en elle-même la notification de la résiliation, avec le préavis d'un an prévu par le précédent règlement d'exemption n° 123-85 du 12 décembre 1984, sous le régime duquel se plaçaient les contrats de concession conclus par Albion et Juventus, à quelques semaines seulement de la fin de la période transitoire - 1er octobre 1995 au 30 septembre 1996 - prévue par l'article 7 du règlement n° 1475-95 ;

Qu'en effet en premier lieu les règlements d'exemption susvisés n'édictent pas des prescriptions contraignantes, notamment en matière de durée minimale des contrats à durée déterminée ou de durée du délai de préavis, applicables aux contrats postérieurs à leur entrée en vigueur comme, à l'issue d'une période transitoire, à ceux en cours à cette date, mais fixent seulement les conditions auxquelles les contrats de concession exclusive peuvent échapper à l'interdiction édictée par l'article 85-1 du traité CEE et donc à la nullité qui serait encourue de ce chef ;

Que rien ne démontre que la société Fiat aurait résilié les contrats litigieux le 7 août 1996 dans le seul but d'éviter d'avoir à se "mettre en conformité" avec le nouveau règlement et d'échapper ainsi à l'obligation de respecter un délai de préavis de deux ans, alors que les propre pièces - articles de presse en particulier - de Madame Pascual et l'argumentation par ailleurs développée dans ses conclusions tendent à démontrer que les résiliations litigieuses se sont inscrites dans un plan d'ensemble de la société Fiat visant à la réorganisation de son réseau de distribution en France, avec la création de pôles régionaux plus importants et un plus petit nombre de concessionnaires, ce qui s'est traduit par la résiliation d'un grand nombre des contrats de concession alors en cours ;

Qu'en toute hypothèse l'article 7 du règlement n° 1475-95 ayant prévu que celui-ci ne serait applicable aux contrats qu'à l'issue d'une période transitoire se terminant le 30 septembre 1996, la société Fiat n'était pas tenue de consentir aux sociétés Albion et Juventus le préavis de deux ans prévu par ce nouveau règlement ; que, sauf à méconnaître les dispositions transitoires ci-dessus rappelées, il ne peut être soutenu que le concédant aurait été tenu néanmoins de respecter un délai de préavis de deux ans, dès avant le 30 septembre 1996, pour respecter "l'usage professionnel" que consacrerait le règlement susvisé ;

Que, sous couvert de ce prétendu "usage professionnel", le liquidateur des sociétés Albion et Juventus ne peut prétendre donner force obligatoire, pour les contrats en cours, au règlement 1475-95, avant le terme de la période transitoire et écarter la convention des parties prévoyant, en conformité avec le règlement n° 123-85, un préavis d'un an, alors au surplus que le règlement concerné n'a pas pour objet de consacrer ou définir des usages professionnels s'imposant aux concédants ;

Considérant que, pour déterminer la durée minimale du délai de préavis au regard du règlement d'exemption applicable, il y a lieu de se placer au jour de la résiliation ; qu'il n'importe donc qu'en l'espèce le préavis se soit exécuté pour partie au-delà de la période transitoire prévue par le règlement n° 1475-95, dès lors que le 7 août 1996, jour de la résiliation, ce nouveau règlement n'était pas de plein droit applicable aux contrats litigieux, qui étaient en cours d'exécution lors de son entrée en vigueur, le 1er octobre 1995 ; que la circonstance qu'à partir du 1er octobre 1996, toute résiliation d'un contrat de concession conclu antérieurement devait nécessairement, pour remplir les conditions d'exemption, être assortie d'un préavis d'une durée minimale de deux ans n'implique aucunement que le même délai devait être observé dans le cas d'un contrat résilié avant le 1er octobre 1996 avec un préavis devant s'achever postérieurement à cette date ; que le délai de préavis minimal de deux ans prévu par le règlement n° 1475-95 n'est devenu applicable, à compter du 1er octobre 1996, à l'issue de la période transitoire, qu'à ceux des contrats en cours à cette date qui n'avaient pas été résiliés antérieurement ;

Considérant que la circonstance que la société Fiat avait contracté avec la société Juventus depuis moins de quatre ans à la date du 7 août 1996 ne pouvait mettre obstacle à la résiliation du contrat à cette date, alors qu'il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée, non concerné par la durée minimale de quatre ans prévue par le règlement d'exemption n° 123-85, moins encore par celle de 5 ans prévue par le règlement n° 1475-95, non applicable en l'espèce du fait des dispositions transitoires, pour les seuls contrats à durée déterminée ; qu'au surplus les éléments produits, s'ils révèlent que le montage juridique et financier élaboré par Messieurs De Labrousse et Lefèvre pour obtenir la concession du Secteur de Rouen Rive Gauche a été soumis à la société Fiat, qui l'a agréé, ne démontrent nullement que la création de la société Juventus a été suscitée par la société Fiat, ni que celle-ci aurait contraint en fait les dirigeants et actionnaires de la société Albion Auto à créer cette société pour continuer d'exploiter un secteur qui l'aurait été auparavant par Albion Auto ; qu'il apparaît au contraire que Messieurs De Labrousse et Lefèvre ont souhaité, en créant cette nouvelle structure, formant avec Albion Auto un groupe contrôlé à travers la société holding Albion Investissements, s'assurer l'exclusivité de la représentation et de la distribution de la marque Fiat sur l'ensemble de l'agglomération et de la région rouennaise et que c'est d'eux, non de Fiat, qu'est venue la demande ; qu'en commerçant responsable la société Juventus Auto devait apprécier les risques, non imprévisibles et mesurables, découlant de l'indétermination de la durée du contrat souscrit ;

Considérant que c'est sans en rapporter la preuve que le liquidateur des sociétés Albion et Juventus soutient qu'en résiliant les contrats à quelques semaines de la fin de la période transitoire prévue par le nouveau règlement d'exemption 1475-95 et en n'accordant à ses concessionnaires qu'un préavis d'un an, la société Fiat les aurait, sciemment et de manière déloyale, mis dans l'impossibilité en fait de se reconvertir en ce que tous les autres constructeurs détenant des parts de marché comparables ou supérieures à Fiat avaient mis leurs contrats de concession en conformité avec le nouveau règlement, de sorte qu'ils ne pouvaient changer de concessionnaire pour contracter éventuellement avec Albion ou Juventus sans observer un préavis de deux ans, dont le terme ne pouvait coïncider avec celui du préavis d'un an accordé auxdites sociétés ; qu'en effet, il ne résulte d'aucun élément versé aux débats que tous les constructeurs de taille comparable à Fiat faisant distribuer leurs véhicules dans la région rouennaise par des concessionnaires avaient, au 7 août 1996, des contrats de concession en cours prévoyant un délai de préavis de deux ans et pour lesquels aucune résiliation n'avait été notifiée ;

Qu'en toute hypothèse, alors qu'il n'est justifié d'aucune démarche accomplie, au cours du délai de préavis, par les sociétés Albion et Juventus auprès de constructeurs autres que Fiat en vue de reprendre une ou plusieurs concessions, ni même au demeurant, plus généralement, d'aucune démarche concrète en vue de rechercher des solutions de reconversion - les deux concessionnaires s'étant bornés à tenter jusqu'à la fin de la période de préavis d'obtenir que la société Fiat revienne sur sa décision et accepte de poursuivre l'exécution des contrats de concession - Madame Pascual ès qualités ne peut utilement soutenir que la durée du préavis accordé, qui n'a pas été mise à profit, était insuffisante ;

Qu'ainsi qu'il a été dit, il appartenait aux sociétés Albion et Juventus elles-mêmes, non à la société Fiat, de rechercher une solution de reconversion;

Qu'au demeurant la société Albion avait elle-même antérieurement réussi une telle reconversion en devenant concessionnaire Fiat après avoir été concessionnaire British Leyland ;

Considérant que la circonstance que la société Fiat a, jusque dans les mois et semaines ayant précédé la rupture, continué à adresser à ses concessionnaires des courriers commerciaux et des circulaires, dont l'ensemble des concessionnaires du réseau était destinataires, ne peut être regardée comme caractérisant une faute du concédant, auquel aurait pu être reprochée au contraire l'omission d'adresser de tels courriers, dès lors qu'ils se rapportaient à l'exécution normale de contrats de concession qui étaient toujours en cours;

Considérant que Maître Pascual ès qualités invoque encore "les revirements de la société Fiat Auto France concernant la rupture", qui aurait désorganisé les sociétés Albion et Juventus;

Qu'il est vrai qu'alors que la résiliation avait été confirmée encore par un courrier de Fiat du 26 décembre 1996, répondant aux demandes des concessionnaires tendant à ce que la décision prise soit reconsidérée, une lettre de la société Fiat en date du 30 décembre 1996 a demandé à Albion et Juventus d'adresser de nouvelles cautions "suite à la réorganisation du nouveau contrat de concession" ; que, le 22 janvier 1997, les sociétés Albion et Juventus ont seulement répondu que les garanties en vigueur leur paraissaient suffisantes ; que, par courrier du 23 janvier 1997 la société mère Fiat SPA, société de droit italien, répondant à une demande de rendez-vous de Monsieur De Labrousse, a expressément confirmé la décision de résiliation de sa filiale française Fiat Auto (France) ; que cette dernière a elle-même rappelé, par lettre du 27 janvier 1997, que les relations contractuelles cesseraient au terme du préavis en cours puis, répondant au courrier des sociétés Albion et Juventus du 7 février 1997 qui exprimait leur surprise compte tenu des termes de la lettre du 30 décembre 1996 d'où elles avaient déduit que leurs démarches avaient été couronnées de succès, a encore par lettre du 21 février 1997, confirmé sa décision, précisant que le courrier du 30 décembre 1996 résultait d'une erreur ;

Qu'il apparaît que les sociétés Albion et Juventus n'ont pu sérieusement croire que la société Fiat était revenue sur sa décision, puisque le courrier du 30 décembre 1996 était censé faire suite à la régularisation d'un nouveau contrat de concession dont les sociétés Albion et Juventus savaient bien qu'il n'avait pas été signé ni soumis à leur signature ni même discuté et que leur réaction n'a été ni de réclamer le nouveau contrat ni de fournir les nouvelles cautions réclamées, ce qu'elles n'auraient pas manqué de faire si elle avaient cru à un changement dans la position de Fiat, mais de dire qu'il n'y avait pas lieu de modifier les garanties en cours ; qu'en toute hypothèse le doute, à supposer qu'il ait pu naître, n'a pu durer que trois semaines, au cours desquelles les deux sociétés concessionnaires ne se sont pas manifestées, puisque le courrier de Fiat du 23 janvier 1997, confirmé par deux autres ultérieurs, a définitivement levé toute éventuelle ambiguïté ;

Que cet incident n'a donc pu "désorganiser" les sociétés concessionnaires, leur laissant croire à la poursuite des relations contractuelles nonobstant la résiliation notifiée cinq mois auparavant et compromettant la recherche de solutions de reconversion ; que Madame Pascual ne rapporte pas, par exemple, la preuve de ce que, sur la foi du courrier du 30 décembre 1996, les sociétés Albion et Juventus auraient abandonné une négociation en cours avec d'autres constructeurs ou d'autres partenaires possibles et, en toute hypothèse, ne demande pas réparation du préjudice spécifique qu'aurait entraîné la faute commise à cet égard par le concédant au cours de la période de préavis - faute qui au demeurant n'aurait pu avoir pour effet de rendre rétroactivement abusive la résiliation antérieure des contrats de concession ;

Considérant, s'agissant des griefs contre Fiat relatifs à la période de préavis, qu'ils ne pourraient, à les supposer établis, rendre la résiliation rétroactivement abusive, cependant que Madame Pascual ès qualités ne demande pas réparation du préjudice qu'auraient causé aux sociétés Albion et Juventus les manquements ainsi allégués, puisqu'elle ne demande réparation que des dommages causés par la résiliation abusive des contrats de concession ;

Qu'en toute hypothèse les manquements imputés à Fiat pour ce qui concerne l'exécution des contrats au cours de la période de préavis ne sont pas établis, dès lors que la société Fiat n'était pas tenue d'organiser un " tour de table " ou participer à des négociations - dont Madame Pascual ne précise pas au demeurant quel en eût été l'objet précis - en vue d'assurer la reconversion de ses deux concessionnaires rouennais, que la circonstance que certains salariés des sociétés Albion et Juventus auraient été approchés par le futur concessionnaire Fiat (SNIA), voire par des responsables de Fiat, peut s'inscrire dans la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 122-12 du Code du travail, dont plusieurs salariés des sociétés Albion et Juventus ont réclamé en justice le bénéfice à l'encontre des sociétés SNIA et Fiat et que ces démarches, inexactement qualifiées "tentatives de débauchage" par Madame Pascual, n'ont en toute hypothèse pas abouti, de sorte qu'il n'a pu en résulter aucune désorganisation pour les sociétés concernées, dont au demeurant le liquidateur soutient que la reconversion était impossible, qu'il en va de même de la tentative de reprise par Fiat des véhicules et pièces mis en dépôt ou faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété, postérieure au terme du préavis puisqu'elle a eu lieu le 8 août 1998, et qui en toute hypothèse n'a pu aboutir en raison de l'opposition des dirigeants des sociétés Albion et Juventus, à l'égard desquelles une procédure de redressement judiciaire avait été ouverte, que la rétention des documents nécessaires à l'immatriculation de véhicules, vendues à un client final mais non payés à Fiat alors qu'ils étaient frappés d'une clause de réserve de propriété, était justifiée, qu'il était normal que "l'environnement local" soit averti du changement de concessionnaire Fiat pour la région rouennaise, cependant que la circulaire adressée par le nouveau concessionnaire à des clients de la marque Fiat, laissant entendre que les précédents concessionnaires avaient pu leur donner "le sentiment d'être laissés à l'abandon", ne peut être imputée à Fiat, que rien ne démontre que la publicité nécessairement donnée au changement de concessionnaire aurait été faite dans des conditions laissant supposer la disparition totale des sociétés Albion et Juventus, que la responsabilité de Fiat concernant le contenu des articles de presse produits n'est pas démontrée et qu'enfin il ne peut être reproché à la société Fiat d'avoir utilisé le fichier qu'elle a pu elle même se constituer sur les clients de la marque, ceci n'impliquant nullement un détournement du fichier de clients des sociétés Albion et Juventus et n'ayant pas de surcroît pour effet nécessaire de rendre "inenvisageable" la "restructuration" ou la réorganisation de ces deux sociétés ;

Considérant que, faute par elle de démontrer le caractère abusif de la résiliation des contrats de concession, Madame Pascual ès qualités ne peut obtenir réparation du préjudice qui en serait la conséquence, tant pour les sociétés Albion et Juventus que pour leurs créanciers, en ce que cette rupture aurait entraîné le "dépôt de bilan" des sociétés Albion et Juventus et empêché toute réorganisation ou reconversion de celles-ci ;

Qu'au surplus, il n'est nullement démontré que la cessation des paiements des sociétés Albion et Juventus, déclarée dès avant le terme du préavis, leur mise en redressement judiciaire et leur liquidation judiciaire ultérieure seraient la conséquence nécessaire de la rupture des contrats de concession, dès lors qu'il apparaît que lesdites sociétés n'ont pas réellement recherché une solution alternative, que leur situation financière n'était pas bonne, ainsi que le fait apparaître le rapport de l'expert comptable Ollivier-Lamarque, du fait notamment de la société Univers Auto, dont la société Albion Auto avait racheté la quasi-totalité des parts en août 1995 alors qu'elle présentait une situation nette négative, de sorte que la société Albion Auto s'est trouvée très fortement endettée et a connu une trésorerie négative dès 1995 et plus encore en 1996, cependant que le bilan économique et social établi par Monsieur Blery, administrateur judiciaire, révèle, pour la société Juventus Auto, une perte de 1 014 000 F au 31 juillet 1997 ; qu'il apparaît au contraire qu'en réalité, si la rupture des contrats de concession, non suivie de la recherche de solutions de reconversion - il convient de rappeler à cet égard que la société Albion Auto avait pu antérieurement opérer une telle reconversion en passant d'une concession British Leyland à la concession Fiat - a pu précipiter la mise en redressement judiciaire, celle-ci n'aurait sans doute pas pu être évitée, même si l'exécution des contrats de concession s'était poursuivie et en dépit des bons résultats commerciaux obtenus que la situation financière du "groupe Albion", considéré dans son ensemble, ne permettait pas aux sociétés Albion et Juventus, compte tenu notamment de la situation d'Univers Auto, société en nom collectif dont Albion et Juventus étaient les associés uniques, et des avances non provisionnées, à la société civile immobilière La Cauchoise, et à défaut d'une substantielle recapitalisation et d'une restructuration qui n'étaient pas envisagées, d'échapper longtemps encore à l'ouverture d'une procédure collective ;

Sur la demande de Madame Pascual ès qualités tendant à la remise sous astreinte des éléments permettant le calcul des primes MOS pour 1996 et 1997

Considérant que, les sociétés Albion et Juventus ayant eu connaissance des éléments de calcul de la prime MOS (Minimuin Operating Standard) pour l'année 1996, à propos de laquelle elle n'avaient formulé aucune observation ni contestation et ne pouvant prétendre à une telle prime au titre de l'année 1997, les contrats de concession ayant cessé d'avoir effet le 8 août 1997, avant la fin de l'année considérée, leur liquidateur n'est pas fondé en sa demande de ce chef ;

Sur les demandes de Messieurs De Labrousse et Lefèvre

Considérant qu'en l'absence de faute démontrée de la société Fiat ayant un lien de causalité directe avec la liquidation judiciaire des sociétés Albion et Juventus, MM. De Labrousse et Lefèvre ne peuvent obtenir réparation du préjudice qu'ils auraient personnellement souffert du fait de cette cessation d'activité ;

Sur les demandes reconventionnelles de la société Fiat contre Madame Pascual ès qualités

Considérant que, la société Fiat ne justifiant pas avoir régulièrement déclaré, au passif des sociétés Albion et Juventus, la créance de dommages-intérêts qu'elle invoque à raison d'actes de dénigrement et de manquements à l'exécution de bonne foi des contrats pendant la période de préavis, sa demande de ce chef est irrecevable, sa créance se trouvant éteinte par application de l'article 53 de la loi du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-46 du Code de commerce, s'agissant d'une créance ayant son origine antérieurement au jugement d'ouverture ; que le jugement critiqué sera donc confirmé en ce qu'il a écarté ce chef de demande.

Sur l'utilisation illicite par les sociétés Albion et Juventus de la marque Fiat et des signes distinctifs du groupe Fiat après la cessation des relations contractuelles

Considérant que c'est avec raison que les premiers juges ont constaté la faute commise de ce chef par les sociétés Albion et Juventus, alors en redressement judiciaire, durant de nombreuses semaines, et condamné le liquidateur desdites sociétés à en réparer les conséquences dommageables, les faits visés par la société Fiat sur ce point, commis en violation de l'article 8 de chacun des contrats de concession obligeant le concessionnaire à enlever à ses frais de ses installations tous panneaux, enseignes et publicités relatifs à la marque Fiat dès la cessation du contrat pour quelque cause que ce soit "sous peine d'une pénalité de 1000 F par jour de retard multiplié par le nombre d'emplacements où les violations auraient été commises", étant établis par les procès-verbaux de constat dressés les 11 septembre et 6 octobre 1997 par la SCP Mariscal et Cesari, huissiers de justice ;que ces infractions ont été constatées tant dans les locaux de la société Albion Auto à Bapeaume-Lès-Rouen que dans ceux de la société Juventus Auto à Rouen, 26 rue Lafayette et cours Clemenceau ;

Que, compte tenu du nombre de jours (35+25) et du nombre d'emplacements mentionnés dans les constats (5 et 12 pour Albion - 5 et 3 pour Juventus) il est dû de ce chef par Madame Pascual ès qualités, qui ne soutient pas que cette peine serait manifestement excessive, une indemnité de 225 000 F, soit 34 301,03 euro pour Albion et de 250 000F, soit 38 118,25 euro pour Juventus, à quoi il convient d'ajouter 150 euro par société pour l'émission ou l'utilisation de factures ou documents portant la marque Fiat, l'article 8 susvisé des contrats de concession ne précisant pas l'indemnité dûe à raison de ce mode d'utilisation illicite de la marque Fiat ;

Sur les dommages-intérêts réclamés à raison de l'inertie de la société Albion Auto et de Monsieur Blery ès qualités

Considérant qu'il n'est pas établi que c'est en raison de l'inaction ou de l'abstention fautives de la société Albion Auto et de son administrateur judiciaire, Monsieur Blery, que la société Espace Auto a continué d'utiliser les panneaux et enseignes de la marque Fiat et d'utiliser cette marque ; qu'au surplus le préjudice causé par cette utilisation ne se distingue pas réellement de celui causé par l'utilisation illicite dont la société Albion Auto s'est elle-même rendue coupable, préjudice réparé par l'allocation d'une indemnité de 34 451,03 euro ;

Sur la demande de la société Fiat contre M. De Labrousse

Considérant que la société Fiat réclame la somme de 1 000 000 F (152 449,01 euro) à Monsieur De Labrousse, au motif que celui-ci ne justifie pas l'avoir déposée en compte courant et maintenue jusqu'à la date du jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Juventus Auto, comme il s'y était obligé par acte du 15 février 1993 ;

Considérant qu'il résulte d'un acte en date du 15 février 1993, dont il n'est pas contesté qu'il porte la signature de Monsieur De Labrousse, sous la mention manuscrite : " Lu et approuvé. Bon pour convention de blocage en compte courant et caution solidaire à hauteur de 1 000 000 F (1 million de francs) en principal outre intérêts et accessoires ", que :

" le soussigné s'engage par les présentes envers la société Fiat Auto (France)... à déposer en compte courant et à ne demander (sic) le remboursement des avances faites par lui à la société Juventus Automobiles... qu'après complet paiement par la société Juventus Auto de toutes ses dettes, tant privilégiées que chirographaires.

Les sommes avancées par le soussigné figurent au bilan de la société Juventus Auto sous la rubrique compte courant associés pour un montant de 1 000 000 F.

Le soussigné s'engage à fournir à tout moment à la société Fiat Auto (France) SA la preuve de la tenue de ses engagements...

Au cas où le soussigné, malgré le présent engagement, ne déposait pas la somme susmentionnée et demandait ou obtenait de la société Juventus Auto le remboursement de son avance, avant que tous les créanciers de la société Juventus Auto aient été intégralement payés, le soussigné sera débiteur personnel conjointement et solidairement avec la société envers la société Fiat Auto (France) SA des sommes dues par la société à la société Fiat Auto (France) SA.

Le montant des sommes cautionnées sera toutefois limité au montant des sommes non déposées par Monsieur De Labrousse et Monsieur Lefèvre ou remboursées à Monsieur De Labrousse et Monsieur Lefèvre par la société Juventus Auto.

La preuve du défaut de versement des avances à la société Juventus Auto ou de leur remboursement par cette même société se fera par tous moyens... "

Considérant que Monsieur De Labrousse, mis en demeure par la société Fiat, par courrier recommandé du 16 octobre 1997 dont il a signé l'avis de réception le 21 octobre 1997, de justifier par une attestation du commissaire aux comptes de la société Juventus qu'il avait effectivement maintenu la somme de 1 000 000 F sur son compte courant d'associé jusqu'au 1er août 1997, date du jugement d'ouverture de la procédure collective, a répondu le 29 octobre 1997 par son conseil, Maître Max Cozette, que le cumul du compte courant d'associé dans les livres de la société Juventus s'élevait à 1 565 694 F au 31 décembre 1996, qu'à cette date il avait été transformé en prêt et qu'au 1er juillet 1997 il restait du 1 080 378 F au titre de ce prix ;

Que la société Fiat a demandé confirmation de ces informations, ainsi que la communication d'éléments sur l'évolution du compte courant de Monsieur De Labrousse jusqu'au 1er août 1997, par deux courriers recommandés avec demandes d'avis de réception adressés le 23 octobre 1998 (AR du 28 octobre 1998) puis le 27 novembre 1998 (AR du 1er décembre 1998) à Monsieur Ahmadat, commissaire aux comptes de la société Juventus Auto et demeurés sans réponse ;

Considérant que c'est vainement que Monsieur De Labrousse persiste à soutenir qu'il ne s'est pas personnellement engagé par l'acte du 15 février 1993, qu'il n'aurait signé qu'en sa qualité de représentant légal de la société Juventus, laquelle serait seule obligée, dès lors que le contenu même de l'acte implique nécessairement un engagement personnel de sa part, un acte par lequel la société Juventus se serait engagée à déposer et maintenir une somme en compte courant dans ses livres pour garantir ses propres dettes n'ayant aucun sens, l'acte du 15 décembre 1993 précisant que les sommes "avancées par le soussigné" figurent au bilan sous la rubrique "compte courant associés" et que l'obligation solidaire du soussigné sera limitée aux "sommes non déposées par Monsieur De Labrousse et Monsieur Lefèvre" et Monsieur De Labrousse n'ayant pas, à réception de la mise en demeure de Fiat, contesté l'obligation personnelle résultant pour lui de l'acte du 15 février 1993, faisant répondre en substance par son avocat qu'elle avait été exécutée ;

Que les énonciations de l'acte ci-dessus rappelées désignent de manière suffisamment explicite le débiteur cautionné comme étant la société Juventus Auto, contrairement à ce que soutient Monsieur De Labrousse en isolant artificiellement une phrase dans laquelle la dénomination " Juventus Auto " n'a pas été reprise : " Le soussigné sera débiteur... avec la société envers la société Fiat Auto (France) SA " cette omission s'expliquant aisément tant l'identité de la société paraissait évidente compte tenu de ce qui précédait ;

Considérant que Monsieur De Labrousse, auquel l'acte fait obligation de rapporter lui-même la preuve de l'exécution de son engagement, ne le fait pas, se bornant à indiquer que "il existe au compte courant d'associés un montant à la date du redressement judiciaire de 1 080 378,78 F (état des créances Juventus communiqué). Ce compte courant est actuellement possédé par la SA Albion Investissements";

Que cette indication ne fait que confirmer que, ainsi que le relevait la société Fiat dans une nouvelle lettre adressée le 16 juin 1999 à Maître Cozette, le prêt de 1 565 694 F à la société Juventus ne résultait pas de la transformation du compte courant d'associé de Monsieur De Labrousse dans les livres de cette société à la date du 31 décembre 1996 - ce qu'avait indiqué inexactement Maître Cozette dans sa réponse à Fiat du 29 octobre 1997 - mais avait été consenti le 1er janvier 1996 par la société Albion Investissements, ainsi qu'il résulte de l'annexe aux comptes annuels de la société Juventus et du rapport des experts-comptables Renée et Martini, en accord sur ce point avec la note d'analyse rédigée par Monsieur Ollivier-Lamarque à la demande de la société Fiat ; qu'il apparaît donc que, à la date du 1er août 1997, Monsieur De Labrousse n'avait pas lui-même maintenu, au besoin sous la forme d'un prêt, à supposer qu'il l'ait effectivement déposée, une avance de 1 000 000 F à la société Juventus, dont il était associé ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient encore Monsieur De Labrousse, la société Fiat est fondée à mettre en œuvre l'engagement souscrit à son profit, que c'est en effet par un raisonnement spécieux, exempt de bonne foi, qu'il fait valoir que cette mise en œuvre serait subordonnée à deux conditions cumulatives ; qu'en effet, si la phrase : " au cas où le soussigné ne déposait pas la somme sus-mentionnée et demandait ou obtenait de la société Juventus Auto le remboursement de son avance... " devait être interprétée comme exprimant deux conditions cumulatives, cette stipulation serait contraire à la plus élémentaire logique et ne pourrait produire aucun effet, puisque la somme qu'elle concerne ne peut être remboursée qu'autant qu'elle a été préalablement déposée, de sorte que l'hypothèse visée dans cette clause, à s'en tenir à une interprétation littérale du mot "et", reliant les deux branches, est une hypothèse impossible ; que cette clause doit donc être interprétée dans le sens avec lequel elle peut avoir quelque effet et compte tenu du sens qui résulte de l'acte entier, révélant la commune intention des parties, conformément aux articles 1156, 1157, 1158 et 1161 du Code civil, c'est-à-dire comme exprimant deux conditions alternatives : ne pas avoir déposé la somme ou en avoir demandé ou obtenu le remboursement ;

Qu'enfin Monsieur De Labrousse n'est pas fondé à soutenir que le cautionnement par lui souscrit, bien antérieur à la résiliation puisque donné quelques mois seulement après la conclusion du contrat de concession entre Fiat et Juventus, n'aurait pas été mis en œuvre sans les fautes de la société Fiat, puisqu'il a été dit plus haut que la preuve n'était pas rapportée contre Fiat du caractère abusif de la résiliation ni, plus généralement, de fautes en relation directe avec la mise en redressement judiciaire, puis en liquidation de cette société et, par suite avec le préjudice subi tant par la société Juventus elle-même que par ses créanciers du fait de l'insuffisance d'actif ;

Que la société Fiat justifie, par ailleurs, que sa créance sur la société Juventus Auto a été déclarée et admise provisoirement à titre chirographaire au passif de cette société, pour un montant de 4 683 224,53 F, inscrit à l'état provisoire des créances "hors article 40" au 2 juin 1999 que cette créance a été ramenée depuis lors, compte tenu des reprises opérées et d'un paiement partiel, à la somme non contestée de 2 089 392,40 F, soit 318 525,82 euro ; que cette somme excédant le montant de l'avance en compte courant que Monsieur De Labrousse s'était engagé à déposer et maintenir dans les livres de la société Juventus jusqu'au complet désintéressement des créanciers de celle-ci, la société Fiat est en droit de réclamer à Monsieur De Labrousse le paiement à son profit de la somme d'1 000 000 F, soit 152 449,01 euro, avec les intérêts au taux légal à compter de la demande en justice qui en a été faite par conclusions du 1er décembre 1999, le courrier de Fiat du 16 octobre 1997, reçu le 21 octobre suivant par Monsieur De Labrousse, contenant mise en demeure de justifier de l'exécution de son obligation de dépôt et de maintien de la somme de 1 000 000 F sur son compte courant d'associé dans les livres de la société Juventus, mais non mise en demeure de payer à la société Fiat ladite somme, de sorte que la réception de ce courrier recommandé n'a pu faire courir les intérêts moratoires ;

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile

Considérant que Madame Pascual ès qualités et Messieurs De Labrousse et Lefèvre, parties perdantes, devront supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel, ce qui entraîne le rejet de leurs demandes, fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'équité ne commande pas d'allouer une somme en application de ce texte à la société Fiat ;

Par ces motifs, - Réforme le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Fiat Auto (France) à payer à Monsieur Thirion, en sa qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Albion Auto et Juventus Auto, les sommes de 3 348 000 F et 3 749 000 F, en ce qu'il a condamné Monsieur Thirion ès qualités à payer à la société Fiat Auto (France) les somme de 30 000 F et 30 000 F, en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la somme de 1 000 000 F formée par la société Fiat Auto (France) contre Monsieur Guy De Labrousse et en ce qu'il a statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant, - Ecarte la fin de non-recevoir opposée par la société Fiat Auto (France) aux demandes de Madame Pascual ès qualités tendant à la réparation du préjudice des sociétés Albion Auto et Juventus Auto, - Condamne Madame Pascual à payer à la société Fiat Auto (France) : * ès qualités de liquidateur de la société Albion Auto la somme de 34 451,03 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2000 sur la somme de 4 573,47 euro (30 000 F) et à compter de ce jour sur le surplus, * ès qualités de liquidateur de la société Juventus Auto la somme de 38 262,25 euro, avec les intérêts au taux légal à compter du 29 mars 2000 sur la somme de 4 573,47 euro (30 000F) et à compter de ce jour sur le surplus. - Condamne Monsieur Guy De Labrousse à payer à la société Fiat Auto (France) la somme de 152 449,01 euro, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1999, - Déboute Madame Pascual ès qualités de l'ensemble de ses demandes, - Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur d'aucune des parties, - Déboute les parties de toutes autres demandes, Condamne in solidum Madame Pascual ès qualités, Monsieur De Labrousse et Monsieur Lefèvre aux dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Bernabé-Chardin-Cheviller, avoué, au bénéfice de l' article 699 du nouveau Code de procédure civile.